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Décisions | Chambre civile

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C/2013/2020

ACJC/368/2022 du 15.03.2022 ( OO ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.319.ch2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2013/2020 ACJC/368/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 15 mars 2022

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant à l'encontre d'une ordonnance rendue par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 9 novembre 2021, comparant par Me Stéphane REY, avocat, rue Michel-Chauvet 3, case postale 477,
1211 Genève 12, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

1.             Madame B______, domiciliée ______, intimée,

2.             Le mineur C______, représenté par sa mère, Madame B______, domicilié ______, autre intimé,

comparant tous deux par Me G______, avocat, ______ Genève, en l'Étude duquel ils font élection de domicile.


EN FAIT

A. a. Le divorce des époux B______ et A______ a été prononcé le 9 décembre 2012 par le Tribunal de première instance. Aux termes de ce jugement, rendu sur requête commune des parties, le Tribunal a, notamment, attribué l'autorité parentale et la garde de l'enfant C______, né le ______ 2007, à la mère (ch. 2 du dispositif), réservé au père un large droit de visite (ch. 3) et donné acte à A______ de son engagement à verser à B______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, une contribution à l'entretien de C______, de 1'300 fr. jusqu'à l'âge de 6 ans, de 1'400 fr. de 6 ans à 12 ans révolus et de 1'500 fr., dès l'âge de 12 ans (ch. 4) et à faire verser les allocations familiales dues pour C______ en mains de B______ (ch. 6). Le Tribunal a aussi pris acte de l'engagement de A______ à verser une contribution mensuelle à l'entretien de B______ de 1'500 fr. par mois, et ce jusqu'au moment où celle-ci disposerait d'un travail fixe et serait en mesure de pourvoir, de manière convenable, à son entretien (ch. 5). Les susdites contributions d'entretien ont été soumises à une clause d'indexation usuelle (ch. 7).

b. Par acte du 27 janvier 2020, A______ a déposé une demande en modification du jugement de divorce tendant principalement à l'instauration de l'autorité parentale conjointe et de la garde alternée sur C______, à la suppression des contributions à l'entretien de son fils et de son ex-épouse fixées par le jugement de divorce et au partage par moitié entre ex-époux des allocations familiales.

A titre préalable, il a sollicité du Tribunal qu'il ordonne à B______ de produire toutes les pièces et/ou documents actualisés concernant sa situation personnelle et financière, à savoir notamment ses recherches d'emploi et d'éventuelles réponses, ses éventuelles fiches de salaire 2020, les certificats de salaire pour les années 2018 et 2019, les déclarations fiscales et le bordereau ICC/IFD pour les années 2017 et 2018, les relevés des comptes postaux et bancaires en Suisse et à l'étranger depuis 2017 ainsi que toutes les pièces justifiant des charges mensuelles incompressibles de C______ et de son ex-épouse.

c. Dans sa réponse du 8 juillet 2020, B______ a conclu principalement au déboutement de A______ de toutes ses conclusions. A titre préalable, elle a sollicité du Tribunal qu'il ordonne au précité de produire toutes les pièces utiles et/ou documents actualisés sur sa situation financière, notamment son certificat de salaire pour l'année 2019, ses relevés détaillés de ses comptes postaux et bancaires en Suisse et à l'étranger depuis 2017, ainsi que la preuve du versement des contributions d'entretien fixées par le jugement de divorce, entre octobre 2013 et octobre 2019.

Elle a notamment produit à l'appui de cette écriture un extrait d'un arrêt de la Cour de justice du 8 août 2009 dans une procédure opposant son autre fils, D______, né le ______ 2015, à son père, E______ (action alimentaire; procédure C/1______/17).

d. A l'audience du 23 septembre 2020, A______ a complété ses réquisitions de preuves, sollicitant notamment la production par B______ de la version complète de l'arrêt de la Cour de justice du 8 août 2009, ainsi que du jugement de première instance rendu dans la même procédure.

e. Par ordonnance de preuve ORTPI/202/2021 du 25 février 2021, le Tribunal a ordonné à A______ de produire ses certificats de salaire pour les années 2019 et 2020 ainsi que toutes pièces utiles attestant des montants acquittés mensuellement en 2020 pour la prime LaMal et les acomptes ICC et IFD. Il a enjoint à B______ de produire les justificatifs de ses recherches d'emploi et des éventuelles réponses reçues, ainsi que toutes pièces utiles attestant des montants acquittés mensuellement en 2020 pour les acomptes ICC et IFD.

Au sujet de la demande tendant à la production de l'arrêt de la Cour de justice du 8 août 2009 et du jugement de première instance rendu dans la même procédure, le Tribunal a observé que B______ n'avait pas intégré dans ses propres charges les frais d'entretien de D______, de sorte qu'il y avait lieu de penser que le père de cet enfant s'acquittait de la contribution d'entretien qu'il avait été condamné à payer. Il ne se justifiait donc pas d'ordonner la production des jugements rendus dans le cadre de cette action alimentaire, lesquels ne permettaient au demeurant pas de déterminer si la contribution d'entretien était effectivement versée.

f. A l'audience du 9 novembre 2021, B______ a indiqué qu'elle percevait pour l'entretien de D______ une pension alimentaire de 370 fr. par mois et 150 fr. pour les allocations familiales.

A______ a requis qu'il soit ordonné à B______ de produire les extraits de son compte bancaire sur lequel les contributions à l'entretien de D______ étaient versées. B______ s'y est opposée.

Statuant sur le siège, le Tribunal a refusé la production de ces pièces, et ce pour les mêmes motifs qui l'avaient conduit à refuser, par ordonnance du 25 février 2021, la production des jugements rendus dans la procédure relative à l'action alimentaire de D______ contre son père.

B. a. Par acte déposé le 15 novembre 2021 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre la décision prise par le Tribunal à l'audience du 9 novembre 2021, refusant la production des relevés du compte bancaire de B______. Il a conclu à l'annulation de cette décision et à ce que la Cour ordonne à cette dernière de produire les relevés détaillés de son compte auprès de [la banque] F______ pour la période allant du 1er janvier 2019 au 9 novembre 2021.

b. Dans sa réponse, B______ a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, sous suite de dépens, à hauteur de 1'800 fr., TVA en sus, correspondant à quatre heures d'activité d'un chef d'étude au tarif de 450 fr./h.

c. A______ n'ayant pas fait usage de son droit à la réplique, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger, par courrier du greffe de la Cour du 13 janvier 2022.

EN DROIT

1. La Cour examine d'office si les conditions de recevabilité du recours sont remplies (art. 60 CPC).

1.1 Le recours est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent pas faire l'objet d'un appel (art. 319 let. a CPC) et contre les autres décisions et ordonnances d'instruction de première instance dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (ch. 2).

Par définition, les décisions visées à l'art. 319 let. b CPC ne sont ni finales, ni partielles, ni incidentes, ni provisionnelles. Il s'agit de décisions d'ordre procédural par lesquelles le tribunal détermine le déroulement formel et l'organisation matérielle de l'instance (Jeandin, in CR CPC, 2019, n° 11 ad art. 319 CPC).

Les ordonnances d'instruction se rapportent à la préparation et à la conduite des débats. Elles statuent en particulier sur l'opportunité et les modalités de l'administration des preuves, ne déploient ni autorité ni force de chose jugée et peuvent en conséquence être modifiées ou complétées en tout temps (Jeandin, op. cit., n° 14 ad art. 319 CPC).

1.2. En l'espèce, l'ordonnance entreprise est une ordonnance d'instruction, relevant de l'administration des preuves, au sens de l'art. 319 let. b CPC. Elle est susceptible d'un recours immédiat dans les dix jours à compter de sa notification (art. 321 al. 1 et 2 CPC), délai qui a été respecté en l'espèce.

1.3 Il reste à déterminer si la décision querellée est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, les autres hypothèses visées par l'art. 319 let. b ch. 1 CPC n'étant pas réalisées (cf. Jeandin, op. cit., n° 18 ad art. 319 CPC).

2. 2.1 La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 137 III 380 consid. 2, SJ 2012 I 77; arrêt du Tribunal fédéral 5D_211/2011 du 30 mars 2012 consid. 6.3; ACJC/615/2014 du 23 mai 2014 consid. 1.4.1).

Constitue un "préjudice difficilement réparable" toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. L'instance supérieure doit se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette condition. Retenir le contraire équivaudrait à permettre à un plaideur de contester immédiatement toute ordonnance d'instruction pouvant avoir un effet sur le sort de la cause, ce que le législateur a justement voulu éviter (ACJC/615/2014 du 23 mai 2014 consid. 1.4.1).

Ainsi, l'admissibilité d'un recours contre une ordonnance d'instruction doit demeurer exceptionnelle et le seul fait que le recourant ne puisse se plaindre d'une violation des dispositions en matière de preuve qu'à l'occasion d'un appel sur le fond ne constitue pas en soi un préjudice difficilement réparable (ACJC/351/2014 du 14 mars 2014 consid. 2.3.1; Message du Conseil fédéral, op. cit., FF 2006 6841, p. 6884; Jeandin, op. cit., n. 22 ad art. 319 CPC).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1).

2.2 En l'espèce, le recourant fait valoir que l'ordonnance querellée, qui refuse d'ordonner à sa partie adverse de produire des relevés d'un compte bancaire, lui cause un préjudice difficilement réparable, dès lors que ces pièces sont selon lui indispensables pour prouver que la situation financière et personnelle de son ex-épouse s'est modifiée, justifiant une réduction voire une suppression des contributions d'entretien fixées par le jugement de divorce. Le recourant soutient en substance que ses conclusions en modification du jugement de divorce risquent d'être rejetées en tant qu'elles concernent la question des contributions d'entretien en faveur de son fils et de son ex-épouse, vu que le Tribunal refuse d'administrer certains actes d'instruction qu'il a requis.

Par cette argumentation, le recourant ne démontre pas en quoi la décision querellée serait susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable, au sens rappelé ci-dessus. En effet, si à l'issue de la procédure et à réception du jugement au fond le recourant persistait à considérer que le Tribunal a refusé à tort la production de certaines pièces, il pourrait diriger ces griefs contre la décision finale par la voie de l'appel prévue par l'art. 308 CPC, l'instance d'appel ayant la possibilité d'administrer des preuves (art. 316 al. 3 CPC) ou de renvoyer la cause en première instance pour complément d'instruction (art. 318 al. 1 let. c CPC). La prolongation de la procédure due au fait que le recourant ne pourra attaquer l'ordonnance litigieuse qu'avec le jugement au fond ne constitue pas, en tant que telle, un dommage difficilement réparable.

De plus, le recourant ne se prévaut d'aucune circonstance particulière susceptible de compromettre la sauvegarde de ses droits s'il n'était pas procédé à bref délai à l'administration de la preuve requise. En particulier, il n'allègue ni ne rend vraisemblable que les pièces dont il a réclamé la production ne pourraient plus être fournies par la suite ou ne pourraient l'être que dans des conditions notablement plus difficiles.

Il résulte de ce qui précède que le recourant ne subit pas de préjudice difficilement réparable du fait de la décision querellée. Le recours est dès lors irrecevable.

3. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires du recours (art. 106 al. 1 CPC), lesquels sont arrêtés à 800 fr. (art. 41 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile, RTFMC). Ils sont compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par le recourant, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Le recourant sera en outre condamné aux dépens de l'intimée. La Cour retiendra à cet égard que trois heures d'activité de l'avocat de l'intimée au tarif horaire de 450 fr. sont suffisantes pour la rédaction de la réponse au recours, qui tient sur quatre pages, page de garde et page des conclusions comprises. Les dépens seront dès lors arrêtés à un montant arrondi de 1'400 fr., débours et TVA compris (art. 96 et 105 al. 2 CPC, art. 84, 85, 90 RTFMC, art. 20, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare irrecevable le recours interjeté le 15 novembre 2021 par A______ contre l'ordonnance rendue le 9 novembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/2013/2020.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 800 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de même montant fournie par ce dernier, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ la somme de 1'400 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.