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Décisions | Chambre civile

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C/25813/2020

ACJC/881/2023 du 20.06.2023 sur JTPI/6724/2022 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CO.18.al1; CO.116.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25813/2020 ACJC/881/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 20 JUIN 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 7 juin 2022,
comparant par Me François CANONICA, avocat, CANONICA & ASSOCIES, rue François-Bellot 2, 1206 Genève, en l'Etude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Marc OEDERLIN, avocat, NOMEA AVOCATS SA, avenue de la Roseraie 76A, 1205 Genève, en l'Etude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/6724/2022 du 7 juin 2022, notifié aux parties le 8 juin 2022, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a débouté A______ des fins de sa demande en paiement dirigée contre B______ (ch. 1 du dispositif), mis les frais judiciaires – arrêtés à 20'800 fr. – à la charge de A______, compensé ces frais avec les avances de frais fournies par les parties, condamné A______ à payer à B______ la somme de 600 fr. à titre de remboursement de son avance (ch. 2 et 3), ainsi que la somme de 19'400 fr. à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour civile le 29 juin 2022, A______ appelle de ce jugement, dont il sollicite l'annulation.

Il conclut principalement au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision et subsidiairement à ce que B______ soit condamnée à lui payer la somme de 300'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 30 novembre 2015, avec suite de frais judiciaires et dépens.

b. Dans sa réponse, B______ conclut principalement au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 12 janvier 2023.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ était propriétaire de la parcelle n. 1______ de la commune de C______ [GE], section D______, d'une surface de 3'422 m2, sur laquelle sont érigés deux bâtiments.

b. Désireuse de vendre sa propriété, B______ est entrée en contact avec A______, gestionnaire et courtier en portefeuilles d'assurances.

c. Dans ce cadre, le 22 juillet 2015, A______ et B______ ont conclu une convention aux termes de laquelle le premier s'engageait à verser à la seconde une somme de 300'000 fr., que celle-ci s'engageait à lui rembourser à la vente de son immeuble ou, au plus tard, au terme de la convention, soit le 30 novembre 2015.

d. La somme de 300'000 fr. a été versée à B______ à la fin du mois de juillet 2015, par des proches de A______ à hauteur de 175'000 fr. et par E______ à hauteur de 125'000 fr., les précités agissant pour le compte de A______.

e. Par acte notarié des 12 et 26 novembre 2015, B______ a conclu avec E______ une promesse de vente portant sur la parcelle n. 1______ susmentionnée, pour un prix de 6'950'000 fr., dont 350'000 fr. déjà versés hors la vue du notaire.

f. Simultanément, le 12 novembre 2015, E______ a versé à B______ une somme de 50'000 fr.

g. La vente de la parcelle n. 1______ à E______ n'a pas abouti.

h. B______ n'a pas restitué la somme de 300'000 fr. à A______, ni la somme de 50'000 fr. à E______.

Elle a par la suite vendu sa propriété à une société tierce.

i. Au mois de juillet 2017, A______ a fait notifier à B______ un commandement de payer pour la somme de 372'500 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 24 novembre 2015, au titre de l'"acompte versé sur promesse de vente des 12 et 26 novembre 2015 non exécutée".

B______ a formé opposition à ce commandement de payer.

j. Par courrier de son précédent conseil du 5 septembre 2018, A______ a prié B______ de lui verser la somme de 372'500 fr. plus intérêts à 5% dès le 12 novembre 2015.

k. le 16 juin 2020, A______ a fait notifier à B______ un nouveau commandement de payer, pour la somme de 350'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 5 août 2016, au titre de l'avance de frais consentie à celle-ci selon acte notarié des 12 et 26 novembre 2015, et pour la somme de 22'500 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 5 août 2016, à titre de remboursement de frais de notaire.

B______ a formé opposition à ce nouveau commandement de payer.

D.           a. Par acte du 10 décembre 2020, A______ a saisi le Tribunal d'une demande dirigée contre B______, tendant à ce que celle-ci soit condamnée à lui verser la somme de 300'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 30 novembre 2015.

A l'appui de sa demande, qui comptait dix-huit allégués de fait, A______ exposait avoir prêté la somme de 300'000 fr. à B______, qui ne l'avait pas remboursé à l'échéance convenue.

b. Dans sa réponse, B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

Elle a soutenu que les parties avaient décidé de mettre à néant la convention du 22 juillet 2015 lors de la conclusion de la promesse de vente des 12 et 26 novembre 2015 et de remplacer la première par la seconde. En particulier, dès lors qu'elle avait déjà perçu la somme de 300'000 fr., E______ ne lui avait versé que 50'000 fr au titre de l'acompte de 350'000 fr. convenu dans la promesse de vente. La vente n'ayant pas abouti en raison du défaut de paiement de l'acquéreur, l'acompte versé lui demeurait acquis.

c. Le Tribunal a ouvert des débats d'instruction. A______ a sollicité l'audition des parties et celle de trois témoins, dont E______, sur les allégués 1 à 18 de sa demande.

B______ a sollicité l'interrogatoire des parties et l'audition comme témoins des notaires ayant instrumenté la promesse de vente des 12 et 26 novembre 2015.

d. Par ordonnance de preuves du 22 juillet 2021, le Tribunal a autorisé l'interrogatoire des parties et l'audition des témoins cités par B______.

Le Tribunal a considéré que les noms des témoins cités par A______ n'apparaissaient pas l'acte introductif d'instance, ni dans la convention invoquée par celui-ci, à l'exception d'une seule mention de E______, dans un allégué dont la teneur n'était pas contestée par B______. Le Tribunal a ainsi estimé n'être pas mesure d'apprécier la pertinence des témoignages sollicités par A______, ce d'autant qu'ils devaient porter sur les dix-huit allégués de la demande, dont une douzaine n'étaient pas contestés.

e. Le Tribunal a ouvert des débats principaux. Au cours de son audition, A______ a notamment déclaré avoir su que E______ devait verser 350'000 fr. à teneur de la promesse de vente. B______ lui ayant fait savoir qu'elle n'avait pas la capacité de le rembourser, il avait "alors accepté qu'on utilise les CHF 300'000 fr. comme acompte, mais cela ne li[ait] pas les deux opérations".

Priée par le conseil de A______ d'indiquer le passage de la promesse de vente indiquant la volonté de mettre à néant la convention du 22 juillet 2015, B______ a pour sa part répondu que la promesse de vente ne mentionnait pas cette volonté.

f. Entendu comme témoin, Me F______, notaire, a confirmé avoir instrumenté la promesse de vente des 12 et 26 nombre 2015. Il a notamment déclaré que le montant de 350'000 fr. ne constituait pas un dédit, la promesse de vente étant un acte ferme.

g. Dans leurs plaidoiries finales écrites, les parties ont persisté dans leurs conclusions. Ce faisant, B______ a présenté au Tribunal dix allégués de fait revenant sur le déroulement des opérations entre elle-même, A______ et E______.

h. Les parties ont spontanément répliqué et dupliqué par écrit, persistant dans leurs conclusions. A titre préalable, A______ a conclu à l'irrecevabilité des dix allégués de fait présentés par B______ dans ses plaidoiries écrites, en contestant leur teneur pour le surplus.

i. Le Tribunal a gardé la cause à juger à réception des déterminations susvisées.

j. Dans le jugement entrepris, rédigé sous forme d'attendus et sans rappeler les dispositions légales ni les principes juridiques appliqués, le Tribunal a considéré que A______ avait accepté que la somme de 300'000 fr. remise à B______ soit "utilisée" comme acompte sur le prix de vente de la propriété de celle-ci à E______. En renonçant à réclamer à E______ le paiement du même montant en exécution de la promesse de vente, B______ avait concrètement remboursé A______, qui avait accepté ces modalités de paiement. La question de savoir si E______ était aujourd'hui fondé à réclamer à B______ tout ou partie de la somme de 350'000 fr., dès lors que la vente n'avait pas eu lieu, n'était pas l'objet du présent procès. Il en allait de même de l’éventuelle prétention que A______ pourrait élever contre E______, quel que soit le fondement de ladite prétention. En tous les cas, l'obligation de remboursement sur laquelle se fondait la demande était éteinte par paiement et A______ devait donc être débouté de ses conclusions.

EN DROIT

1.             1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance, lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions atteint 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce, le jugement entrepris est une décision finale et la valeur litigieuse devant le Tribunal s'élevait à 300'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de trente jours, dans la forme écrite prévue par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, et 311 al. 1 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ) l'appel est recevable.

1.3 S'agissant d'un appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2.             L'appelant invoque tout d'abord une violation de son droit d'être entendu, en relation avec la motivation de la décision attaquée et le refus du Tribunal d'entendre les témoins qu'il a cités aux débats. Se plaignant également d'un déni de justice, au motif que ses conclusions préalables en irrecevabilité d'allégués n'auraient pas été examinées, il sollicite principalement le renvoi de la cause au Tribunal pour ces motifs.

2.1

2.1.1 Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. comprend pour l'intéressé celui de se déterminer avant qu'une décision ne soit prise qui touche sa situation juridique, d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 136 I 265 consid. 3.2; 135 II 286 consid. 5.1; 132 II 485 consid. 3.2; 127 I 54 consid. 2b). Le droit d'être entendu ne s'oppose pas à ce que l'autorité mette un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction (arrêt du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 4.1). Il sert à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d'une décision qui touche sa position juridique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_643/2011 du 9 mars 2012 consid. 4.3).

2.1.2 Le droit d'être entendu implique également pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision; il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à ceux qui lui apparaissent pertinents (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 142 II 154 consid. 4.2; 142 III 433 consid. 4.3.2 et les arrêts cités). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_335/2019 du 4 septembre 2019 consid. 3.3 et les références citées). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel, prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst, si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 133 III 235 consid. 5.2; 126 I 97 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 9C_3/2011 et 9C_51/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.1).

2.1.3 La violation du droit d'être entendu entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée (ATF 142 II 218 consid. 2.3 et 2.8.1). Une violation du droit d'être entendu qui n'est pas particulièrement grave peut être exceptionnellement réparée devant l'autorité de recours lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une telle autorité disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité précédente sur les questions qui demeurent litigieuses (ATF 133 I 201 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_897/2015 du 1er février 2016 consid. 3.2.2) et qu'il n'en résulte aucun préjudice pour le justiciable (ATF 136 III 174 consid. 5.1.2).

2.2

2.2.1 En l'espèce, en dépit de l'instruction au fond conduite par le Tribunal, la décision entreprise est rédigée sous forme d'attendus et ne contient ni présentation des faits considérés comme établis, ni rappel des dispositions légales et principes juridiques appliqués. On comprend toutefois des motifs de la décision, tels qu'exposés sous consid. D. let. j ci-dessus, que le Tribunal a considéré que la demande était infondée quel que puisse être son fondement juridique, notamment quelle que soit la qualification des relations entre les parties, et ce à supposer même que les faits allégués par l'appelant soient établis, compte tenu notamment des déclarations faites en audience par ledit appelant. Cette motivation, certes succincte, est néanmoins compréhensible et permet suffisamment à l'appelant de la critiquer devant la Cour de céans, qui dispose d'un plein pouvoir d'examen. Dans son appel, l'appelant parvient notamment à indiquer le fondement de ses prétentions et ne manque pas d'exposer pourquoi il conviendrait d'y faire droit au vu des faits de la cause. Ainsi, la motivation de la décision entreprise ne viole pas le droit d'être entendu de l'appelant, avec pour conséquence qu'il n'y a pas lieu de retourner la cause au Tribunal pour ce motif.

2.2.2 S'agissant de l'audition des témoins à laquelle le Tribunal n'a pas donné suite, l'appelant n'expose pas précisément quels sont les faits dont les personnes concernées auraient pu confirmer l'existence, ni en quoi ces faits, à supposer qu'ils soient établis, auraient permis de parvenir à une solution différente de celle retenue par le premier juge. Or, non seulement la citation des témoins en question en relation avec la totalité des dix-huit allégués de fait de la demande, sans distinction ni indication du rapport desdits témoins avec les faits, et alors même que certains de allégués de l'appelant n'étaient pas contestés par l'intimée, n'était guère admissible, comme l'a retenu le Tribunal dans son ordonnance de preuves du 22 juillet 2021, mais on ne voit pas davantage en quoi le Tribunal, qui était libre de modifier son ordonnance de preuves en tout temps (cf. art. 154 CPC in fine), ne pouvait pas dans un premier temps se réserver la possibilité d'ordonner l'audition des témoins concernés en fonction du résultat des premières mesures probatoires, puis dans un second temps y renoncer, par appréciation anticipée des preuves, au vu notamment des déclarations de l'appelant en audience, suffisantes à ses yeux pour trancher le litige sans autre mesure d'instruction. Indépendamment du bien-fondé du raisonnement ainsi conduit sur le fond, le Tribunal n'a pas violé ce faisant le droit d'être entendu de l'appelant, ni son droit à la preuve, et il n'y a pas davantage lieu de renvoyer la cause au premier juge pour ces motifs.

2.2.3 Concernant enfin le déni de justice invoqué par l'appelant, on ne voit pas – et celui-ci n'indique pas – en quoi le Tribunal se serait fondé sur l'un ou l'autre des faits allégués par l'intimée dans ses plaidoiries écrites, dont la recevabilité demeure contestée, pour parvenir à la solution consacrée par le jugement entrepris. On en déduit donc que le Tribunal, qui a débouté l'appelant de toutes ses conclusions, a implicitement considéré que ces faits étaient dépourvus de pertinence à cette fin et qu'il n'y avait pas lieu d'examiner expressément la question de leur recevabilité, celle-ci étant dénuée d'objet propre. Aucun déni de justice ne peut dès lors être reproché au Tribunal et l'appelant sera débouté de ses conclusions tendant au renvoi de la cause au premier juge pour des motifs formels.

3.             Sur le fond, l'appelant reproche au Tribunal de l'avoir débouté de ses prétentions en paiement dirigées contre l'intimée. Il conteste notamment que sa créance en remboursement de la somme de 300'000 fr. qu'il a versée à l'intimée ait pu s'éteindre par novation, comme l'aurait apparemment retenu le Tribunal.

3.1

3.1.1 Selon l'art. 1 al. 1 CO, le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté.

Pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir (art. 18 al. 1 CO).

Pour ce faire, le juge prendra en compte non seulement la teneur de leurs déclarations de volonté, mais encore le contexte général, soit aussi les circonstances et leurs déclarations antérieures, concomitantes et postérieures à la conclusion du contrat, le comportement ultérieur des parties établissant en particulier quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 140 III 86 consid. 4.1; 131 III 606 consid. 4.1; 127 III 444 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_58/2018 du 28 août 2018 consid. 3.1).

3.1.2 Selon l'art. 115 CO, il n'est besoin d'aucune forme spéciale pour annuler ou réduire conventionnellement une créance, lors même que, d'après la loi ou la volonté des parties, l'obligation n'a pu prendre naissance que sous certaines conditions de forme.

La remise conventionnelle de dette prévue par l'art. 115 CO constitue un contrat bilatéral, qui n'exige le respect d'aucune forme, par lequel le créancier et le débiteur conviennent d'éteindre une créance ou un rapport juridique (ATF 131 III 586 consid. 4.2.3.4; arrêt du Tribunal fédéral 4C_437/2006 du 13 mars 2007 consid. 2.3.2, non publié in ATF 133 III 356). Elle peut résulter d'une offre et de son acceptation par des actes concluants ou par le silence, considérés selon le principe de la confiance (art. 1 al. 2 et art. 6 CO; ATF 110 II 344 consid. 2b). Le juge ne doit toutefois admettre qu'avec la plus grande circonspection l'existence d'une volonté de remettre par actes concluants de la part du créancier (ATF
109 II 327 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_125/2009 du 2 juin 2009 consid. 3.3).

3.1.3 La novation, qui ne se présume pas (art. 116 al. 1 CO), est un contrat qui porte sur l'extinction d'une dette par la création d'une nouvelle (ATF 126 III 375 consid. 2e/bb; arrêts du Tribunal fédéral 4A_542/2012 du 24 janvier 2013 consid. 2.6; 5A_190/2009 du 27 mai 2009 consid. 3.4; Piotet, Commentaire romand, Code des Obligations I, 3ème éd, 2021, n. 1 ad art. 116 CO). Elle se forme comme tout contrat et les règles des art. 1 et 11ss CO lui sont donc applicables (Engel, Traité des obligations en droit suisse, 1997, p. 769).

Savoir si les parties avaient la volonté d'éteindre une ancienne dette pour en créer une nouvelle est une question d'interprétation (ATF 126 III 375 consid. 2e/bb). Comme la novation ne se présume pas, celui qui l'invoque doit établir de manière non équivoque la volonté des parties d'opérer une novation (arrêts du Tribunal fédéral 4A_542/2012 cité consid. 2.6). L'obligation créée par novation doit présenter des différences suffisamment marquées d’avec l’ancienne, celles-ci expliquant que les parties aient recouru à cette institution. Une simple modification du contenu ou de l’étendue de la prestation ne justifie dans la règle pas une transformation de l’obligation originaire, et n’exige pas son remplacement par une nouvelle. Tel est en revanche le cas du remplacement du fondement de l’obligation par un autre, ou du remplacement de l’objet de la prestation par un autre (Piotet, op. cit., n. 6 ad art. 116 CO).

La novation ne peut résulter d’un acte juridique unilatéral. Elle peut en revanche être opérée à plus de deux parties, lorsqu’un nouveau créancier et/ou débiteur se substitue à l’une des parties ou aux parties originaires. Mais la simple cession de créance, comme la reprise de dette externe, n’entraîne aucune novation (Piotet, op. cit., n. 2 et 3 ad art. 116 CO).

3.1.4 Aux termes de l'art. 151 al. 1 CO, le contrat est conditionnel, lorsque l'existence de l'obligation qui en forme l'objet est subordonnée à l'arrivée d'un événement incertain.

La condition est un événement futur incertain dont les parties font dépendre un effet juridique (Pichonnaz, Commentaire romand, Code des Obligations I, 3ème éd., 2021, n. 11 ad art. 151 CO). La condition est dite suspensive lorsque l'existence de l'effet juridique est subordonnée à la réalisation de la condition (cf. art. 151 al. 2 CO). On parle de condition résolutoire, au sens de l'art. 154 al. 1 CO, si l’acte juridique affecté d’une condition produit tous ses effets jusqu’à l’avènement de la condition qui met fin à son efficacité (Pichonnaz, op. cit., n. 31 ad art. 151 CO).

La condition n'est soumise à aucune forme. Elle peut donc être expresse (p. ex. "à la condition que", "sous réserve de") ou tacite (résultant de l'interprétation du contrat, des circonstances ou du contexte). Elle peut même être conclue subséquemment à la conclusion du contrat principal. En revanche, lorsque l'acte qu'elle affecte est soumis au respect d'une forme particulière, la condition doit revêtir la même forme, à moins qu'elle n'affecte qu'une modalité secondaire de l'acte non couverte par l'exigence de forme (Pichonnaz, op. cit., n. 2 ad art. 151 CO).

3.2 En l'espèce, il est établi que l'appelant a versé une somme de 300'000 fr. à l'intimée, que celle-ci s'est engagée, par convention du 22 juillet 2015, à lui rembourser à la vente de son immeuble ou, au plus tard, le 30 novembre 2015. La qualification juridique de cet acte, qui relève vraisemblablement du prêt au sens des art. 312 ss CO, peut demeurer indécise, dès lors que l'existence de l'obligation de remboursement en résultant, aux conditions susvisées, n'est pas contestée.

Devant le Tribunal, l'appelant a reconnu avoir ensuite accepté, avant même que l'immeuble de l'intimée ne soit vendu ou que l'échéance du 30 novembre 2015 ne soit atteinte, que la somme de 300'000 fr. soit "utilisée comme acompte" dans le cadre de la promesse de vente conclue les 12 et 26 novembre 2015 entre l'intimée et E______. A ce propos, l'appelant a également reconnu savoir que E______ devait verser à l'intimée une somme de 350'000 fr. à la conclusion de ladite promesse de vente et il est établi que ce dernier n'a versé à celle-ci qu'une somme de 50'000 fr., sans que celle-ci n'en réclame le solde. Il convient dès lors d'examiner la nature et les conséquences de l'accord passé entre les parties à cette occasion, étant observé que les seules affirmations de l'appelant selon lesquelles son acceptation ne "liait" pas les deux opérations ne suffisent pas à remettre en cause le fait que toutes les parties ont alors considéré que la somme versée dans le cadre de la première convention, soit celles du 25 juillet 2015, valait désormais "acompte" dans le cadre de la promesse de vente conclue en second lieu.

A ce propos, plusieurs constructions juridiques peuvent être envisagées pour qualifier l'accord susvisé, sans que cela n'ait d'influence sur l'issue du litige.

3.2.1 La première, évoquée par les parties elles-mêmes, est celle d'une novation avec substitution de créancier, au sens des principes rappelés sous consid. 3.1.2 ci-dessus. Il apparaît en effet que les parties ont eu l'intention d'éteindre la dette de l'intimée envers l'appelant, telle que résultant de la convention du 25 juillet 2015, pour la remplacer par une nouvelle dette de l'intimée envers E______, aux fins que celui-ci puisse en compenser le montant avec sa propre dette envers l'intimée, telle que résultant de la promesse de vente. Le remplacement du fondement de l'obligation, soit un prêt (ou une institution analogue) selon la convention du 25 juillet 2015, par un autre, soit le règlement d'une partie du prix de vente selon la promesse de vente des 12 et 26 novembre 2015, répond a priori aux exigences d'une novation, au sens des principes rappelés ci-dessus.

A supposer que tel ne soit pas le cas, on pourrait concevoir que l'appelant ait simplement cédé sa créance en remboursement contre l'intimée à E______, ce qu'il lui était loisible de faire même sans le consentement de celle-ci (cf. art. 164 al. 1 CO) – mais pour autant que la cession soit consignée par écrit (cf. art. 165 al. 1 CO) –, et que le précité ait pareillement compensé, à concurrence du montant de ladite créance (soit 300'000 fr.), son obligation de verser la somme de 350'000 fr. à l'intimée, telle que découlant de la promesse de vente des 12 et 26 novembre 2015.

Dans les deux cas, la novation comme la cession ont pour conséquence que l'appelant n'est désormais plus légitimé ni fondé à réclamer le remboursement de la somme versée, puisque E______ lui a succédé en qualité de créancier et que celui-ci a ensuite éteint la dette de l'intimée par compensation.

3.2.2 Dans l'éventualité où une novation (ou une cession de créance) ne pourrait être retenue, au motif qu'il serait nécessaire que le nouveau créancier ait consenti à celle-ci, comme le soutient l'appelant, et que cet accord, bien que vraisemblable, ne puisse être considéré comme établi en l'espèce, faute d'avoir été conclu par écrit et/ou d'avoir été expressément confirmé par E______, il faudrait envisager que l'appelant a consenti à l'intimée une remise conventionnelle de dette, au sens de l'art. 115 CC, pour autant que celle-ci considère avoir reçu un paiement de même montant de la part de E______, ce qu'elle a manifestement accepté.

Par le biais de cette remise de dette, l'appelant aurait ainsi simultanément réglé la dette de E______ envers l'intimée, à due concurrence. Toutefois, l'appelant n'en serait pas pour autant subrogé aux droits du précité contre l'intimée, à supposer que celle-ci soit tenue de restituer "l'acompte" ainsi reçu après l'échec de la vente. La loi prévoit seulement en effet que le tiers qui paie le créancier puisse être subrogé aux droits de ce dernier contre le débiteur, et non aux droits du débiteur contre le créancier (cf. art. 110 CO). En "payant" une partie de la somme due par E______ à l'intimée, l'appelant ne pourrait donc être subrogé qu'aux droits de celle-ci contre le précité, et non aux droits de ce dernier contre l'intimée. L'existence d'un accord particulier selon lequel l'appelant devrait se substituer à E______ dans sa relation avec l'intimée, au cas où la vente proposée n'aboutirait pas, n'est par ailleurs ni alléguée, ni établie. Dans le présent procès, l'appelant n'a pas davantage allégué, ni établi, qu'il serait désormais au bénéfice d'une cession des droits de E______ contre l'intimée. Pour des raisons qui lui sont propres, il a au contraire contesté la recevabilité et le bien-fondé d'allégations de l'intimée selon lesquelles tel serait le cas. On ne voit dès lors pas que l'appelant puisse être fondé à réclamer à l'intimée le remboursement de "l'acompte" indirectement versé dans ces conditions.

3.2.3 Il reste à examiner le grief de l'appelant selon lequel son acceptation que la somme de 300'000 fr. versée à l'intimée selon la convention du 25 juillet 2015 soit "utilisée comme acompte" dans le cadre de la promesse de vente des 12 et 26 novembre 2015 (que cette acceptation ait donné lieu à une novation, à une cession de créance ou à une remise de dette) aurait été soumise à la condition suspensive, au sens de l'art. 151 CO, que la vente envisagée dans ladite promesse de vente aboutisse. Tel n'ayant pas été le cas, aucune novation (ni aucune autre modification de ses rapports contractuels avec l'intimée) ne serait selon lui intervenue.

A ce propos, on relèvera tout d'abord que l'accord donné par l'appelant à l'affectation des 300'000 fr. au paiement des sommes dues par E______ dans la promesse de vente a pleinement déployé ses effets, l'intimée acceptant d'être payée selon ces modalités et de ne recevoir de E______ que la somme de 50'000 fr., sur le total de 350'000 fr. stipulé payable "hors la vue du notaire". A supposer qu'une condition ait été convenue, il ne pourrait donc s'agir que d'une condition résolutoire, au sens de l'art. 154 CO, et non d'une condition suspensive, comme le soutient l'appelant, la somme de 300'000 fr. étant concrètement versée en mains de l'intimé jusqu'à la vente et lui restant définitivement acquise en cas de conclusion de celle-ci. Le notaire ayant instrumenté la promesse de vente a par ailleurs confirmé que celle-ci était un acte ferme.

Quoi qu'il en soit, force est de constater que l'existence d'un accord sur la condition alléguée n'est pas établie à satisfaction de droit. Celle-ci n'a fait l'objet d'aucun document écrit entre les parties et aucun témoin n'est venu confirmer qu'il fût convenu, simultanément à la conclusion de la promesse de vente ou postérieurement, que la somme de 300'000 fr. serait remboursée par l'intimée à l'appelant, au cas où la vente de l'immeuble à E______ n'aboutirait pas (étant rappelé que la convention initiale des parties prévoyait au contraire que la somme susvisée serait remboursée à l'appelant en cas de vente de l'immeuble). Devant le Tribunal, l'appelant n'a lui-même évoqué l'existence d'une telle condition que dans ses plaidoiries finales, et non lorsqu'il a reconnu avoir accepté que la somme versée à l'intimée soit affectée au paiement de "l'acompte" prévu par la promesse de vente. Contrairement à ce qu'il soutient, la condition alléguée ne peut se déduire "à l'évidence" de l'ensemble des circonstances ou du contexte du cas d'espèce. S'il est plausible que ni l'appelant, ni E______ n'aient eu l'intention que "l'acompte" de 350'000 fr. demeure définitivement acquis à l'intimée en cas d'échec de la vente promise, l'appelant n'expose nullement en quoi il n'aurait pu envisager, ni accepter que la somme susvisée soit d'abord remboursée à E______, seul cocontractant de l'intimée à la promesse de vente, puis lui soit ensuite reversée, à concurrence de 300'000 fr., par ce dernier, en qui il avait manifestement confiance. L'existence de la condition susvisée, qui dérogerait en quelque sorte à la teneur formelle de la promesse de vente conclue, ne peut dans ces conditions être tenue pour établie.

Il s'ensuit que les prétentions de l'appelant contre l'intimée ne sont pas davantage fondées sous cet angle.

3.2.4 Au surplus, on ne voit pas en quoi l'intimée commettrait un abus de droit, au sens de l'art. 2 al. 2 CC, comme le soutient subsidiairement l'appelant, en s'opposant à lui rembourser la somme litigieuse de 300'000 fr.

D'une part, la restitution des sommes versées en exécution de la promesse de vente des 12 et 16 novembre 2015 ne semble pouvoir intervenir qu'en faveur de E______, seul cocontractant de l'intimée à ladite promesse. D'autre part, le seul fait que "l'acompte" versé dans le cadre de cette promesse ne constitue pas un dédit, selon le notaire entendu comme témoin, n'exclut pas que l'intimée puisse être fondée à conserver tout ou partie des avances ainsi versées en compensation du dommage que peut lui avoir causé le défaut de paiement de son cocontractant (sur ces questions, cf. Mooser, in Commentaire romand, Code des obligations I. 3ème éd., 2021, n. 5 ad art. 158 CO), étant observé que l'appelant admet lui-même que la vente n'est en l'espèce pas venue à chef en raison du défaut de l'acquéreur.

Pour cette raison également, l'appel est infondé et le jugement entrepris sera donc confirmé.

4.             Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 10'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 105 al. 1, art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés à due concurrence avec l'avance de frais de 18'000 fr. fournie par celui-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève dans cette mesure, et il sera ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à l'appelant le solde de son avance, soit la somme de 8'000 fr. (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelant sera par ailleurs condamné à payer à l'intimée la somme de 8'000 fr. à titre de dépens d'appel (art. 105 al. 2 CPC, art. 84, 85 et 90 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 29 juin 2022 par A______ contre le jugement JTPI/6724/2022 rendu le 7 juin 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25813/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 10'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense à due concurrence avec l'avance de frais versée par celui-ci, qui demeure dans cette mesure acquise à l'Etat de Genève.

Ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à A______ le solde de son avance, soit la somme de 8'000 fr.

Condamne A______ à payer à B______ la somme de 8'000 fr. à titre de dépens d'appel, débours et TVA compris.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX,
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame
Gladys REICHENBACH, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.