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Décisions | Chambre civile

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C/23372/2020

ACJC/1544/2023 du 21.11.2023 sur ORTPI/765/2023 ( OO ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.319.letb.ch2; CPC.126
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23372/2020 ACJC/1544/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 21 NOVEMBRE 2023

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [SZ], recourant d'une ordonnance rendue par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 27 juin 2023, représenté par Me Frédéric SERRA, avocat, HOUSE ATTORNEYS SA, route de Frontenex 46, case postale 6111, 1211 Genève 6,

et

1) B______ SA, c/o C______, Sàrl, ______ [GE], intimée,

2) D______ AG, sise ______ [LU], autre intimée,

3) E______ SA, sise ______ [GE], autre intimée,

Toutes représentées par Me Olivier NICOD, avocat, WALDER WYSS SA, avenue du Théâtre 1, case postale 6069, 1002 Lausanne.


EN FAIT

A. Par ordonnance ORTPI/765/2023 du 27 juin 2023, le Tribunal de première instance a rejeté la requête de suspension de la présente procédure C/23372/2020 formée le 21 avril 2023 par A______.

B. a. Par acte expédié le 10 juillet 2023 à la Cour de justice, A______ recourt contre cette ordonnance.

Il conclut à l'annulation de la décision entreprise et à ce que la Cour ordonne la suspension de la procédure jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur la validité du contrat de vente d'actions du 23 janvier 2019 faisant l'objet des procédures C/1______/2020 et C/2______/2021. Subsidiairement, il sollicite le renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

b. Dans leur réponse commune, B______ SA, D______ AG et E______ SA concluent à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

c. A______ a répliqué en persistant dans ses conclusions.

d. En l'absence de duplique, les parties ont été informées par avis de la Cour du 15 septembre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants, admis par les parties, résultent de la procédure.

a. A______ détenait l'entier du capital-actions des sociétés D______ AG (ci-après : D______) et E______ SA (ci-après : E______), et en était administrateur.

Ces sociétés, dont le siège se situe respectivement à Lucerne et Genève, sont actives dans le domaine pharmaceutique, notamment dans la recherche, le développement, la production et la commercialisation de produits pharmaceutiques et de dispositifs médicaux.

b. Par contrat du 23 janvier 2019 (Share Purchase Agreement), A______ a vendu l'ensemble des actions de D______ et E______ à la société F______ SA devenue par la suite B______ SA (ci-après : B______).

Ce contrat prévoyait notamment la conclusion d'un contrat de travail entre D______ et A______ jusqu'au 30 novembre 2020 (art. 9.2.3) et que celui-ci restait administrateur de E______ et D______ jusqu'au 30 novembre 2021 (art. 10.1).

c. Après signature du contrat de vente d'actions, soit en février 2019, G______ et H______ ont été inscrits au conseil d'administration de D______ et E______, aux côtés de A______. Par la suite, I______ et J______ ont également été inscrits comme administrateurs de D______ et E______, aux mois de juillet et, respectivement, octobre 2020. En mars 2021, G______ et H______ ont quitté leurs fonctions d'administrateur.

d. Lors de leurs assemblées générales du 6 juillet 2020, D______ et E______ ont pris la décision de révoquer A______ de ses mandats d'administrateur, lui reprochant divers manquements. Son contrat de travail a également été résilié le même jour avec effet immédiat. A______ a contesté les reproches qui lui étaient adressés.

S'en est suivi un important litige entre les parties.

e. Par convention du 29 juillet 2020, les parties ont convenu de s'accorder un sursis et de suspendre temporairement leurs différentes actions en cours jusqu'au 30 septembre 2020 en vue de trouver un accord transactionnel.

Durant cette période, les parties se sont notamment engagées à ne pas introduire de nouvelles actions et A______ s'est engagé à ne pas s'immiscer dans les affaires de D______ et E______. Une peine conventionnelle de 250'000 fr. était prévue en cas de violation de la convention.

Aucun accord n'a été trouvé entre les parties à l'issue du délai.

f. Depuis lors, les parties s'affrontent dans plusieurs procédures distinctes, pendantes à Lucerne et à Genève, dont la présente procédure qui porte sur l'exécution de la convention du 29 juillet 2020 (let. g - l infra).

g. Par acte du 27 mai 2021, B______, D______ et E______ ont formé une demande en paiement à l'encontre de A______ tendant au paiement de la somme de 250'000 fr., lui reprochant en substance d'avoir violé la convention du 29 juillet 2020 en étant intervenu dans la gestion de E______ et D______ alors qu'il s'était engagé à s'en abstenir. Elles ont, par conséquent, requis le paiement de la peine conventionnelle prévue par ladite convention.

h. Dans sa réponse, A______ a contesté tout grief élevé à son encontre et a expliqué avoir invalidé le contrat de vente d'actions le 30 septembre 2020.

i. En cours de procédure, les parties ont déposé de nombreuses déterminations spontanées, invoquant des faits nouveaux et soulevant des incidents de procédure.

Par ordonnance du 9 juin 2022, la procédure a été limitée à la question portant sur l'incapacité de postuler soulevée par B______, D______ et E______ à l'encontre du conseil de A______ et la cause a été gardée à juger sur ce point à l'issue de l'audience du 15 mars 2023.

j. Par écritures du 21 avril 2023, A______ a requis la suspension de la procédure jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur la validité du contrat de vente d'actions du 23 janvier 2019 dans le cadre des procédures C/1______/2020 et C/2______/2021 pendantes devant le Tribunal de première instance.

Il a fait valoir que l'invalidité du contrat de vente d'actions et sa caducité ex tunc avaient été reconnues dans diverses procédures connexes opposant les parties, ainsi que par B______ et D______ elles-mêmes dans leurs écritures déposées dans le cadre de ces procédures. Cette invalidation aurait pour conséquence qu'il serait resté propriétaire des actions, que B______ ne serait jamais devenue actionnaire des sociétés et que, par conséquent, les assemblées générales n'auraient pas eu les pouvoirs de le révoquer de ses fonctions d'administrateur ni de nommer les autres membres des conseils d'administration.

A titre de faits nouveaux, A______ a notamment invoqué une décision du Tribunal cantonal lucernois du 2 mars 2023 prononçant la suspension de la procédure actuellement pendante à Lucerne dans l'attente de la décision au fond sur l'invalidation du contrat de vente d'actions (procédures C/1______/2020 et C/2______/2021).

k. B______, D______ et E______ se sont opposées à la suspension de la présente procédure.

l. Le 27 juin 2023, le Tribunal a prononcé l'ordonnance litigieuse rejetant la demande de suspension. Il a considéré que la question de la validité de l'invalidation du contrat de vente d'actions relevait de la présente procédure et que cette question aurait dû être soulevée et instruite à titre préalable si A______ concluait à la caducité du contrat suite à l'invalidation du 30 septembre 2020, ce qui n'avait pas été le cas. Par conséquent, aucun motif d'opportunité ne justifiait la suspension.

EN DROIT

1. 1.1 En tant qu'elle porte sur un refus de suspension, l'ordonnance entreprise entre dans la catégorie des ordonnances d'instruction (ATF 141 III 270 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_453/2021 du 26 juillet 2021 consid. 2) pouvant faire l'objet du recours au sens des art. 319 ss CPC.

A la différence d'une décision d'admission de suspension, le refus de la suspension ne peut faire l'objet que du recours de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, le recourant devant démontrer le préjudice difficilement réparable résultant du refus de suspendre (arrêts du Tribunal fédéral 5A_313/2022 du 15 août 2022 consid. 1.2; 5D_182/2015 du 2 février 2016 consid. 1.3 et la doctrine citée).

Le recours, écrit et motivé, doit être introduit dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 2 CPC).

1.2 Interjeté en temps utile et dans la forme prévue par la loi, le recours est recevable sous cet angle.

1.3 Reste à déterminer si l'ordonnance querellée est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable au recourant au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.

Le recourant allègue qu'à défaut de suspension, la présente procédure pourrait aboutir à une décision contradictoire quant à l'invalidité du contrat de vente d'actions et les effets de celle-ci avec les décisions à rendre à cet égard dans les procédures C/1______/2020 et C/2______/2021. Aussi, en l'absence de suspension, le conseil d'administration actuel de D______ et de E______ continuerait à représenter les sociétés et à agir dans le cadre de la présente procédure, en le privant de ses droits de participation, notamment celui d'exercer son influence sur la marche des affaires. Les décisions prises par les conseils d'administrations actuels de D______ et E______ pourraient s'avérer nulles puisque B______, en cas de confirmation de l'invalidation, n'aurait pas valablement acquis les actions et par voie de conséquence n'était pas habilitée à nommer les conseils d'administration actuels.

1.3.1 La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" au sens de l'article 93 alinéa 1 lettre a LTF (ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2 in SJ 2012 I 77). Constitue un préjudice "difficilement réparable", toute incidence dommageable y compris financière ou temporelle qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. L'instance supérieure doit se montrer exigeante voire restrictive avant d'admettre l'accomplissement de cette condition sous peine d'ouvrir le recours contre toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu : il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (ATF 138 III 378 consid. 6.3 et 137 III 380 consid. 2; Jeandin, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 22 ad art. 219 CPC).

Le préjudice sera considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé, ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (Reich, Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO], Baker/Mackenzie [éd.], 2010, n. 8 ad. art. 319 CPC).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (Spuhler, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3ème éd., 2017, n. 7 ad. art. 319 CPC; Hoffmann-Nowotny, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, 2013, n. 25 ad art. 319 CPC).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision attaquée lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1).

1.3.2 En l'espèce, la présente procédure tend à examiner si le recourant a violé ses obligations découlant de la convention conclue le 29 juillet 2020 et, cas échéant, s'il est débiteur de la peine conventionnelle prévue à concurrence de 250'000 fr.

Le recourant a fait valoir que B______ n'aurait pas valablement acquis les actions de D______ et E______ à la suite de l'invalidation du contrat de vente et que les conseils d'administration respectifs de ces dernières ne seraient pas habilités à représenter ces sociétés ni à agir pour leur compte puisque leur nomination reposerait sur une décision nulle en raison du fait que B______ n'aurait pas valablement acquis les pouvoirs pour procéder à la nomination de nouveaux administrateurs.

Ce faisant, le recourant remet en cause la qualité pour agir, respectivement la capacité d'ester de ses parties adverses. Contrairement à ce qui ressort de l'ordonnance entreprise, ces griefs se rapportent à des questions de recevabilité de la demande qui doivent être examinées d'office à tous les stades de la procédure (art. 59 al. 2 let. c et 60 CPC). En effet, le Tribunal fédéral a eu l'occasion d'indiquer que la question de savoir quelles personnes étaient habilitées à représenter la société anonyme en procédure relevait de la capacité d'ester en justice de celle-ci, soit d'une condition de recevabilité de la demande au sens de l'art. 59 al. 2 let. c CPC (ATF 141 III 80 consid. 1.3). Par ailleurs, les griefs du recourant reposent sur la déclaration d'invalidation du contrat de vente d'actions qui a été alléguée dans ses premières écritures responsives et qui, en tant que telle, n'est pas remise en cause. De surcroît, ces faits ressortent d'autres procédures impliquant les mêmes parties, de sorte qu'il s'agit de faits notoires qui n'ont pas à être prouvés ni allégués, et ne peuvent pas être considérés comme nouveaux (ATF 143 II 222 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2021 du 8 novembre 2021 consid. 2.3).

Cela étant, le refus de suspendre la procédure dans l'attente d'une décision rendue sur cette question dans l'une des causes C/1______/2020 ou C/2______/2021 ne crée pas un préjudice difficilement réparable au recourant. Ce dernier pourra, en effet, faire valoir ses arguments et moyens dans le cadre de la présente procédure. Par ailleurs, il ne fournit aucune explication sur les procédures précitées dans l'attente desquelles il sollicite la suspension, que ce soit sur la nature ou l'objet exact de celles-ci ou encore quant au stade d'avancement où elles se trouveraient, de sorte que l'on ne peut, en l'état, retenir un risque concret de décisions contradictoires. Des décisions dans les différentes procédures pourraient, cas échéant, être rendues en tenant compte du résultat de la procédure la plus avancée. A cet égard, le Tribunal, qui conduit librement la procédure dont il a la charge (art. 124 CPC), dispose de la possibilité de revenir, d'office ou sur demande, sur ses décisions d'instruction et pourra dès lors encore ordonner la suspension s'il l'estime opportun au vu de l'avancement des différentes procédures. Enfin, la décision de refus de suspension pourra, quoi qu'il en soit, être soulevée à l'appui d'un appel contre la décision finale.

Au vu de ce qui précède, il n'existe pas de préjudice difficilement réparable au détriment du recourant.

Le recours sera, par conséquent, déclaré irrecevable.

2. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires du recours (art. 106 al. 1 CPC). Ceux-ci seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 41 RTFMC) et entièrement compensés avec l'avance de frais du même montant fournie par ce dernier, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Le recourant sera en outre condamné aux dépens des intimées, prises solidairement, fixés à 1'000 fr., débours et TVA inclus (art. 105 al. 2 et 106 al. 1 CPC; art. 85, 87 et 90 RTFMC; art. 23 al. 1, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare irrecevable le recours interjeté le 10 juillet 2023 par A______ contre l'ordonnance ORTPI/765/2023 rendue le 27 juin 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23372/2020.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance versée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ SA, D______ AG, et E______ SA, prises solidairement entre elles, la somme de 1'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile aux conditions restreintes de l'art. 93 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.