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Décisions | Chambre civile

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C/27522/2018

ACJC/1216/2021 du 24.09.2021 sur ORTPI/541/2021 ( OS ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.319.letb.ch2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27522/2018 ACJC/1216/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 24 SEPTEMBRE 2021

 

Entre

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés ______, recourants d’une ordonnance rendue par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 20 mai 2021, comparant par Me Mark MULLER, avocat, Muller & Fabjan, rue Ferdinand-Hodler 13, 1207 Genève, en l'Étude duquel ils font élection de domicile,

et

Madame C______ et Monsieur D______, domiciliés ______, intimés, comparant par Me Pascal AEBY, avocat, rue Beauregard 9, 1204 Genève, en l'Étude duquel ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance ORTPI/541/2021 du 20 mai 2021, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a admis l'audition des parties (chiffre 1 du dispositif), ordonné l'audition de E______ (ch. 2), refusé les autres moyens de preuve complémentaires (ch. 3) et ordonné la tenue d'une audience de débats principaux afin de procéder à l'audition des parties et de E______, suivie des plaidoiries finales orales, selon citation jointe (ch. 4).

L'ordonnance était motivée comme suit: "Vu l'inspection et le rapport du géomètre du 20 janvier 2021, vu les mesures probatoires sollicitées par les parties, attendu que le Tribunal considère que les témoignages proposés ne sont pas pertinents pour l'issue du litige, que le Tribunal ordonnera l'audition de E______, le géomètre, afin qu'il commente son rapport (art. 187 al. 1 CPC), ainsi que l'audition des parties".

B.            a. Le 7 juin 2021, B______ et A______ ont formé recours auprès de la Cour de justice contre l'ordonnance du 20 mai 2021, reçue le 26 mai 2021, concluant à l'annulation du chiffre 3 de son dispositif et à l'admission de l'audition de F______, G______, H______, I______, J______, K______ et L______ en qualité de témoins, avec suite de frais et dépens à la charge de leurs parties adverses. Préalablement, les recourants ont conclu à ce que la suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance attaquée soit ordonnée, requête rejetée par arrêt de la Cour du 25 juin 2021.

Les recourants ont soutenu, en substance, que l'ordonnance attaquée risquait de leur causer un préjudice difficilement réparable, car le Tribunal avait d'ores et déjà décidé d'entendre E______, géomètre désigné comme expert, à l'exclusion d'autres témoins et avait prévu que les plaidoiries finales auraient lieu lors de la même audience. Or, il était nécessaire que les témoins G______ et H______ soient entendus, afin de démontrer la gêne occasionnée par les plantations des époux C/D______, dès lors que celles-ci empêchaient tout passage sur la parcelle commune n. 5______. Le témoin F______ devait pour sa part se déterminer sur une borne se trouvant au milieu des plantations effectuées par les époux C/D______. Or, le refus d'auditionner le témoin F______ ne pourrait pas être réparé ultérieurement, "dès lors que le Tribunal n'aura entendu qu'une seule détermination du seul géomètre expert, à l'exclusion du géomètre mandaté par les parties et dont le plan diffère du premier". Les auditions des témoins I______, J______, K______ et L______ étaient essentielles afin que le Tribunal puisse mesurer le dommage causé par la privation de la jouissance de la parcelle commune.

b. Dans leur réponse du 1er juillet 2021, D______ et C______ ont conclu à l'irrecevabilité du recours formé par leurs parties adverses, subsidiairement à leur déboutement, avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont été informées par avis du greffe de la Cour du 23 août 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour.

a. A______ est propriétaire de la parcelle n. 1______ sise sur la Commune de M______, à l'adresse 2_____, sur laquelle B______ bénéficie d'un usufruit inscrit au Registre foncier.

b. D______ et C______ sont copropriétaires de la parcelle n. 3______ de la Commune de M______, à l'adresse 4_____.

c. Les parcelles n. 1______ et n. 3______ sont situées, de même que de nombreuses autres, au sein de la Résidence "N______". Toutes ces parcelles sont implantées sur la parcelle n. 5______, qui constitue une dépendance des autres parcelles et est détenue en copropriété par tous les propriétaires.

Les copropriétaires de la Résidence "N______" ont adopté un règlement de copropriété en 1977, mentionné au Registre foncier, lequel prévoit notamment que "les chaussées, chemins piétons, piscine, tennis et toute autre propriété commune ne pourront en aucun cas faire l'objet d'une occupation privative au profit de qui que ce soit. Chaque copropriétaire aura un droit de passage pour lui, les personnes vivant sous son toit, ses visiteurs et employés".

Les parcelles n. 1______ et n. 3______ ne sont pas voisines, mais séparées par les parcelles n. 6_____ et 7_____, les quatre parcelles formant entre elles une sorte d'angle droit.

d. Le 22 juillet 2019, B______ et A______ ont formé une demande devant le Tribunal dirigée contre D______ et C______, concluant à ce qu'il leur soit ordonné de supprimer les plantations sises en dehors des limites de leur propriété, de même qu'à moins de 50 centimètres de celles-ci, sous la menace de la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP. Ils ont également conclu à être autorisés à procéder eux-mêmes à la suppression desdites plantations, aux frais des époux C/D______, à défaut d'exécution dans les 20 jours suivant l'entrée en force du jugement et à la condamnation des époux C/D______ à leur payer la somme de 6'951 fr. 25 avec intérêts à 5% l'an dès le 22 novembre 2018 à titre de dommages-intérêts, avec suite de frais et dépens.

A l'appui de leur demande, B______ et A______ ont allégué que leurs parties adverses avaient effectué de nombreuses plantations sur et hors des limites de leur propriété, de sorte qu'elles empiétaient sur la parcelle n. 5______ détenue en copropriété par tous les propriétaires de la Résidence "N______". Ils ont offert de prouver leurs allégués notamment par l'audition de F______, géomètre, lequel avait établi un plan de situation et par celle des parties.

e. Dans leur réponse du 1er novembre 2019, les époux C/D______ ont conclu au déboutement de leurs parties adverses de leurs conclusions, avec suite de frais et dépens. Ils ont notamment allégué qu'un érable se trouvant à une distance de moins de 50 centimètres de la limite de propriété était planté depuis 1986, eux-mêmes ayant acquis leur maison en 1998. Les autres plantations respectaient les normes applicables.

f. Le Tribunal a tenu une audience le 2 juin 2020, lors de laquelle B______ et A______ ont sollicité l'audition des parties, ainsi que de: O______ (Régie P______ SA), Q______ (Régie P______ SA), R______ (Régie P______ SA), H______, S______ (AA______ SA) et des personnes suivantes, domiciliées au chemin 2/4______: T______, U______, V______, W______, X______ et Y______.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a ordonné l'audition des parties et a réservé en l'état l'audition des témoins et l'inspection.

g. L'audition des parties a eu lieu lors de l'audience du 3 novembre 2020, à l'issue de laquelle le Tribunal a ordonné l'inspection, en présence d'un géomètre.

h. L'inspection a eu lieu le 20 janvier 2021, en présence de E______, géomètre, auquel la mission suivante a été confiée: "vérifier si les plantes non-ligneuses se trouvent dans la propriété des époux C/D______ et pour les plantes ligneuses, il s'agit de mesurer la distance entre le tronc et la limite de propriété". Il a été convenu, en accord avec les parties, que le géomètre reviendrait hors leur présence afin de prendre les mesures nécessaires.

i. E______ a rendu son rapport le 26 février 2021.

j. Par courrier du 14 avril 2021, les époux C/D______ ont sollicité l'audition des témoins suivants: X______, Y______ et S______.

k. Par courrier du 15 avril 2021, B______ et A______ ont pour leur part sollicité l'audition des témoins suivants: F______, G______, H______, I______, J______, K______ et L______.

l. Le 20 mai 2021, le Tribunal a rendu l'ordonnance litigieuse.

 

 

EN DROIT

1. 1.1 Le recours est recevable contre des décisions et ordonnances d’instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu’elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l’instance de recours dans les dix jours (art. 142 al. 3 CPC) à compter de la notification de la décision pour les ordonnances d’instruction (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

1.2 En l’espèce, en tant qu’elle refuse d'administrer des preuves sollicitées par les recourants, l’ordonnance querellée constitue une ordonnance d’instruction.

Interjeté dans le délai imparti et suivant la forme prévue par la loi (art. 130, 131 et 321 al. 1 et CPC), le recours est recevable sous cet angle.

1.3 Dans la procédure de recours, la cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits.

2.             Il reste par conséquent à déterminer si l’ordonnance querellée est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable aux recourants au sens de l’art. 319 let. b ch. 2 CPC.

2.1 La notion de "préjudice difficilement réparable" est à mettre en relation avec les termes identiques utilisés à l'art. 261 al. 1 let. b CPC et ne saurait se recouper avec celle, plus restrictive, de préjudice irréparable utilisée à l'art. 93 al. 1 let. a LTF, qui exclut la prise en compte d'un préjudice factuel ou économique. Ainsi, l'art. 319 let. b ch. 2 CPC ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable (y compris financière ou temporelle), pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure devra toutefois se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette dernière condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu : il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès. En résumé, la notion de préjudice difficilement réparable doit être interprétée restrictivement puisque la personne touchée disposera le moment venu de la faculté de remettre en cause la décision ou ordonnance en même temps que la décision au fond: il incombe au recourant d'établir que sa situation procédurale serait rendue notablement plus difficile et péjorée si la décision querellée était mise en œuvre, étant souligné qu'une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne suffisent pas. On retiendra l'existence d'un préjudice difficilement réparable lorsque ledit préjudice ne pourra plus être réparé par un jugement au fond favorable au recourant, ce qui surviendra par exemple lorsque des secrets d'affaires sont révélés ou qu'il y a atteinte à des droits absolus à l'instar de la réputation, de la propriété et du droit à la sphère privée (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, ad art. 319 n. 22 et 22a). De même, le rejet d’une réquisition de preuve par le juge de première instance n’est en principe pas susceptible de générer un préjudice difficilement réparable, sauf dans des cas exceptionnels à l’instar du refus d’entendre un témoin mourant ou du risque que les pièces dont la production est requise soient finalement détruites (Jeandin, op. cit., ad art. 319 n. 22b).

2.2 En l'espèce, les recourants ont exposé, dans leur recours, les motifs pour lesquels ils considèrent que l'audition des différentes personnes qu'ils mentionnent leur paraît essentielle. Ils ne sont en revanche pas parvenus à établir que le refus de les entendre était susceptible de leur causer un dommage difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC. En effet, si le jugement du Tribunal devait leur être défavorable, ils auraient la possibilité d'appeler auprès de la Cour de justice et de faire valoir l'ensemble de leurs griefs, y compris le fait que des témoins nécessaires n'auraient pas été entendus. La Cour pourrait alors, si elle devait leur donner raison, retourner la cause au premier juge pour suite d'instruction et nouvelle décision. La procédure en serait certes prolongée, mais ce seul inconvénient ne constitue pas un dommage difficilement réparable. Il en va de même des éventuels frais supplémentaires que pourrait engendrer un renvoi de la procédure devant le Tribunal. Pour le surplus, les recourants n'ont pas rendu vraisemblable, ni même allégué, que l'un ou l'autre des témoins qu'ils citent ne pourrait plus être entendu si la procédure devait se prolonger.

Il résulte de ce qui précède que la condition de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC n'étant pas remplie, le recours est irrecevable.

3.             Les frais judiciaires de recours seront mis conjointement et solidairement à la charge des recourants, qui succombent (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront arrêtés à 1'200 fr. (art. 41 RTFMC), comprenant les frais de la décision sur effet suspensif, et entièrement compensés avec l’avance fournie, qui reste acquise à l’Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC).

Les recourants seront en outre condamnés à payer aux intimés la somme de 1'500 fr., débours et TVA inclus, à titre de dépens de recours (art. 23 al. 1, 25 et 26 LaCC ; 85, 87 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare irrecevable le recours interjeté le 7 juin 2021 par B______ et A______ contre l'ordonnance ORTPI/541/2021 rendue le 20 mai 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/27522/2018.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'200 fr., les met conjointement et solidairement à la charge de B______ et A______ et les compense avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ et A______, conjointement et solidairement, à verser à D______ et C______, pris conjointement et solidairement, la somme de 1'500 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.