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Décisions | Chambre civile

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CR/8/2022

ACJC/1000/2023 du 25.07.2023 sur ACJC/1005/2022 ( XCR ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

CR/8/2022 ACJC/1000/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 25 JUILLET 2023

 

Entre

1) Monsieur A______, domicilié ______, Liban,

2) Monsieur B______, domicilié ______, Liban,

3) Madame C______, domiciliée ______, Liban, recourants contre une ordonnance rendue par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 mars 2022, comparant tous par Me Grégoire MANGEAT, avocat, MANGEAT AVOCATS SARL, passage des Lions 6, case postale, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel ils font élection de domicile,

et

D______, sise ______ [GE], intimée, comparant par Me Guillaume VODOZ, avocat, RVMH AVOCATS, rue Gourgas 5, case postale 31, 1211 Genève 8, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

Cause renvoyée par arrêt du Tribunal fédéral du 14 mars 2023


EN FAIT

A. a. E______ était le ______[statut] de la PUBLIC INSTITUTION FOR SOCIAL SECURITY de l'Etat du F______ (ci-après : PIFSS) de 1984 à mai 2012, puis d'octobre 2012 à janvier 2014.

Un important litige oppose les précités, dans le cadre duquel PIFSS reproche à son ancien directeur général de s'être enrichi illégitimement à son détriment durant de nombreuses années, en obtenant le paiement de commissions secrètes sur des investissements effectués auprès d'établissements financiers, dont D______. PIFSS soutient notamment que des commissions auraient été versées sur des comptes ouverts auprès de D______ et détenus par E______ ou par un intermédiaire financier, A______, qui transférait ensuite celles-ci à E______.

b. A teneur des pièces produites en langue arabe et de leur traduction non certifiée, G______ SARL, sise à H______ (Liban), était détenue par les actionnaires A______, également directeur de celle-ci, B______ et C______. Elle a été liquidée, puis radiée du Registre du commerce de H______ en ______[mois] 2018.

Cette société a ouvert un compte bancaire n° 1______ auprès de D______ en mars 2008, qui a été clôturé en décembre 2013. Selon le formulaire A y afférent, A______ était l'unique ayant droit économique de ce compte.

c. En 2012, le Ministère public de la Confédération (ci-après : MPC) a ouvert une procédure pénale à l'encontre de E______ pour notamment soupçons de blanchiment d'argent et de gestion déloyale (procédure n° 2______). PIFSS s'est constituée partie plaignante.

Dans le cadre de cette procédure, D______ a transmis au MPC toute la documentation bancaire relative au compte n° 1______ détenu par G______ SARL.

Par décision du 10 janvier 2017, le Tribunal pénal fédéral a considéré que PIFSS était une entité de nature quasi-étatique, de sorte qu'il existait un risque concret de "transmission intempestive" à l'Etat du F______ de tous documents obtenus dans la procédure pénale n° 2______. Le Tribunal pénal fédéral a donc limité l'accès au dossier de PIFSS, en ce sens qu'elle pouvait uniquement consulter celui-ci dans les locaux du MPC, sans possibilité d'en lever des copies.

d. En 2019, une procédure pénale a été initiée au F______ à l'encontre de E______.

Le 4 janvier 2021, les autorités F______ ont déposé auprès du MPC une requête d'entraide judiciaire internationale en matière pénale (procédure n° 3______) visant l'obtention des documents bancaires produits dans la procédure n° 2______, notamment ceux relatifs au compte n° 1______. A______ s'est opposé à cette requête.

e. En 2019, PIFSS a initié une action civile au Royaume-Uni à l'encontre de E______, ainsi que d'autres défendeurs, dont D______ et A______, par-devant THE SENIOR MASTER OR THE SENIOR COURTS OF ENGLAND AND WALES.

Le 7 février 2022, le Tribunal de première instance a reçu du THE SENIOR MASTER OR THE SENIOR COURTS OF ENGLAND AND WALES une demande d'entraide judiciaire internationale en matière civile, formée le 17 janvier 2022, soit une commission rogatoire au sens de la Convention de La Haye du 18 mars 1970 sur l'obtention des preuves à l'étranger en matière civile ou commerciale (CLaH70; RS 0.274.132), tendant à la fourniture par D______ des documents relatifs au compte n° 4______ détenu par E______ et aux comptes présumés n° 5______, 6______ et 1______ potentiellement ouverts, actuellement ou par le passé, en son sein.

L'annexe n° 2 de cette commission rogatoire comportait la liste des documents requis (notamment les documents d'ouverture de compte, sur la connaissance du client, contractuels, les relevés de comptes, les formulaires d'avis de crédit et débit, les notes de services internes ou encore toutes les communications entre la banque et le bénéficiaire ou les tiers autorisés, les prestataires de services fiduciaires, ainsi que le Procureur général suisse). La transmission de ces documents avait pour but de permettre à D______ de se défendre face aux accusations de PIFSS formulées à son encontre, sans violer le secret bancaire suisse.

La commission rogatoire contenait également un "exposé des questions en litige concernant la procédure", rédigé par l'Etude d'avocats I______ LLP, conseil anglais de D______.

Il ressort de cet exposé que E______ avait uniquement admis, dans le cadre de la procédure anglaise, l'existence de son compte n° 4______ détenu auprès de D______, raison pour laquelle celle-ci ne pouvait pas, en l'état, admettre ou non l'existence de ceux n° 5______, 6______ et 1______.

PIFSS faisait valoir que des commissions secrètes d'au moins 69,6 millions USD avaient été versées à G______ SARL, société appartenant à A______, conformément à un accord d'apporteurs d'affaires conclu entre ce dernier et la banque, puis reversées à E______. PIFSS soutenait que D______ savait que l'accord précité n'était qu'une façade pour le paiement desdites commissions et que le bénéficiaire ultime de celles-ci était E______.

B. a. Par ordonnance du 22 mars 2022, communiquée en vue de notification à D______ et à THE SENIOR MASTER OR THE SENIOR COURTS OF ENGLAND AND WALES le même jour, le Tribunal a ordonné à D______ de produire les documents listés dans l'annexe n° 2 de la commission rogatoire relatifs aux comptes de E______ et de A______ (chiffre 1 du dispositif) et imparti à la banque un délai de deux mois dès la notification de cette ordonnance pour s'exécuter (ch. 2).

Le Tribunal a retenu que D______ avait renoncé à faire valoir le secret bancaire, dès lors qu'elle avait elle-même sollicité la commission rogatoire visant à ce qu'elle fournisse des renseignements. De plus, les ayants droit économiques des comptes bancaires visés étaient parties à la procédure au fond, de sorte qu'ils avaient été vraisemblablement indirectement entendus sur la mesure d'entraide judiciaire requise.

b. D______ a reçu cette ordonnance le 23 mars 2022 et transmis celle-ci à A______ par courrier du 24 mars 2022.

C. a. Par acte expédié le 4 avril 2022 au greffe de la Cour de justice, A______, B______ et C______ ont formé recours contre l'ordonnance susvisée, dont ils ont sollicité l'annulation. Cela fait, ils ont conclu au rejet de la requête d'entraide judiciaire formée par THE SENIOR MASTER OR THE SENIOR COURTS OF ENGLAND AND WALES, visant à l'obtention de documents de la part de D______, sous suite de frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, ils ont conclu à ce que la Cour ordonne au Tribunal de surseoir à statuer sur ladite requête jusqu'à droit jugé dans la procédure d'entraide judiciaire en matière pénale n° 3______ et, en cas de rejet définitif et exécutoire de cette requête d'entraide, rejette la présente requête d'entraide judiciaire en matière civile.

b. Dans ses déterminations, le Tribunal s'en est rapporté à l'appréciation de la Cour quant au fond du recours.

c. Dans sa réponse, D______ a conclu au rejet du recours, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a produit des pièces nouvelles établies antérieurement au 22 mars 2022 et portant sur des faits également antérieurs (n° 1 à 6), ainsi qu'un courrier de son conseil anglais du 5 mai 2022 (n° 7).

d. Par courriers des 20 et 23 mai 2022 adressés à la Cour, A______, B______ et C______ ont sollicité un second échange d'écritures.

Par courrier du 24 mai 2022, la Cour a répondu que, conformément à leur droit de réplique, ils pouvaient faire parvenir leurs éventuelles écritures spontanées selon la jurisprudence en la matière.

e. Par arrêt ACJC/1005/2022 du 22 juillet 2022, la Cour a déclaré recevable le recours interjeté le 4 avril 2022 par A______ contre l'ordonnance du 22 mars 2022 rendue par le Tribunal, a déclaré irrecevable le recours interjeté le 4 avril 2022 par B______ et C______ contre ladite ordonnance, a annulé l'ordonnance précitée et rejeté la demande d'entraide judiciaire internationale en matière civile formée par THE SENIOR MASTER OR THE SENIOR COURTS OF ENGLAND AND WALES et reçue le 7 février 2022, les parties étant déboutées de toutes autres conclusions. Les frais du recours ont été arrêtés à 1'000 fr, mis à la charge de D______, condamnée à les rembourser à A______ ainsi que 1'350 fr. à titre de dépens.

D. Saisi d'un recours formé par D______, le Tribunal fédéral a, par arrêt 4A_389/2022 du 14 mars 2023, admis ledit recours, réformé l'arrêt rendu par la Cour de justice en ce sens que la demande d'entraide judiciaire internationale présentée le 17 janvier 2022 par THE SENIOR MASTER OR THE SENIOR COURTS OF ENGLAND AND WALES était admise, ordre étant donné à UBP SA de produire les documents listés dans l'annexe 2 de ladite commission rogatoire dès réception de l'arrêt motivé. Le Tribunal fédéral a renvoyé la cause à la Cour pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.

E. a. La cause a été réinscrite au rôle de la Cour.

b. Invitée à se déterminer à la suite du renvoi du Tribunal fédéral, D______ a, par écritures du 2 juin 2023, conclu à ce que l'intégralité des frais et dépens de seconde instance soient mis à la charge de A______.

c. Par courrier du 5 juin 2023, A______, B______ et C______ se sont rapportés à justice.

d. Les parties ont été avisées par la Cour par pli du 6 juillet 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. La recevabilité du recours interjeté le 4 avril 2022 par le recourant A______ et l'irrecevabilité de celui formé par B______ et C______ ont déjà été tranchées dans l'arrêt de la Cour du 22 juillet 2022 et n'ont pas été contestées devant le Tribunal fédéral, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y revenir.

1.1 Selon l'art. 107 al. 2 LTF, lorsque le Tribunal fédéral admet le recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision.

En cas de renvoi de la cause par le Tribunal fédéral conformément à l'art. 107 al. 2 LTF, l'autorité inférieure doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants en droit de l'arrêt de renvoi. Le juge auquel la cause est renvoyée voit ainsi sa cognition limitée par les motifs de l'arrêt de renvoi, en ce sens qu'il est lié par ce qui a été tranché définitivement par le Tribunal fédéral (ATF 133 III 201 consid. 4.2 et 131 III 91 consid. 5.2).

Cela signifie que l'autorité cantonale doit limiter son examen aux points sur lesquels sa première décision a été annulée et que, pour autant que cela implique qu'elle revienne sur d'autres points, elle doit se conformer au raisonnement juridique de l'arrêt de renvoi. En revanche, les points qui n'ont pas ou pas valablement été remis en cause, qui ont été écartés ou dont il avait été fait abstraction lors de la procédure fédérale de recours ne peuvent plus être réexaminés par l'autorité cantonale, même si, sur le plan formel, la décision attaquée a été annulée dans son intégralité (ATF 135 III 334 consid. 2.1;
131 III 91 consid. 5.2; 111 II 94 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_251/2008 du 6 novembre 2008 consid. 2 = RSPC 2009 p. 193).

1.2 En l'occurrence, le Tribunal fédéral a réformé l'arrêt rendu par la Cour et lui a renvoyé la cause afin qu'elle statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale.

2. 2.1 Les frais au sens large du terme comprennent les frais judiciaires et les dépens, les cantons en fixent le tarif (art. 95 al. 1 et 96 CPC).

Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (106 al. 2 CPC).

Les frais judiciaires sont compensés avec les avances fournies par les parties. La partie à qui incombe la charge des frais restitue à l'autre partie les avances que celle-ci a fournies et lui verse les dépens qui lui ont été alloués (art. 11 al. 1 et 2 CPC)

Selon l'art. 84 RTFMC, le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse; sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé. L'art. 85 RTFMC dispose quant à lui que pour les affaires pécuniaires, le défraiement prend pour base le tarif prévu; sans préjudice de l'art. 23 LaCC, il peut s'en écarter plus ou moins de 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l'art. 84 RTFMC. Dans les procédures d'appel et de recours, ce défraiement est réduit dans la règle d'un à deux tiers par rapport au tarif de l'art. 85 RTFMC (art. 90 RTFMC).

2.2 En l'espèce, la demande d'entraide civile internationale a été admise, de sorte que le recourant a entièrement succombé. Il se justifie en conséquence de mettre à sa charge les frais de la procédure de seconde instance. Ceux-ci seront arrêtés à 1'000 fr., montant qui n'a pas été remis en cause devant le Tribunal fédéral, entièrement compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève. Le recourant sera dès lors condamné à rembourser le montant de 1'000 fr. à l'intimée, ainsi qu'à lui verser la somme de 1'453 fr. 95 (soit 1'350 fr. auxquels s'ajoutent la TVA) à titre de dépens de recours.

3. Il n'est pas perçu d'émoluments pour la procédure sur renvoi.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur renvoi du Tribunal fédéral :

Arrête les frais judiciaires du recours à 1'000 fr., entièrement compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de A______.

Condamne A______ à verser 1'000 fr. à D______, à titre de remboursement de frais.

Condamne A______ à verser 1'453 fr. 95 à D______, à titre de dépens de recours.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais, ni alloué de dépens pour la procédure consécutive au renvoi de la cause par le Tribunal fédéral

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.