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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/380/2015

ATA/758/2016 du 06.09.2016 sur JTAPI/1289/2015 ( LCI ) , REJETE

Parties : MUELLER Bertrand, BROUX Sophie et MUELLER Bertrand / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE-OAC, FONDATION FREDERICK ECK
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/380/2015-LCI ATA/758/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 septembre 2016

3ème section

 

dans la cause

 

Madame Sophie BROUX et Monsieur Bertrand MUELLER
représentés par Me François Bellanger, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

 

et

 

FONDATION FREDERICK ECK

représentée par Me Malek Adjadj, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 novembre 2015 (JTAPI/1289/2015)


EN FAIT

1. La Fondation Frederick Eck (ci-après : la fondation) est propriétaire de la parcelle 3'138 de la commune de Vandoeuvres.

Sur ce terrain, de 15'225 m2, sont édifiés une église, une cure et un grand chalet. 875 m2 du terrain sont plantés d’arbres dont la nature forestière a été constatée.

Cette parcelle, située en 5ème zone de construction, est longée au nord-ouest par la route de la Capite et, au sud-est, par un chemin de terre prolongeant le chemin de Bessinge.

2. Madame Sophie BROUX est propriétaire de la parcelle 3'130 du cadastre de Vandoeuvres sur laquelle est édifiée une villa qu’elle occupe avec son époux, à l’adresse 17, chemin de Bessinge.

Monsieur Bertrand MUELLER, est, quant à lui, propriétaire de la parcelle 3'131 du cadastre de la commune de Vandoeuvres à l’adresse 13, chemin de Bessinge, sur laquelle est aussi édifiée une villa qu’il occupe.

Tant le terrain de Mme BROUX que celui de M. MUELLER sont situés en 5ème zone de construction.

3. Le 27 mai 2014, la fondation a nanti le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : DALE) d’une requête en autorisation de construire afin d’édifier deux immeubles d’habitation à loyer libre, en propriétés par étage, sur la parcelle dont elle était propriétaire.

Le premier des deux bâtiments prévus (ci-après : le bâtiment A) devait avoir une surface de 2'202 m2, trois niveaux et dix-huit logements. L’accès devait se faire depuis la route de la Capite.

La surface du second bâtiment (ci-après : bâtiment B) devait être de 1'800 m2. Il devait avoir trois niveaux et accueillir neuf logements. L’accès devait se faire depuis le chemin de Bessinge.

4. Au cours de l’instruction de la requête, tous les préavis ont été favorables, cas échéant avec des observations ou des conditions.

En particulier, la direction générale des transports a émis un préavis favorable, accordant une dérogation pour qu’il y ait uniquement deux places de stationnement par logement et non trois. La commune de Vandoeuvres a souhaité que la circulation inhérente au chantier utilise la route de la Capite et non le chemin de Bessinge, inadapté pour ce genre de trafic, et a relevé l’inquiétude des riverains de ce chemin liée à l’augmentation de la circulation, à l’étroitesse de cette voie, en impasse, dont le dernier tronçon était privé.

La direction générale de la nature et du paysage a délivré l’autorisation d’abattre des arbres hors forêt, tel que cela avait été demandé.

5. Le 22 août 2014, Mme BROUX et M. MUELLER ont émis des observations. Les constructions projetées étaient des immeubles d’habitation alors que la parcelle concernée était en 5ème zone de construction.

L’accès au bâtiment B par le chemin de Bessinge était insuffisant au vu des dimensions de ce dernier.

6. Par décision du 9 décembre 2014, publiée dans la feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève du 16 décembre 2014, le DALE a délivré l’autorisation de construire sollicitée, reprenant un certain nombre de conditions mentionnées dans les préavis.

7. Par acte du 2 février 2015, Mme BROUX et M. MUELLER ont saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) d’un recours contre l’autorisation précitée.

L’accès au bâtiment B n’était pas garanti puisqu’un tronçon du chemin était situé sur un terrain privé et ne disposait pas d’une servitude de passage. Il était insuffisant, inadapté et dangereux, les véhicules ne pouvant pas s’y croiser.

Le projet ne respectait pas l’affectation de la 5ème zone résidentielle, le bâtiment prévu étant constitué d’appartements et non de logements individuels et indépendants. De plus, les bâtiments prévus disposaient de plus de quatre logements, ce que la législation interdisait.

Le projet n’était au surplus pas compatible avec le caractère et l’harmonie du quartier de par ses dimensions.

8. Tant la fondation, le 31 mars 2015, que le DALE, le 2 avril 2015, se sont opposés au recours et ont conclu à la confirmation de la décision litigieuse.

9. Après un deuxième échange d’écritures, le TAPI a rejeté le recours, par jugement du 4 novembre 2015.

Le projet était conforme à l’affectation de la zone et constituait de l’habitat groupé. La commune et la commission d’architecture avaient préavisé favorablement le projet sans relever de quelconques incompatibilités avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier.

Concernant l’accès au bâtiment B par le chemin de Bessinge, le département avait suivi le préavis du service de la direction générale des transports et cela à juste titre.

Le fait que cet accès ne soit pas garanti ressortait uniquement du droit privé et le projet ne créait pas des inconvénients graves.

10. Par acte déposé à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 4 décembre 2015, Mme BROUX et M. MUELLER ont formé recours contre le jugement précité.

Le bâtiment B n’avait pas d’accès sur la voie publique et ne respectait pas les normes régissant les raccordements destinés à l’usage de véhicules routiers car le chemin de Bessinge ne pouvait être considéré comme un chemin d’accès. De plus, un arbre limitait sa largeur dans le dernier tronçon et interdisait l’accès aux véhicules lourds, tels que ceux des pompiers.

L’utilisation du chemin était dangereuse car le croisement de deux véhicules, même à vitesse réduite, n’était pas possible. De plus, le choix de la fondation d’accéder au bâtiment B par le chemin de Bessinge était purement commercial car un accès depuis la route de la Capite, cas échéant par le sous-sol, était possible.

11. Le 10 décembre 2015, le TAPI a transmis son dossier sans émettre d’observations.

12. Le 18 janvier 2016, le DALE a conclu au rejet du recours. La direction générale des transports et la police du feu avaient émis des préavis favorables. Même si le chemin était légèrement plus étroit que trois mètres à un endroit, le croisement était possible. Le chemin de Bessinge avait les caractéristiques d’un chemin d’accès et son utilisation n’était pas dangereuse.

13. Le 18 janvier 2016 aussi, la fondation a conclu au rejet du recours. L’accès au bâtiment B par le chemin de Bessinge était suffisant et les préavis délivrés par les services spécialisés avaient été favorables, cela à juste titre. Le projet de construction n’était pas dangereux.

14. Le 15 février 2016, la chambre administrative a procédé à un transport sur place.

L’implantation des bâtiments prévus a été repérée, de même que la situation de celui dont la démolition était envisagée. Le chemin de Bessinge a été parcouru. Il a été notamment remarqué qu’un chêne empiétait sur la chaussée et était incliné à son aplomb, rétrécissant la largeur de passage à un peu moins de trois mètres.

La fondation a relevé que l’accès des véhicules de pompiers devait se faire par la route de la Capite sur un passage non autorisé à la circulation mais supportant les véhicules lourds.

15. Le 16 mars 2016, les recourants ont exercé leur droit à la réplique, persistant dans leurs conclusions antérieures en particulier concernant l’utilisation possible ou non du chemin de Bessinge.

16. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

17. Par courrier du 12 juillet 2016, les recourants ont signalé qu’un accident avait eu lieu à la hauteur du 15, chemin de Bessinge, ayant entraîné des dégâts matériels. La police venue sur place, avait indiqué que la configuration du chemin de Bessinge nécessitait que le passager de chaque véhicule sortant depuis le no 15 sur le chemin se place sur ce dernier pour surveiller la manœuvre.

Ces documents ont été transmis aux autres parties pour information.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis - étant entendu qu’un préavis sans observation équivaut à un préavis favorable - la juridiction de recours doit s'imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi. La chambre est en revanche libre d’exercer son propre pouvoir d’examen lorsqu’elle procède elle-même à des mesures d’instruction, à l’instar d’un transport sur place (ATA/284/2016 du 5 avril 2016 et les références citées).

3. a. Selon l’art. 22 al. 2 let. b de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700), aucune construction ne peut être autorisée si le terrain n’est pas équipé. Un terrain est réputé équipé lorsqu’il est desservi d’une manière adaptée à l’utilisation prévue par des voies d’accès notamment (art. 19 al. 1 LAT).

b. Au sens de ces dispositions, une desserte routière est adaptée lorsque la sécurité des automobilistes et des autres utilisateurs est garantie, lorsque le revêtement est adéquat en fonction du type de véhicules qui vont l’emprunter et lorsque la visibilité et les possibilités de croisement sont suffisantes et que l’accès des services de secours (ambulances, service du feu) et de voirie est assuré. Ces dispositions poursuivent ainsi des buts de police, tandis qu’il appartient au droit cantonal de régler avec plus de précision les caractéristiques des voies d’accès selon leur fonction (André JOMINI, Commentaire de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire, 2010, ad. art. 19, p. 8 n. 19 ; ATA/98/2012 du 21 février 2012).

c. Une voie d’accès est adaptée à l’utilisation prévue lorsqu’elle peut accueillir tout le trafic de la zone qu’elle dessert. Un bien-fonds ne peut pas être considéré comme équipé si, une fois construit, son utilisation entraîne un accroissement du trafic qui ne peut être absorbé par le réseau routier et s’il provoque des atteintes nuisibles ou incommodantes dans le voisinage (André JOMINI, op. cit., ad. art. 19, p. 8 n. 20). La loi n'impose toutefois pas des voies d'accès idéales; il faut et il suffit que, par sa construction et son aménagement, une voie de desserte soit praticable pour le trafic lié à l'utilisation du bien-fonds et n'expose pas ses usagers ni ceux des voies publiques auxquelles elle se raccorderait à des dangers excessifs (arrêt du Tribunal fédéral 1C_318/2014 du 2 octobre 2014).

d. À Genève, la direction générale de la mobilité se fonde, en général, sur les normes de l’Association suisse des professionnels de la route et des transports (ci-après : normes VSS), qui fixent des standards de largeur de routes en fonction de leur utilisation. Si les services spécialisés peuvent s’y référer, ces normes n’ont toutefois pas force de loi et leur application doit respecter les principes généraux du droit, dont en particulier celui de la proportionnalité (ATA/98/2012 du 21 février 2012 et les références citées).

La norme VSS 640 050 fixe les caractéristiques techniques des accès riverains, définis comme des raccordements destinés à l’usage de véhicules routiers (entrées et sorties privées) entre une route publique prioritaire et un bien-fonds générant un trafic de faible intensité (ch. 1). Les recommandations qu’elle contient se réfèrent à des biens-fonds ne comportant pas plus d’une quarantaine de cases ou de places de stationnement pour voitures.

4. En l’espèce, tant la commune que la direction générale des transports ont émis un préavis favorable au projet. Il ressort des remarques émises par la première qu’elle était consciente de la problématique de circulation sur le chemin de Bessinge, sans que cela ne l’amène à préaviser défavorablement le projet. Quant à la seconde, le fait que le préavis ne soit pas motivé sur cette question n’affaiblit pas sa valeur.

De plus, la chambre administrative a procédé à un transport sur place.

Selon le dossier et les constatations réalisées, s’il est exact que la largeur du chemin de Bessinge est diminué par la présence d’un arbre imposant sur un petit tronçon, rendant nécessaire une conduite prudente et attentive de la part des utilisateurs, on doit cependant admettre que cette impasse constitue une voie d’accès adaptée pour le bâtiment B projeté. Cette conclusion est confortée par la possibilité, pour les véhicules de secours, d’accéder au bâtiment depuis la route de la Capite.

5. a. Le département peut refuser des autorisations de construire lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (art. 14 al. 1 LCI).

Cette disposition appartient aux normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d’une zone déterminée. La construction d’un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe pas être source d’inconvénients graves, notamment s’il n’y a pas d’abus de la part du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/699/2015 du 30 juin 2015 ; ATA/86/2015 du 20 janvier 2015 et les arrêts cités).

b. En l’espèce, les éléments mis en évidence ci-dessus concernant l’équipement du terrain permettent de conclure que si le projet entraînera effectivement une augmentation de la circulation sur le chemin de Bessinge et contraindra les utilisateurs à une prudence accrue que tout automobiliste devrait au demeurant avoir en tout temps, ces inconvénients ne peuvent être qualifiés de graves et entraîner le rejet du projet. Le fait qu’un accident de circulation ait eu lieu récemment ne modifie pas cette appréciation dès lors qu’il appartient en tout état aux automobilistes de conduire avec la prudence exigée par les lieux.

6. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la fondation, aussi à la charge conjointe et solidaire des recourants.

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 décembre 2015 par Madame Sophie BROUX et Monsieur Bertrand MUELLER contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 novembre 2015 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge conjointe et solidaire des recourants un émolument de CHF 1'500.-, lequel contient les frais de transport sur place à hauteur de CHF 62.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à la fondation Frederick Eck à la charge conjointe et solidaire des recourants ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat des recourants, à Me Malek Adjadj, avocat de l’intimée, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie - oac -, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :