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Décisions | Chambre civile

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C/25397/2017

ACJC/1128/2021 du 07.09.2021 sur OTPI/363/2021 ( SDF ) , MODIFIE

Descripteurs : mesuni;modifi
Normes : CPC.276.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25397/2017 ACJC/1128/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 7 SEPTEMBRE 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ (GE), appelante d'une ordonnance rendue par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 14 mai 2021, comparant par Me Magda KULIK, avocate, KULIK SEIDLER, rue du Rhône 116, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ (France), intimé, comparant par
Me Maud VOLPER, avocate, VS AVOCATS, boulevard Georges-Favon 14,
1204 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile.

 

 

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance OTPI/363/2021 du 14 mai 2021, notifiée aux partie le 17 mai 2021, statuant sur mesures provisionnelles de divorce, le Tribunal de première instance a condamné B______ à payer à A______, par mois et d'avance, une contribution de 7'220 fr. à son entretien, avec effet au 1er décembre 2020 (ch. 1 du dispositif), modifié, dans la seule mesure nécessaire à cette fin, le jugement JTPI/15395/2016 prononcé sur mesures protectrices de l'union conjugale le 13 décembre 2016 dans la cause C/1______/2016 (ch. 2), mis les frais judiciaires – arrêtés à 1'000 fr. – à la charge des parties pour moitié chacune, compensé ces frais avec les avances fournies par celles-ci (ch. 3), dit qu'il n'était pas octroyé de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour civile le 27 mai 2021, A______ appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Principalement, elle conclut au déboutement de B______ de toutes ses conclusions sur mesures provisionnelles de divorce et à la confirmation du jugement prononcé le 13 décembre 2016 sur mesures protectrices de l'union conjugale, avec suite de frais judiciaires et dépens.

A l'appui de ses conclusions, elle produit un contrat de financement daté du 20 mai 2021, un échange de courriels des 18 et 19 mai 2021, ainsi qu'une déclaration fiscale déjà produite devant le juge du divorce.

b. Préalablement, A______ a requis la suspension de l'effet exécutoire attaché aux ch. 1 et 2 du dispositif de l'ordonnance entreprise, ce à quoi B______ s'est opposé.

Par arrêt du 21 juin 2021, le président de la Chambre civile a suspendu le caractère exécutoire des chiffres concernés du dispositif en tant qu'ils portaient sur la période du 1er décembre 2020 au 14 mai 2021. Il a rejeté la requête pour le surplus et dit qu'il serait statué sur les frais dans l'arrêt à rendre sur le fond.

c. Dans sa réponse, B______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation de l'ordonnance entreprise, avec suite de frais judiciaires et dépens.

d. Les parties n'ont pas répliqué, ni dupliqué.

Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 8 juillet 2021.

 

 

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. B______, né le ______ 1965, et A______, née le ______ 1965, tous deux ressortissants français, se sont mariés le ______ 1990 à C______.

Deux enfants sont issus de cette union, respectivement nés en 1993 et 1998, aujourd'hui majeurs.

b. B______ et A______ ont mis un terme définitif à leur vie commune en août 2015.

c. Par jugement JTPI/15395/2016 du 13 décembre 2016, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale à la requête de A______, le Tribunal de première instance a notamment attribué à celle-ci la jouissance exclusive de la villa familiale de D______ (GE), dont les époux sont copropriétaires pour moitié chacun, condamné B______ à payer à sa fille cadette, devenue majeure en cours de procédure, une contribution à son entretien de 2'000 fr. par mois, frais d'école privée ou d'études en sus, jusqu'à l'âge de 25 ans au plus, et condamné B______ à payer à A______ une contribution d'entretien de 12'000 fr. par mois dès le 1er octobre 2015.

c.a Le Tribunal a notamment retenu que B______, actif dans le trading et le shipping de matières premières, avait perçu des salaires de l'ordre de 30'000 fr. par mois, bonus non compris, jusqu'à fin 2014. Après une brève période de chômage, il avait perçu un salaire de 13'500 fr. par mois jusqu'à fin mars 2016, date à laquelle il avait perdu le dernier de ses emplois. Il percevait depuis lors environ 9'000 fr. nets par mois d'indemnités de chômage, mais projetait d'aller vivre et travailler à E______ (Emirats Arabes Unis). B______ disposait par ailleurs d'une fortune mobilière de 3'905'000 fr., dont il pouvait tirer un rendement de 9'765 fr. par mois (au taux estimé de 3% l'an). Il était ainsi en mesure de réaliser un revenu hypothétique de 23'265 fr. par mois, composé d'un salaire futur estimé de 13'500 fr. nets par mois et du rendement de sa fortune mobilière. Son minimum vital élargi totalisait quelque 6'800 fr. par mois, à quoi s'ajoutait l'entretien encore prodigué aux deux enfants majeurs (4'000 fr. par mois), écolage non compris, lui laissant un disponible de l'ordre de 12'465 fr. par mois).

c.b A______ était pour sa part dépourvue d'emploi et de revenus propres. Elle n'avait jamais travaillé pendant le mariage et toujours dépendu de l'entretien de son époux, qui avait financé seul le train de vie élevé de toute la famille. Les dépenses propres au maintien du train de vie dont elle jouissait pendant la vie commune, auquel elle pouvait en principe prétendre, s'élevaient à 13'435 fr. par mois, hors impôts. Une contribution à son entretien de 12'000 fr. par mois devait ainsi lui permettrait de maintenir dans une large mesure son train de vie antérieur, ainsi qu'aux deux époux de bénéficier d'un train de vie semblable. Pour le surplus, A______ allait prochainement hériter d'une substantielle fortune de sa mère, dont l'époux alléguait qu'elle s'élevait à plus d'un million d'euros. Cette fortune qui lui permettrait de financer les dépenses inhérentes à son train de vie non couvertes par la contribution d'entretien.

d. Dès le mois d'octobre 2016, B______ s'est établi et a travaillé à E______, pour un salaire net de l'ordre de 23'000 fr. par mois, bonus non compris. Il a cependant été licencié de son emploi pour fin mars 2020 et, devant subséquemment quitter les Emirats, il s'est établi à C______.

N'ayant pas droit au chômage en France, faute d'y avoir cotisé, actuellement dépourvu de travail et de revenus propres, il recherche activement un nouvel emploi dans le domaine qui est le sien, mobilisant notamment à cette fin son réseau professionnel.

e. B______ admet avoir tiré, entre fin 2017 et fin 2020, un rendement moyen de 3,52% de sa fortune mobilière, dont il indique qu'elle s'élevait à 3'535'000 fr. à fin 2020.

Il fait état de charges mensuelles principales comprenant, outre son entretien de base, des frais de logement, d'assurances, de véhicule et de prévoyance privée, ainsi que des cotisations à un club de polo et l'entretien d'un bateau de plaisance, totalisant 4'140 fr. par mois.

Il contribue encore à l'entretien des deux enfants majeurs des époux à raison de 2'630 fr. par mois pour la cadette, âgée de 23 ans, étudiante à F______ [France] et sans revenus, et de 1'930 fr. par mois pour l'aîné, âgé de 28 ans, vivant en France et sans emploi.

f. A______ est actuellement toujours sans emploi et dépourvue de revenus propres. Elle a perçu de sa mère, décédée en octobre 2016 et dont elle est l'unique héritière, un héritage composé de liquidités, d'immeubles en France et d'assurances-vie, d'une valeur fiscale totale 957'000 euros après impôts.

Depuis le prononcé des mesures protectrices, les intérêts et amortissements hypothécaires de la villa conjugale sont passés de 4'155 fr. à 1'430 fr. par mois, diminuant ainsi de 2'725 fr. par mois le montant de ses dépenses mensuelles. Les époux cherchant à vendre leur villa de D______ [GE], l'emprunt hypothécaire a été renouvelé au mois de mai 2021 pour une durée d'une année, les mensualités passant alors à 2'420 fr. dès le 1er juin 2021 en raison d'une augmentation des amortissements. Simultanément, l'établissement de crédit a indiqué à A______ que les amortissements seraient encore relevés de 667 fr. par mois dès le 1er juin 2022 si le bien n'était pas vendu dans l'intervalle.

Les primes d'assurance-maladie de A______, qui s'élevaient à 706 fr. par mois lors du prononcé des mesures protectrices, s'élèvent désormais à 842 fr. par mois. Celle-ci indique également s'acquitter désormais de cotisations AVS en qualité de personne non-active, à hauteur de 1'380 fr. par mois.

g. Le 2 novembre 2017, B______ a formé une demande unilatérale en divorce. Sur mesures provisionnelles, requises le 25 novembre 2020, il a conclu à la réduction à 3'000 fr. par mois de la contribution à l'entretien de son épouse fixée sur mesures protectrices de l'union conjugale.

A______ a conclu au déboutement de son époux des fins de sa requête de mesures provisionnelles.

h. Après avoir été entendues le 15 mars 2021, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives lors de l'audience de plaidoiries du 29 mars 2021, à l'issue de laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger.

D.           Dans l'ordonnance entreprise, le Tribunal a considéré notamment que la perte par l'époux de son emploi [à] E______ était impropre à justifier une diminution de la contribution d'entretien litigieuse, dès lors que ledit époux, qui était déjà sans emploi lors du prononcé des mesures protectrices, demeurait à même, hier comme aujourd'hui, de retrouver un poste à court ou moyen terme dans son domaine d'activité. Les prévisions du juge des mesures protectrices avaient d'ailleurs été dépassées au vu du salaire que l'époux avait perçu à E______ et du rendement qu'il admettait avoir tiré de sa fortune.

La situation de l'épouse s'était quant à elle améliorée, dès lors que celle-ci avait perçu un héritage d'une valeur correspondant à 1'052'000 fr. Si cet héritage ne constituait pas une circonstance nouvelle, puisque le juge des mesures protectrices avait tenu compte de sa perspective, ledit juge avait également considéré qu'il appartiendrait à l'épouse de mobiliser la fortune ainsi perçue pour contribuer en tout ou partie au financement de son train de vie. L'équité commandait dès lors d'attendre de l'épouse qu'elle tire de ladite fortune un rendement de 3% semblable à celui que l'époux tirait de la sienne, ce qui représentait en l'espèce un revenu de 2'630 fr. par mois.

A cela s'ajoutait que les charges propres au maintien du train de vie élevé de l'épouse avaient connu une diminution de 2'725 fr. par mois, du fait de la baisse des intérêts et amortissements hypothécaires de la villa familiale. Par rapport aux dépenses mensuelles de 13'435 fr. par mois retenues sur mesures protectrices, la situation de l'épouse s'était ainsi améliorée de 5'355 fr. par mois. Rapportée au montant de 12'000 fr. par mois mis à la charge de l'époux, la part de cette amélioration représentait une somme de 4'780 fr. par mois, ce qui justifiait de réduire d'autant la contribution d'entretien litigieuse, à 7'220 fr. par mois, et ce dès le dépôt de la requête de mesures provisionnelles.


 

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions sur mesures provisionnelles sont susceptibles d'appel, lorsque l'affaire est de nature pécuniaire, si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant le Tribunal atteint 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

En l'espèce, la cause porte sur la contribution à l'entretien de l'épouse, dont la valeur capitalisée est supérieure à 10'000 fr. (art. 92 CPC). La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 142 al. 1, 271 let. a et 314 al. 1 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire, avec administration restreinte des moyens de preuve, la cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5.1).

1.4 Dès lors que la cause concerne l'entretien de l'épouse, le litige est soumis à la maxime inquisitoire simple (art. 272 et 276 al. 1 CPC) et au principe de disposition (art. 58 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_970/2017 du 7 juin 2018 consid. 3.1).

2.             L'appelante produit deux pièces nouvelles en appel. Etablies postérieurement à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger, celles-ci sont recevables (cf. art. 317 al. 1 CPC), ce qui n'est pas contesté.

3.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir réduit, sur mesures provisionnelles de divorce, la contribution à son entretien fixée sur mesures protectrices de l'union conjugale. Elle conteste que la situation des parties ait connu une modification justifiant une telle réduction.

3.1 Les mesures protectrices de l'union conjugale demeurent en vigueur même au-delà de l'ouverture de la procédure de divorce (art. 276 al. 2 CPC).

Une fois ordonnées, elles ne peuvent être modifiées par le juge des mesures provisionnelles qu'aux conditions de l'art. 179 CC, désormais applicable par renvoi de l'art. 276 al. 1 CPC (ATF 137 III 614 consid. 3.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_436/2020 du 5 février 2021 consid. 4.1 et les références citées). Leur modification ne peut ainsi être obtenue que si, depuis leur prononcé, les circonstances de fait ont changé d'une manière essentielle et durable, si un changement significatif et non temporaire est survenu postérieurement à la date à laquelle la décision a été rendue, si les faits qui ont fondé le choix des mesures provisoires dont la modification est sollicitée se sont révélés faux ou ne se sont par la suite pas réalisés comme prévu, ou encore si la décision de mesures provisoires est apparue plus tard injustifiée parce que le juge appelé à statuer n'a pas eu connaissance de faits importants (parmi plusieurs : ATF 143 III 617 consid. 3.1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_611/2019 du 29 avril 2020 consid. 4.1 et les autres références citées).

La procédure de modification n'a cependant pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances nouvelles. Le moment déterminant pour apprécier si des circonstances nouvelles se sont produites est la date du dépôt de la demande de modification (ATF 137 III 604 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_611/2019 précité consid. 4.1).

Lorsqu'il admet que les circonstances ayant prévalu lors du prononcé de mesures provisoires se sont modifiées durablement et de manière significative, le juge doit fixer à nouveau la contribution d'entretien, après avoir actualisé tous les éléments pris en compte pour le calcul dans le jugement précédent et litigieux devant lui (ATF 138 III 289 consid. 11.1.1; 137 III 604 consid. 4.1.2). La survenance de faits nouveaux importants et durables n'entraîne toutefois pas automatiquement une modification du montant de la contribution d'entretien; celle-ci ne se justifie que lorsque la différence entre le montant de la contribution d'entretien nouvellement calculée sur la base de tels faits et celle initialement fixée est d'une ampleur suffisante (arrêts du Tribunal fédéral 5A_64/2018 du 14 août 2018 consid. 3.1; 5A_151/2016 du 27 avril 2016 consid. 3.1).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a considéré qu'une réduction de la contribution d'entretien litigieuse se justifiait tant au vu de la fortune dont l'appelante a hérité de sa mère que de la diminution des charges hypothécaires de la villa familiale, dont l'appelante a conservé la jouissance. Le fait que l'intimé se trouve actuellement sans emploi ne commandait en revanche pas de modifier les mesures précédemment ordonnées.

3.2.1 S'agissant du premier motif,l'appelante observe à juste titre que sa perception d'un héritage substantiel de sa mère a été prise en compte par le juge des mesures protectrices de l'union conjugale. En particulier, celui-ci a estimé que la fortune en question permettrait à l'appelante de financer la part du train de vie auquel elle pouvait prétendre – estimé à 13'435 fr. par mois – qui ne serait pas couverte par la contribution d'entretien due par l'intimé, limitée à 12'000 fr. par mois, soit à hauteur de 1'345 fr. par mois au moins. Le fait que l'appelante ait aujourd'hui perçu l'héritage susvisé, et qu'elle soit théoriquement en mesure d'en tirer des revenus, n'est donc pas une circonstance nouvelle justifiant en principe une adaptation des mesures prises au titre de la protection de l'union conjugale. En l'occurrence, il n'est nullement rendu vraisemblable que l'appelante tirerait de la fortune dont elle a hérité, dont l'ampleur est comparable à celle était alléguée devant le juge des mesures protectrices, des revenus excédant notablement le montant mensuel minimum de 1'345 fr. estimé par le dit juge, si ce n'est par l'application d'un taux d'intérêt uniforme et abstrait de 3% à laquelle a procédé le juge du divorce, par analogie avec le rendement que l'intimé admet tirer de sa propre fortune. Or, il est vraisemblable que la composition de la fortune dont a hérité l'appelante diffère sensiblement de celle que possède l'intimé, notamment dans la mesure où elle ne comprend que peu de liquidités ou d'actifs facilement négociables et où l'appelante n'apparaît pas à même de l'investir pour en favoriser le rendement, contrairement à l'intimé.

Par conséquent, c'est à tort que le Tribunal a retenu que la fortune échue à l'appelante par héritage justifiait de de revoir à la baisse la contribution d'entretien allouée à celle-ci sur mesures protectrices de l'union conjugale. Il reste à examiner si la réduction litigieuse doit néanmoins être confirmée, en tout ou partie, pour l'un ou l'autre des autres motifs pris en compte par le juge du divorce.

3.2.2 Contrairement aux perspectives d'héritage de l'appelante, la baisse des taux d'intérêt hypothécaires, ayant entraîné une diminution des charges de logement de l'appelante, n'a pas été prévue ni prise en compte à l'époque des mesures protectrices. Il apparaît aujourd'hui que cette baisse a eu un impact significatif sur lesdites charges, celles-ci passant de 4'155 fr. à 1'430 fr. par mois, soit une diminution de 2'725 fr. par mois, représentant elle-même 20% du budget initial de l'appelante (2'725 fr. / 13'435 fr. = 0.2028). Cette baisse apparaît également durable dans le temps, rien ne permettant de prévoir une remontée prochaine des taux d'intérêts hypothécaires, du moins pour la durée restante du procès en divorce. Par conséquent, c'est à juste titre que le Tribunal a retenu qu'un changement important et durable était survenu sur ce point, dans les circonstances ayant fondé le calcul de la contribution d'entretien litigieuse. Il s'ensuit que ce calcul doit être réexaminé, en tenant compte de la baisse susvisée de 2'725 fr. des charges de l'appelante.

Il est vrai que dans l'intervalle, le prêt hypothécaire relatif à la villa familiale a été renouvelé et prévoit désormais des mensualités de 2'420 fr. dès le 1er juin 2021. Comme le relève l'intimé, cette augmentation n'est toutefois liée qu'à l'accroissement des amortissements convenus contractuellement, et non des intérêts hypothécaires proprement dits. Il est également vraisemblable que cet accroissement découle lui-même du fait que l'emprunt hypothécaire n'est désormais renouvelé que pour une durée d'un an, en raison du souhait des parties de vendre leur bien. Dans ces conditions, l'augmentation des amortissements n'apparaît pas comme une dépense nécessaire au maintien du train de vie de l'appelante, mais comme un simple transfert de fortune dont l'appelante bénéficie également. Il n'y a pas lieu d'en tenir compte dans le réexamen de la contribution d'entretien litigieuse, étant observé que l'appelante peut être tenue de s'acquitter de sa part de la dépense correspondante au moyen de son héritage ou des revenus tirés de celui-ci, comme pour les charges de son budget initial excédant le montant de ladite contribution d'entretien.

Ce qui précède s'applique également à l'augmentation des primes d'assurance-maladie de l'appelante, au demeurant modeste. On ne voit par ailleurs pas en quoi l'obligation de s'acquitter de cotisations AVS en qualité de personne non-active représenterait un changement dans la situation de l'appelante, aujourd'hui âgée de 56 ans, par rapport à l'époque du prononcé des mesures protectrices, où elle était âgée de 51 ans. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, l'appelante ne peut tenter d'obtenir une éventuelle correction de la décision initialement rendue sur ce point et il n'y a donc pas lieu d'intégrer désormais cette dépense à son budget mensuel.

Ainsi, c'est bien une diminution des charges nécessaires au maintien du train de vie de l'appelante de 2'725 fr. par mois qui doit être prise en compte dans le réexamen de la contribution d'entretien litigieuse.

3.2.3 Le jugement entrepris doit au surplus être confirmé en tant qu'il a considéré que la perte de son dernier emploi par l'intimé ne constitue pas un changement significatif des circonstances prises en compte lors du prononcé des mesures protectrices. L'intimé, qui avait alors perdu son dernier emploi, conservait, compte tenu de ses qualifications particulières et de son expérience professionnelle importante, la possibilité de retrouver à court terme un poste lui procurant une rémunération élevée, ce qui s'est avéré exact, les prévisions du juge des mesures protectrices en matière de rémunération étant même dépassées. Aujourd'hui, les cinq années écoulées et l'âge de l'intimé, qui est également de 56 ans contre 51 ans à l'époque, sont nécessairement compensés, dans la perspective de retrouver un emploi, par l'expérience supplémentaire et les nouveaux contacts nécessairement accumulés dans le cadre de son dernier emploi, de surcroît exercé à l'étranger.

Avec l'appelante, on relèvera également que les charges alléguées par l'intimé sur mesures provisionnelles sont sensiblement moins élevées que celles retenues sur mesures protectrices (soit 4'140 fr. contre 6'800 fr. par mois, entretien des enfants majeurs non compris), ce qui s'explique notamment par le fait que l'intimé réside désormais en France. La capacité contributive de l'intimé demeurerait dès lors inchangée même si celui-ci devait désormais retrouver un poste lui procurant une rémunération légèrement inférieure à celle qui lui a été imputée sur mesures protectrices de l'union conjugale (jusqu'à un minimum de 10'850 fr. net par mois par mois, au lieu de 13'500 fr. net par mois, étant rappelé que le dernier salaire de l'appelant s'élevait à 23'000 fr. net par mois). Contrairement à ce que soutient l'appelante, la diminution des charges de l'intimé ne peut en revanche pas compenser la diminution de ses propres charges pour aboutir au maintien de la contribution d'entretien litigieuse, en admettant que la capacité de gain de l'intimé demeure inchangée. Ladite contribution vise en effet seulement à permettre à l'appelante de maintenir le train de vie qui était le sien durant la vie commune et si les dépenses nécessaires à ce maintien se trouvent réduites, comme en l'espèce, la contribution d'entretien due par l'intimé peut également devoir être réduite, quand bien même les charges personnelles du débirentier auraient elles aussi diminué.

Au surplus, il n'est pas contesté que la fortune de l'intimé lui procure encore des revenus appréciables, eux aussi supérieurs aux prévisions du juge des mesures protectrices de l'union conjugale (soit d'environ 10'370 fr. par mois, correspondant au produit de 3'535'000 fr. à 3.52% l'an, contre environ 9'765 fr. par mois, correspondant au produit de 3'905'000 fr. à 3% l'an.). Ajoutés au surcroît de revenus perçus par l'intimé dans le cadre de son emploi à E______, les revenus que celui-ci tire de sa fortune lui permettraient donc de continuer à verser la contribution d'entretien litigieuse, même s'il se trouve momentanément sans emploi, au moins pour la durée restante du procès en divorce.

Il n'y a ainsi pas lieu de tenir compte d'un changement dans la situation de l'intimé dans le réexamen du calcul de la contribution d'entretien due à l'appelante.

3.3 En définitive, seule une diminution des charges de l'appelante de 2'725 fr. par mois doit être considérée comme pertinente pour la modification de l'obligation d'entretien litigieuse. Considérant que les revenus que l'appelante peut tirer de l'héritage de sa mère doivent lui permettre d'assumer, selon le calcul opéré sur mesures protectrices, la part de ses dépenses mensuelles non couverte par la contribution d'entretien litigieuse, à hauteur de 1'435 fr. par mois, ainsi que l'éventuelle augmentation desdites dépenses survenue dans l'intervalle (cf. consid. 3.2.2 ci-dessus), la diminution susvisée de 2'725 fr. par mois peut être entièrement déduite de la contribution d'entretien mise à la charge de l'intimé. Initialement fixé à 12'000 fr. par mois, le montant nécessaire au maintien du train de vie de l'appelante peut ainsi être désormais estimé à 9'275 fr. par mois (12'000 fr. – 2'725 fr.).

La différence entre ce montant et celui de la contribution initialement calculée, de l'ordre de 23% (2'725 fr. / 12'000 fr. = 0.227), est suffisamment importante pour que ladite contribution soit adaptée en conséquence, et ce dès le dépôt de la requête de mesures provisionnelles. Il sera dès lors fait partiellement droit au conclusions de l'appelante et le ch. 1 du dispositif de l'ordonnance entreprise sera réformé en ce sens que l'intimé sera condamné à verser à celle-ci, à titre de contribution à son entretien, par mois et d'avance, la somme de 9'275 fr. dès le 1er décembre 2020.

L'ordonnance entreprise sera confirmée pour le surplus.

4.             4.1 La réformation partielle de l'ordonnance entreprise ne commande pas de revoir la décision du Tribunal sur les frais, qui a réparti les frais judiciaires par moitié entre les parties et qui n'est pas contestée en tant que telle (art. 318 al. 3 CPC a contrario).

4.2 Les frais judiciaires d'appel, comprenant l'émolument de la décision rendue sur effet suspensif, seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 23, 31 et 37 RTFMC) et pareillement mis à la charge des parties pour moitié chacune, vu l'issue et la nature familiale du litige (art. 105 al. 1, art. 107 al. 1 let. c CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais de même montant versée par l'appelante, qui demeure acquise à l'Etat de Genève, et l'intimé sera condamné à rembourser à celle-ci la moitié de son avance, soit 500 fr. (art. 111 al. 1 et 2 CPC).

Pour les même motifs, les parties conserveront à leurs charges leurs propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 27 mai 2021 par A______ contre l'ordonnance OTPI/363/2021 rendu le 14 mai 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25397/2017.

Au fond :

Annule le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau sur ce point :

Condamne B______ à payer à A______, à titre de contribution à son entretien, par mois et d'avance, la somme de 9'275 fr. dès le 1er décembre 2020.

Confirme l'ordonnance entreprise pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à la charge des parties pour moitié chacune et les compense avec l'avance de frais de même montant fournie par A______, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à payer à A______ la somme de 500 fr. à titre de remboursement partiel de son avance.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.