Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/30350/2017

ACJC/1574/2021 du 26.11.2021 sur JTPI/13244/2021 ( SCC )

Normes : CPC.315.al5
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/30350/2017 ACJC/1574/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 26 NOVEMBRE 2021


Entre

 

1) Madame A______, domiciliée ______ (GE),

2) Madame B______, domiciliée ______ (GE),

appelantes d'un jugement rendu par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 19 octobre 2021, comparant toutes deux par Me Vincent SOLARI, avocat, PONCET TURRETTINI, rue de Hesse 8-10, case postale, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel elles font élection de domicile,

et

Monsieur C______ et Madame D______, domiciliés ______, PORTUGAL, intimés, comparant tous deux par Me Christian PIRKER, avocat, PIRKER & PARTNERS,
rue des Maraîchers 36, 1205 Genève, en l'Étude duquel ils font élection de domicile.

 


Vu le jugement JTPI/13244/2021 du 19 octobre 2021 par lequel le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire et par jugement partiel, a révoqué les mesures superprovisionnelles qu'il avait prononcées le 9 juillet 2020 faisant interdiction à D______ et C______ de procéder à tous travaux, constructions et transformations, de quelque type que ce soit, sur la parcelle n. 1______ de la commune E______ [GE] (chiffre 1 du dispositif), débouté B______ et A______ de leur conclusion en annulation du contrat de vente du 16 novembre 2011, portant sur la vente en viager du bien-fonds sis 2______, parcelle n. 1______ de la commune E______ (ch. 2), renvoyé la question des frais judiciaires et des dépens à la décision finale (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4);

Que ledit jugement mentionne, sous la rubrique "Indication des voies de recours", la voie de l'appel dans les 30 jours suivant sa notification;

Vu l'appel formé par B______ et A______ "sur mesures provisionnelles", le 1er novembre 2021, contre le jugement du 19 octobre 2021, reçu le lendemain, concluant, au fond, à l'annulation du chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué et le rejet implicite des conclusions des appelantes sur mesures provisionnelles du 9 juillet 2020 et cela fait et statuant à nouveau, à ce qu'il soit fait interdiction aux époux C______/D______ de procéder à tous travaux, constructions et transformations, de quelque type que ce soit, sur la parcelle n. 1______ de la commune E______, jusqu'à droit jugé dans la procédure C/30350/2017, cette interdiction devant être assortie de la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP et à ce qu'il soit dit que les mesures provisionnelles sont accordées sans sûretés, avec suite de frais et dépens à la charge des intimés;

Que préalablement, les appelantes ont sollicité l'effet suspensif et à ce qu'il soit dit que les mesures superprovisionnelles du 9 juillet 2020 demeureront en vigueur jusqu'à droit jugé sur l'appel;

Que sur ce point, les appelantes ont allégué que le jugement entrepris avait indûment levé l'interdiction des travaux litigieux prononcée par voie de mesures superprovisionnelles en déboutant les appelantes de leur requête, sans tenir compte du fait que celle-ci n'était pas fondée uniquement sur le litige en cours concernant la validité de la vente, mais aussi sur la protection du droit d'habitation toujours inscrit au nom de B______ au registre foncier;

Que les travaux prévus empiétaient sur la surface de son logement, ce qui lui permettait d'exercer l'action négatoire;

Qu'en ne traitant pas ce moyen, le jugement entrepris exposait B______ à ce que des travaux incompatibles avec son droit d'habitation puissent débuter en tout temps, créant une situation de fait portant gravement atteinte à ses droits;

Qu'il se justifiait dès lors d'accorder l'effet suspensif à l'appel;

Vu la réponse des époux C______/D______ du 22 novembre 2021, concluant au rejet de la requête d'effet suspensif et à la condamnation des appelantes à verser des sûretés à hauteur de 507'500 fr., avec suite de frais et dépens;

Qu'en ce qui concerne les sûretés, ils ont allégué qu'une décision favorable sur effet suspensif conduirait, de facto, à octroyer les mesures provisionnelles en interdiction d'exécuter les travaux, de sorte qu'ils sollicitaient le versement de sûretés d'un montant correspondant à six mois de rentes viagères (soit le temps nécessaire estimé pour que la Cour de justice statue également sur l'appel au fond), auquel s'ajoutait un montant correspondant à 23 mois supplémentaires de rente viagère (soit le temps nécessaire à l'obtention d'une nouvelle autorisation de construire, la première risquant de devenir caduque vu l'écoulement du temps, et au traitement des recours que les appelantes ne manqueraient pas de déposer contre la nouvelle autorisation), pour un total de 29 mensualités en 17'500 fr. chacune;

Attendu, EN FAIT, que les sœurs B______ et A______ étaient propriétaires de la parcelle n. 1______ de la commune E______, sise 1______, sur laquelle est bâtie une maison d'habitation;

Que B______ vit dans cette maison, contrairement à sa sœur;

Que par acte notarié du 16 novembre 2011, elles ont vendu, en viager, ladite parcelle aux époux C______/D______, pour un prix de 3'960'000 fr.;

Qu'en substance, les parties ont prévu les modalités suivantes : un bouquet de 1'000'000 fr. devait être versé aux venderesses, lesquelles devaient en outre recevoir une rente viagère mensuelle de 10'000 fr. s'agissant de A______ et de 7'500 fr. pour B______;

Que cette dernière conservait un droit d'habitation personnel et incessible sur le rez-de-chaussée de la maison, les acheteurs ayant l'intention d'occuper les autres étages;

Que l'acte mentionnait en outre le fait que la maison nécessitait une rénovation complète, de sorte que les époux C______/D______ s'engageaient à entreprendre, à leurs frais, risques et périls, des travaux d'aménagement et de rénovation; que s'agissant de la partie faisant l'objet d'un droit d'habitation, ils s'engageaient également, sous réserve des autorisations de construire, à procéder à la création d'une salle d'eau et son système d'eau chaude, à l'isolation des fenêtres, à la création d'une porte d'entrée à la place de la porte fenêtre, et à effectuer des travaux sur l'installation électrique;

Que de leur côté, les sœurs A______/B______ se sont engagées à ne s'opposer en aucune manière aux requêtes et délivrances des autorisations nécessaires à la réalisation des travaux, ni à les empêcher;

Qu'à la suite du dépôt d'une demande d'autorisation d'effectuer les travaux déposée par les acheteurs, une procédure de mise à l'inventaire de la maison a été ouverte;

Que les époux C______/D______, qui avaient vendu la maison dont ils étaient précédemment propriétaires, n'ayant pu emménager dans la maison sise 1______, faute de travaux, ont pris à bail un appartement;

Que par courrier du 13 janvier 2016, les sœurs B______ ont déclaré invalider le contrat de vente du 16 novembre 2011, subsidiairement le résilier pour inexécution;

Que le 18 mai 2018, le Département compétent a délivré aux époux C______/D______ une autorisation de construire qui faisait suite au dépôt d'une nouvelle demande en vue d'une transformation intérieure de la maison (notamment la mise en place de séparations intérieures en vue de redistribuer les espaces, la création d'une cuisine au premier étage et d'une salle de bains au rez-de-chaussée) et du remplacement des vitrages;

Que B______ a recouru contre la délivrance de cette autorisation;

Que par jugement du 13 décembre 2018, le Tribunal administratif de première instance a rejeté le recours, estimant en substance que le projet ne dénaturait pas la maison, que les travaux étaient réversibles, qu'ils respectaient la LCI et que les sœurs A______/B______ avaient conclu la vente viagère en posant la condition de l'exécution de travaux de redistribution intérieure et d'amélioration du confort;

Que par acte déclaré non concilié le 22 mars 2018 et introduit le 28 mai 2018 devant le Tribunal, les sœurs A______/B______ ont conclu à ce que le Tribunal annule le contrat de vente du 16 novembre 2011 et leur donne acte de leur engagement de verser aux époux C______/D______ le montant de 1'000'000 fr. et la totalité des rentes perçues au jour du jugement;

Qu'en substance, les sœurs A______/B______ se sont prévalues d'une erreur essentielle, le prix de vente convenu étant nettement inférieur au prix du marché;

Qu'en outre, les époux C______/D______ n'avaient pas procédé aux travaux mentionnés dans le contrat de vente, alors que lesdits travaux constituaient un élément les ayant déterminées à conclure le contrat;

Que les époux C______/D______ ont conclu à ce que le Tribunal statue préjudiciellement sur le bien-fondé de l'invalidation du contrat de vente du 16 novembre 2011 et, sur demande reconventionnelle, ils ont conclu à ce que le Tribunal condamne les sœurs A______/B______, conjointement et solidairement, au paiement d'un montant de 180'656 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2017, augmenté chaque mois de 3'780 fr. jusqu'à l'entrée en force du jugement;

Que lors de l'audience du 27 septembre 2019, il a été décidé que le Tribunal statuerait en premier lieu sur le principe de l'invalidation du contrat;

Que le Tribunal a ordonné une expertise portant sur la valeur vénale du bien immobilier à l'époque des faits, le rapport ayant été rendu le 1er octobre 2020 et complété le 11 janvier 2021;

Que par courrier du 2 juillet 2020, les époux C______/D______ ont informé les sœurs A______/B______ de ce que les travaux d'aménagement convenus allaient débuter dans les quinze jours suivants et allaient durer quatre mois s'agissant du rez-de-chaussée et douze mois pour les étages;

Que par requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles du 9 juillet 2020, les sœurs A______/B______ ont conclu à ce qu'il soit fait interdiction aux époux C______/D______ de procéder à tous travaux, constructions et transformations de quelque type que ce soit sur la parcelle en cause;

Que par ordonnance du même jour, le Tribunal a accordé les mesures superprovisionnelles requises et a prononcé l'interdiction sollicitée jusqu'à nouvelle décision après audition des parties;

Qu'après avoir entendu les parties, l'expert et divers témoins, le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience du 4 juin 2021, puis a rendu le jugement attaqué;

Qu'outre l'appel formé sur mesures provisionnelles le 1er novembre 2021, les sœurs A______/B______ ont également saisi la Cour d'un appel contre le chiffre 2 du dispositif du jugement du 19 octobre 2021, lequel sera instruit après versement d'une avance de frais;

Considérant, EN DROIT, que l'appel n'a pas d'effet suspensif lorsqu'il a pour objet des décisions portant sur des mesures provisionnelles (art. 315 al. 4 let. b CPC), telles les mesures protectrices de l'union conjugale (ATF 134 III 667 consid. 1.1);

Que toutefois, l'exécution des mesures provisionnelles peut exceptionnellement être suspendue si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable (art. 315 al. 5 CPC);

Que saisie d'une demande d'effet suspensif, l'autorité cantonale d'appel doit procéder à une pesée des intérêts entre les deux préjudices difficilement réparables (ATF 138 III 378 consid. 6.3 et les références citées; 137 III 475 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_514/2012 du 4 septembre 2012 consid. 3.2.2);

Que lorsque le juge accorde les mesures superprovisionnelles, mais les révoque après audition de la partie adverse, un appel contre cette décision n'a pas pour effet de maintenir la mesure superprovisoire puisque l'appel n'est en principe pas assorti de l'effet suspensif (art. 315 al. 4 let b CPC, sauf cas exceptionnel, al. 5; contra : BSK ZPO-Sprecher, art. 265 n. 46). Il en va de même en cas de recours, sauf si l'effet suspensif est accordé sur requête (art. 325 al. 2 CPC) (Bohnet, CR CPC, 2019, ad art. 265 n. 18);

Qu'en l'espèce et quand bien même le dispositif du jugement attaqué ne fait aucune mention du prononcé de mesures provisionnelles, il y a lieu de retenir que le Tribunal a implicitement rejeté les conclusions sur mesures provisionnelles prises par les appelantes dans leur requête du 9 juillet 2020;

Que le Tribunal a en effet initialement statué, par ordonnance du
9 juillet 2020, sur mesures superprovisionnelles, faisant interdiction aux époux C______/D______ de procéder à tous travaux, constructions et transformations de quelque type que ce soit sur la parcelle en cause;

Qu'en application de l'art. 265 al. 2 CPC, le Tribunal aurait toutefois dû ensuite entendre la partie adverse et rendre sans délai une ordonnance sur mesures provisionnelles, ce qu'il n'a pas fait en l'espèce, laissant l'ordonnance superprovisionnelle perdurer pendant toute la durée de la procédure et statuant implicitement sur mesures provisionnelles dans le cadre du jugement du 19 octobre 2021;

Que les parties s'opposent, au fond, sur la question de l'invalidation du contrat de vente du 16 novembre 2011 portant sur l'immeuble sis 1______ à E______;

Que si les appelantes devaient obtenir gain de cause au fond, la propriété de ce bien immobilier leur serait restituée;

Que tant et aussi longtemps que cette question n'est pas réglée, il ne se justifie pas que les intimés puissent entreprendre des travaux dont l'exécution avait été prévue dans le cadre du contrat dont l'annulation est requise;

Qu'en effet, l'exécution de tels travaux risque de causer aux appelantes un préjudice difficilement réparable, puisqu'ils auront pour conséquence de modifier la structure interne du bâtiment;

Qu'une telle modification avait certes été acceptée par les appelantes dans le cadre du contrat de vente;

Que la validité de celui-ci étant toutefois désormais remise en cause, il en va de même de l'acceptation des travaux de transformation, les deux questions ne pouvant être dissociées l'une de l'autre;

Qu'à plus forte raison, B______, qui vit dans l'immeuble en cause, risque de subir un préjudice difficilement réparable, puisqu'elle devrait subir les nuisances de travaux auxquels elle ne consent plus, ledit dommage ne pouvant être réparé même si elle devait obtenir gain de cause sur le fond;

Qu'il y a dès lors lieu de suspendre l'effet exécutoire du chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué;

Que les intimés ont, dans cette hypothèse, sollicité le versement de sûretés;

Qu'indépendamment de la question de savoir si de telles sûretés peuvent, ou pas, être accordées, l'art. 315 al. 5 CPC ne le prévoyant pas, les intimés n'ont, quoiqu'il en soit, pas rendu vraisemblable qu'ils risqueraient de subir, en cas d'octroi de l'effet suspensif, le dommage qu'ils allèguent;

Qu'en effet et sous réserve de l'éventuelle nécessité de déposer une nouvelle demande d'autorisation auprès du Département compétent, dont le coût n'a pas été mentionné, les appelants n'ont pas rendu vraisemblable que le report des travaux prévus risquerait de leur causer un préjudice correspondant à vingt-neuf mensualités de la rente viagère dont ils s'acquittent;

Qu'il sera statué sur les frais de la présente décision dans le cadre de l'arrêt au fond.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur requête de suspension du caractère exécutoire du jugement entrepris :

Ordonne la suspension du caractère exécutoire attaché au chiffre 1 du dispositif du jugement JTPI/13244/2021 rendu le 19 octobre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/30350/2017.

Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

La présidente :

Paola CAMPOMAGNANI

 

La greffière :

Camille LESTEVEN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF – RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.