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Décisions | Chambre civile

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C/24412/2021

ACJC/22/2023 du 10.01.2023 sur JTPI/4110/2022 ( SDF ) , MODIFIE

Descripteurs : PROTECTION DE L'UNION CONJUGALE;OBLIGATION D'ENTRETIEN;CONJOINT
Normes : CC.176.al1; CC.163
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24412/2021 ACJC/22/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 10 JANVIER 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 mars 2022, comparant par Me Samir DJAZIRI, avocat, DJAZIRI & NUZZO, rue Leschot 2, 1205 Genève, en l'Etude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Sandy ZAECH, avocate, TERRAVOCATS GENEVE, rue Saint-Joseph 29, case postale 1748,
1227 Carouge, en l'Etude de laquelle elle fait élection de domicile.

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement motivé JTPI/4110/2022 rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale le 29 mars 2022, notifié à A______ le 24 mai suivant, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a autorisé B______ et A______ à vivre séparés (ch. 1), attribué à l'époux la jouissance du logement familial, ainsi que du mobilier qui le compose, charge à lui d'en assumer les frais courants (ch. 2), attribué à l'épouse le chien F______ (ch. 3), condamné A______ à verser à B______, mensuellement et d'avance, à titre de contribution à son entretien, la somme de 1'585 fr. dès le mois d'avril 2022 (ch. 4), ainsi que la somme totale de 5'010 fr. à titre de contribution à son entretien entre les mois d'octobre 2021 et mars 2022 (ch. 5).

Le juge a arrêté les frais judiciaires à 200 fr. au cas où la motivation du jugement n'était pas demandée, mis à la charge des parties par moitié chacune, condamnant ces dernières à verser chacune 100 fr. à l'Etat de Genève, pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, sous réserve pour l'épouse du bénéfice de l'assistance judiciaire (ch. 6), respectivement à 600 fr. au cas où la motivation du jugement était demandée, mis à la charge des parties par moitié chacune, condamnant ces dernières à verser chacune 300 fr. à l'Etat de Genève, pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, sous réserve pour l'épouse du bénéfice de l'assistance judiciaire (ch. 7), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 8) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 9).

B. a. Par acte expédié le 3 juin 2022 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a appelé de ce jugement, dont il a sollicité l'annulation des chiffres 4 et 5 de son dispositif.

Cela fait, il a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que soit constaté son engagement à verser une contribution mensuelle à l'entretien de son épouse de 120 fr. entre le 1er avril 2022 et le 30 novembre 2022, puis de 250 fr. dès le 1er décembre 2022, à ce qu'il soit constaté qu'il ne doit aucune contribution pour les mois d'octobre 2021 à mars 2022 et, subsidiairement, à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour nouvelle décision.

Il a produit des pièces nouvelles, à savoir un extrait de compte courant auprès de [la banque] C______ pour la période allant du 3 décembre 2021 au 2 juin 2022 (pièce 3) en lien avec le montant de ses revenus (rente AVS, allocation pour impotent et rente LPP), sa prime d'assurance-maladie, ses frais de transports et ses arriérés d'impôts, ainsi qu'un état de l'ensemble de ses comptes auprès de cet établissement au 2 juin 2022 (pièce 4) en lien avec le solde de ses comptes.

Préalablement, il a conclu à la suspension du caractère exécutoire attaché au jugement entrepris, laquelle a été accordée, par arrêt ACJC/922/2020 rendu le 5 juillet 2022, s'agissant du chiffre 5 du dispositif.

b. Par réponse du 22 juillet 2022, B______ a conclu, préalablement, à l'irrecevabilité des pages 6 à 19 de la nouvelle pièce 3 produite par son époux et, principalement, à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par réplique du 25 juillet 2022, A______ a persisté dans ses conclusions et produit des pièces nouvelles, à savoir des factures établies par D______ SA [transport de personnes à mobilité réduite] entre le 31 janvier 2022 et le 31 mai 2022 (pièce 5 à 9) concernant ses frais de transports, des factures établies par l'IMAD entre le 10 mars 2022 et le 11 juillet 2022 (pièces 10 à 14) en lien avec des frais de sécurité (équipement d'appel en cas de problème), les frais de livraison de repas et d'"aide pratique", des extraits de compte établis par E______ SÀRL en juin 2022 pour les années 2021 et 2022 relatifs à des soins infirmiers à domicile (pièces 15 et 16), ainsi qu'un extrait d'un de ses comptes bancaires auprès de C______ daté du 22 juillet 2022 concernant les nouveaux intérêts hypothécaires dus au 30 juin 2022 (pièce 17).

d. Par duplique du 5 août 2022, B______ a conclu à l'irrecevabilité des pièces nouvelles produites par son époux, a persisté, pour le surplus, dans ses conclusions et a produit une nouvelle pièce, soit un bail à loyer signé en juillet 2022 (pièce 21).

e. Les parties ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 7 septembre 2022.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. B______, née le ______ 1957, et A______, né le ______ 1952, tous deux ressortissants italiens, se sont mariés le ______ 1976 à Genève.

De cette union sont issus deux enfants, majeurs et financièrement indépendants.

b. Les parties se sont séparées le 26 septembre 2021, date à laquelle B______ a quitté le domicile conjugal.

c. Par acte expédié le 10 décembre 2021 au Tribunal, B______ a requis le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale tendant, s'agissant des conclusions litigieuses en appel, à ce que son époux soit condamné à lui verser une contribution mensuelle à son entretien de 1'350 fr. dès le 26 septembre 2021.

d. Lors de l'audience tenue par le Tribunal le 11 février 2022, A______ - comparant en personne en première instance - a indiqué qu'il "[était] certainement en mesure" de verser une contribution mensuelle de 700 fr.

e. Lors de l'audience tenue le 25 mars 2022 par le juge, la parole a été donnée aux parties pour plaider; B______ a, en particulier, conclu au versement d'une contribution en sa faveur de 2'500 fr. et a persisté, pour le surplus, dans ses conclusions.

La cause a été gardée à juger à l'issue de cette audience.

f. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a retenu que l'époux disposait d'un montant de 2'060 fr. par mois (5'090 fr. de revenus pour 3'030 fr. de charges). Quant à l'épouse, celle-ci disposait d'un montant de 385 fr. par mois entre octobre 2021 et mars 2022 (2'320 fr. de revenus pour 1'935 fr. de charges), puis faisait face à un déficit de 1'115 fr. (2'320 fr. de revenus pour 3'435 fr. de charges). Cette dernière pouvait ainsi prétendre au versement d'une contribution en sa faveur d'environ 835 fr. entre octobre et mars 2022 (correspondant à la moitié de l'excédent; ([2'060 fr. + 385 fr.] /2) – 385 fr.), puis de 1'585 fr. dès avril 2022 (correspondant à la couverture de son déficit de 1'115 fr. et à la moitié de l'excédent; 1'115 fr. + ([2'060 fr. -1'115 fr.] /2)).

D. La situation personnelle et financière des parties se présente de la manière suivante :

a. Les parties sont copropriétaires de la villa conjugale, laquelle est grevée d'hypothèques.

b. Le juge a retenu que B______, retraitée depuis septembre 2021, percevait une rente AVS de 1'817 fr. et une rente LPP de 504 fr. pour un montant total d'environ 2'320 fr. par mois, montant qui n'est pas contesté.

Le Tribunal a arrêté ses charges à 1'935 fr. entre octobre 2021 et mars 2022, puis à 3'435 fr. dès avril 2022, comprenant le loyer (0 fr. jusqu'en mars 2022, puis 1'500 fr. hypothétique dès avril 2022), la prime d'assurance-maladie (650 fr.), les frais de transports publics (70 fr.) et le montant de base selon les normes OP (1'200 fr.).

Après son départ du domicile conjugal, B______ a été hébergée provisoirement par un de ses fils à G______ [VD], puis par des connaissances à Genève. Du 15 mars 2022 au 14 juillet 2022, elle a loué un logement provisoire pour un loyer mensuel de 520 fr. Depuis le 15 juillet 2022, elle loue un appartement de deux pièces pour un loyer mensuel de 900 fr. par mois. Elle allègue qu'il s'agit toujours d'un logement temporaire compte tenu du fait qu'il s'agit d'un petit appartement ne correspondant pas à ses besoins et que la charge pour un appartement convenable est de 1'500 fr. par mois.

A______ allègue que, son épouse ayant vécu avec un de leur fils et chez des connaissances jusqu'en mars 2022, il se justifie de réduire son montant de base à 850 fr. et que sa charge de loyer de 520 fr. ne doit être comptabilisée que depuis avril 2022. Cette dernière allègue, pour sa part, qu'il convient d'intégrer ce montant de 520 fr. dès le 1er octobre 2021 déjà. A______ admet que sa charge de loyer se monte à 1'500 fr. dès décembre 2022.

c. Le Tribunal a retenu que A______ bénéficiait d'une rente AVS, d'une allocation pour impotent et d'une rente LPP pour un montant total d'environ 5'090 fr. par mois.

En première instance, son épouse a allégué, en se fondant sur l'avis de taxation du couple pour l'année 2019, qu'il percevait une rente AVS de 1'753 fr. par mois et une rente LPP de 2'470 fr. par mois; A______ a produit un extrait bancaire attestant du versement d'une rente LPP de 2'470 fr. 10 par mois; en audience, il a déclaré qu'en plus des rentes AVS et LPP, il était bénéficiaire d'une allocation pour impotent qu'il a chiffrée à 800 fr. par mois.

En appel, il allègue que ses revenus totalisent 4'836 fr. 10 par mois, à savoir 2'366 fr. comprenant la rente AVS et l'allocation pour impotent, ainsi que 2'470 fr. 10 de rente LPP.

Les charges mensuelles de A______ ont été fixées par le Tribunal à 3'028 fr., comprenant les intérêts hypothécaires (410 fr.), les frais de mazout (360 fr.), les frais de ramoneur (13 fr.; admis par l'épouse), les frais de jardinier (25 fr.; admis par l'épouse), la prime d'assurance-maladie (650 fr., montant qu'il a allégué en première instance), les frais de transports publics (70 fr.), les frais de livraison de repas (300 fr. sur 560 fr. allégués, dès lors qu'une partie de ces frais est incluse dans le montant de base) et le montant de base selon les normes OP (1'200 fr.), à l'exclusion des impôts.

Il n'est pas contesté que les intérêts hypothécaires selon les contrats bancaires en vigueur jusque dans le courant de l'année 2022 se montaient à 723 fr. par mois. B______ a déclaré, lors de l'audience tenue le 11 février 2022 par le Tribunal, que les parties s'apprêtaient à renouveler leurs contrats hypothécaires et que les intérêts y relatifs allaient diminuer à environ 410 fr. par mois dès avril 2022, ce qui résultait d'une convention non signée relative à la conclusion de deux hypothèques qu'elle a produite en première instance ([(114'000 fr. + 200'000 fr.) x 1.56% l'an] / 12 mois). Lors de cette audience, son époux a déclaré qu'il avait envisagé d'utiliser les fonds d'un 3ème pilier pour diminuer le montant des nouveaux emprunts, mais que son conseiller financier lui avait recommandé, au vu des taux hypothécaires alors bas, de plutôt investir cet argent dans des rénovations de la maison, ce qu'il avait fait, notamment, pour la terrasse. Dans son appel, il allègue que les intérêts hypothécaires seraient toujours de 723 fr. sans plus d'explications; son épouse conteste que ce soit encore le cas dès le 1er avril 2022. Dans sa réplique, il chiffre cette charge à 1'051 fr. 20 par mois (en se fondant sur un extrait de compte attestant de trois prélèvements d'intérêts hypothécaires au 30 juin 2022 pour un total de 1'051 fr. 20), alléguant, pour la première fois, l'existence d'un troisième crédit hypothécaire, dont il n'indique pas quand il aurait été souscrit.

Dans l'ensemble, il allègue, en appel, que ses charges s'élèveraient à 4'582 fr. 65 par mois en tenant compte de ses arriérés d'impôts, en alléguant de nouvelles charges et/ou en se fondant sur des nouvelles pièces qu'il a produites et dont il ne peut être tenu compte (cf. infra EN DROIT consid. 1.5).

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, qui doivent être considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC, dans les causes dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Dès lors qu'en l'espèce, le litige porte sur le montant de la contribution à l'entretien de l'épouse, il est de nature pécuniaire (ATF 133 III 393 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_42/2013 du 27 juin 2013 consid. 1.1; 5A_906/2012 du 18 avril 2013 consid. 1; 5A_236/2011 du 18 octobre 2011 consid. 1; 5A_511/2010 du 4 février 2011 consid. 1.1).

En l'espèce, en vertu de l'art. 92 al. 2 CPC, la capitalisation du montant de la contribution d'entretien restée litigieuse au vu des dernières conclusions des parties devant le juge excède 10'000 fr.

Les jugements de mesures protectrices étant régis par la procédure sommaire selon l'art. 271 CPC, le délai d'introduction de l'appel est de 10 jours à compter de la notification de la décision motivée ou de la notification postérieure de la motivation (art. 239, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC).

L'appel ayant été formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi et devant l'autorité compétente (art. 130 al. 1 et 314 al. 1 CPC), il est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

La présente cause est soumise aux maximes de disposition (art. 58 al. 1 CPC; ATF 128 III 411 consid. 3.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_693/2007 du 18 février 2008 consid. 6) et inquisitoire limitée (art. 272 CPC; ATF 129 III 417 précité; arrêt du Tribunal fédéral 5A_245/2019 du 1er juillet 2019 consid. 3.2.1).

L'intimé peut lui aussi, sans introduire d'appel joint, présenter des griefs dans sa réponse à l'appel, si ceux-ci visent à exposer que malgré le bien-fondé des griefs de l'appelant, ou même en s'écartant des constats et du raisonnement juridique du jugement de première instance, celui-ci est correct dans son résultat. L'intimé à l'appel peut ainsi critiquer dans sa réponse les considérants et les constats du jugement attaqué qui pourraient lui être défavorables au cas où l'instance d'appel jugerait la cause différemment (arrêt du Tribunal fédéral 4A_258/2015 du 21 octobre 2015 consid. 2.4.2 et les réf. cit.).

1.3 Les mesures protectrices de l'union conjugale sont ordonnées à la suite d'une procédure sommaire, avec administration restreinte des moyens de preuve et limitation du degré de la preuve à la simple vraisemblance. Il suffit donc que les faits soient rendus plausibles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_508/2011 du 21 novembre 2011 consid. 1.3; ATF 127 III 474 consid. 2b/bb). Il incombe à chaque époux de communiquer tous les renseignements relatifs à sa situation personnelle et économique, accompagnés des justificatifs utiles, permettant ensuite d'arrêter la contribution en faveur de la famille (Bräm/Hasenböhler, Commentaire zurichois, n. 8-10 ad art. 180 CC).

La cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 1901; Haldy, La nouvelle procédure civile suisse, 2009, p. 71). Tous les moyens de preuve sont en principe admissibles (art. 254 al. 2 let. c CPC), étant précisé que ceux dont l'administration ne peut intervenir immédiatement ne doivent être ordonnés que dans des circonstances exceptionnelles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_905/2011 du 28 mars 2012 consid. 2.5).

1.4 La Cour applique le droit d'office (art. 57 CPC). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante et, partant, recevable. Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

1.5 En appel, les parties ont invoqué de nouveaux faits et produit des pièces nouvelles.

1.5.1 La Cour examine d'office la recevabilité des faits et moyens de preuve nouveaux ainsi que des conclusions nouvelles en appel (Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2016, n. 26 ad art. 317 CPC).

L'art. 317 al. 1 CPC prévoit que les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu'ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et qu'ils n'aient pas pu l'être en première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces conditions sont cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 5A_456/2016 du 28 octobre 2016 consid. 4.1.1). S'agissant des vrais nova ("echte Noven"), la condition de nouveauté posée par la lettre b est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate doit être examinée. En ce qui concerne les pseudo nova ("unechte Noven"), à savoir les faits et moyens de preuves qui étaient déjà survenus à la fin de l'audience des débats principaux de première instance, il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être produit en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

1.5.2 En l'espèce, les pièces 4 (état de l'ensemble des comptes au 2 juin 2022) et 17 (extrait d'un compte bancaire au 22 juillet 2022 concernant les nouveaux intérêts hypothécaires dus au 30 juin 2022) produites par l'appelant, ainsi que la pièce 21 produite par l'intimée (bail à loyer conclu en juillet 2022) sont recevables, dès lors qu'elles ne pouvaient être présentées au juge et ont été produites sans délai en appel.

Tel n'est, en revanche, pas le cas des autres pièces qui concernent des faits allégués en première instance par l'appelant ou des charges invoquées pour la première fois devant la Cour (à savoir les prestations de l'IMAD relatives aux frais de sécurité et aux frais d'"aide pratique", ainsi que les prestations de soins infirmiers dispensés par E______ SÀRL), dont il n'allègue pas qu'elles seraient nouvelles ou qu'il n'aurait pas été en mesure de s'en prévaloir jusque-là, et qui sont, par conséquent, irrecevables en appel.

2. La cause présente un élément d'extranéité en raison de la nationalité des époux.

Les parties ne contestent, à juste titre, pas la compétence des autorités judiciaires genevoises (art. 46 LDIP) ni l'application du droit suisse (art. 48 al. 1 et 49 LDIP; art. 4 de la Convention de la Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires) au présent litige.

3. L'appelant remet en cause la contribution à l'entretien de son épouse fixée par le Tribunal.

Il fait valoir que la situation financière des parties a été mal évaluée.

3.1 Lorsque le juge constate que la suspension de la vie commune est fondée, il fixe la contribution pécuniaire à verser par une partie à l'autre (art. 176 al. 1 ch. 1 CC).

Même lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur la reprise de la vie commune, l'art. 163 CC demeure la cause de l'obligation d'entretien réciproque des époux en mesures protectrices de l'union conjugale. Aux termes de cette disposition, mari et femme contribuent, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de la famille (al. 1); ils conviennent de la façon dont chacun apporte sa contribution (al. 2). Ce faisant, ils tiennent compte des besoins de l'union conjugale et de leur situation personnelle (al. 3).

3.2 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties (ATF 137 III 118 consid. 2.3; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_876/2016 du 19 juin 2017 consid. 3.1.2).

Une allocation pour impotent ne doit pas être ajoutée au revenu du débirentier, dès lors qu'il s'agit d'un droit qui appartient à la personne impotente elle-même et vise à financer l'aide dont son bénéficiaire a besoin pour accomplir les actes élémentaires de la vie quotidienne (arrêts du Tribunal fédéral 5A_372/2016 du 18 novembre 2016 consid. 5.1.1 et 5.2; 5A_808/2012 du 29 août 2013, consid. 3.1.2.2 et 4.4.2).

3.3 Dans trois arrêts publiés (ATF 147 III 265, in SJ 2021 I 316; ATF 147 III 293 et ATF 147 III 301), le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille - soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent (dite en deux étapes).

Selon cette méthode, on examine les ressources et besoins des personnes intéressées, puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille concernés de manière à couvrir, dans un certain ordre, le minimum vital du droit des poursuites ou, si les ressources sont suffisantes, le minimum vital élargi du droit de la famille, puis l'excédent éventuel (ATF 147 III 265 consid. 7).

Le juge jouit d'un large pouvoir d'appréciation et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 140 III 337 consid. 4.2.2; 134 III 577 consid. 4;
128 III 411 consid. 3.2.2).

Les besoins sont calculés en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP. Lorsque les moyens financiers le permettent, l'entretien convenable doit être étendu au minimum vital du droit de la famille. Pour les parents/adultes, les postes suivants entrent généralement dans l'entretien convenable (minimum vital du droit de la famille) : les impôts, les forfaits de télécommunication, les assurances, les frais de formation continue indispensable, les frais de logement correspondant à la situation (plutôt que fondés sur le minimum d'existence), les frais d'exercice du droit de visite, un montant adapté pour l'amortissement des dettes, et, en cas de circonstances favorables, les primes d'assurance-maladie complémentaires, ainsi que les dépenses de prévoyance privée des travailleurs indépendants. En revanche, le fait de multiplier le montant de base ou de prendre en compte des postes supplémentaires comme les voyages ou les loisirs n'est pas admissible. Ces besoins doivent être financés au moyen de la répartition de l'excédent. Toutes les autres particularités devront également être appréciées au moment de la répartition de l'excédent (ATF 147 III 265 consid. 7.2).

Lorsqu'il reste des ressources après la couverture du minimum vital de droit de la famille, l'excédent doit en principe être réparti par moitié entre les conjoints (ATF 147 III 265 consid. 7.3).

La fixation de la contribution d'entretien relève de l'appréciation du juge, qui jouit d'un large pouvoir d'appréciation et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC).

Le minimum vital du débirentier doit en principe être préservé (ATF 137 III 59 consid. 4.2).

3.4 En l'espèce, la situation financière des parties doit être arrêtée en tenant compte de leurs minima vitaux selon le droit des poursuites au vu de leurs revenus, de sorte que leurs impôts ne seront pas pris en compte.

3.4.1 L'intimée perçoit des revenus s'élevant à 2'320 fr. par mois.

Son minimum vital selon le droit des poursuites se monte à 1'570 fr. entre le 1er octobre 2021 et le 28 février 2022, à 2'005 fr. en mars 2022, à 2'440 fr. entre le 1er avril 2022 et le 14 juillet 2022, puis à 2'820 fr. entre le 15 juillet 2022 et le 30 novembre 2022, puis à 3'420 fr., comprenant le loyer (0 fr. jusqu'au 14 mars 2022, 520 fr. entre le 15 mars 2022 et le 14 juillet 2022 (soit 260 fr. pour le mois de mars 2022), 900 fr. entre le 15 juillet 2022 et 30 novembre 2022, puis 1'500 fr. dès le 1er décembre 2022, la prise en compte de ce dernier montant étant admis dès cette date par l'époux), la prime d'assurance-maladie (650 fr.), les frais de transports publics (70 fr.) et le montant de base selon les normes OP (850 fr. entre le 1er octobre 2022 et le 14 mars 2022 - dès lors que l'épouse a vécu en communauté avec des proches durant cette période -, puis 1'200 fr.).

Elle a, ainsi, disposé d'un solde de 750 fr. entre le 1er octobre 2021 et le 28 février 2022, respectivement de 315 fr. pour le mois de mars 2022. Elle a fait face à un déficit de 120 fr. entre le 1er avril 2022 et le 14 juillet 2022, de 500 fr. entre le 15 juillet 2022 et le 30 novembre 2022, puis de 1'100 fr. dès le 1er décembre 2022.

3.4.2 Il est établi et non contesté que l'appelant perçoit une rente LPP de 2'470 fr. par mois. Il sera retenu que sa rente AVS s'élève à 1'768 fr., soit la différence entre le montant maximal de rentes pour un couple (3'585 fr. par mois; fait notoire disponible notamment sur www.ahv-iv.ch/p/3.01.f) et le montant de la rente de son épouse, hors allocation pour impotent, dont il ne sera pas tenu compte dans ses revenus conformément à la jurisprudence précitée. Ses revenus totaux s'élèvent, dès lors, à 4'238 fr. par mois.

Son minimum vital selon le droit des poursuites totalise 3'341 fr. par mois entre le 1er octobre 2021 et le 31 mars 2022, puis 3'028 fr. dès le 1er avril 2022, comprenant les intérêts hypothécaires (723 fr. entre octobre 2021 et mars 2022, puis 410 fr. dès avril 2022), les frais de mazout (360 fr.), les frais de ramoneur (13 fr.; admis par l'épouse), les frais de jardinier (25 fr.; admis par l'épouse), la prime d'assurance-maladie (650 fr.), les frais de transports publics (70 fr.), les frais de livraison de repas (300 fr. sur 560 fr. allégués; admis par l'épouse) et le montant de base selon les normes OP (1'200 fr.), à l'exclusion des impôts.

S'agissant des intérêts hypothécaires, le montant de 410 fr. admis par l'épouse sera retenu dès avril 2022, dès lors qu'il ne ressort pas clairement du procès-verbal de l'audience du 11 février 2022 si l'appelant a admis ou non le renouvellement des contrats hypothécaires tel qu'allégué par son épouse, qu'il n'a fourni aucune indication sur la conclusion d'une troisième hypothèque et que rien ne permet de retenir que le chiffre de 1'051 fr. 20 d'intérêts hypothécaires dont il se prévaut seraient dus mensuellement ou trimestriellement.

L'appelant dispose donc d'un solde de 897 fr. par mois entre le 1er octobre 2021 et le 31 mars 2022, puis de 1'210 fr. dès le 1er avril 2022.

3.5 Au vu de ce qui précède, l'intimée peut, ainsi, prétendre à la moitié de l'excédent, ainsi qu'à la couverture de son déficit dès le 1er avril 2022, soit à une contribution mensuelle à son entretien s'élevant au montant arrondi de 70 fr. entre le 1er octobre 2021 - date qui n'est pas contestée - et le 28 février 2022 ([897 fr. + 750 fr.] /2) – 750 fr.), de 290 fr. pour le mois de mars 2022 ([897 fr. +315 fr.] /2) – 315 fr.), de 660 fr. entre le 1er avril 2022 et le 14 juillet 2022 (120 fr. + ([1'210 fr. - 120 fr.] /2), de 850 fr. entre le 15 juillet 2022 et le 30 novembre 2022 (500 fr. + ([1'210 fr. - 500 fr.] /2) et de 1'150 fr. dès le 1er décembre 2022 (1'100 fr. + ([1'210 fr. -1'100 fr.] /2).

Par conséquent, les chiffres 4 et 5 du dispositif du jugement entrepris seront annulés et l'appelant condamné dans le sens de ce qui précède.

4. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 1ère phrase CPC). Le juge peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

4.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Dès lors que ni la quotité ni la répartition des frais judiciaires et des dépens de première instance n'ont été remises en cause en appel et que ceux-ci ont été arrêtés conformément aux règles légales par le Tribunal (art. 95, 96, 104 al. 1, 107 al. 1 let. c CPC; art. 31 RTFMC), le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

4.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront fixés à 1'000 fr., comprenant l'émolument concernant l'arrêt ACJC/922/2020 rendu le 5 juillet 2022 (art. 31 et 37 RTFMC).

Pour des motifs d'équité liés à la nature du litige, ils seront répartis à parts égales entre les parties, à savoir à hauteur de 500 fr. pour l'appelant et de 500 fr. pour l'intimée (art. 95, 104 al. 1, 105, 106 al. 1 et 107 al. 1 let. c CPC).

Les parties plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, leurs parts des frais judiciaires seront provisoirement supportées par l'Etat de Genève (art. 122 al. 1 let. b CPC), étant rappelé que les bénéficiaires de l'assistance judiciaire sont tenus au remboursement des frais judiciaires mis à la charge de l'Etat de Genève dans la mesure de l'art. 123 CPC (art. 19 RAJ).

Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 3 juin 2022 par A______ contre les chiffres 4 et 5 du dispositif du jugement JTPI/4110/2022 rendu le 29 mars 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/24412/2021-1.

Au fond :

Annule les chiffres 4 et 5 du dispositif du jugement attaqué et, statuant à nouveau sur ces points :

Condamne A______ à verser, par mois et d'avance, une contribution mensuelle à l'entretien de B______ de 70 fr. entre le 1er octobre 2021 et le 28 février 2022, de 290 fr. pour le mois de mars 2022, de 660 fr. entre le 1er avril 2022 et le 14 juillet 2022, de 850 fr. entre le 15 juillet 2022 et le 30 novembre 2022, puis de 1'150 fr. dès le 1er décembre 2022.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 1'000 fr. et les mets à la charge des parties par moitié chacune.

Dit qu'ils seront provisoirement supportés par l'Etat de Genève, vu l'octroi de l'assistance judiciaire.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

 

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.