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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/575/2024

JTAPI/1089/2024 du 06.11.2024 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE;TYPE DE PROCÉDURE;EXCEPTION(DÉROGATION);PERMIS DE CONSTRUIRE
Normes : LAT.22; LAT.19; LCI.14; LPRLac.3; LCI.59.al1; LCI.59.al10; LPRLac.7.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/575/2024 LCI

JTAPI/1089/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 6 novembre 2024

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Mathieu SIMONA, avocat, avec élection de domicile

Madame C______ et Monsieur D______, intervenants, représentés par Me Stéphane GRODECKI et Me Romain JORDAN, avocats, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

E______ SA

Monsieur F______, représenté par Me Romain CANONICA, avocat, avec élection de domicile

 

EN FAIT

1.             Madame A______ et Monsieur B______ sont propriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune de G______ (ci-après: la commune), à l'adresse 2______. Cette parcelle est grevée d'une servitude de passage à pied et à véhicule (n° RS 3______) au profit de la parcelle n° 4______. Le chemin H______ (parcelle n° 5______) constitue le seul accès à la parcelle n° 1______ et est une dépendance des parcelles environnantes, désignée comme liaison pédestre existante par le Plan directeur communal 2020.

Monsieur E______ est propriétaire de la parcelle n° 4______ de la commune, à l'adresse 6______, sise en zone 5 et comprise dans le périmètre de protection des rives du lac. Une villa y est érigée, laquelle n'est accessible que par le biais de la servitude n° RS 3______.

Madame C______ et Monsieur D______ sont copropriétaires de la parcelle n° 8______ de la commune, à l'adresse 9______.

I______ SA est propriétaire de la parcelle n° 8______ de la commune.

2.             Le ______ 2023, pour le compte de M. J______, E______ SA a sollicité du département du territoire (ci-après: le département), la délivrance d'une autorisation de construire en procédure accélérée visant la réalisation d'un habitat groupé de trois logements (24% THPE), avec un lift à voitures, l'installation d'une pompe à chaleur (ci-après: PAC) avec sondes géothermiques ainsi que l'installation de panneaux solaires en toiture. Il est également prévu la création de six places de stationnement en sous-sol ainsi qu'une place visiteurs en surface. Cette requête a été enregistrée sous la référence APA 10______.

3.             Dans le cadre de son instruction, plusieurs instances de préavis ont été sollicitées, notamment:

-                 le 9 octobre 2023, la commune s'est prononcée favorablement au projet, sans observation ;

-                 le 4 décembre 2023, après avoir requis la modification du projet, la police du feu a rendu un préavis favorable, sous conditions ;

-                 le 4 décembre 2023, après avoir sollicité la modification du projet, le service des monuments et des sites (ci-après: SMS) a émis un préavis favorable sous conditions ;

-                 le 21 décembre 2023, la direction des autorisations de construire (ci-après: DAC) a préavisé favorablement le projet ;

-                 le 21 décembre 2023, l'office cantonal des transports (ci-après: OCT), après avoir requis des modifications du projet en rapport avec l'élargissement du lift à voitures, a émis un préavis favorable sous conditions. En particulier, les futurs propriétaires devraient être informés que la configuration du parking et son accès obligeraient les habitants à effectuer plusieurs manœuvres pour se garer ou sortir.

4.             Le ______ 2024, le département a délivré l'autorisation de construire APA 10_____, laquelle a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour.

5.             Par acte du 16 février 2024, sous la plume de leur conseil, Mme A______ et M B______ (ci-après: les recourants) ont formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) concluant, à titre préalable, à la tenue d'un transport sur place et , à titre principal, à l'annulation de la décision, sous suite de frais et dépens.

Le projet prévoyait la construction de trois logements et de sept places de stationnement à la place de la villa existante. Ce projet engendrerait ainsi une multiplication par six du trafic sur le chemin de servitude traversant leur parcelle, directement en face de leur maison. Il était inconcevable qu'un chemin de servitude constitué au profit d'une parcelle, alors agricole et destinée à la construction d'une maison individuelle, put servir 70 ans plus tard aux besoins d'un habitat groupé de trois logements avec sept places de stationnement. Cette situation constituait une aggravation notable de la servitude. La voie d'accès n'était ainsi pas suffisante juridiquement pour accueillir tout le trafic de la zone, en raison déjà du projet porté par la DD 12_____. Il fallait également prendre en compte le risque élevé que les habitants ou les visiteurs se parquent par facilité le long du chemin H______, ce qui entrainerait des problèmes de sécurité importants, surtout la nuit. La venelle traversant leur parcelle débouchant sur la parcelle n° 4______ était aussi trop étroite et n'avait jamais été prévue pour un tel passage de véhicules.

Le projet prévoyait la réalisation de trois étages habitables, rez-de-chaussée inclus, de sorte qu'il n'aurait pas dû être instruit par le biais de la procédure accélérée, dès lors qu'une dérogation au nombre d'étages admissible dans la zone de protection des rives du lac avait été implicitement octroyée. Si certes l'architecture « en escalier » du bâtiment visait à limiter l'impact paysage dans l'esprit de la loi sur la protection générale des rives du lac du 4 décembre 1992 (LPRLac - L 4 10), les dérogations étaient à examiner selon la procédure ordinaire d'autorisation de construire. Les normes de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) quant au rapport de surface en cas de construction THPE constituaient des dérogations, bien que les normes légales topiques ne faisaient pas usage de ce terme. En l'occurrence, le rapport de surface brute de plancher (ci-après: SBP) par rapport à la surface de la parcelle était de 23.92% et de 31.9% pour le sous-sol (10.83% pour le garage et 21.09% pour le reste). On comprenait donc que le département avait accepté de déroger aux rapport de surface maximaux de la LPRLac. Or, en procédure ordinaire, une telle dérogation aurait nécessité les préavis de la CMNS et de la commune.

6.             Le 19 mars 2024, Mme C______ et M. D______ ont sollicité leur intervention dans la procédure. Ils ont conclu à l'annulation de la décision du ______ 2024.

Le chemin H______ était un chemin privé et étroit qui ne permettait pas l'accès à des véhicules supplémentaires, ce que démontrait le dernier préavis de l'OCT s'agissant de l'information aux futurs habitants sur les manœuvres à effectuer. Le projet causerait ainsi un accroissement du trafic et de nombreuses manœuvres problématiques. Cette situation démontrait que la parcelle en cause n'était pas équipée pour accueillir le projet litigieux. Par la même occasion, le projet occasionnerait des inconvénients graves au voisinage.

7.             I______ SA a également sollicité son intervention dans la procédure, par courrier du même jour.

Les futurs habitants du projet litigieux ne seraient pas copropriétaires du chemin H______ menant à leur logement et ne seraient donc pas autorisés à y parquer leurs véhicules ; cette situation causerait un chaos, avec notamment des plaintes et des demandes d’enlèvement de véhicules. Il en irait de même avec les boîtes aux lettres et les poubelles, celles-ci ne pouvant être installées ou déposées sur le chemin H______ que pour autant qu’un accord fut trouvé avec l’ensemble des copropriétaires.

Le chemin H______ n’était pas du tout adapté pour la circulation de véhicules, d’autant plus que d’autres villas devaient être construites sur une parcelle dont l’accès se faisait par ce chemin (DD 12_____). Avec cette construction, la capacité du chemin, qui avait une vocation piétonnière, serait déjà saturée. En outre, même si cela ne relevait pas directement du droit des constructions, le chemin ne disposait que d’un revêtement de surface, soit une seule couche d’asphalte prévue pour des voitures légères et non pour des camions lourds, mais sans aucune infrastructure, de sorte que le risque d’endommager les diverses canalisations était fort élevé. On se demandait qui payerait la remise en état et le nouvel asphalte.

8.             Le 27 mars 2024, le département s'en est rapporté à justice quant à la demande d'interventon de Mme C_______ et M. D______.

9.             Le 2 avril 2024, M. J______ en a fait de même concernant les deux demandes d'intervention.

10.         Le 10 avril 2024, le département s'est opposé à la demande d'intervention de I______ SA.

11.         Par décision du 22 avril 2024 (DITAI/266/2024), le tribunal a admis la demande d'intervention de Mme C______ et M. D______ et a rejeté celle de I______ SA.

12.         Le 22 avril 2024, M. E______ a transmis ses observations. Il a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, le tout sous suite de frais et dépens.

Les recourants se prévalaient de la péjoration de la servitude de passage à pied et à véhicule grevant leur fond ainsi que de leur vue sur le lac. Or, il s'agissait de griefs de droit privé, de sorte que les recourants ne disposaient pas de la qualité pour agir contre le projet litigieux.

La tenue d'un transport sur place était inutile, les griefs soulevés pouvant être tranchés sur la base des plans fournis à l'appui de la demande d'autorisation de construire et les préavis recueillis.

La villa existante était manifestement déjà raccordée au réseau routier par la servitude existante grevant la parcelle des recourants. Il n'y avait dès lors aucune raison de douter de l'équipement de la parcelle devant accueillir le projet, ce d'autant que l'équipement d'une villa avec un logement l'était également pour un habitat groupé de trois logements. Au demeurant, la question de l'aggravation de la servitude ne ressortait pas de la compétence de l'administration et des juridictions administratives.

Les prétendus inconvénients graves pour le voisinage relevaient d'un pur procès d'intention. Les ratios légaux en matière de places de stationnement et les règles relatives aux gabarits étaient respectés. La mise en circulation de cinq véhicules supplémentaires ne serait pas de nature à créer un quelconque danger pour les usagers de la servitude. Les recourants substituaient leur point de vue à celui de l'OCT notamment.

Les recourants présentaient faussement le projet comme comportant trois étages hors sol, mais admettaient néanmoins une architecture « en escalier ». Ils ne tenaient pas compte de la déclivité du terrain et du niveau du terrain naturel. En réalité, le projet ne comportait pas plus de deux étages hors sol, de sorte qu'aucune dérogation n'était nécessaire. Cette interprétation était partagée par le SMS, garant du respect de la LPRLAC, lequel avait émis un préavis favorable sans réserve avec le nombre d'étages ou la hauteur du projet. Puisqu'aucune dérogation n'avait été accordée, ou même n'était nécessaire, la loi accordait un droit automatique à une densité supplémentaire de 10%, respectivement 20%, en présence d'un projet répondant un standard HPE, respectivement THPE. Le projet n'avait pas été autorisé à titre dérogatoire en application de l'art. 59 al. 4 LCI. La voie de la procédure accélérée n'était dès lors pas critiquable.

13.         Le 22 avril 2024, le département a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours.

L'OCT avait rendu un préavis favorable au projet, sans relever aucune difficulté au sujet de l'accès à la parcelle concernée. En outre, le chemin H______ servait déjà de voie d'accès à diverses habitations et aucun élément ne permettait de retenir que la circulation y serait actuellement difficile. L'ajout de six places de stationnement, correspondant à trois logements supplémentaires, n'aurait pas une influence notable sur le trafic.

Sous l'angle de la prétendue aggravation de la servitude, le droit public des constructions n'avait pas pour objectif d'assurer le respect des droits réels, notamment des servitudes. Par ailleurs, les recourants ne démontraient pas que cette servitude limiterait expressément l'accès aux usagers d'une seule villa. Au contraire, la servitude en cause était constituée au bénéfice de la parcelle n° 4______ et ne prévoyait aucune limitation. De plus, le projet ne concernait qu'un passage très limité de quelques mètres sur la parcelle des recourants.

Les normes de protection des rives du lac se superposaient à celles régissant l'affectation des diverses zones ordinaires. La CMNS avait édicté le 26 novembre 2018 une directive sur les bonnes pratiques en vue d'une appréciation qualitative des projets architecturaux dans le périmètre de la LPRLac. Il en ressortait notamment que le gabarit accepté de la façade principale située face au lac était déterminant. La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) n'avait émis aucune remarque quant à la mise en œuvre de cette directive, ce qui démontrait qu'elle respectait l'esprit de l'art. 7 LPRLac et ne sortait pas du cadre fixé par la loi. Or, le SMS avait examiné la question du gabarit et était arrivé à la conclusion que la directive était pleinement respectée. En effet, la façade coté lac, soit la façade nord-ouest, présentait une hauteur nettement inférieure à 10 m. L'art. 7 LPRLac avait ainsi été dument analysé et le projet ne nécessitait pas l'octroi d'une dérogation.

Le grief relatif au prétendu dépassement des surfaces du sous-sol était irrecevable, les recourants ne démontrant aucun intérêt de fait ou de droit. Au contraire, la possibilité de ne pas prendre en compte une surface de sous-sol dans le calcul du rapport des surfaces avait pour but de limiter les constructions hors-sol, de sorte que cette situation était à l'avantage des recourants. Au demeurant, il ne s'agissait pas d'une dérogation mais d'une marge de manœuvre accordée au département.

14.         Le 27 mai 2024, les recourants ont répliqué, persistant dans leurs conclusions et leur argumentation.

Il était évident qu'ils disposaient de la qualité pour recourir, notamment en lien avec la question de l'équipement du terrain et du choix de la procédure d'instruction, ces deux griefs ressortant au droit public.

La servitude existante n'autorisait pas l'usage prévu par le projet. En outre, un changement radical serait amené par la construction autorisée par la DD 12_____, laquelle péjorerait gravement la circulation du chemin H______, lequel ne serait ainsi plus en mesure d'absorber du trafic supplémentaire. Il serait également impossible pour deux véhicules de croiser sur la venelle traversant leur parcelle.

Le texte de l'art. 7 LPRLac était clair et ne laissait pas place à une interprétation. En zone de protection des rives du lac, le nombre de niveaux était limité à deux. L'interprétation du département, en lien avec la directive de la CMNS, était contra legem.

Il ressortait des plans autorisés que le bâtiment présenterait trois étages si on le regardait côté lac, ce que reconnaissait le département.

15.         Le 24 juin 2024, les intervenants ont rappelé leur grief relatif à l'accès insuffisant.

16.         Le 1er juillet 2024, M. J______ a dupliqué.

Lui et l'autorité intimée reconnaissaient que le projet présentait en tout point deux niveaux et partant, était conforme aux normes de la LPRLac. Si elle totalisait certes trois niveaux en tout, avec la décliveté du terrain, seuls deux étages étaient hors sol.

17.         Le 1er juillet 2024, le département a dupliqué.

Concernant la largeur de la venelle, l'OCT avait examiné minutieusement ce point et avait rendu un préavis favorable. Actuellement, la venelle servait à l'accès à la villa érigée sur la parcelle n° 1______ et les recourants ne relevaient pas de difficultés de circulation. En tout état, la venelle ne constituait qu'un passage rectiligne de quelques mètres, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de craindre des conflits entre véhicules à cet endroit.

Les plans de la façade nord et sud, en l'occurrence déterminants pour établir le nombre d'étages hors-sol, mettaient clairement en évidence que la construction projetée n'excédait pas deux étages hors-sol, vu la décliveté du terrain naturel. Les recourants procédaient à une lecture sélective et incomplète des plans, de sorte qu'elle était erronée. Au demeurant, cette question avait été examinée minutieusement par le SMS.

18.         Le 10 juillet 2024, les recourants ont transmis des observations spontanées.

Ils ne contestaient pas le fait que les véhicules motorisés pourraient circuler sur la venelle. En revanche, l'équipement inadéquat de cette dernière causerait des conflits d'usage générés par la multiplication des habitants. Cette venelle faisait plus de 40 m entre la sortie du chemin H______ et le parking prévu.

Depuis la façade côté lac, le nombre de niveaux projeté serait de trois.

19.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Les intimés contestent la qualité pour recourir des recourants.

4.             Pour qu’un recours soit recevable, encore faut-il que son auteur ait la qualité pour recourir.

5.             La qualité pour recourir est reconnue à toute personne atteinte par la décision attaquée et qui dispose d’un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 60 let. b LPA).

6.             Le recourant doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d’être prise en considération avec l’objet de la contestation et retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision en cause, qui permette d’admettre qu’il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général, de manière à exclure l’action populaire. Cet intérêt digne de protection ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 143 II 506 consid. 5.1 ; 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1).

7.             En matière de droit des constructions, le voisin direct de la construction ou de l’installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_164/2019 du 20 janvier 2021 consid. 1). La distance constitue ainsi un critère essentiel, la jurisprudence reconnaissant généralement la qualité pour agir lorsque l'opposant est situé à une distance allant jusqu'à 100 mètres environ du projet litigieux (ATF 140 II 214 consid. 2.3 p. 219 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_112/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3.1.3).

8.             La proximité avec l’objet du litige ne suffit cependant pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir contre la délivrance d’une autorisation de construire. Les tiers doivent en outre retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision contestée, qui permette d’admettre qu’ils sont touchés dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_727/2016 du 17 juillet 2017 consid. 4.2.3 ; 1C_226/2016 du 28 juin 2017 consid. 1.1). Le recourant doit ainsi rendre vraisemblables les nuisances qu’il allègue et sur la réalisation desquelles il fonde une relation spéciale et étroite avec l’objet de la contestation (ATF 125 I 173 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_469/2014 du 24 avril 2015 consid. 2.2 ; 1C_453/2014 du 23 février 2015 consid. 4.2 et 4.3).

9.             En l'espèce, les recourants sont propriétaires de la parcelle voisine de celle où le projet litigieux est prévu. Ils font valoir des griefs en lien avec l'équipement de la parcelle, la conformité du projet aux normes de la LPRLac et le choix de la procédure d'instruction ainsi que sur le respect des rapports de surfaces. Ces griefs, tirés du droit des constructions, s'ils sont admis, peuvent avoir une influence sur leur situation concrète. Leur qualité pour recourir contre l'autorisation de construire querellée sera dès lors admise.

10.         Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

11.         Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

12.         À titre préalable, les recourants sollicitent la tenue d'un transport sur place.

13.         Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend, classiquement, le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 149 I 91 consid. 3.2 ; 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3).

14.         Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_159/2020 du 5 octobre 2020 consid. 2.2.1).

En revanche, le droit d’être entendu ne confère pas celui de l’être oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2022 du 26 octobre 2022 consid. 4.2 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA). Dans la règle, l’audition d’un membre d’une instance spécialisée ne se justifie pas lorsque cette instance a émis un préavis versé à la procédure (ATA/1279/2023 du 28 novembre 2023 consid. 2.1 ; ATA/934/2019 du 21 mai 2019 consid. 2, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1 et 3.2).

Enfin, ce droit ne confère pas le droit à la tenue d’une inspection locale, en l’absence d’une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d’instruction, ce qui n’est pas le cas à Genève (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 2b).

15.         En l’espèce, les plans et les documents versés au dossier ainsi que la consultation des données librement accessibles sur le SITG permettent de visualiser le projet litigieux, ses dimensions, le périmètre dans lequel il s’insère, les données relatives aux parcelles voisines, de celles destinées à accueillir le projet querellé et au chemin H______. Un transport sur place ayant pour objet les mêmes éléments, cette mesure d’instruction ne fournirait pas d’informations supplémentaires.

Le dossier comporte ainsi tous les éléments pertinents et nécessaires à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, permettant au tribunal de se forger une opinion et de trancher le litige. En conséquence, par appréciation anticipée des preuves, l’acte d’instruction sollicité, en soi non obligatoire, ne sera pas ordonné.

16.         Les recourants et les intervenants font valoir que la parcelle n° 2______ ne serait pas équipée, au sens des art. 19 al. 1 et 22 al. 2 let. b LAT, pour permettre la réalisation du projet litigieux. À leur sens, le chemin H______, seule voie d'accès à cette parcelle, est insuffisant pour absorber l'augmentation du trafic qui serait engendré par le projet litigieux vu la configuration dudit chemin et l'aggravation de la servitude existante.

17.         L'art. 22 LAT prévoit qu'aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (al. 1). L'autorisation est notamment délivrée si le terrain est équipé (al. 2 let. b). Selon l'art. 19 al. 1 LAT, un terrain est réputé équipé lorsqu'il est desservi d'une manière adaptée à l'utilisation prévue par des voies d'accès.

18.         Une voie d'accès est adaptée à l'utilisation prévue lorsqu'elle est suffisante d'un point de vue technique et juridique pour accueillir tout le trafic de la zone qu'elle dessert (ATF 121 I 65 consid. 3a). Il faut aussi que la sécurité des usagers soit garantie sur toute sa longueur, que la visibilité et les possibilités de croisement soient suffisantes et que l'accès des services de secours et de voirie soit assuré.

Cela étant, la loi n'impose pas des voies d'accès idéales ; celles-ci doivent être suffisantes ou adaptées. Pour les zones à bâtir, il s'agit en règle générale de routes et chemins desservant la zone à équiper, compte tenu des circonstances locales ; il faut et il suffit que, par sa construction et son aménagement, une voie de desserte soit praticable pour le trafic lié à l'utilisation du bien-fonds et n'expose pas ses usagers ni ceux des voies publiques auxquelles elle se raccorderait à des dangers excessifs (arrêts du Tribunal fédéral 1C_471/2020 du 19 mai 2021 consid. 3.1 ; 1C_597/2020 du 9 octobre 2020 consid. 6.1 ; 1C_155/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.1 ; 1C_56/2019 du 14 octobre 2019 consid. 3.1 ; 1C_225/2017 du 16 janvier 2018 consid. 4.1 ; 1C_387/2014 du 20 juin 2016 consid. 7.1 ; 1C_318/2014 du 2 octobre 2014 ; cf. aussi ATA/1102/2020 du 3 novembre 2020 consid. 3a ; ATA/1273/2017 du 12 septembre 2017 consid. 16b).

19.         En particulier, l'aptitude d'une voie d'accès à assurer la desserte d'une parcelle n'exige pas que soient garanties des possibilités de croisement sur toute sa longueur ; il suffit que ces possibilités soient suffisantes pour assurer la sécurité des usagers (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_225/2017 du 16 janvier 2018 consid. 4.2 ; 1C_148/2009 du 29 juillet 2009 consid. 4.2 ; ATA/1102/2020 du 3 novembre 2020 consid. 3c). L'accès est en principe considéré comme suffisant lorsqu'il présente des conditions de commodité et de sécurité (pente, visibilité, trafic) tenant compte des besoins des constructions projetées et cela même si, en raison de l'accroissement prévisible du trafic, la circulation devient moins aisée et exige des usagers une prudence accrue (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 5.1).

S’agissant de l’accessibilité au réseau routier, le droit fédéral n’exige aucunement qu’une route carrossable mène directement jusqu’au terrain ou au bâtiment projeté pour que celui-ci soit considéré comme équipé. Il suffit qu’il existe une route à proximité, à partir de laquelle il est possible d’accéder à la construction par un chemin piéton (Eloi JEANNERAT in : Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN, Commentaire pratique LAT : Planifier l'affectation, 2016, n° 24 ad art. 19 LAT et les références citées ; ATA/1242/2023 du 14 novembre 2023 consid. 3.2 ; ATA/1060/2023 du 26 septembre 2023 consid. 5.3).

20.         L'art. 19 LAT comporte des notions indéterminées. Les autorités communales et cantonales disposent en ce domaine d'un important pouvoir d'appréciation (ATF 121 I 65 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_471/2020 du 19 mai 2021 consid. 3.1 ; 1C_242/2019 du 7 avril 2020 consid. 3.1 ; ATA/1102/2020 du 3 novembre 2020 consid. 3a et les arrêts cités). Elles peuvent également se fonder sur les normes VSS, étant précisé qu'elles sont non contraignantes et doivent être appliquées en fonction des circonstances concrètes et en accord avec les principes généraux du droit dont celui de la proportionnalité. Elles ne doivent ainsi pas être appliquées de manière trop rigide et schématique (arrêts du Tribunal fédéral 1C_88/2019 du 23 septembre 2019 consid. 3.2 ; 1C_225/2017 du 16 janvier 2018 consid. 4.1 et 5.3.3 ; 1C_255/2017 du 24 octobre 2017 consid. 4.8).

21.         La jurisprudence admet que si les conflits entre véhicules sont gérables, le cas échéant au moyen d'une manœuvre en marche arrière, la voie d'accès demeure adaptée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_481/2018 du 20 mai 2020 consid. 7.2.2).

22.         Le 9 octobre 2020, le Tribunal fédéral a confirmé un arrêt du Tribunal cantonal vaudois considérant un chemin d’une largeur de 3 m à 3,50 m, avec des murets de part et d’autre, comme suffisant. En l’occurrence, le projet de construction portait sur un immeuble de vingt-trois appartements, comprenant notamment la création d’un parking souterrain de dix-sept places pour voitures auxquelles s’ajoutaient cinq autres places. Sur le trajet jusqu’à l’accès au parking souterrain, soit une distance de 100 m, il existait, grâce aux surlargeurs prévues par le projet, trois possibilités de croisement pour deux voitures de tourisme, soit tous les 30 m environ (arrêt 1C_597/2019 du 9 octobre 2020, consid. 6 ; ATA/155/2019 du 9 octobre 2019).

23.         Dans certaines circonstances, un long chemin étroit (moins de 3 m) présentant à certains endroits une largeur de 2,2 m est suffisant, notamment s’il ne sert qu’aux riverains (voie sans issue) et s’il existe, aux endroits présentant peu de visibilité, des possibilités d’évitement, au besoin sur des parcelles de riverains qui y consentent. L’aptitude d’une voie d’accès à assurer la desserte d’une parcelle n’exige cependant pas que soient garanties des possibilités de croisement sur toute sa longueur, notamment lorsque la visibilité permet à un conducteur attentif et respectueux des règles usuelles de circulation de constater la présence d’un autre véhicule suffisamment tôt pour s’arrêter à l’entrée du tronçon et le laisser passer, ce même s’il devait s’avérer finalement nécessaire de procéder à des marches arrière malcommodes compte tenu de la longueur du chemin (Eloi JEANNERAT, Commentaire pratique LAT: Planifier l’affectation, 2016, no 28 ad art. 19 LAT et les références citées).

24.         La réalisation de la voie d’accès est juridiquement garantie lorsque le terrain peut être raccordé à une route du domaine public ou à une route privée que les utilisateurs du bâtiment ont le droit d’emprunter (arrêt du Tribunal fédéral 1C_387/2014 du 20 juin 2016 consid. 7.1 et les références). Selon la jurisprudence, l’autorité compétente peut autoriser une construction sur un bien-fonds qui, sans être directement accessible depuis la voie publique l’est par le biais d’une servitude foncière au sens des art. 730 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907
(CC - RS 210), dans la mesure où cet accès est suffisant au regard de l’utilisation prévue. En cas de doute sur la capacité de l’accès prévu à répondre aux besoins de la future construction, l’autorisation de construire doit en principe être refusée, la condition de l’art. 22 al. 2 let. b LAT n’étant alors pas réalisée. S’il apparaît toutefois vraisemblable que la parcelle en cause dispose d’un accès suffisant en vertu du droit privé, il appartient aux recourants s’opposant au projet de démontrer que tel ne serait pas le cas (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_471/ 2020 du 19 mai 2021 consid. 3.1.3).

25.         Par ailleurs, la législation cantonale en matière de police des constructions a pour but d’assurer la conformité des projets présentés aux prescriptions en matière de constructions et d’aménagements, intérieurs et extérieurs, des bâtiments et des installations. Elle réserve expressément le droit des tiers. Selon les principes généraux du droit, il n’appartient donc pas à l’administration de s’immiscer dans les conflits de droit privé pouvant s’élever entre le requérant d’une autorisation de construire et un opposant, celle-ci n’ayant pas pour objet de veiller au respect des droits réels et notamment des servitudes (art. 3 al. 6 LCI ; cf. consid. 9 ci-dessus).

Cela étant, comme déjà susmentionné, à teneur de la jurisprudence concernant le lien entre le droit public des constructions et les servitudes de droit privé, un accès adapté au sens de l’art. 19 al. 1 LAT n’est pas garanti juridiquement lorsqu’une servitude de droit privé y fait obstacle. Ainsi, lorsque l’accès d’une parcelle non directement accessible depuis la voie publique est impossible en raison de l’absence d’une servitude de passage sur la parcelle voisine la séparant de ladite voie, l’accès au sens de l’art. 19 al. 1 LAT fait défaut (arrêt du Tribunal fédéral 1C_287/2021 du 25 juin 2022 consid. 4.3 ; 1C_341/2020 du 18 février 2022).

La procédure de recours prévue par l’art. 145 LCI n’a donc pas pour vocation de veiller au respect de droits réels, le contrôle du respect de ceux-ci - de même que l’examen de tout autre litige ressortissant au droit privé - restant dévolu aux tribunaux civils (cf. ATA/439/2021 du 20 avril 2021 consid. 8c ; ATA/307/2021 du 9 mars 2021 consid. 4).

26.         En février 2022, le Tribunal fédéral a considéré, dans une affaire où une servitude stipulait qu’elle ne profiterait qu’à la villa actuellement construite sur la parcelle et non à des constructions ultérieures, sauf si celle-ci était destinée à remplacer la villa actuelle, qu’il existait de sérieux doutes quant au fait que le projet d’habitats groupés de 16 logements, caractérisés par deux immeubles de chacun trois niveaux et d’un parking souterrain de vingt-trois places de stationnement, puisse bénéficier de la servitude de passage concernée. Le droit de passage en question était expressément restreint à une utilisation en rapport avec la villa existante ou une construction destinée à remplacer la villa actuelle. Il apparaissait douteux que la construction de deux immeubles d’habitation puisse être considérée comme « remplacement » de la villa existante au sens de la clause précitée. La précision en question permettait d’inférer que la servitude était limitée au passage d’un certain nombre de véhicules et qu’elle serait insuffisante pour l’accès aux constructions projetées. Le projet entrepris paraissait provoquer une aggravation notable de la charge pour les fonds servants et il ne pouvait dès lors être retenu qu’un accès juridiquement garanti existait (arrêt 1C_341/2020 du 18 février 2022 consid. 3.2.2).

27.         Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/448/2021 du 27 avril 2021 consid. 6a et les références citées).

Selon une jurisprudence bien établie, la juridiction de recours observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Elle se limite à examiner si le département ne s’est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; ATA/888/2023 du 22 août 2023 consid. 2.8).

28.         En l’espèce, conformément à la jurisprudence précitée, il ne peut être retenu que l’usage accru du chemin H______, par la réalisation du projet litigieux, soit deux logements supplémentaires, aura pour conséquence une augmentation significative de la fréquentation du chemin H______, lequel dessert déjà un grand nombre de villas présentes sur tout le long de ce chemin. Au surplus, si le chemin H______ est certes désigné comme liaison piétonne par le Plan directeur communal 2020, cela n'exclut pas tout trafic automobile. En outre, s'agissant de l'impact du projet parallèle porté par la DD 12_____, lequel vise la construction de trois villas contigües, de sorte qu'il ne conduira manifestement pas à un usage considérablement plus intense du chemin H______. En effet, il ne saurait être retenu que ce projet parallèle aurait pour effet de voir la fréquentation dudit chemin augmentée par un grand nombre de véhicules privés. Ainsi, même en additionnant ses effets à ceux du projet litigieux, on ne peut pas admettre que la parcelle n° 4______ ne disposerait pas d'un accès suffisant.

Il ne peut également pas être admis que l'accès au projet par ses futurs habitants serait tel qu’il constituerait une aggravation intolérable de la servitude de passage à pied et à véhicules n° RS 3______ sur la venelle traversant la parcelle des recourants sous l'angle de l'art. 19 LAT. En effet, le fait que le nombre de véhicules augmentera en raison des futurs occupants des logements projetés n’implique pas, compte tenu de la formulation de la servitude précitée qui octroie les droits de passage les plus étendus, sans restriction d'usage particulière, une aggravation intolérable de cette servitude ni un notable accroissement de la charge pour le fonds servant. Il faut aussi noter que cette augmentation ne devrait pas être considérable, dès lors qu'il ne s'agit que de la création de deux logements supplémentaires et de sept places de stationnement, dont une seule en extérieur pour les visiteurs. Le présent cas n’est de ce fait pas comparable avec la situation exposée dans l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2020 où le droit de passage en question était expressément restreint à une utilisation en rapport avec la villa existante ou à une construction destinée à la remplacer. À toutes fins utiles, il sera relevé que le projet porté par la DD 12_____, vu sa localisation, n'aura à l'évidence aucun effet sur l'usage de cette servitude.

Dans ces circonstances, en présence de préavis favorables, notamment ceux de l'OCT, instance spécialisée en matière de circulation, et de la police du feu, il ne peut pas être reproché au département d’avoir délivré l’autorisation de construire querellée. Au surplus, la précision sur les manœuvres à effectuer pour accéder au lift à voiture dans le dernier préavis de l'OCT n'est pas suffisante à elle-seule pour affirmer que la parcelle ne serait pas suffisamment équipée, dès lors qu'à teneur du dossier, ces dernières sont limitées à l'accès au parking souterrain sur la parcelle n° 4______, mais ne concerne pas l'accès à la venelle depuis le chemin H______. Le fait qu’il ait, en tenant compte de tous les intérêts en présence, procédé à une appréciation différente de celle des recourants et des intervenants - qui entendent avant tout opposer leur propre appréciation à celle du département - ne permet pas de retenir que celui-ci se serait fondé sur des critères et considérations dénués de pertinence et étrangers au but visé par la règlementation en vigueur ; il a également dû tenir compte que l’édification de deux nouveaux logements dans un canton où sévit une pénurie de logements revêt un caractère prépondérant. À ce sujet, le tribunal doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l’autorité de décision, en particulier dans les domaines faisant appel à des connaissances techniques, et ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire.

En conclusion, du point de vue du droit public de la construction, le terrain sur lequel est envisagée la construction litigieuse, est équipé au sens des art. 19 al. 1 et 22 al. 2 let. b LAT.

Mal fondé, ce grief sera ainsi écarté.

29.         En lien avec le précédent grief, les recourants et les intervenants prétendent que la sécurité des habitants n’est pas assurée, notamment en lien avec le parking sauvage qui découlerait du projet en raison de l'absence de places de stationnement adéquates et en suffisances.

30.         L’art. 14 LCI stipule que le département peut refuser une autorisation lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a), ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation (let. b), ne remplit pas des conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public (let. c), offre des dangers particuliers (notamment incendie, émanations nocives ou explosions), si la surface de la parcelle sur laquelle elle est établie est insuffisante pour constituer une zone de protection (let. d) ou peut créer, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation (let. e).

31.         Cette disposition appartient aux normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d’une zone déterminée (ATA/92/2003 du 25 février 2003 consid. 4b et les références citées). Elle n’a toutefois pas pour but d’empêcher toute construction dans une zone à bâtir, qui aurait des effets sur la situation ou le bien-être des voisins (ATA/448/2021 du 27 avril 2021 consid. 8a ; ATA/259/2020 du 3 mars 2020 consid. 7a). Ainsi, la construction d’un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe pas être source d’inconvénients graves, notamment s’il n’y a pas d’abus de la part du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/448/2021 du 27 avril 2021 consid. 8a ; ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 8b ; ATA/259/2020 du 3 mars 2020 consid. 7a ; ATA/758/2016 du 6 septembre 2016 ; ATA/699/2015 du 30 juin 2015 ; ATA/86/2015 du 20 janvier 2015 ; ATA/801/2014 du 14 octobre 2014).

L’art. 14 LCI traite aussi des inconvénients afférents à la circulation, notamment en ce qui concerne le stationnement des véhicules ou la mise en danger des piétons, voire du public (ATF 118 Ia 112), étant relevé que l’accroissement du trafic routier ne crée pas une gêne durable au sens de cette disposition, s’il est raisonnable eu égard à la zone considérée (ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 8c ; ATA/259/2020 du 3 mars 2020 consid. 7a).

La notion d’inconvénients graves est une norme juridique indéterminée, qui doit s’examiner en fonction de la nature de l’activité en cause et qui laisse à l’autorité une liberté d’appréciation. Celle-ci n’est limitée que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation. Le pouvoir d’examen du tribunal s’exerce dans les limites précitées, sous réserve du respect du principe de proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable et de l’intérêt public en cas d’octroi d’une autorisation (cf. not. ATA/811/2021 du 10 août 2021 consid. 6 ; ATA/448/2021 du 27 avril 2021 consid. 8a ; ATA/165/2018 du 20 février 2018 consid. 4b).

Enfin, l’art. 14 LCI vise les nuisances issues ou induites par la construction ou l’installation projetée elle-même et non celles provoquées par les modalités de sa réalisation. Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé qu’il n’était pas arbitraire de considérer que les inconvénients causés par un chantier de construction, notamment la circulation temporairement accrue qui en résultait, ne constituaient pas des inconvénients graves au sens de cette disposition, même si, suivant les circonstances, ils pouvaient être plus ou moins sensibles pour les voisins (arrêt 1P.530/2002 du 3 février 2002 confirmant l’ATA/447/2002 du 27 août 2002 ; cf. aussi ATA/1220/2020 du 1er décembre 2020 consid. 7a et les arrêts cités ; ATA/399/2020 du 23 avril 2020 consid. 7d ; ATA/505/2014 du 1er juillet 2014 consid. 6a ; ATA/521/2010 du 3 août 2010 consid. 5d ; ATA/448/2010 du 29 juin 2010 consid. 6d).

32.         Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, l'accroissement du trafic routier, s'il est raisonnable et engendré par de nouvelles constructions conformes à la destination de la zone, ne crée pas une gêne durable ni un inconvénient grave au sens de l'art. 14 LCI. La chambre administrative a notamment retenu que la construction d'un habitat groupé de huit logements ne compromettait pas la desserte par un chemin où un croisement à vue était possible (ATA/638/2020 du 30 juin 2020 consid. 4).

33.         En l’espèce, l’accès en véhicules motorisés aux bâtiments projetés se fera pour l’essentiel par le biais du parking souterrain au moyen d'un lift à voitures sur la parcelle n° 4______. Aucun élément concret ne permet de retenir que la circulation sur le chemin H______ connaîtrait une augmentation importante d’engins motorisés et que le projet créerait une surcharge du trafic automobile motorisé et/ou un danger pour les usagers du chemin en cause. L’allégation contraire n’est pas étayée et ne repose que sur des conjectures. En tout état, la présence de quelques véhicules automobiles supplémentaires sur le chemin ne peut créer une situation à ce point plus dangereuse que celle actuelle qu’il faille admettre une forte dégradation en terme de sécurité routière justifiant l’annulation de l’autorisation querellée.

D’autre part, le projet autorisé étant conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone dans laquelle il s’inscrit, le trafic supplémentaire engendré par la présence de nouveaux habitants dans le quartier ne peut en principe être considéré comme un « inconvénient grave ». Certes, il faut admettre que la construction des logements projetés aura forcément quelques effets sur la circulation motorisées sur le chemin H______, mais rien n’indique concrètement que les véhicules des nouveaux habitants ou des visiteurs, constitueraient une source d’importantes nuisances et induirait un trafic additionnel incompatible avec les caractéristiques du chemin, ce d’autant que l’OCT, instance spécialisée en matière de mobilité et de sécurité routière, qui a examiné le projet à plusieurs reprises, n’a émis aucune observation à ce sujet, ne mettant en exergue aucune problématique d’ordre sécuritaire au sujet dudit chemin, hormis le fait que les futurs habitants/propriétaires devaient être informé que l'accès au lift nécessiterait de manœuvres au niveau de la parcelle n° 4______, ce qui n'est pas de nature à causer une gêne importante pour les habitants des logements voisins, notamment les recourants. En tout état, les recourants et les intervenants ne démontrent pas, de façon convaincante, que le projet querellé provoquerait un accroissement déraisonnable du trafic sur le chemin H______ ou sur la venelle traversant sur la parcelle n° 1______.

Enfin, il ne peut pas être retenu, à moins de leur faire un procès d’intention, que les usagers des futurs logements s’adonneraient au « parking sauvage ». En tout état, cette question excède le cadre du présent litige, étant souligné que les véhicules parqués sur la voie publique en un lieu interdit ou gênant la circulation de même que les véhicules parqués sans droit sur terrain privé - suite à une plainte pénale - peuvent être enlevés, saisis ou mis en fourrière (cf. art. 11 let. c et f de la loi d’application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05), le prononcé de telles mesures échappant naturellement à la compétence tant du département que du tribunal.

En conséquence, le tribunal constate que le projet n'emporte aucune violation de l'art. 14 LCI.

Partant, le grief sera écarté.

34.         Les recourants font valoir une violation de la LPRLac au motif que le bâtiment projeté dépasserait le nombre d'étage autorisé. Ils se plaignent également d'une violation des art. 59 al. 2 LCI en lien avec l'art. 3 al. 1 LPRLac, dans la mesure où le département aurait accepté de déroger aux rapports de surface maximaux de la LPRLac, tant en surface qu'en sous-sol, et admis une surface en sous-sol non comprise dans le calcul, afin de renoncer à la construction d'un garage en surface. Selon eux, cette situation dérogatoire aurait également nécessité de suivre une procédure ordinaire d'autorisation de construire.

35.         Le terrain sur lequel devrait être érigée la construction litigieuse se trouve en cinquième zone à bâtir, dite zone villa, mais également dans la zone à protéger des rives du lac. Les dispositions légales concernant le périmètre à protéger des rives du lac se superposent aux prescriptions réglant l'affectation des diverses zones ordinaires (ATA/97/2019 précité consid. 3a et les arrêts cités).

36.         L'art. 59 al. 1 LCI porte sur le rapport de surface en cinquième zone à bâtir. Le rapport de 25 % peut être porté à 27,5 % lorsque la construction est conforme à un standard de HPE, respectivement à 30 % lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 1 LCI).

37.         L'art. 3 al. 1 LPRLac prévoit qu'à l'intérieur du périmètre de protection, la surface des constructions exprimées en m2 de plancher ne doit pas excéder 20 % de la surface des terrains situés en zone 5.

38.         Selon la jurisprudence de la chambre administrative, les dérogations prévues à l'art. 59 al. 1 LCI sont applicables à la zone de protection des rives du lac. Pour les biens-fonds sis en cinquième zone et dans le périmètre de la LPRLac, une limitation de la densité à 0,2 avec une augmentation variant entre 10 et 20 % supplémentaires pour les constructions avec le standard énergétique adéquat est ainsi admise. Néanmoins, des dérogations plus importantes visant une densité supérieure telles que prévues à l'art. 59 al. 4 LCI sont exclues (ATA/25/2022 précité consid. 3f ; ATA/97/2019 précité consid. 3d et les références citées).

39.         En vertu de l'art. 59 al. 2 LCI, par surface de plancher prise en considération dans le calcul du rapport des surfaces, il faut entendre la SBP de la totalité de la construction hors sol. Tel que cela résulte de la systématique de la LCI, cette définition s'applique uniquement aux constructions situées en zone 5.

40.         La directive LCI n° 021-v5 sur le rapport des surfaces en zone 5 émise par le département le 1er mars 2013 et modifiée le 15 août 2022 (ci-après : la directive LCI n° 021-v5) donne, par le biais de schémas, des précisions sur la manière de calculer la SBP. Elle indique que le coefficient défini à l'art. 3 LPRLac est de 20% maximum, quel que soit le type de villas. De pratique constante, il est appliqué les « bonus » énergétiques par analogie à l'art. 59 LCI, soit 22% HPE et 24% THPE. Dès lors que l'ensemble de la surface de plancher d'une pièce est située en dessous de la surface du sol, elle n'est pas prise en considération dans le calcul de la SBP. Tout en soulignant à juste titre que l'art. 59 al. 2 LCI ne se rapporte nullement à la notion de surface habitable, il est expliqué, au troisième schéma, que la surface d'un étage à moitié enterré, c'est-à-dire dont le niveau du terrain se situe à mi-hauteur du vide d'étage, ne doit pas être comprise dans la SBP. Le quatrième schéma montre qu'un étage partiellement enterré dans un terrain naturel en pente, dont l'un des côtés des façades est entièrement hors sol, peut ne pas être intégralement défini comme une construction en sous-sol, étant précisé que ce dernier schéma a été remis en cause dans l'ATA/97/2019. Dans cet arrêt, la chambre administrative a considéré que dans la mesure où le rez inférieur se situait, côté lac, 31 cm seulement en-dessous de la pente du terrain naturel, un si faible écart entre le socle du rez inférieur et la pente naturelle ne pouvait avoir pour conséquence que l'entier de l'étage se situait en-dessous du sol et, par conséquent, qu'il ne fût pas comptabilisé dans la SBP, concluant que l'inverse comporterait un risque d'abus. L'atelier situé côté lac, dont la surface s'élevait à 27.14 m2, devait être pris en compte dans le calcul de la SBP, dans la mesure où sa façade visible ne pouvait être considérée comme enterrée et qu'il était destiné à l'habitation ou au travail. Dès lors que l'espace de circulation et le sas menaient à l'atelier, soit un local rentable, ces derniers devaient également être pris en compte dans la SBP. En raison de ces ajouts, la SBP de l'entier de la construction était déjà supérieure à celle autorisée, de sorte que la chambre administrative avait laissé indécise la question de savoir si la piscine et la pièce de rangement situées également au rez inférieur devaient être prises en considération.

La directive mentionne en outre que toute SBP qui est nécessaire à l'accessibilité des locaux d'habitation telle que les circulations verticales et horizontales, chauffées ou non (coursive, ascenseur, sas d'entrée vitré ou non...) est à prendre en compte.

41.         Selon la jurisprudence de la chambre administrative, confirmée par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_225/2020 précité consid. 2.3), dès lors que l'art. 59 al. 2 LCI et la directive LCI 021-v5 donnent des explications sur le calcul de la SBP d'une construction située en cinquième zone de construction, comme c'est le cas en l'espèce, la norme ORL 514 420 ne s'applique pas à de tels cas (ATA/97/2019 précité consid. 3g).

42.         En zone villas, la surface des constructions en sous-sol, exprimée en m2 de plancher brut, ne doit pas excéder la surface de plancher hors sol qui peut être autorisée en application de l'art. 59 al. 1 LCI (art. 59 al. 8 LCI). Dans tous les cas, la surface du sous-sol, y compris celle du sous-sol des constructions de peu d’importance, ne peut excéder le 20% de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 22% lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, respectivement à 24% lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 9 LCI). Le département peut toutefois admettre une surface de sous-sol non comprise dans le calcul du rapport des surfaces, tel que défini à l'art. 59 al. 8 et 9 LCI, si la construction de garages au sous-sol permet de renoncer à l’édification de constructions de peu d’importance à destination de garages en surface (art. 59 al. 10 LCI).

43.         Selon la jurisprudence de la chambre administrative, le but de l'art. 59 al. 10 LCI n'est pas tant de fixer une limite à l'utilisation du sous-sol, mais d'éviter que les places destinées aux voitures n'occupent la superficie d'une parcelle. Ainsi, l'application de l'art. 59 al. 10 LCI n'est pas subordonnée à la question de savoir si les garages à construire en sous-sol auraient pu être légalement construits en surface vu la présence d'autres constructions de peu d'importance occupant toute la surface (maximale) admise par l'art. 3 al. 3 RCI (ATA/612/2021 du 8 juin 2021 consid. 5c ; ATA/156/2021 du 9 février 2021 consid. 5d, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 4.2.2). Il suffit que l'aménagement des places de parking au sous-sol permette d'éviter la réalisation de places de stationnement en surface (ATA/1364/2023 du 19 décembre 2023 consid. 10.4).

44.         Dans le but de protéger les rives du lac et les zones sensibles voisines, la LPRLac instaure un certain nombre de restrictions aux constructions qui peuvent être érigées dans le périmètre à protéger (art. 6 à 11 LPRLac).

Ainsi, notamment, les constructions situées en 5ème zone ne peuvent en principe comporter que deux niveaux avec toiture plate ou un niveau avec toiture habitable, le nombre de niveaux étant déterminé sur la façade côté lac (art. 7 al. 1 LPRLac).

Si les circonstances le justifient et que cette mesure ne porte pas atteinte au but général poursuivi par la loi, le département peut déroger aux art. 6 à 11 de la loi. Dans ce cadre, les requêtes en autorisation de construire font l’objet d’un préavis de la commune concernée, de la CMNS, le cas échéant de l'OCAN, ainsi que de la commission consultative de la diversité biologique (art. 13 al. 1 et 2 LPRLac). Les demandes d’autorisation instruites en procédure accélérée sont soumises, pour préavis, à la commune concernée, à l’office du patrimoine et des sites, le cas échéant à l’office cantonal de l’agriculture et de la nature, ainsi qu’à la commission consultative de la diversité biologique (art. 13 al. 3 LPRLac).

45.         La chambre administrative a déjà retenu que pour une construction faite sur un terrain en pente, le sous-sol qui était plus ou moins apparent en façade n'était pas pris en compte dans le nombre de niveaux de la construction au sens de l'art. 7 LPRLac, ceux-ci ne concernant que les niveaux habitables (ATA/375/2004 du 11 mai 2004).

46.         Selon l'art. 3 al. 7 LCI, le département peut traiter par une procédure accélérée les demandes d'autorisation relatives à des travaux soumis à l'article 1 :

a) s'ils sont projetés en cinquième zone aux conditions prévues par le titre II, chapitre VI, de la présente loi et lorsqu'aucune dérogation n'est sollicitée;

b) s'ils portent sur la modification intérieure d'un bâtiment existant ou ne modifient pas l'aspect général de celui-ci;

c) pour des constructions nouvelles de peu d'importance ou provisoires; ou

d) à titre exceptionnel, pour des travaux de reconstruction présentant un caractère d'urgence.

Dans ces cas, la demande n'est pas publiée dans la FAO et le département peut renoncer à solliciter le préavis communal. L'autorisation est, par contre, publiée dans la FAO et son bénéficiaire est tenu, avant l'ouverture du chantier, d'informer, par écrit, les locataires et, le cas échéant, les copropriétaires de l'immeuble concerné des travaux qu'il va entreprendre. Une copie de l'autorisation est envoyée à la commune intéressée.

L'art. 7 al. 8 LCI précise qu'en matière de procédure accélérée, sauf exception, les préavis des commissions officielles sont exprimés, sur délégation, par les services spécialisés concernés. Si nécessaire, les exceptions sont définies par lesdites commissions.

47.         De jurisprudence constante, la chambre administrative estime que l'application de la procédure accélérée au lieu de la procédure ordinaire constitue un vice particulièrement grave, de sorte qu'il s'agit d'un cas de nullité ; est donc nulle une autorisation délivrée à la suite d'une procédure accélérée en lieu et place de la procédure ordinaire (cf. ATA/1602/2019 du 29 octobre 2019 consid. 6b ; ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 3b ; ATA/205/2015 du 24 février 2015 consid. 5 ss ; ATA/725/2013 du 29 octobre 2013 et les références citées ; ATA/303/2000 du 16 mai 2000 consid. 5 et les références citées ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 1C_641/2012 du 30 avril 2013 consid. 3.4).

48.         La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 136 III 283 consid. 2.3.1 ; ATF 135 II 416 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 135 II 243 consid. 4.1 ; ATF 133 III 175 consid. 3.3.1). L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une lacune authentique (ou proprement dite) suppose que le législateur s'est abstenu de régler un point alors qu'il aurait dû le faire et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. En revanche, si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse, mais que celle-ci est insatisfaisante. D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune proprement dite appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit, selon la conception traditionnelle qui découle notamment du principe de la séparation des pouvoirs, de corriger les silences qualifiés et les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens réputé déterminant de la norme ne soit constitutif d'un abus de droit, voire d'une violation de la Constitution (ATF 139 I 57 consid. 5.2 ; 138 II 1 consid. 4.2).

49.         En l'espèce, s'agissant du calcul du rapport de surface, si la jurisprudence de la chambre administrative parle certes de dérogations au sujet des taux de densité de l'art. 59 al. 1 LCI, il ne s'agit cependant pas d'une dérogation au sens propre du terme, à l'instar de celle prévu par l'art. 59 al. 4 LCI, mais plutôt d'une possibilité de densité admissible maximale offerte directement par la loi, en fonction du standard d'efficacité énergétique choisi. Il faut ainsi comprendre l'art. 59 al. 1 LCI comme posant les limites légales maximales de densité offertes aux administrés, sans qu'il ne s'agisse de véritables dérogations. Dans cette mesure, il n'est pas nécessaire de suivre la procédure ordinaire d'autorisation de construire, si la densité maximale autorisée selon le standard énergétique choisi est respectée. S'agissant de la surface du sous-sol, la possibilité pour le département de ne pas tenir compte d'une partie de la surface en sous-sol dans le calcul afin de renoncer à la construction d'un garage en surface ne saurait également être considérée comme une véritable dérogation. Il s'agit plutôt là-aussi d'une possibilité offerte au département par la loi, dans les cas où cette solution permet d'éviter la réalisation de places de stationnement hors-sol selon le ratio exigé par le règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés du 17 mai 2023 (RPSFP – L 5 05.10), comme c'est manifestement le cas en l'espèce. Dans cette mesure, en restant dans les limites posées par l'art. 59 al. 1 et 10 LCI, le département n'a accordé aucune dérogation au sens propre du terme, de sorte que le choix de la voie de la procédure accélérée n'est pas critiquable.

Il n'est d'ailleurs pas contesté que la construction projetée respecte le standard THPE, de sorte que son rapport de surface peut être porté à 24 %, conformément à la jurisprudence précitée. Le calcul de la SBP admissible du projet peut dès lors se faire en application de l'art. 59 al. 2 LCI, puisque la future construction se situe en zone 5. Les recourants se limitent à exprimer leur avis sur le fait qu'ils jugent le projet démesuré, tout en reconnaissant que sa SBP habitable hors-sol présente un taux d'utilisation du sol de 24% et que la surface du sous-sol retenue est de 21.09%, sous déduction du garage en sous-sol de 10.83%, lequel n'a pas été retenu dans le calcul par le département. Or, en l'absence de toute argumentation supplémentaire à cet égard, le tribunal de céans ne voit pas de raison de reprendre en détail le calcul du rapport des surfaces tels qu'il découle des plans autorisés et jugé conforme par le département.

S'agissant du nombre de niveaux hors-sol du projet, il ressort des plans des façades nord et sud, que sur toute sa longueur, le projet litigieux propose deux niveaux hors-sol par logement. Cela étant, si l'on se place du point de vue de sa façade ouest, soit celle coté lac, le bâtiment projeté présente trois niveau hors-sol côté lac (cf. plan de la façade ouest). Cette vision du projet résulte certes de son architecture
« en escalier » et de la déclivité du terrain naturel, mais il n'en demeure pas moins que cela a pour effet que depuis sa façade ouest, la construction, prise dans son ensemble, présente trois niveaux hors-sol coté lac. Or, la jurisprudence a eu l'occasion de préciser que l'octroi d'un étage supplémentaire constituait bien une dérogation à l'art. 7 al. 1 LPRLac (ATA/97/2019 du 9 janvier 2019 consid. 4f).

50.         En conséquence, si le projet litigieux n'est pas critiquable sous l'angle du calcul du rapport de surface, il n'est toutefois pas conforme à l'art. 7 al. 1 LPRLac et nécessitait, dès lors, l'octroi d'une dérogation au sens de l'art. 13 LPRLac. Partant, la voie de la procédure accélérée était proscrite et le projet aurait dû être instruit selon la procédure de demande définitive d'autorisation de construire. À ce stade, il importe peu que le projet se situe en dessous de la limite de 10 m selon la directive de la CMNS, dès lors que cet élément vise à cadrer les dérogations, mais pas à déterminer si l'octroi d'une dérogation est possible ou non dans un cas d'espèce.

51.         Compte tenu de ce qui précède, le recours sera admis et l'autorisation de construire querellée annulée.

52.         Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). L’avance de frais de CHF 900.- versée par les recourants leur sera restituée.

53.         Une indemnité de procédure de CHF 2'100.-, à la charge de l’État de Genève, soit pour lui le département du territoire, et de Monsieur E______ sera allouée aux recourants et aux intervenants (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 16 février 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision du département du territoire du ______ 2024 ;

2.             l'admet ;

3.             annule la décision du département du territoire du ______ 2024 ;

4.             renonce à percevoir un émolument ;

5.             ordonne la restitution aux recourants de leur avance de frais de CHF 900.- ;

6.             condamne l’État de Genève, soit pour lui le département du territoire, et Monsieur E______, pris conjointement et solidairement, à verser à Madame A______ et Monsieur B______ ainsi que Madame C______ et Monsieur D______, intervenants, une indemnité de procédure de CHF 2'100.-;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Oleg CALAME et Aurèle MULLER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier