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Décisions | Chambre civile

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C/6662/2022

ACJC/1660/2023 du 05.12.2023 sur OTPI/824/2022 ( SDF ) , CONFIRME

Normes : CC.273.al1; CC.273.al2; CPC.152.al2; CP.179ter.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6662/2022 ACJC/1660/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 5 DÉCEMBRE 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'une ordonnance rendue par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 7 décembre 2022, intimée sur recours formé contre une ordonnance rendue par la 5ème Chambre du Tribunal le 8 décembre 2022, représentée par Me Bénédicte AMSELLEM-OSSIPOW, avocate, SAUTTER 29 AVOCATS, rue Sautter 29, 1205 Genève,

et

Monsieur B______, domicilié c/o C______ [résidence sociale], ______, recourant et intimé, représenté par Me Aurélie GAVILLET, avocate, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève.

 


 


EN FAIT

A.           a. Les époux A______, née le ______ 1981 à D______, et B______, né le ______ 1981 à E______ (Tunisie), ont contracté mariage le ______ 2019 à F______ (Tunisie).

b. Une enfant est issue de cette union, G______, née le ______ 2021 à Genève.

c. En date du 4 février 2022, statuant sur mesures superprovisionnelles à la requête de A______, le Tribunal de première instance a ordonné l'expulsion de B______ du domicile familial et fait interdiction à celui-ci d'approcher son épouse à moins de 100 mètres, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.

Par ordonnance du 26 avril 2022, statuant sur mesures provisionnelles après audition des parties, le Tribunal a donné acte à B______ de son engagement de respecter les mesures d'éloignement jusqu'à droit jugé sur le fond, en l'y condamnant en tant que de besoin.

d. Par acte du 31 mars 2022, A______ a formé une demande en divorce unilatérale pour justes motifs (art. 115 CC), concluant à ce que le Tribunal prononce le divorce des parties, lui attribue l'autorité parentale et la garde sur l'enfant G______, dise que l'exercice du droit aux relations personnelles entre G______ et son père s'exercerait par communication visuelle au moyen d'un service de messagerie ou de visioconférence, attribue à elle-même les droits et obligations portant sur le logement familial, condamne B______ à contribuer à l'entretien de la mineure G______ et condamne celui-ci à lui verser une indemnité équitable de prévoyance.

A l'appui de sa demande, elle a notamment produit deux retranscriptions d'échanges téléphoniques avec son époux, traduites en français (pièces 10 et 21), à l'appui d'allégués selon lesquels B______ aurait travaillé comme livreur sans l'en informer, malgré son état de santé lui interdisant de conduire, et saisirait l'occasion des visioconférences avec sa fille pour aborder d'autres sujets, sans rapport avec les relations personnelles.

e. Dans sa réponse, B______ s'est opposé à la demande, contestant l'existence de justes motifs au sens de l'art. 115 CC.

Il a en outre conclu à ce que les pièces 10 et 21 produites par son épouse soient écartées de la procédure, dès lors que les conversations téléphoniques qui y étaient retranscrites avaient été enregistrées sans son autorisation.

f. A l'audience de conciliation et de comparution personnelle du 27 juin 2022, le Tribunal a limité la procédure à l'existence de justes motifs au sens de l'art. 115 CC.

g. Un échange d'écritures s'en est suivi, au cours duquel les parties ont persisté dans leurs conclusions.

B______ a notamment reconnu avoir travaillé comme livreur en 2021. A______ a allégué que son époux lui aurait déclaré avoir l'intention de divorcer en Tunisie, se référant à ce propos à l'un des entretiens téléphoniques dont elle avait produit la retranscription (pièce 10).

h. A la demande du Tribunal, le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après : le SEASP), a établi un rapport d'évaluation sociale le 23 novembre 2022, au terme duquel il a recommandé de maintenir l'autorité parentale conjointe sur l'enfant G______, d'attribuer la garde de l'enfant à sa mère, de limiter l'autorité parentale du père concernant les aspects administratifs et médicaux de la prise en charge de G______, de réserver au père un droit de visite à quinzaine, au Point Rencontre, en modalité "un pour un", ainsi qu'un appel vidéo tous les deux jours, d'instaurer une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, d'inviter B______ à entreprendre un suivi médical approprié à son état, soit un suivi en addictologie, et d'exhorter ce dernier à procéder à des analyses permettant de détecter la consommation d'alcool.

Il ressort dudit rapport que A______ prend en charge de manière prépondérante G______ depuis sa naissance et de manière adéquate. En ce qui concerne les relations personnelles entre B______ et sa fille, celles-ci s'exercent à raison d'appels vidéo quasi-quotidiens, ce qui, compte tenu du bas âge de l'enfant, constitue une forme d'échange limitée. Le SEASP relève que B______ est d'accord avec un droit de visite supervisé, par exemple au Point Rencontre. Il rencontre des difficultés en lien avec sa santé physique et psychique (épilepsie), ainsi qu'en raison de son addiction (alcool). B______ se trouve dans un contexte de précarité socio-économique, qui renforce l'ensemble de ses fragilités; son état médical et sa situation sociale rendent impossible la mise en œuvre d'un droit de visite libre. D'après les informations transmises par son médecin-traitant, B______ a été adressé à un service d'addictologie. Il n'est cependant pas possible de savoir s'il a donné suite à ce suivi.

i. A l'audience de débats d'instruction, de débats principaux et de premières plaidoiries du 5 décembre 2022, les époux ont persisté dans leurs conclusions sur le fond.

i.a B______ a une nouvelle fois contesté la recevabilité des retranscriptions d'entretiens téléphoniques produites par son épouse, concluant subsidiairement à ce qu'il soit ordonné à celle-ci d'en produire une traduction certifiée conforme de l'arabe en français.

A______ s'est déclarée d'accord de produire une telle traduction.

i.b Simultanément B______ a requis le prononcé de mesures provisionnelles tendant à ce que le Tribunal instaure le droit de visite en Point Rencontre préconisé par le SEASP, ainsi qu'une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles entre lui-même et sa fille.

A______ ne s'y est pas opposée.

i.c A l'issue de l'audience susvisée, le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles, ainsi que sur l'admissibilité des pièces 10 et 21 produites par l'épouse.

B.            a. Par ordonnance OTPI/824/2022 du 7 décembre 2022, notifiée sous forme motivée aux parties le 23 janvier 2023, statuant sur mesures provisionnelles et d'entente entre les époux, le Tribunal a réservé à B______ un droit de visite à quinzaine au Point Rencontre, en modalité "un pour un", instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, transmis le jugement au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant afin qu'il procède à la nomination d'un curateur et réservé la décision finale du Tribunal quant au sort des frais judiciaires.

Le Tribunal a considéré que l'exercice d'un droit de visite en Point Rencontre et l'instauration d'une curatelle de surveillance des relations personnelles, mesures préconisées par le SEASP, étaient dans l'intérêt de l'enfant. A______ ne s'y opposait pas et n'avait pas sollicité d'autres mesures en lien avec les relations personnelles. Il convenait donc de faire droit à la requête.

b. Par acte expédié au greffe de la Cour civile le 2 février 2023, A______ appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Principalement, elle conclut au maintien des mesures provisionnelles ordonnées par le Tribunal et à leur complément, en ce sens qu'il soit ordonné à B______ de lui fournir, ainsi qu'au curateur et aux intervenants du Point Rencontre, la preuve de son suivi médical régulier, en particulier par un service d'addictologie, et de démontrer par un moyen reconnu son absence de consommation d'alcool avant chaque visite en Point Rencontre.

A l'appui de ses conclusions, elle produit deux pièces non soumises au Tribunal.

c. Dans sa réponse, B______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation de l'ordonnance entreprise. Il produit également deux pièces nouvelles.

d. Une première visite au Point Rencontre a été fixée au 19 février 2023, mais repoussée d'abord au 5 mars 2023 à la demande de A______, puis au 19 mars 2023 car G______ était malade.

La visite du 19 mars 2023 ne s'est pas bien déroulée, l'enfant pleurant quasiment tout au long de celle-ci, jusqu'à ce qu'elle retrouve sa mère.

Les visites subséquentes, prévues les 2, 16 et 30 avril 2023 n'ont pas eu lieu, A______ ne s'y étant pas présentée avec l'enfant ou étant repartie avec celle-ci avant le début de la rencontre.

e. Le 13 avril 2023, A______ a sollicité la restitution de l'effet suspensif à l'appel s'agissant du chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance rendue sur mesures provisionnelles le 7 décembre 2022, ainsi qu'une expertise portant sur l'adéquation des modalités des relations personnelles prévues par ladite ordonnance.

Elle a notamment produit un courriel de sa sœur daté du 12 avril 2023, dans lequel celle-ci indiquait que l'enfant G______, qui n'avait plus revu son père depuis plus d'un an, avait abondamment pleuré lors de la visite du 19 mars 2023, ne se calmant que dans les bras de l'intervenant et se détournant de son père. L'enfant s'était également mise à pleurer lorsque sa mère l'avait laissée chez sa grand-mère le lendemain, alors qu'elle était pourtant habituée à ce mode de garde. Lors de la visite du 2 avril 2023 l'enfant s'était mise à hurler dès qu'elle avait reconnu le Point Rencontre, puis avait vomi; A______ était par conséquent repartie avec la mineure, en accord avec l'intervenante du Point Rencontre. Depuis lors, l'enfant avait régressé dans son développement, notamment s'agissant du langage, et avait peur des personnes qu'elle ne connaissait pas.

f. Dans ses déterminations sur effet suspensif et sur expertise du 1er mai 2023, B______ s'est opposé à la requête.

g. Par arrêt ACJC/614/2023 du 15 mai 2023, la présidente de la Chambre civile a ordonné la suspension du caractère exécutoire attaché au chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance OTPI/824/2022 rendue le 7 décembre 2022 et dit qu'il serait statué sur la requête d'expertise ainsi que sur les frais dans l'arrêt à rendre sur le fond.

Elle a considéré notamment que la réaction de l'enfant G______, âgée de moins de deux ans, ne lui permettait pas de profiter du temps qu'elle devrait passer avec son père et que cette situation, si elle devait perdurer, risquerait de mettre en péril son bon développement.

h. Les parties n'ont pas répliqué, ni dupliqué sur le fond de l'appel.

i. Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 15 mai 2023.

C.           a. Par ordonnance ORTPI/1407/2022 du 8 décembre 2022, notifiée aux parties le 12 décembre 2022, le Tribunal a notamment déclaré recevables les pièces 10 et 21 produites par A______ et imparti à celle-ci un délai pour produire une traduction écrite, certifiée conforme, des conversations téléphoniques retranscrites dans lesdites pièces.

Il a considéré que les faits relatifs aux motifs du divorce devaient être établis d'office en application de la maxime inquisitoire, que l'intérêt à l'établissement de la vérité concernant ces motifs reléguait au second plan l'absence d'autorisation à la divulgation des conversations litigieuses et que l'épouse était dès lors en droit de produire de tels moyens de preuve.

b. Par acte déposé au greffe de la Cour civile le 22 décembre 2023, B______ forme un recours contre cette ordonnance, dont il sollicite l'annulation en tant qu'elle déclare recevables les pièces 10 et 21 produites par son épouse.

Principalement, il conclut à ce que lesdites pièces soient déclarées irrecevables et à ce qu'elles soient écartées de la procédure.

A l'appui de son recours, il rappelle les motifs du divorce invoqués et les faits que les pièces 10 et 21 de son épouse sont supposées étayer (allégués n. 3 à 23 du recours, sur un total de 23) et soutient que les pièces en question seraient impropres à démontrer les faits en question ou qu'une telle démonstration ne serait en tout état pas nécessaire.

c. Dans sa réponse, A______ conclut principalement au rejet du recours et à la confirmation de l'ordonnance ORTPI/1407/2022 rendue le 8 décembre 2022.

Préalablement elle conclut à l'irrecevabilité des allégués de fait n. 3 à 23 du recours, au motif qu'il s'agirait de nova.

d. B______ a répliqué, persistant dans les conclusions de son recours.

A______ n'a pas dupliqué.

e. Les parties ont été avisées de ce que la cause état gardée à juger par plis du greffe du 24 avril 2023.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

Interjeté en l'espèce dans le délai utile de dix jours à compter de la notification postérieure de la motivation (art. 142 al. 1, 271 let. a, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC), suivant la forme écrite prescrite par la loi (art. 130 et 131 CPC), à l'encontre d'une décision rendue sur mesures provisionnelles, dans une cause de nature non patrimoniale dans son ensemble, puisque portant sur l'attribution des droits parentaux (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_611/2019 du 29 avril 2020 consid. 1), l'appel formé par l'épouse le 2 février 2023 contre l'ordonnance OTPI/824/2022 rendue le 7 décembre 2022 est recevable.

1.2 Sur appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). Toutefois, les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire, sa cognition est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb, in JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_823/2014 du 3 février 2015 consid. 2.2).

1.3 La présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne les droits parentaux (art. 296 al. 1 et 3 CPC; ATF 147 III 301 consid. 2.2).

La maxime inquisitoire ne dispense cependant pas les parties de collaborer activement à la procédure, notamment en renseignant le juge sur les faits de la cause et en lui indiquant les moyens de preuve disponibles (ATF 128 III 411 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_522/2020 du 26 janvier 2021 consid. 7.1).

2.             2.1 Le recours est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent pas faire l'objet d'un appel (art. 319 let. a CPC) et contre les autres décisions et ordonnances d'instruction de première instance dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (ch. 2).

Dans l'ordonnance ORTPI/1407/2022 du 8 décembre 2022, le Tribunal a déclaré recevables certaines pièces produites par l'épouse. Il a ainsi rendu une ordonnance d'instruction, susceptible de faire l'objet d'un recours aux conditions de l'art. 319 let. b CPC. La doctrine considère que l'admission à la procédure d'une preuve contraire à la loi peut causer un préjudice difficilement réparable, notamment lorsque cette preuve porte atteinte à un droit fondamental (Hofmann/Lüscher, Le Code de procédure civile, 3ème éd., 2023, p. 369; Bastons Bulletti, Petit commentaire du Code de procédure civile, 2021, n. 14 ad art. 319 CPC; Jeandin in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 18 ad art. 296 CPC).

Tel est le cas en l'espèce, la production des retranscriptions de conversations téléphoniques litigieuses portant potentiellement atteinte à la sphère privée de l'époux. L'existence d'un préjudice difficilement réparable doit être admise et la voie du recours est donc ouverte, ce qui n'est pas contesté.

2.2 Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 142 al. 1, 321 al. 2 CPC) et dans la forme prescrite par la loi (art. 130 et 131 CPC), le recours formé le 22 décembre 2022 par l'époux contre l'ordonnance ORTPI/1407/2022 rendue du 8 décembre 2022 est recevable.

Comportant des liens étroits et fondés sur un même complexe de faits, le recours et l'appel seront traités dans un seul arrêt. Par souci de simplification, les parties seront respectivement désignées par leur qualité d'époux, d'épouse, de père ou de mère.

2.3 Sur recours, la cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'art. 277 al. 3 CPC prévoit que le Tribunal établit les faits d'office dans la procédure de divorce, sauf en matière de régime matrimonial et d'entretien après le divorce. Cette disposition prévoit une maxime inquisitoire atténuée, qui s'applique à l'examen des motifs du divorce (Fountoulakis/D'Andrès, Petit Commentaire de procédure civile, 2021, n. 7 ad art. 277 CPC).

3.             3.1 Les pièces nouvelles produites par les parties dans le cadre de l'appel sont recevables, ce qui n'est pas contesté, étant rappelé que dans les causes de droit de la famille concernant des enfants mineurs, dans lesquelles les maximes d'office et inquisitoire illimitée s'appliquent, tous les faits et moyens de preuve nouveaux sont admis en appel, même si les conditions prévues par l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réalisées (ATF 144 III 349 consid. 4.2).

3.2 L'épouse conteste la recevabilité de la plupart des allégués de faits présentés par son époux à l'appui de son recours, au motif qu'il s'agirait de nova prohibés par l'art. 326 al. 1 CPC. Lesdits allégués ne font cependant que rappeler les faits et motifs allégués par l'épouse elle-même dans sa demande en divorce, lesquels seraient susceptibles d'être démontrés par les retranscriptions d'entretien téléphoniques dont l'admissibilité est contestée. On ne distingue dès lors pas en quoi les allégués contestés du recours présenteraient un caractère nouveau, contrevenant à la disposition susvisée. Il n'y a ainsi pas lieu de les considérer comme irrecevables pour ce motif, qui confine à la témérité.

4.             Sur appel, la mère sollicite que le droit de visite surveillé réservé au père de l'enfant dans l'ordonnance OTPI/824/2022 du 7 décembre 2022 soit assorti de conditions supplémentaires, obligeant celui-ci à justifier de la régularité de son suivi médical et de son abstinence alcoolique avant chaque visite. Elle sollicite également une expertise portant sur l'adéquation des modalités des relations personnelles mises en place.

4.1 Aux termes de l'art. 273 al. 1 CC, applicable par renvoi des art. 276 al. 1 CPC et 176 al. 3 CC, le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances.

Le droit aux relations personnelles est conçu à la fois comme un droit et un devoir de ceux-ci (cf. art. 273 al. 2 CC), mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant; il doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci (ATF 131 III 209 consid. 5 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_618/2017 du 2 février 2018 consid. 4.2). A cet égard, il est unanimement reconnu que le rapport de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et qu'il peut jouer un rôle décisif dans le processus de recherche d'identité de l'enfant (ATF 130 III 585 consid. 2.2.2; 127 III 295 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_887/2017 du 18 février 2018 consid. 5.3 et les références).

4.1.1 Le droit aux relations personnelles n'est pas absolu. Si les relations personnelles compromettent le développement de l'enfant, si les père et mère qui les entretiennent violent leurs obligations, s'ils ne se sont pas souciés sérieusement de l'enfant ou s'il existe d'autres justes motifs, le droit d'entretenir ces relations peut leur être retiré ou refusé (art. 274 al. 2 CC). Il importe en outre que cette menace ne puisse être écartée par d'autres mesures appropriées. Si le préjudice engendré pour l'enfant par les relations personnelles peut être limité par la mise en œuvre d'un droit de visite surveillé ou accompagné, le droit de la personnalité du parent non détenteur de l'autorité parentale, le principe de la proportionnalité, mais également le sens et le but des relations personnelles, interdisent la suppression complète du droit auxdites relations (ATF 122 III 404 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_618/2017 du 2 février 2018 consid. 4.2 et les références).

L'une des modalités particulières à laquelle il est envisageable de subordonner l'exercice du droit de visite, par une application conjointe des art. 273 al. 2 et 274 al. 2 CC, peut ainsi consister en l'organisation des visites, avec ou sans curatelle de surveillance, dans un lieu protégé spécifique, tel un Point Rencontre ou une autre institution analogue (arrêts du Tribunal fédéral 5A_618/2017 précité consid. 4.2; 5A_699/2017 du 24 octobre 2017 consid. 5.1; 5A_184/2017 précité consid. 4.1).

4.1.2 Dans la procédure de mesures provisionnelles, il s'agit d'aménager le plus rapidement possible une situation optimale pour les enfants. De longs éclaircissements, notamment par expertise, ne sauraient être la règle, même dans les cas litigieux; ils ne doivent être ordonnés que dans des circonstances particulières (abus sexuels sur les enfants, par exemple; arrêt du Tribunal fédéral 5A_470/2016 du 13 décembre 2016 consid. 4.1.2).

Le juge n'a en principe pas d'obligation de mettre en œuvre la mesure probatoire et peut fonder sa conviction sur d'autres moyens de preuve à sa disposition (arrêt du Tribunal fédéral 5A_905/2011 du 28 mars 2012 consid. 2.5).

4.2 En l'espèce, compte tenu du jeune âge de l'enfant G______ et de l'absence prolongée de relations personnelles entre le père et sa fille, le Tribunal a réservé à celui-ci un droit de visite limité, s'exerçant à quinzaine au Point Rencontre en modalité "un pour un", c'est-à-dire à raison d'une heure par visite en présence d'un(e) intervenant(e). Une seule visite a pu avoir lieu depuis lors, durant laquelle les pleurs de l'enfant l'ont empêchée de reprendre contact et d'entretenir de quelconques relations avec son père. Pour cette raison, la mère ne s'est ensuite plus rendue aux visites avec l'enfant, ou en est repartie avant que la rencontre puisse avoir lieu, avant d'obtenir la suspension du droit de visite ordonné. L'échec de la seule visite susvisée, qui n'apparaît pas imputable au père et peut notamment s'expliquer par le jeune âge de l'enfant, qui n'avait pas revu son père depuis plusieurs mois et ne l'a donc pas forcément reconnu, ne doit toutefois pas conduire à supprimer toute relation personnelle entre celui-ci et sa fille, ce que la mère ne sollicite d'ailleurs pas. L'intérêt de G______ commande au contraire que celle-ci ne soit pas à nouveau privée durablement de tout contact avec son père, même si la reprise des relations peut s'avérer de prime abord difficile. Au-delà du court terme, de telles relations apparaissent en effet nécessaires à son développement, ainsi qu'à la construction de son identité, conformément aux principes rappelés ci-dessus, et les moyens appropriés doivent être mis en œuvre pour y parvenir.

A cet égard, le droit de visite limité prévu par le Tribunal, qui suppose la présence continue d'un intervenant durant les visites, est indéniablement approprié et il ne paraît guère possible, ni nécessaire, de le restreindre davantage. Il n'y a notamment pas lieu de le subordonner à la condition que le père justifie de son suivi médical ou de sa sobriété, étant observé qu'il n'est pas allégué, ni établi, que les visites précédemment planifiées n'auraient pu avoir lieu en raison de l'état de santé ou de l'ébriété du père. Si celui-ci devait par hypothèse se présenter à une visite sans disposer de ses pleines facultés, l'intervenant serait d'ailleurs en mesure de refuser ladite visite ou d'y mettre un terme immédiat, conformément à sa mission. Si le SEASP a effectivement suggéré dans son rapport que le père soit invité à suivre un traitement régulier et à se soumettre à des analyses toxicologiques, il n'a pas préconisé de subordonner l'exercice du droit de visite au respect de telles mesures, ce qui paraît excessif.

Pour l'heure, il convient donc que les parents déploient les efforts nécessaires pour permettre la reprise des relations personnelles entre le père et la fille et effectuent autant de visites, ou de tentatives de visites, qu'il faudra pour y parvenir, selon les modalités prescrites. Aucune expertise de l'adéquation desdites modalités ne saurait par ailleurs être effectuée tant que le droit de visite n'est pas concrètement exercé, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une telle mesure à ce stade. Le SEASP a en outre procédé à une analyse détaillée de la situation des parties avant de déterminer qu'une reprise des relations personnelles entre le père et la fille pouvait être envisagée. Hormis le déroulement insatisfaisant de la seule visite qui a été effectuée, dont on ne saurait tirer d'enseignement définitif, aucun élément ne permet aujourd'hui de remettre en cause les conclusions dudit Service en faveur du droit de visite effectivement réservé au père.

Par conséquent, la mère sera déboutée des fins de son appel; l'ordonnance OTPI/824/2022 contestée sera donc intégralement confirmée.

5.             Sur recours, l'époux reproche au Tribunal d'avoir admis, par ordonnance ORTPI/1407/2022 du 8 décembre 2022, la recevabilité des retranscriptions d'entretiens téléphoniques produites par l'épouse à l'appui de sa demande en divorce pour justes motifs. Il conteste qu'un intérêt prépondérant justifie en l'espèce la production de tels moyens de preuve, obtenus de façon illicite.

5.1 Selon l'art. 152 al. 2 CPC, le tribunal ne prend en considération les moyens de preuve obtenus de manière illicite que si l'intérêt à la manifestation de la vérité est prépondérant.

Cette règle vise tant la preuve obtenue en violation d'une norme de droit matériel, qui protège le bien juridique lésé contre l'atteinte en cause, que celle recueillie en violation d'une règle de procédure (ATF 140 III 6 consid. 3.1).

5.1.1 Sous la note marginale "enregistrement non autorisé de conversations", l'art. 179ter al. 1 CP prévoit que celui qui, sans le consentement des autres interlocuteurs, aura enregistré sur un porteur de son une conversation non publique à laquelle il prenait part, sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.

Un enregistrement effectué à l'insu de la personne enregistrée est constitutif d'une preuve illicite (Schweizer in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 14 ad art. 152 CPC).

5.1.2 La jurisprudence précise que l'utilisation de preuves dites illicites n'est pas exclue en toutes circonstances mais qu'il y a lieu de procéder à une pesée des intérêts en présence. Le juge doit procéder à une pesée de l'intérêt à la protection du bien lésé par l'obtention illicite et de l'intérêt à la manifestation de la vérité (ATF 140 III précité consid. 3.1).

S'agissant du bien lésé, il est généralement admis que l'intégrité physique, psychique ou spirituelle a plus de poids que les valeurs matérielles telles que la propriété ou la possession (Chabloz/Copt, Petit Commentaire du Code de procédure civile, 2021, n. 15 ad art. 152 CPC et les références).

Suivant la maxime qui s'applique à la procédure, la pondération des intérêts en présence change. Ainsi, si la maxime inquisitoire illimitée (p. ex. art. 280 al. 3, 296 al. 1 CPC) s'applique, l'intérêt à la manifestation de la vérité aura tendance à prendre le pas sur la protection du bien lésé (ATF 139 II 7 consid. 6.4.1;
140 III cité consid. 3.2). Au contraire, lorsque la maxime inquisitoire sociale (p. ex. art. 247 al. 2 CPC) ou la maxime des débats s'applique, la protection du bien lésé aura plus de poids (Chabloz/Copt, Petit Commentaire du Code de procédure civile, 2021, n. 16 ad art. 152 CPC et les références). La maxime inquisitoire sociale et la maxime inquisitoire illimitée n'ont cependant pas pour but de favoriser la recherche de la vérité, mais de protéger la partie la plus faible. C'est l'objectif poursuivi par le législateur en protégeant cette partie, et non la maxime applicable en tant que telle, qui peut avoir pour conséquence que l'on accorde plus de poids à la recherche de la vérité que dans d'autres cas. La protection du bien de l'enfant constitue par exemple un tel objectif (Baumgartner, KuKo ZPO, 4ème éd., 2021, n. 23 ad art. 152 CPC). Il faut également tenir compte du fait que le titulaire du bien juridique lésé est soumis ou non à une obligation de coopérer (Baumgartner, op. cit., n. 25 ad art. 152 CPC).

5.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que les entretiens téléphoniques dont l'épouse produit la retranscription ont été enregistrés à l'insu de l'époux, qui y prenait part. Obtenus en violation l'art. 179ter al. 1 CP, ces enregistrements et leurs retranscriptions constituent dès lors des preuves illicites, au sens des dispositions et principes rappelés ci-dessus.

Il s'agit donc de déterminer si l'intérêt de l'épouse à la manifestation de la vérité l'emporte sur la protection du bien juridique lésé, soit en l'occurrence sur la protection de la sphère privée de l'époux. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, un tel bien, de nature immatérielle, jouit en principe d'un poids particulier. Cependant, si la question du principe du divorce, soit notamment des motifs rendant la continuation du mariage insupportable selon l'art. 115 CC, n'est pas soumise à la maxime inquisitoire illimitée, comme l'observe l'époux recourant, elle est néanmoins soumise à la maxime inquisitoire sociale (art. 277 al. 3 CPC); la partie qui se prévaut de tels motifs, soit en l'occurrence l'épouse, est ainsi réputée la partie la plus faible et doit également bénéficier d'une protection accrue, ce d'autant plus que les motifs de désunion relèvent généralement également de la protection de sa personnalité. Il convient également d'observer que le titulaire du bien juridique ici protégé n'est pas un tiers à la procédure, mais l'époux lui-même, lequel est tenu de collaborer à l'administration des preuves (cf. art. 160 al. 1 CPC). Celui-ci n'a donc pas d'intérêt légitime à invoquer la protection de sa sphère privée si de justes motifs de divorce résident précisément dans celle-ci, étant relevé que la production des enregistrements litigieux pourrait notamment lui être ordonnée si ceux-ci se trouvaient en sa possession et si son épouse le requérait. Une exception à la protection du bien protégé doit par ailleurs être admise d'autant plus aisément que les justes motifs invoqués ne pourraient que difficilement être établis autrement.

A ce propos, il apparaît certes qu'une partie des faits allégués par l'épouse ont été admis par l'époux, à savoir qu'il a exercé une activité lucrative à l'insu de celle-ci durant la vie commune, de sorte que l'administration de preuves telles que les retranscriptions litigieuses ne paraît pas nécessaire sur ce point. L'épouse invoque cependant lesdites retranscriptions à l'appui d'autres faits, comme le comportement de l'époux à l'occasion d'appels vidéos avec sa fille et son éventuelle intention de demander le divorce dans son pays d'origine. Ces faits demeurent contestés et sont potentiellement pertinents pour apprécier l'existence de justes motifs de divorce. Or, on ne voit guère comment l'épouse pourrait concrètement en rapporter la preuve par d'autres moyens, le seul interrogatoire des parties n'étant a priori pas suffisant sur ces points. Un intérêt prépondérant de l'épouse à la démonstration desdits faits par le biais des retranscriptions litigieuses doit donc être admis en l'espèce, étant précisé qu'il n'y a pas lieu de déterminer à ce stade si les faits susvisés, s'ajoutant éventuellement à d'autres éléments invoqués par celle-ci, permettent effectivement de retenir l'existence de justes motifs de divorce. On ne saurait davantage examiner ici si le contenu des entretiens téléphoniques litigieux apporte effectivement la preuve des faits allégués en relation avec ceux-ci par l'appelante. Ces questions relèvent en effet du pouvoir d'appréciation et de la décision du juge du divorce, dont on ne saurait préjuger dans le présent arrêt.

5.3 C'est ainsi à bon droit que le Tribunal a admis la recevabilité des retranscriptions d'entretiens téléphoniques litigieuses.

Le recours sera par conséquent rejeté.

6.             Les frais judiciaires d'appel et de recours, comprenant les frais de la décision rendue sur effet suspensif, seront arrêtés à 1'800 fr. au total (art. 23, 31, 37 et 41 RTFMC) et mis à la charge des parties pour moitié chacune, vu la nature familiale du litige et son issue (art. 106 al. 1; art. 107 al. 1 let. c CPC). L'époux plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, il sera dispensé de verser les frais judiciaires à sa charge (art. 122 al.1 let. b CPC), sous réserve de remboursement au sens de l'art. 123 CPC. Ils seront compensés a due concurrence avec l'avance de frais de 1'000 fr. versée par l'épouse (art. 111 al. 1 CPC) et l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, restituera à celle-ci la somme de 100 fr. à titre de remboursement partiel de son avance (art. 122 al. 1 let. c CPC).

Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel et de recours (art. 106 al. 1 et 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 2 février 2023 par A______ contre l'ordonnance OTPI/824/2022 rendue le 7 décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6662/2022.

Déclare recevable le recours interjeté le 22 décembre 2022 par B______ contre l'ordonnance ORTPI/1407/2022 rendue le 8 décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans ladite cause.

Au fond :

Confirme l'ordonnance OTPI/824/2022 rendue le 7 décembre 2022.

Rejette le recours formé contre l'ordonnance ORTPI/1407/2022 du 8 décembre 2022.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel et de recours à 1'800 fr. et les compense à hauteur de 900 fr. avec l'avance versée par A______, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Met lesdits frais à charge des parties pour moitié chacune.

Dit que la part des frais à la charge de B______ est provisoirement supportée par l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 100 fr. à A______.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel et de recours.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Sandra CARRIER


 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), notamment les art. 93 et 98 LTF restreignant le recours contre les décisions préjudicielles et provisionnelles. Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.