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Décisions | Chambre civile

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C/21113/2018

ACJC/1396/2021 du 22.10.2021 sur ORTPI/698/2021 ( OO ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21113/2018 ACJC/1396/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 22 OCTOBRE 2021

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (France), recourant contre une ordonnance rendue par la 16ème Chambre du Tribunal de première instance du canton de Genève le 23 juin 2021, comparant par Me Mathilde RAM-ZELLWEGER, avocate, ZELLWEGER AVOCATS, route de Suisse 100, case postale 110, 1290 Versoix (GE), en l'Etude de laquelle il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______ (GE), intimée, comparant par
Me Yves MAGNIN, avocat, rue de la Rôtisserie 2, case postale 3809, 1211 Genève 3, en l'Etude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           a. Le 17 septembre 2018, A______ a déposé une demande unilatérale de divorce à l'encontre de B______ auprès du Tribunal de première instance.

Il a notamment conclu au prononcé du divorce et à la liquidation du régime matrimonial. Ce faisant, il a requis l'attribution en sa faveur de l'entière propriété de la maison, située 1______, [à] C______ (France) ainsi qu'à celle à B______ du bien immobilier sis en Afrique, celle-ci devant s'acquitter d'une soulte d'un montant à établir compte tenu de la valeur de cet immeuble.

A titre préalable, il a requis la production de pièces par B______ afin d'établir sa situation financière.

b. Une audience de conciliation s'est tenue le 16 janvier 2019. A cette occasion, B______ a sollicité à son tour la production par A______ de diverses pièces utiles à la détermination de sa situation financière.

Au terme de cette audience, le Tribunal a imparti à A______ un délai au 28 février 2019 afin qu'il dépose les pièces mentionnées au procès-verbal ainsi qu'un délai au 29 mars 2019 à B______ pour répondre et pour produire les pièces sollicitées par A______.

c. Dans sa réponse, B______ ne s'est pas opposée au principe du divorce. Elle a sollicité, à titre préalable, la production de pièces par A______ et conclu à ce que le Tribunal le condamne à lui verser la somme de 189'879 fr. 70 à titre de liquidation du régime matrimonial.

d. Par réplique du 26 juin 2019, A______ a sollicité, à titre préalable, la production de pièces complémentaires par B______. Sur liquidation du régime matrimonial, il a nouvellement conclu à l'attribution à B______ de la propriété du bien immobilier situé 2______ Lot n° 3______ [à] D______ (France), celle-ci devant lui verser une soulte d'un montant à établir compte tenu de la valeur de l'immeuble.

e. Par duplique du 9 août 2019, B______ a persisté dans ses précédentes conclusions préalables et en liquidation du régime matrimonial.

f. Lors de l'audience de débats d'instruction du 7 novembre 2019, les parties se sont exprimées sur les moyens de preuves en lien avec la liquidation du régime matrimonial, A______ ayant renoncé à toute prétention sur le bien immobilier situé en Afrique, et ont sollicité la production de diverses pièces ainsi que l'audition de témoins. Le même jour, A______ a fait parvenir une requête en production de pièces complémentaires au Tribunal.

g. Par ordonnance de preuve ORTPI/11/2020 du 7 janvier 2020, le Tribunal a notamment ordonné l'audition de plusieurs témoins, constaté que les parties avaient déjà produit les pièces pertinentes, rejeté les demandes de production de pièces supplémentaires et réservé l'admission éventuelle d'autres moyens de preuves à un stade ultérieur de la procédure.

h. L'expertise du bien immobilier sis 1______ à C______, a été ordonnée.

i. A l'issue de l'audience de débats principaux du 24 février 2021, le Tribunal a imparti aux parties un délai notamment pour produire les pièces citées au procès-verbal.

j. Le 21 mai 2021, A______ a à nouveau fait parvenir au Tribunal une requête en production de pièces complémentaires, se référant notamment à sa précédente demande du 7 novembre 2019, afin de clarifier la situation financière de B______.

k. Celle-ci s'est opposée à cette requête par courrier du 17 juin 2021, considérant que tous les documents requis avaient été produits et que sa situation financière était clairement établie.

l. Par ordonnance de preuve ORTPI/698/2021 du 23 juin 2021, le Tribunal a considéré que les requêtes en production de pièces en lien avec la liquidation du régime matrimonial avaient déjà été tranchées dans le cadre de l'ordonnance du 7 janvier 2020 et que la situation financière des parties était de ce fait actualisée. Il a en conséquence rejeté les réquisitions de preuves complémentaires formulées par A______ dans son courrier du 21 mai 2021.

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 8 juillet 2021, A______ recourt contre cette ordonnance, notifiée le 28 juin 2021.

Préalablement, il conclut à ce qu'il plaise à la Cour d'ordonner la production du dossier de première instance.

Principalement, il conclut à ce que la Cour annule la décision querellée et ordonne à B______ la production des pièces suivantes :

-          Le compromis de vente conclu avec la E______ ainsi que tout document relatif à l'acquisition d'un bien immobilier (en Suisse ou en France) par B______

-          Le relevé du mois de février 2019 du compte [auprès de la banque] F______

-          Les relevés de comptes éventuellement détenus par B______ auprès de la banque G______

-          Les attestations d'intégralité de banque dans lesquelles B______ a des comptes

-          Toutes les communications financières et décisions de l'assurance invalidité concernant B______

-          Tous les décomptes et relevés de [la caisse de prévoyance] concernant B______

-          La taxation fiscale complète pour l'année 2018 pour B______

-          Les déclarations fiscales complètes de B______ pour les années 2017, 2018, 2019 et 2020.

Subsidiairement, il conclut à ce que la Cour dise et constate que les réquisitions de preuves du recourant des 17 septembre 2018, 7 novembre 2020 et 21 mai 2021 sont justifiées et renvoie la cause au Tribunal afin qu'il complète l'ordonnance de preuve du 7 janvier 2021 en ce sens qu'il ordonne à l'intimée de produire les pièces susmentionnées.

b. Par mémoire responsif du 19 août 2021, B______ conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens.

c. Les parties ont été informées le 8 septembre 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Le recours est recevable contre des décisions et ordonnances d'instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

Le délai de recours est de dix jours, à moins que la loi n'en dispose autrement (art. 321 al. 2 CPC).

1.2 En l'espèce, en tant qu'elle rejette les réquisitions de preuves complémentaires formulées par le recourant, l'ordonnance querellée constitue une ordonnance d'instruction, susceptible d'un recours immédiat. Les hypothèses visées à l'art. 319 let. b ch. 1 CPC n'étant pas réalisées, le recours est soumis aux conditions restrictives de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.

Le recours a été interjeté en temps utile et selon la forme prévue par la loi (art. 130, 131 et 321 al. 2 et 3 CPC).

2. Reste à examiner la condition du préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.

2.1 La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2, in SJ 2012 I 77; arrêt du Tribunal fédéral 5A_24/2015 du 3 février 2015).

Constitue un "préjudice difficilement réparable" toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. L'instance supérieure doit se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu : il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2, in SJ 2012 I 73; ACJC/1311/2015 du 30 octobre 2015 consid. 1.1 et les références citées).

Le préjudice sera ainsi considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (Reich, Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO], Baker & McKenzie [éd.], 2010, n. 8 ad art. 319 CPC).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (Spühler, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3ème éd., 2017, n. 7 ad art. 319; Hoffmann-Nowotny, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, 2013, n. 25 ad art. 319 CPC). De même, le seul fait que la partie ne puisse se plaindre d'une administration des preuves contraire à la loi qu'à l'occasion d'un recours sur le fond n'est pas suffisant pour retenir que la décision attaquée est susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable (Colombini, Condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise relative à l'appel et au recours en matière civile, in JdT 2013 III p. 131 ss, p. 155 et références citées, Spühler, op.cit., n. 8 ad art. 319 CPC).

C'est au recourant qu'il appartient d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et
133 III 629 consid. 2.3.1).

Si la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, la partie doit attaquer l'ordonnance avec la décision finale sur le fond (Message CPC, du Conseil fédéral relatif au CPC, FF 2006 6841, p. 6984; Brunner, in Kurzkommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung ZPO, 2ème éd., 2014, n. 13 ad art. 319 CPC).

Les ordonnances d'instruction, qui statuent en particulier sur l'opportunité et les modalités d'administration des preuves, ne déploient ni autorité ni force de chose jugée et peuvent en conséquence être modifiées ou complétées en tout temps (art. 154 in fine CPC; Jeandin, in Code de procédure commenté, 2019, n. 14 ad art. 319 CPC).

2.2 En l'espèce, le recourant fait grief au Tribunal d'avoir rejeté ses conclusions en production de pièces pourtant nécessaires à la détermination des acquêts de l'intimée, préalable à la liquidation du régime matrimonial.

A cet égard, s'il affirme que le refus d'ordonner les moyens de preuves sollicités lui causerait un préjudice difficilement réparable, le recourant n'allègue ni ne démontre que l'un ou l'autre de ses moyens de preuve écartés par le juge ne pourrait plus être administré par la suite ou ne pourrait l'être que dans des conditions notablement plus onéreuses et ne se prononce pas sur l'étendue ni même sur la nature du dommage qu'il aurait à subir.

Or, si le jugement devait lui être défavorable, le recourant pourrait encore faire valoir la violation de son droit à la preuve dans le cadre d'un appel contre la décision finale, l'instance d'appel ayant en outre la possibilité d'administrer des preuves (art. 316 al. 3 CPC) ou de renvoyer la cause en première instance pour complément d'instruction (art. 318 al. 1 let. c CPC).

Dans cette hypothèse, la procédure en serait certes prolongée, mais ce seul inconvénient ne constitue pas un dommage difficilement réparable. Il en va de même des frais supplémentaires éventuels que pourrait engendrer un renvoi de la procédure au Tribunal.

Il résulte de ce qui précède que le recourant ne subit pas de préjudice difficilement réparable du fait de l'ordonnance querellée. Le recours est dès lors irrecevable.

3. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires du recours, arrêtés à 800 fr. (art. 106 al. 1 CPC, art. 41 RTFMC), et entièrement compensés avec l'avance de frais du même montant fournie par ce dernier, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Le recourant sera en outre condamné aux dépens de l'intimée, fixés à 1'000 fr., débours et TVA inclus (art. 95 al. 1 let. b et al. 3, 104 al. 1, 105 et 106 al. 1 CPC; art. 85, 87 et 90 RTFMC ; art. 23 al. 1, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare irrecevable le recours interjeté par A______ contre l'ordonnance ORTPI/698/2021 rendue le 23 juin 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21113/2018-16.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 800 fr.

Les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance opérée par ce dernier, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 1'000 fr. à B______ à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Camille LESTEVEN

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

La présente décision, qui ne constitue pas une décision finale, peut être portée, dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (art. 72 LTF), aux conditions de l'art. 93 LTF.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.