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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1803/2018

ATA/1102/2020 du 03.11.2020 sur JTAPI/380/2020 ( LCI ) , REJETE

Parties : MERCIER Roland / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, SCHNEIDER Jacqueline, JEAN-PIERRE HIRT SARL & CONSORTS
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1803/2018-LCI ATA/1102/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 novembre 2020

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur Roland MERCIER
représenté par Me Andreas Fabjan, avocat

contre

Madame Jacqueline SCHNEIDER
JEAN-PIERRE HIRT SÀRL
représentés par Me Dominique Burger, avocate

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 mai 2020 (JTAPI/380/2020)


EN FAIT

1) Madame Jacqueline SCHNEIDER est propriétaire de la parcelle n° 4'306, à l'adresse 15A route du Camp à Plan-les-Ouates (ci-après : la commune), sur laquelle est érigée une maison d'habitation. La parcelle est située en cinquième zone de construction.

L'accès à la parcelle, depuis la route du Camp, se fait par un chemin, privé, sis sur la parcelle précitée, d'une longueur de 43 m pour une largeur de 3,5 m selon les mesures effectuées sur le système d'information du territoire genevois (ci-après : SITG).

2) Monsieur Roland MERCIER, domicilié 11B route du Camp, est propriétaire de la parcelle voisine n° 4'308. Il accède à sa parcelle par un chemin parallèle à celui emprunté par Mme SCHNEIDER.

3) a. Ces parcelles sont comprises dans un périmètre identifié dans le plan directeur cantonal 2030 adopté le 20 septembre 2013 par le Grand Conseil genevois et approuvé par le Conseil fédéral le 29 avril 2015 (ci-après : le PDCn 2030) comme étant destinées à être densifiées par modification de zone.

b. Le « programme de densification des quartiers villas », dans son état au 28 octobre 2015, projetait, selon la carte du même nom, que le secteur des Vuattes, dans laquelle se trouve la parcelle concernée, devienne une « zone réservée ».

Le Conseil administratif de Plan-les-Ouates (ci-après : le Conseil administratif) en a informé les propriétaires du secteur par courrier du 21 mars 2016, « afin d'éviter toute confusion », « certains ayant été sollicités par des promoteurs pour la vente de leurs parcelles ».

c. Par courrier du 18 mai 2016 adressé aux mêmes destinataires, le Conseil administratif leur a indiqué qu'il avait appris, le 23 mars 2016 « par un courrier du canton », que les limites de zones avaient été redessinées. Les zones précédemment qualifiées de « réservées » sur Plan-les-Ouates « n'existent plus et sont requalifiées en secteur de "non application de l'art. 59 al. 4 LCI" ». La carte « programme de densification des quartiers villas », état au 22 janvier 2016, était jointe. 

d. Selon les cartes successives du « programme de densification des quartiers villas », la parcelle est restée sous le régime selon lequel aucune dérogation à l'art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI -L 5 05) ne serait délivrée (carte du programme de densification des quartiers de villas, la dernière : état au 14 juillet 2020 ; https://www.ge.ch/document/carte-du-programme-densification-quartiers-villas, consultée le 27 octobre 2020).

4) Le 21 mars 2017, Jean-Pierre Hirt Sàrl (ci-après : la Sàrl) a déposé auprès du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie devenu le département du territoire (ci-après : DT ou le département) une demande d'autorisation de construire portant sur la parcelle n° 4'306 sur la construction d'une habitation contiguë à celle existante. Elle comprendrait deux logements (25.8 % ; haute performance énergétique [ci-après : HPE]), deux couverts à voiture et des réduits (DD 110'197).

Trois places de parking au total, deux sous le couvert et une ouverte, étaient prévues pour les deux logements concernés.

5) Dans le cadre de l'instruction de cette demande, les préavis suivants ont notamment été délivrés :

- favorable, le 10 avril 2017, de la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : SPI) qui a relevé que « la requête est située dans un périmètre concerné par le « programme de densification des quartiers villas » dans lequel l'art. 59 al. 4 LCI n'est pas appliqué » ;

- favorable, le 16 août 2017, de l'inspection de la construction, proposant un indice d'utilisation du sol (ci-après : IUS) de 25 % pour la maison existante et de 25,8 % pour l'habitat groupé projeté ;

- favorable, le 2 octobre 2017, de la commune. Ce préavis faisait suite à un premier préavis du 9 mai 2017 demandant une modification du projet ;

- favorable sans observation, le 30 octobre 2017, de la direction générale des transports (ci-après : DGT) ;

- favorable sans observation, le 23 janvier 2018, de la commission d'architecture (ci-après : CA), après avoir demandé et obtenu plusieurs modifications du projet (préavis des 11 avril, 5 septembre et 30 novembre 2017) ;

6) Le 25 avril 2018, le département a délivré la décision globale d'autorisation de construire sollicitée, laquelle a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour.

7) Par acte du 25 mai 2018, M. MERCIER a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) concluant à son annulation.

L'admission des griefs tirés du droit des constructions qu'il faisait valoir aurait une influence sur sa situation concrète de voisin de la parcelle concernée par le projet.

Le département n'avait pas pris en considération les objectifs imposés par le PDCn 2030 pour le périmètre concerné, selon lesquels ce dernier devrait être densifié par modification de zone (fiche n° A03). Les prescriptions relatives à l'équipement du terrain n'étaient pas acquises, vu l'étroitesse du chemin d'accès à la parcelle. Un autre grief était émis, lequel n'est plus litigieux.

8) Mme SCHNEIDER et la Sàrl (ci-après : les intimées) ont répondu au recours le 25 juin 2018, concluant à son rejet et à la confirmation de la décision querellée.

Il était douteux que M. MERCIER, intéressé à acheter la surface concernée par l'autorisation de construire litigieuse pour ses fils, dispose de la qualité pour recourir.

Le PDCn n'obligeant que les autorités et non les particuliers, M. MERCIER ne saurait s'en prévaloir pour s'opposer à l'autorisation querellée. Il ressortait en tout état d'un courrier du 18 mai 2016 du Conseil administratif que les limites des zones réservées avaient été redessinées et que les zones précédemment qualifiées de « réservées » sur Plan-les-Ouates n'existaient plus et avaient été requalifiées en secteur de non-application de l'art. 59 al. 4 LCI.

L'autorisation litigieuse ne portait que sur la construction d'une habitation de deux logements, mitoyenne à la villa existante de Mme SCHNEIDER. L'augmentation du trafic serait négligeable et, si certes le chemin d'accès depuis la route du Camp était étroit, le croisement de véhicules était possible. M. MERCIER, qui n'utilisait pas ce chemin pour accéder à sa parcelle, ne souffrirait personnellement d'aucune gêne, étant rappelé que les préavis des services concernés avaient été favorables. L'autorisation de construire prévoyait enfin que les conditions figurant dans les préavis devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l'autorisation globale.

9) Dans ses observations du 19 juillet 2019, le département a conclu au rejet du recours de M. MERCIER, relevant que la qualité pour recourir de l'intéressé était douteuse, au vu des griefs soulevés.

M. MERCIER lui reprochait de n'avoir pas respecté le PDCn 2030 et d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation en décidant de ne pas faire application de l'art. 13B al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) lors de sa prise de décision. Or, d'une part, le PDCn 2030 ne produisait aucun effet direct à l'égard des particuliers et, d'autre part, il relevait de son pouvoir d'appréciation de décider de la mise en oeuvre de l'art. 13B al. 2 LaLAT, étant rappelé qu'en l'espèce il avait finalement été décidé de ne pas classer le périmètre dans lequel était située la parcelle litigieuse en zone réservée, mais de privilégier la
non-application de l'art. 59 al. 4 LCI. Le grief relatif à l'équipement de la parcelle, si tant était qu'il fut recevable, devait également être rejeté. En rendant un préavis favorable sans réserve, la DGT confirmait que le chemin d'accès pourrait absorber l'accroissement de trafic généré par le projet. Le croisement de plusieurs véhicules sur ce chemin - qui ne desservait que trois parcelles - apparaissait également tout à fait réalisable.

10) Le 14 septembre 2018, M. MERCIER a répliqué. Sa qualité pour recourir devait être reconnue dès lors que sa situation de voisin serait fondamentalement modifiée en cas d'admission du recours puisque le projet ne serait pas réalisé. Le département agissait de manière contradictoire en manifestant son intention de déclasser le périmètre englobant la parcelle de Mme SCHNEIDER pour finalement autoriser le projet, violant ainsi les principes de la légalité, de l'égalité de traitement, de la bonne foi et de la proportionnalité. Ce dernier principe était en particulier violé dès lors que la non application de l'art. 59 al. 4 LCI n'était pas apte à atteindre l'objectif visé par le PDCn 2030.

S'agissant de l'équipement du terrain, un transport sur place permettrait de constater qu'un croisement était impossible sur le chemin d'accès à la parcelle de l'intimée depuis la route du Camp, ce qui impliquerait que l'un des conducteurs recule sur la voie publique, avec les dangers en découlant pour la circulation. Une telle configuration n'était pas acceptable pour une habitation de trois logements compte tenu de l'augmentation des allées et venues et des croisements qui en résulteraient immanquablement.

11) Dans leur duplique du 27 septembre 2018, les intimées ont persisté dans leurs observations, relevant pour le surplus que M. MERCIER ne prétendait pas avoir fait l'objet d'un traitement distinct qui pourrait le fonder à se plaindre d'une violation du principe de l'égalité de traitement. Le chemin d'accès depuis la route du Camp, vu sa configuration, permettait aisément les manoeuvres, respectivement de voir les véhicules qui y pénétraient.

12) Le département a rappelé que l'autorisation portait sur un projet avec un IUS de 25,8 % et que, dès lors, l'art. 59 al. 4 LCI n'entrait pas en ligne de compte. Les normes de l'association suisse des professionnels de la route et des transports (VSS) ne liaient pas les autorités.

13) Par jugement du 7 février 2019, le TAPI a déclaré le recours irrecevable, considérant que M. MERCIER ne disposait pas de la qualité pour recourir.

14) Par acte du 13 mars 2019, M. MERCIER a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à l'annulation du jugement précité, à ce que le recours soit déclaré recevable et le dossier renvoyé au TAPI pour nouvelle décision. Subsidiairement, l'autorisation de construire devait être annulée.

15) Dans le cadre des échanges d'écritures devant la chambre de céans, Mme SCHNEIDER a précisé se trouver dans une situation économique délicate car elle attendait l'entrée en force de l'autorisation de construire pour pouvoir vendre la partie de sa parcelle.

16) Par arrêt du 26 novembre 2019, la chambre administrative a admis le recours et renvoyé la cause au TAPI. M. MERCIER, propriétaire et voisin direct de la parcelle sur laquelle allaient être érigées les constructions litigieuses, était directement touché et plus que quiconque par l'autorisation de construire. Il avait la qualité pour recourir.

17) Par jugement du 14 mai 2020, le TAPI a rejeté le recours.

M. MERCIER faisait grief au département de n'avoir pas pris en considération les objectifs imposés par le PDCn 2030 pour le périmètre concerné, selon lesquels ce dernier devrait être densifié par modification de zone (fiche n° A03). Or, le plan directeur cantonal avait force obligatoire pour les communes et le Conseil d'État, mais ne produisait en revanche aucun effet direct à l'égard des particuliers (art. 9 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_423/2016 du 3 avril 2017 ; ATA/1273/2017 du 12 septembre 2017). Dans ces conditions, ce grief était irrecevable et ne saurait fonder une annulation de l'autorisation de construire en cas d'un éventuel non-respect de son contenu. Pour ce même motif, les mesures d'instruction requise par le recourant, en lien avec ce grief, étaient écartées. Il était pour le surplus relevé qu'il avait finalement été décidé de ne pas classer le périmètre dans lequel était située la parcelle litigieuse en zone réservée, mais de privilégier la non-application de l'art. 59 al. 4 LCI.

S'agissant de l'équipement en voies d'accès, la DGT, instance spécialisée, avait préavisé favorablement le projet sans émettre la moindre observation, ce qui confirmait que l'équipement de la parcelle était suffisant à cet égard. La consultation du SITG et des pièces du dossier permettaient enfin de constater que l'embranchement concerné de la route du Camp suivait un tracé rectiligne, garantissant une bonne visibilité sur toute sa longueur et qu'il existait, au besoin, des surfaces de dégagements suffisantes, le long de cette dernière, pour permettre le croisement de véhicules sans avoir à effectuer de manoeuvres importantes. Son débouché sur l'axe principal de la route du Camp était relativement large. Le recourant se contentait de substituer son appréciation à celle du département et des spécialistes consultés. Il n'accédait pas à sa propriété par le même embranchement privé de la route du Camp et ne démontrait, pour le surplus, pas emprunter la route du Camp d'une manière plus significative que les autres habitants du quartier. Il ne serait ainsi pas spécialement atteint par les difficultés de croisement ou éventuels dangers invoqués. Ainsi, en se fondant sur les préavis de l'instance spécialisée, le DT n'avait pas outrepassé son pouvoir d'appréciation en considérant que l'accès à la parcelle de l'intimée était suffisant pour desservir les constructions projetées et que le projet n'induirait pas d'inconvénients graves ou durables.

18) Par acte du 17 juin 2020, M. MERCIER a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre ce jugement.

Il a conclu à son annulation et, cela fait, au renvoi de la cause au TAPI pour nouvelle décision dans le sens des considérants, subsidiairement, à l'annulation de la décision d'autorisation de construire.

Son droit d'être entendu avait été violé en lien avec le grief relatif à la pratique du DT en matière de densification de la zone villas. Le TAPI l'avait déclaré irrecevable au motif que le PDCn 2030 ne déployait aucun effet direct à l'égard des particuliers. Or, il ne s'était pas prévalu du PDCn 2030, mais avait critiqué la pratique du département et sa mise en oeuvre relative à la densification de la zone villas. Ses critiques avaient trait à l'application des art. 59 LCI et 13B LaLAT. Le TAPI aurait dû entrer en matière sur ce grief. Le jugement devait être annulé et la cause renvoyée au TAPI de façon à garantir le double degré de juridiction. Le département agissait de manière contradictoire en manifestant son intention de déclasser le périmètre tout en autorisant le projet contesté visant à réaliser deux nouveaux logements, allant manifestement à l'encontre de l'objectif de sa pratique visant à préserver le potentiel constructible de la future zone après déclassement. Sa situation se retrouvait ainsi péjorée dès lors qu'il était prévisible que sa parcelle fasse prochainement l'objet d'un déclassement et qu'il ne pourrait pas bénéficier des avantages de la nouvelle zone, compte tenu des mécanismes de la zone de développement qui contraignait notamment à réunir plusieurs parcelles aux fins de disposer des droits à bâtir nécessaires à la réalisation des constructions prévues par le plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) ou, le cas échéant, en raison des reports des droits à bâtir sur des différents parcelles. En l'espèce, le DT aurait dû prononcer un refus conservatoire en application de l'art. 13 B LaLAT qui avait précisément pour objectif de permettre de refuser une autorisation de construire qui était de nature à compromettre des objectifs d'urbanisme lorsque l'adoption ou la modification d'un plan d'affectation du sol était envisagée. L'autorisation de construire aurait dû être refusée.

C'était à tort que le TAPI avait considéré que le chemin d'accès était suffisant. Il s'agissait d'un petit chemin privé particulièrement étroit qui faisait moins de 3,5 m de large pour une longueur de 43 m. Le croisement de deux véhicules n'était pas possible, la largeur d'un véhicule moyen étant d'au minimum 1,8 m. C'était à tort que le TAPI avait retenu qu'il existait des surfaces de dégagement qui permettraient le croisement de ces véhicules. La seule possibilité en cas de rencontre entre un véhicule pénétrant dans le chemin d'accès depuis la route du Camp et un véhicule sortant du chemin d'accès consisterait à reculer sur la voie publique, soit en l'occurrence une route cantonale à grand trafic, pour permettre au second de sortir du chemin d'accès. Le préavis favorable sans observation de la DGT du 18 avril 2017 n'examinait pas la question de l'adéquation de la desserte du projet, compte tenu de l'augmentation du trafic et de la problématique du croisement des véhicules en lien avec les caractéristiques spécifiques du chemin en cause. La parcelle n° 4'306 ne pouvait pas être considérée comme équipée de manière adéquate.

19) Le DT a conclu au rejet du recours.

S'agissant de sa pratique, il avait considéré au vu du préavis du SPI que le projet n'était, en l'état, pas de nature à nuire aux objectifs d'aménagement dans le périmètre concerné. Il convenait de rappeler que le périmètre en question n'avait finalement pas été classé en zone réservée, le DT ayant, dans ce secteur, privilégié la non application, comme dans le cas d'espèce, de l'art. 59 al. 4 LCI. Contrairement à ce qu'affirmait le recourant, sa situation ne se retrouvait pas péjorée, dès lors que si par hypothèse sa parcelle devait être déclassée, il pourrait toujours bénéficier des avantages que la nouvelle zone d'affectation devrait lui offrir, étant encore indiqué qu'aujourd'hui rien ne permettait d'affirmer quels seraient précisément les fondements de cette future zone.

S'agissant de l'équipement, le chemin concerné ne desservait actuellement que quatre parcelles. La décision globale d'autorisation de construire entreprise ne portait que sur la construction de deux logements avec trois places de stationnement supplémentaires. Il existait des surfaces de dégagement suffisantes afin de permettre le croisement de véhicules sans avoir à effectuer de manoeuvres importantes. Certes, cela impliquait un probable empiètement sur des parcelles privées. Le recourant ne démontrait toutefois pas en quoi la propriétaire ne serait pas en mesure d'obtenir un accès suffisant en vertu du droit privé, par notamment l'obtention d'une servitude de droit de passage, étant précisé que seuls quatre véhicules seraient concernés par cette problématique, ce qui apparaissait extrêmement raisonnable en matière d'accroissement du trafic. De surcroît, la DGT avait préavisé favorablement.

20) La propriétaire a conclu au rejet du recours. Le TAPI n'avait pas commis de violation du droit d'être entendu du recourant et avait examiné l'argumentation avancée par ce dernier. L'affirmation du recourant selon laquelle sa parcelle ferait prochainement l'objet d'un déclassement et qu'il serait privé de droits à bâtir ne reposait sur aucun élément concret, et était contraire à la situation de fait actuelle, puisque si l'État avait dans un premier temps envisagé d'adopter une zone réservée sur ce périmètre, il avait ensuite renoncé à tout déclassement.

Cela faisait des décennies que les propriétaires privés de ce chemin utilisaient la desserte de manière tout à fait satisfaisante. Deux logements de plus n'étaient pas susceptibles de générer un trafic dangereux. La construction de trois villas avait été autorisée au 14, route du Camp en février 2020 alors que le chemin d'accès avait une largeur inférieure à 3 m.

21) Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions. C'était l'application des principes développés par l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) dans le cadre de la mise en oeuvre du PDCn 2030 s'agissant des périmètres de la zone villas qui était critiquée, dans la mesure où ceux-ci auraient dû conduire l'autorité à refuser l'autorisation de construire querellée et à prononcer un refus conservatoire. Ce grief était recevable. Le fait que le TAPI ne l'ait pas traité ne pouvait être guéri, sauf à priver le recourant d'un degré de juridiction. Le projet contesté était de nature à nuire aux objectifs d'aménagement du périmètre concerné dans la mesure où la construction de nouveaux logements renforcerait la « dureté foncière », ce qui avait pour effet pour réduire le potentiel constructible de la zone considérée. L'art. 13 B LaLAT aurait en conséquence dû être appliqué dès lors qu'il avait précisément pour objectif de permettre de refuser une autorisation de construire de nature à compromettre les objectifs d'urbanisme lorsque l'adoption ou la modification d'un plan d'affectation du sol est envisagée.

Trois véhicules supplémentaires représentaient une augmentation significative du trafic ; le nombre de véhicules sur la parcelle des intimées allait quadrupler, passant d'une à quatre places de parking. Il était prévisible que cette augmentation allait conduire les bordiers à clôturer leur parcelle, ce qui rendrait tout croisement impossible et forcerait les riverains à reculer sur la route principale. Les effets sur la route du Camp le préoccupaient, aspect que la DGT n'avait manifestement pas analysé, notamment au vu des spécificités de l'embranchement entre la route du Camp et le chemin desservant les futurs logements, soit notamment l'absence de visibilité ainsi que la présence d'une piste cyclable accueillant de nombreux usagers.

22) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Dans un premier grief, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu. Le TAPI se serait contenté de déclarer irrecevable son grief en lien avec l'application des principes développés par l'OAC dans le cadre de la mise en oeuvre du PDCn 2030 s'agissant des périmètres de la zone villas.

a. Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels il a fondé sa décision. Il n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 142 II 154 consid, 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_159/2020 du 5 octobre 2020 consid. 2.1.1).

b. Le grief du recourant, tel qu'invoqué devant le TAPI, consistait en « la violation des prescriptions du Plan directeur cantonal 2030 ». Il soutenait que l'autorisation devait être annulée au motif qu'elle était contraire aux principes d'aménagement prévu par le PDCn 2030. Selon le recourant, la pratique administrative ne pouvait en déroger. « L'application des principes développés par l'OAC quant à la mise en oeuvre du PDCn 2030 s'agissant des périmètres de la zone villas aurait manifestement dû conduire l'autorité à refuser cette requête en autorisation de construire et à prononcer un refus conservatoire selon l'art. 13B LaLAT ».

En l'espèce, en rappelant que le plan directeur cantonal avait force obligatoire pour les communes et le Conseil d'État, mais ne produisait en revanche aucun effet direct à l'égard des particuliers, et en mentionnant la disposition légale pertinente et la jurisprudence idoine, il ne peut être reproché au TAPI de n'avoir pas traité le grief « violation des prescriptions du Plan directeur cantonal 2030 » ni de l'avoir suffisamment motivé.

De surcroît, dans son argumentation, le recourant critique les choix faits par le département dans son « programme de densification des quartiers de villas », récapitulés notamment dans la carte du même nom, qui définit le régime auquel sont soumises les autorisations de construire, selon les secteurs. Or, la parcelle litigieuse se situe dans une zone intitulée « pas de dérogation selon l'art. 59
al. 4 LCI ». D'une part, l'autorisation querellée est conforme audit programme et n'accorde pas de dérogation selon l'art. 59 al. 4 LCI. D'autre part, le SPI, service spécialisé, a préavisé favorablement, le 10 avril 2017, la requête en autorisation de construire. Il a expressément abordé la question de l'art. 59 al. 4 LCI pour l'exclure. Aucun grief ne peut être fait à l'encontre de la décision du DT à ce titre.

Par ailleurs, la pratique contestée découle de l'injonction faite par le Grand-Conseil au Conseil d'État de faire une application restrictive de l'art. 59 al. 4 LCI afin de préserver le potentiel de densification prévu par la fiche A03 du PDCn 2030 pour les secteurs de la zone villas destinés à une densification par modification de zone dans un délai supérieur à cinq ans. Or, le Conseil d'État a rendu son rapport écrit au Grand Conseil sur la motion 2278 le 9 décembre 2015 et y a annexé le document intitulé pratique administrative, que le recourant conteste et le Grand Conseil en a pris acte le 25 mai 2018 (art. 148 al. 2 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève du 13 septembre 1985 - LRGC - B 1 01).

Pour le surplus, le régime auquel est soumis le périmètre, à savoir qu'aucune dérogation à l'art. 59 al. 4 LCI n'est autorisée, est le même depuis janvier 2016 à tout le moins, soit un an avant le dépôt de la demande d'autorisation de construire.

Le fait que d'autres choix auraient été possibles, voire, selon le recourant plus cohérents, relève de l'opportunité, ce que la chambre de céans ne revoit pas
(art. 61 al. 2 LPA). Ainsi le fait que le DT ait envisagé que la parcelle soit en zone réservée, puis n'ait pas souhaité utiliser cet outil, ne fait pas l'objet du présent litige, à l'instar du choix de ne pas faire application de l'art. 13 B LaLAT relatif au refus conservatoire, le DT confirmant pour le surplus que les conditions de son application ne seraient pas remplies.

Le grief est infondé.

3) Le recourant objecte que l'équipement du terrain serait insuffisant.

a. Selon l'art. 19 al. 1 LAT, un terrain est notamment réputé équipé lorsqu'il est desservi d'une manière adaptée à l'utilisation prévue par des voies d'accès. Une voie d'accès est adaptée à l'utilisation prévue lorsqu'elle est suffisante d'un point de vue technique et juridique pour accueillir tout le trafic de la zone qu'elle dessert. Il faut aussi que la sécurité des usagers soit garantie sur toute sa longueur, que le revêtement soit adéquat en fonction du type de véhicules qui vont l'emprunter, que la visibilité et les possibilités de croisement soient suffisantes et que l'accès des services de secours et de voirie soit assuré (ATF 121 I 65 consid. 3a et les arrêts cités ; arrêts 1C_155/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.1; 1C_56/2019 du 14 octobre 2019 consid. 3.1). La loi n'impose pas des voies d'accès idéales; il faut et il suffit que, par sa construction et son aménagement, une voie de desserte soit praticable pour le trafic lié à l'utilisation du bien-fonds et n'expose pas ses usagers ni ceux des voies publiques auxquelles elle se raccorderait à des dangers excessifs (ATF 121 I 65 consid. 3a ; arrêts 1C_155/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.1 et les arrêts cités; 1C_56/2019 du 14 octobre 2019 consid. 3.1).

Les autorités communales et cantonales disposent en ce domaine d'un important pouvoir d'appréciation, que le Tribunal fédéral doit respecter (ATF 121 I 65 consid. 3a in fine ; 96 I 369 consid. 4 ; arrêts 1C_155/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.1 ; 1C_846/2013 du 4 juin 2014 consid. 8.1). Elles peuvent également se fonder sur les normes édictées en la matière par l'Association suisse des professionnels de la route et des transports (VSS). Lorsqu'elles appliquent ces normes, en soi non contraignantes, elles le font en tenant compte des circonstances concrètes et en accord avec les principes généraux du droit, dont celui de la proportionnalité (arrêts 1C_226/2019 du 24 avril 2020 consid. 5 ; 1C_155/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.1 ; Eloi JEANNERAT, Commentaire pratique LAT: Planifier l'affectation, 2016, no 27 ad art. 19 LAT).

b. Dans une jurisprudence du 9 octobre 2020, le Tribunal fédéral a confirmé un arrêt du Tribunal cantonal vaudois considérant un chemin d'une largeur de 3 m à 3,5 m, avec des murets de part et d'autre, comme suffisant. Le projet de construction portait sur un immeuble de vingt-trois appartements, comprenant notamment la création d'un parking souterrain de dix-sept places pour voitures auxquelles s'ajoutaient cinq autres places. Sur le trajet jusqu'à l'accès au parking souterrain, soit une distance de 100 m, il existait, grâce aux surlargeurs prévues par le projet, trois possibilités de croisement pour deux voitures de tourisme, soit tous les 30 m environ (arrêt 1C_597/2019 du 9 octobre 2020, consid. 6).

c. Dans certaines circonstances, un long chemin étroit (moins de 3 m) présentant à certains endroits une largeur de 2,2 m est suffisant, notamment s'il ne sert qu'aux riverains (voie sans issue) et s'il existe, aux endroits présentant peu de visibilité, des possibilités d'évitement, au besoin sur des parcelles de riverains qui y consentent. L'aptitude d'une voie d'accès à assurer la desserte d'une parcelle n'exige cependant pas que soient garanties des possibilités de croisement sur toute sa longueur, notamment lorsque la visibilité permet à un conducteur attentif et respectueux des règles usuelles de circulation de constater la présence d'un autre véhicule suffisamment tôt pour s'arrêter à l'entrée du tronçon et le laisser passer, ce même s'il devait s'avérer finalement nécessaire de procéder à des marches arrière malcommodes compte tenu de la longueur du chemin (Eloi JEANNERAT, op. cit, no 28 ad art. 19 LAT et les références citées).

Même un accès extrêmement malcommode pour les propriétaires peut se révéler suffisant au sens de l'art. 19 al. 1 LAT, dès lors que la sécurité des usagers est garantie sur toute sa longueur (revêtement adéquat, largeur suffisante, pente acceptable, visibilité et possibilité de croisement, etc.), que l'accès des services de secours (ambulance, service du feu) et de voirie est assuré et qu'il est suffisant d'un point de vue technique et juridique pour accueillir tout le trafic de la zone qu'elle dessert (Eloi JEANNERAT, op. cit, no 24 ad art. 19 LAT et les références citées).

d. En l'espèce, le chemin à considérer est une impasse et n'accueillera aucune circulation de transit, mais uniquement celle des habitations riveraines. L'accès est rectiligne, d'une longueur de 43 m et dessert actuellement les quatre villas du chemin, celle de la propriétaire comprise. Le projet litigieux porterait le nombre d'habitations desservies à six, vu les deux logements projetés dans le bâtiment à construire. La visibilité du chemin est bonne. Il n'est pas contesté que les véhicules de secours peuvent accéder à la parcelle.

Actuellement, il existe des possibilités de croiser, certes en empiétant sur les parcelles privées. Il convient toutefois de rappeler que l'entier du chemin est la propriété privée de l'intimée, sur laquelle circulent les autres riverains. Deux photos ont été produites devant le TAPI. Elles s'ajoutent aux informations photographiques disponibles sur le SITG et qui confirment que plusieurs emplacements existent actuellement pour croiser. Ils sont situés sur les deux côtés du chemin, notamment au nord. Même à considérer que les trois villas riveraines n'autorisent plus l'éventuel croisement des véhicules sur leur parcelle, les véhicules peuvent attendre avant de s'engager dans le chemin pour éviter de croiser. La distance maximale à laquelle se trouveraient deux véhicules dans l'impossibilité de se croiser serait de 43 m, soit peu importante. Les griefs formulés par le recourant, notamment la dangerosité d'un véhicule qui reculerait sur la route principale, apparaissent en conséquence plus comme des hypothèses et ne sont pas de nature, au vu des circonstances du cas d'espèce, à dénier le caractère suffisant de l'équipement en voies d'accès dont bénéficie la parcelle concernée, au vu de la jurisprudence précitée et du fait qu'il ne s'agit que de deux logements supplémentaires à desservir. Par ailleurs la DGT, organe spécialisé, et qui bénéficie, d'une très grande marge d'appréciation, a émis un préavis positif sans observations.

Le grief n'est pas fondé.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

4) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à Mme SCHNEIDER et Jean-Pierre Hirt Sàrl, pris solidairement (art. 87 al. 2 LPA), à la charge du recourant.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 juin 2020 par Monsieur Roland MERCIER contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 mai 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à charge de Monsieur Roland MERCIER ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000,- à Madame Jacqueline SCHNEIDER et Jean-Pierre Hirt Sàrl, pris solidairement, à la charge de Monsieur Roland MERCIER ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andreas Fabjan, avocat du recourant, à Me Dominique Burger, avocate des intimées, au département du territoire-OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :