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Décisions | Chambre civile

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C/13430/2018

ACJC/878/2021 du 30.06.2021 ( OS ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.319.letb.ch2
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13430/2018 ACJC/878/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREI 30 JUIN 2021

 

Entre

A______ SA, sise ______, recourante contre une ordonnance rendue par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 5 mars 2021, comparant par Me Cyrus SIASSI, avocat, SIASSI McCUNN BUSSARD, rue de l'Ecole-de-Chimie 2, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______, C______, sise ______, intimée, comparant par Me Jacopo RIVARA, avocat, Rivara Wenger Cordonier Aubert, rue Robert-Céard 13, 1204 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance du 5 mars 2021, reçue par A______ SA le 11 mars 2021, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a renoncé à l’audition de D______ et fixé aux parties un délai au 26 mars 2021 pour indiquer si elles souhaitaient procéder par des plaidoiries orales ou écrites.

En substance, le Tribunal a relevé que A______ SA avait sollicité la comparution personnelle des parties, en précisant qu'elle serait représentée par D______. Plusieurs audiences avaient été fixées pour l'entendre. Toutefois, d’abord en raison de l’état de santé de D______, puis du contexte sanitaire, sa comparution n’avait pas été possible.

A______ SA avait alors sollicité la comparution personnelle de D______ par vidéoconférence ou par écrit. Le Tribunal a d’abord relevé que la question de l’audition d’une partie sous la forme d’un écrit n’était pas prévue par le CPC. En tout état, A______ SA avait, dans son courrier du 9 octobre 2020, déclaré renoncer à l’audition de D______ si celle-ci ne pouvait avoir lieu à l’audience du 28 janvier 2021 (l’audience agendée au 28 janvier 2021 « constituerait l’ultime tentative d’audition de D______ »). Pour le surplus, le premier juge a estimé que B______, C______ s’était opposée à la tenue d’une audience par vidéoconférence alors que les parties devaient y consentir.

Enfin, il a estimé être suffisamment renseigné sur les faits pertinents de la cause, sous réserve des plaidoiries finales qui devaient encore avoir lieu, de sorte que l’audition de D______ n’apparaissait pas comme étant absolument nécessaire à la résolution du litige. Ainsi, ce que D______ entendait dire à l’occasion d’une comparution personnelle pourrait être intégré aux plaidoiries finales.

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 22 mars 2021, A______ SA a formé recours contre cette ordonnance, dont elle a sollicité l’annulation.

Elle a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, au renvoi de la cause à l’autorité précédente pour nouvelle décision, en ce sens que l’audition de D______ soit ordonnée par vidéoconférence ou par écrit.

Préalablement, elle a requis l’octroi de l’effet suspensif à son recours, lequel lui a été refusé par arrêt ACJC/393/2021 de la Cour du 29 mars 2021.

Elle a produit deux pièces non soumises au premier juge, soit un courrier du Dr E______ daté du 21 janvier 2020 ainsi qu’un rapport médical établi par le Dr F______ le 22 janvier 2021.

b. Par réponse du 26 mars 2021, B______, C______ a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, au rejet du recours et à la confirmation de l’ordonnance entreprise.

c. Par avis du 29 avril 2021, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger, A______ SA n’ayant pas usé de son droit de répliquer.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. C______ exploite, sous la forme d’une entreprise individuelle,
B______, C______, active notamment dans la recherche, la sélection et le placement privé dans les domaines du trading, banking et shipping ainsi que des services s’y rapportant.

b. A______ SA est une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève dont le but est notamment le commerce et le négoce de matières premières, en Suisse et à l’étranger, notamment du pétrole brut, produits pétroliers et produits dérivés, le transport et le stockage ainsi que tous services dans le cadre de cette activité, telles que la recherche et l’exploitation de gisements pétroliers.

D______ en est l’administrateur président et dispose de la signature individuelle.

c. Par demande déposée le 8 juin 2018, déclarée non conciliée le 3 septembre 2018 et introduite le 5 septembre 2018 auprès du Tribunal, B______, C______ a assigné A______ SA en paiement de la somme de 27'000 fr. avec intérêts à 5% l’an dès le 28 juin 2016.

A l’appui de sa demande, elle a fait valoir que C______ avait, en sa qualité de « chasseuse de tête » soumis le dossier de G______ pour un poste de trader à H______, employé de A______ SA et que cette dernière avait engagé le premier. B______, C______ avait, par conséquent, droit à une rémunération pour ses services.

Elle a notamment allégué que D______ l’avait contactée suite à l’envoi de sa facture du 29 juin 2016 pour un montant de 27'000 fr. et qu’ils s’étaient entretenus lors d’une réunion s’étant déroulée par la suite, soit durant l'automne 2016.

d. Par réponse du 12 décembre 2018, A______ SA a conclu à ce que
B______, C______ soit déboutée de ses conclusions.

Elle a contesté avoir fait appel aux services de C______.

Elle a soutenu que D______ avait envisagé de rencontrer C______ uniquement afin de faire la connaissance « de celle qui prétendait avoir été mandatée par la défenderesse et dont, en sa qualité d’administrateur, il se devait d’évaluer les prétentions, relayées par le biais de ses factures et relances et de confirmer leur caractère infondé ».

A______ SA a notamment produit un courriel de D______ du 31 mars 2017, dans lequel ce dernier contestait que la société ait mandaté C______.

e. Lors de l’audience de débats d’instruction du 14 février 2019, A______ SA a sollicité la comparution personnelle des parties, en précisant qu’elle serait représentée par D______.

f. A l’issue de l’audience du 11 septembre 2019, le Tribunal, après avoir entendu les témoins cités par les parties (notamment H______), a informé ces dernières que la prochaine audience serait consacrée à la comparution personnelle des parties.

g. Une audience a été fixée au 18 novembre 2019. A______ SA en a sollicité le report en raison de l’incapacité de D______ d’y assister pour des raisons médicales. Elle a produit un courrier du Dr E______ du 23 octobre 2019, à teneur duquel D______ souffrait de maux de tête quotidiens, lesquels nécessitaient un suivi médical.

Par ordonnance du 15 novembre 2019, le Tribunal a renvoyé l’audience du 18 novembre 2019, en précisant qu’il s’agissait d’un unique renvoi et que, si A______ SA ne pouvait pas se déplacer, le Tribunal renoncerait définitivement à sa comparution personnelle.

Une audience de comparution personnelle a alors été fixée au 19 mars 2020.

h. Par courrier du 13 mars 2020, A______ SA a informé le Tribunal que D______, domicilié en Grande-Bretagne, n’était pas en mesure de se rendre à Genève pour assister à l’audience en raison de la situation sanitaire.

i. Le Tribunal a annulé l’audience du 19 mars 2020 en raison de la crise sanitaire, fixant une nouvelle audience au 25 août 2020.

B______, C______ a sollicité le report de cette audience, C______ devant participer "à une accréditation I______ du 25 au 28 août 2020".

j. Le Tribunal a convoqué les parties pour une audience de comparution devant se tenir le 6 octobre 2020.

Le 29 septembre 2020, A______ SA a sollicité le report de cette audience, en faisant valoir que D______ était domicilié dans un Etat placé par la Confédération sur la liste des pays à haut risque, exigeant des voyageurs en provenance de ces états de se placer en quarantaine avant leur arrivée. Par ailleurs, D______ était une personne « sensible » en raison de ses antécédents médicaux.

k. Le Tribunal a accepté de reporter l’audience de comparution personnelle au 28 janvier 2021.

Le 9 octobre 2020, A______ SA a indiqué que la comparution personnelle de D______ était indispensable et demeurait requise en sa qualité d’actionnaire et d'administrateur de la société. Elle a, pour le surplus, indiqué « que le fait que l’audition, qui a été reportée au jeudi 28 janvier 2021 en raison des mesures de quarantaine imposées aux voyageurs en provenance du Royaume-Uni en Suisse, constituera[it] l’ultime tentative d’audition de [celui-ci] ».

l. Le 25 janvier 2021, A______ SA a sollicité « la tenue de l’audition de Monsieur D______ du 28 janvier prochain par vidéoconférence, conformément à l’art. 2 ch. 1 litt. B de l’ordonnance instaurant des mesures en lien avec le coronavirus dans le domaine de la justice et du droit procédural du 16 avril 2020 » dans la mesure où D______ était domicilié à J______ [Royaume-Uni] et faisait toujours l’objet d’un suivi médical en tant que personne à risque en raison de son état de santé précaire.

Par ordonnance du 26 janvier 2021, le Tribunal n’a pas donné suite à cette requête et a maintenu, pour le surplus, l’audience fixée le 28 janvier 2021.

m. Lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 28 janvier 2021, A______ SA n’a pas comparu personnellement et était représentée par son conseil.

B______, C______ a, pour sa part, comparu par C______.

A l’issue de l’audience, le conseil de A______ SA a persisté à requérir la comparution personnelle de D______ par vidéoconférence, voire par écrit, ce à quoi B______, C______ s’est opposée, considérant que la cause était en état d’être jugée.

n. Le 5 mars 2021, le Tribunal a rendu l’ordonnance entreprise.

EN DROIT

1. 1.1 Le recours est recevable contre des décisions et ordonnances d’instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu’elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l’instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision pour les ordonnances d’instruction (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

1.2 En l’espèce, en tant qu’elle porte sur la renonciation à l’audition du représentant de la recourante, soit à la déposition d’une partie, comprise dans les moyens de preuve admis par le CPC, l’ordonnance querellée constitue une ordonnance d’instruction.

Interjeté dans le délai imparti et suivant la forme prévue par la loi (art. 130, 131 et 321 al. 1 et CPC), le recours est recevable sous cet angle.

1.3 Dans la procédure de recours, la cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits.

1.4 Conformément à l’art. 326 al. 1 CPC, les allégations de fait et les preuves nouvelles sont irrecevables au stade du recours, de sorte que les pièces nouvelles produites par la recourante, ainsi que les faits qui s’y rapportent, sont irrecevables.

2.             Reste à déterminer si l’ordonnance querellée est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable à la recourante au sens de l’art. 319 let. b ch. 2 CPC, l’'hypothèse de l'art. 319 let. b ch. 1 CPC n'étant pas réalisée.

2.1 La notion de "préjudice difficilement réparable" est à mettre en relation avec les termes identiques utilisés à l'art. 261 al. 1 let. b CPC et ne saurait se recouper avec celle, plus restrictive, de préjudice irréparable utilisée à l'art. 93 al. 1 let. a LTF, qui exclut la prise en compte d'un préjudice factuel ou économique. Ainsi, l'art. 319 let. b ch. 2 CPC ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable (y compris financière ou temporelle), pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure devra toutefois se montrer exigeante, voire restrictive, avant que d'admettre l'accomplissement de cette dernière condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu : il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès. En résumé, la notion de préjudice difficilement réparable doit être interprétée restrictivement puisque la personne touchée disposera le moment venu de la faculté de remettre en cause la décision ou ordonnance en même temps que la décision au fond: il incombe au recourant d'établir que sa situation procédurale serait rendue notablement plus difficile et péjorée si la décision querellée était mise en œuvre, étant souligné qu'une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne suffisent pas. On retiendra l'existence d'un préjudice difficilement réparable lorsque ledit préjudice ne pourra plus être réparé par un jugement au fond favorable au recourant, ce qui surviendra par exemple lorsque des secrets d'affaires sont révélés ou qu'il y a atteinte à des droits absolus à l'instar de la réputation, de la propriété et du droit à la sphère privée (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, ad art. 319 n. 22 et 22a). De même, le rejet d’une réquisition de preuve par le juge de première instance n’est en principe pas susceptible de générer un préjudice difficilement réparable, sauf dans des cas exceptionnels à l’instar du refus d’entendre un témoin mourant ou du risque que les pièces dont la production est requise soient finalement détruites (Jeandin, op. cit., ad art. 319 n. 22b).

2.2 En l'espèce, la recourante fait valoir que par l’ordonnance entreprise, le premier juge a refusé l’audition de la seule personne au sein de la société qui, en sa qualité d’actionnaire et d’administrateur et partant de représentant de celle-ci, avait eu des échanges écrits et un entretien avec l’intimée en relation avec les prétentions litigieuses, lui causant ainsi un préjudice difficilement réparable. Or, la recourante a elle-même consenti, en octobre 2020, avant que l’ordonnance entreprise ne soit rendue, à ce que l’audience maintes fois reportée et fixée en dernier lieu au 28 janvier 2021 constitue l'ultime tentative d'audition de D______. Par ailleurs, un courrier de D______ a été produit par-devant le Tribunal, lequel permet de connaître la position de celui-ci s’agissant des prétentions soulevées par l’intimée. En tout état, la recourante perd de vue que l’instance d’appel dispose de la faculté d’administrer des preuves (art. 316 al. 3 CPC) ou de renvoyer la cause en première instance pour complément d’instruction (art. 318 al. 1 let. c CPC). Partant, la recourante pourra en tant que de besoin faire valoir ses griefs dans le cadre d’un appel contre la décision finale et l’administration des preuves pourra, le cas échéant, encore être complétée.

Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre de l’ordonnance attaquée n’est pas susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable. Les allégations toutes générales de la recourante concernant l’état de santé de D______ ainsi que le seul courrier produit en ce sens devant le premier juge (courrier du 23 octobre 2019 du Dr E______) ne lui sont d’aucun secours, puisqu’ils ne rendent nullement vraisemblable un motif de nature à justifier un préjudice découlant du rallongement de la procédure, soit, en l’occurrence, que D______ souffrirait de problèmes de santé graves au point qu’ils pourraient rendre son audition notablement plus difficile voire l’empêcher dans le cadre d’une procédure d’appel.

Le recours est donc irrecevable.

3.             Les frais judiciaires de recours seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront arrêtés à 800 fr. (art. 41 RTFMC), comprenant les frais de la décision sur effet suspensif, et entièrement compensés avec l’avance fournie, qui reste acquise à l’Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC). Le solde de l'avance de frais, en 400 fr., sera restitué à la recourante.

La recourante sera en outre condamnée à payer à l’intimée la somme de 1'500 fr., débours et TVA inclus, à titre de dépens de recours (art. 23 al. 1, 25 et 26 LaCC ; 85, 87 et 90 RTFMC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare irrecevable le recours interjeté le 22 mars 2021 par A______ SA contre l’ordonnance rendue le 5 mars 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13430/2018.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 800 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense avec l’avance de frais, acquise à l’Etat de Genève à due concurrence.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ SA le solde de l'avance de frais en 400 fr.

Condamne A______ SA à verser à B______, C______ la somme de 1'500 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame
Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.