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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/106/2014

ATA/165/2018 du 20.02.2018 sur JTAPI/549/2017 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS ; CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; DOMAINE PUBLIC
Normes : LCI.14; LPE.10a.al2; OEIE
Parties : CLUB NAUTIQUE DE LA BAIE DE CORSIER ET AUTRES, DAESTER Daniel, EPIFANOV Vladimir, MULLER Solange, SCHMITZ-LEUFFEN Julia Ilene, MULLER Christian, SUBASIC Annick / CHANTIER NAVAL DE CORSIER PORT SA, DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE
Résumé : Confirmation d'une autorisation de construire une digue formant un port pouvant abriter cinquante embarcations ainsi que la rénovation de hangars pour le stockage de bateaux. Examen de l'effet des réaménagements sur l'utilisation par les recourants notamment d'une rampe d'accès située sur le domaine public de la commune. Absence d'inconvénients graves liés à une augmentation du trafic sur le chemin menant au port.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/106/2014-LCI ATA/165/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 février 2018

3ème section

 

dans la cause

 

CLUB NAUTIQUE DE LA BAIE DE CORSIER
Monsieur Daniel DAESTER
Monsieur Vladimir EPIFANOV
Madame Solange et Monsieur Christian MULLER
Madame Julia SCHMITZ-LEUFFEN
Madame Annick SUBASIC

représentés par Me Stéphane Penet, avocat

contre

CHANTIER NAVAL DE CORSIER PORT SA
représentée par Me Pascal Aeby, avocat

et

DÉPARTEMENT DE L’AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L’ÉNERGIE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance
du 19 mai 2017 (JTAPI/549/2017)


EN FAIT

1) a. Le 15 décembre 2011, la société Chantier Naval de Corsier Port SA
(ci-après : le chantier naval) a déposé une demande définitive d’autorisation de construire (DD 104'745) auprès du département de l’aménagement, du logement et de l’environnement (ci-après : le département) visant à la reconstruction de ses installations sises 71, chemin Armand-Dufaux à Corsier, construites sur les parcelles nos 8'083, 9'446 et 9'447, feuille 79 de la commune de
Collonge-Bellerive, en zone 4B, ainsi que les parcelles du domaine public cantonal no 4'716, de la commune de Corsier et no 8'346 de la commune de Collonge-Bellerive. Le chantier naval se situe sur le quai de Corsier à la hauteur du chemin du Port.

Deux hangars, l’un de 1'742 m2 (bâtiment 2’455, parcelle no 8’083 de 6'255 m2) et l’autre de 2'026 m2 (bâtiment 1'983, parcelle no 9'446 de 2'792 m2) ainsi que deux bâtiments d’une surface totale de 1'087 m2 (bâtiments 451 et 452, parcelle no 9'447 de 1'984 m2) constituent les installations du chantier naval sur terre. Une digue sur pieux, pourvues de vingt-quatre places est construite sur le lac. Le chantier naval bénéficie également de la mise à disposition par l’État de Genève de trente corps-morts situés au large.

b. Le chantier naval a également déposé une demande d’autorisation de démolir des hangars et la digue (M 6’923-1).

c. Dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation de construire, tous les préavis ont été favorables, avec ou sans réserves.

Notamment, le service des affaires juridiques de l’environnement a considéré le 19 mars 2012 que le projet ne devait pas être soumis à une étude de l’impact sur l’environnement (ci-après : EIE) car il s’agissait d’un port de plaisance proposant moins de cent places d’amarrage.

Les communes de Collonge-Bellerive et Corsier ont préavisé favorablement le projet, respectivement le 16 janvier 2012 et 6 février 2013.

La direction générale de la mobilité a préavisé favorablement le projet le 23 mai 2012, après avoir demandé la création de places pour vélos, couvertes, ainsi que la localisation des places pour voitures, cas échéant.

Le 20 février 2013, la sous-commission nature et sites de la commission des monuments, de la nature et des sites a préavisé favorablement le projet sous réserves s’agissant de la digue, d’une question en relation avec une pompe à essence, laquelle n’était plus d’actualité, et au déplacement ou à la suppression d’un maximum de corps-morts situés en amont de la digue de la Compagnie genevoise de navigation, dans le cadre de la réorganisation des amarrages dans la baie.

2) Dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation de construire, des observations sont parvenues au département qui y a répondu. Parmi ces échanges, la capitainerie cantonale a répondu le 15 mai 2013, au Club Nautique de la Baie de Corsier (ci-après CNBC) qui s’inquiétait de la proximité de la rampe de mise à l’eau et de la digue projetée, que les différentes solutions, déjà discutées lors de leurs diverses rencontres, permettraient de trouver une proposition qui pourrait convenir. La plupart de ces solutions étaient tout à fait acceptables pour la navigation à la voile ainsi que le départ des débutants. La majorité des clubs de voile avaient des conditions nettement moins avantageuses et pratiquaient tous sans problèmes leurs sports.

3) Par arrêté du 20 novembre 2013, le Conseil d’État a accordé au chantier naval une concession d’occupation du domaine public lac destinée à l’exploitation d’un port utilisable pour la navigation de plaisance. La concession était octroyée pour une durée de vingt-cinq ans. Vingt amarrages sur corps-morts seraient remis libres de tout occupant à l’État, après réalisation du projet de rénovation.

4) Les deux autorisations de démolir et de construire ont été délivrées le 9 décembre 2013 par le département et publiées dans l’édition du 13 décembre 2013 de la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (FAO).

Le projet prévoyait à la place de la digue existante, à proximité de la rampe de mise à l’eau située sur le territoire de commune de Corsier, une nouvelle digue formant un port pouvant abriter cinquante embarcations. Trente-huit places d’amarrage seraient louées, dix places dites « tampons » seraient utilisées par le chantier naval et deux places seraient laissées à la disposition des visiteurs. Sur les trente corps-morts, vingt seraient restitués à l’État de Genève et dix seraient supprimés par l’agrandissement du port.

Le hangar (bâtiment 1'983) situé sur la parcelle no 9'446 serait complètement rénové et proposerait nonante-six places d’hivernage et soixante places de stockage en été. Les bateaux seraient mis à l’eau par un élévateur suspendu sur pont roulant. L’atelier de réparation, les locaux de stockage des pièces, les bureaux, le vestiaire, les toilettes et le réfectoire seraient déplacés dans le nouveau bâtiment et un nouvel espace d’exposition créé. Une nouvelle grue serait installée dans le port.

5) a. Le 9 janvier 2014, treize propriétaires habitants du chemin du Port ou utilisateurs de la rampe d’accès au lac située à côté du chantier naval, ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre l’autorisation de démolir et celle de construire délivrée au chantier naval (cause n° A/106/2014).

Le 12 janvier 2014, le CNBC a demandé à intervenir dans la procédure, concluant également à l’annulation des autorisations.

b. Par décision du 18 mars 2014, le TAPI a déclaré irrecevable la demande d’intervention du CNBC (DITAI/109/2014). Sur recours de CNBC, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a annulé la décision du TAPI et renvoyé la cause à celui-ci, par arrêt du 12 juin 2014 (ATA/420/2014), l’intervention de CNBC était recevable.

c. Le TAPI ayant repris l’instruction de la cause a tenu une audience de comparution personnelle des parties le 15 octobre 2014 et, par jugement du 17 décembre 2014, a déclaré les recours des propriétaires voisins et la demande d’intervention de CNBC irrecevables (JTAPI/1435/2014).

d. Le 2 février 2015, Monsieur Daniel DAESTER, Monsieur Vladimir EPIFANOV, Madame Solange et Monsieur Christian MULLER, Madame Julia SCHMITZ-LEUFFEN et Madame Annick SUBASIC, tous domiciliés en zone villas, au chemin du Port qui relie la route d’Hermance au quai de Corsier, ainsi que Monsieur Louis MUSKENS, ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI.

e. Par arrêt du 10 novembre 2015 (ATA/1218/2015 dans la cause A/106/2014), la chambre administrative a admis partiellement le recours des habitants du chemin du Port. M. MUSKENS, contrairement aux autres recourants, ne disposait pas de la qualité pour recourir. La cause était renvoyée au TAPI pour instruction sur le fond et nouvelle décision.

6) a. Le 10 novembre 2015, le département a délivré à la commune de Corsier une autorisation de construire portant sur l’aménagement des quais, la prolongation des pontons existants et la construction d’une rampe de mise à l’eau (DD 108'046), laquelle a été publiée dans la FAO du 17 novembre 2015.

b. Monsieur Laurent PINGET a interjeté recours auprès du TAPI contre cette autorisation. Par jugement du 17 décembre 2015, le TAPI a rejeté le jugement. Le 9 janvier 2018, sur recours de M. PINGET, la chambre administrative a confirmé le jugement du TAPI (ATA/18/2018).

7) Dans la cause A/106/2014, à la demande du TAPI, le chantier naval a transmis le 27 mai 2016, une description détaillée en chiffres et en plans du nombre actuel de places d’amarrage et de stockage de bateaux et du nombre prévu dans le projet litigieux. Il a rectifié ces chiffres le 27 septembre 2016, c’était trente-quatre places qui étaient louées.

8) Le 28 septembre 2016, le TAPI a procédé à un transport sur place.

Il a été constaté que treize places d’amarrage existaient dans le port, ainsi que onze à l’extérieur de la digue actuelle, sur lesquels deux bateaux étaient amarrés. Le parking public était encombré par des remorques. Le représentant du chantier naval a exposé qu’il avait entre douze et quinze places de parking pour voitures à disposition de ses clients. Il y avait également un parking public qui était à disposition de leurs clients, mais également de ceux du restaurant et du club nautique. Trois places de vélo couvertes seraient créées, mais aucune nouvelle place pour voiture.

Les parties se sont accordées pour retenir que le projet de port prévoyait cinquante places d’amarrage.

9) Le 5 octobre 2016, le chantier naval a transmis les statistiques du nombre de sorties et de rotations des bateaux de la marina de 2011 à 2015. En moyenne, il y avait eu un total de 5,23 sorties par jour et 8,45 sorties par client en période estivale du 15 mai au 30 septembre. En 2015, les sorties étaient de 6,92 par jour en moyenne, soit 11,46 pour chacun des quatre-vingt quatre clients. Par son service de marina, le chantier naval proposait à ses clients de mettre à l’eau leur bateau, à leur demande, en utilisant les places d’amarrage « tampons » puis de le stocker dans ses hangars. D’autres bateaux n’étaient stockés que pendant l’hiver.

10) Le 17 novembre 2016, la direction générale des eaux a transmis un plan des corps morts existants au large de Corsier port. Le chantier naval se voyait facturer l’utilisation du domaine public pour trente corps-morts au total. Il n’était pas prévu qu’ils soient mis à disposition d’autres utilisateurs.

11) Le 5 décembre 2016, le chantier naval a précisé qu’en cas de suppression des vingt corps-morts qui ne seraient pas touchés par le projet, il en résulterait une baisse des désagréments liés au trafic par rapport à la situation actuelle. Le projet de construction n’allait augmenter que faiblement la capacité d’accueil du chantier naval.

12) Le 5 décembre 2016, le département a précisé qu’il n’était pas nécessaire de procéder à une EIE du fait que moins de cent places d’amarrage étaient prévues, même en tenant compte des vingt corps-morts.

13) Le 15 décembre 2016, les recourants ont encore présenté des observations, persistant dans leur argumentation.

14) Le 19 mai 2017, le TAPI a rejeté le recours.

Le grief lié au manque de concertation des autorités communales avec les riverains était écarté, deux séances d’information relatives au projet avaient été organisées en 2011 et 2013 par les communes concernées.

Aucune EIE n’était nécessaire ne s’agissant pas d’un port industriel, mais d’un petit port de plaisance.

S’agissant de la rampe d’accès au lac existante, l’usage en serait moins aisé du fait de la présence de la nouvelle digue, mais le CNBC n’avait aucun droit à pouvoir utiliser cette rampe. D’autres rampes étaient accessibles, notamment sur le quai de Cologny. Le réaménagement des accès au lac était examiné par les autorités communales, notamment par le biais de l’autorisation de construire du 10 novembre 2015 (DD 108'046).

Aucune place de parking supplémentaire n’était prévue et le dossier avait été préavisé favorablement par la direction générale de la mobilité. Certes, une augmentation du nombre de bateaux amarrés ou stockés au chantier naval pourrait théoriquement entraîner une augmentation du trafic routier sur le chemin du Port, mais vu l’absence de places à proximité, les clients du chantier devraient parquer leur voiture ailleurs, n’engendrant pas de nuisances à proximité du chantier naval.

15) Le 22 juin 2017, le CNBC, MM. DAESTER, EPIFANOV, Mmes SUBASIC et SCHMITZ-LEUFFEN ainsi que Mme et M. MULLER
(ci-après : CNBC et al.) ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation ainsi qu’à celle de l’autorisation de construire.

Le projet devait être soumis à une EIE, soit parce qu’il s’agissait d’un port de plaisance de plus de cent places, compte tenu des places de stockage, soit parce qu’il s’agissait d’un port industriel, en raison des activités de construction du chantier naval.

L’activité du CNBC serait entravée par la présence de la nouvelle digue et celui-ci risquait de s’éteindre. Les embarcations du club étant parquées sur terre à Corsier Port, il n’était pas possible d’utiliser une autre rampe d’accès. La sécurité de mise à l’eau serait compromise par la présence de la digue. La modification des quais de Corsier n’interviendrait pas prochainement, voire jamais, même si l’autorisation venait à entrer en force.

Le TAPI avait fondé son raisonnement, s’agissant des inconvénients graves sur des faits erronés, soit le nombre de places d’amarrage en augmentation ainsi que l’impact de celles-ci sur la fréquentation du chemin du Port.

16) Le 28 juin 2017, le TAPI a transmis son dossier, renonçant à formuler des observations.

17) Le 25 juillet 2017, le département a déposé des observations, concluant au rejet du recours.

Les installations soumises à une EIE comprenaient les ports industriels avec installations fixes de chargement de déchargement et les ports de plaisance proposant plus de cent places d’amarrage dans les lacs. Au vu de l’absence d’activités de transport de marchandises et d’activités commerciales, le port ne pouvait être considéré comme port industriel.

CNBC n’avait aucun droit sur la rampe de mise à l’eau des bateaux qui appartenait au domaine public cantonal et son accès était garanti à l’ensemble des usagers concernés qui ne pouvaient se prévaloir d’aucun droit au maintien de sa destination. De plus, le projet litigieux ne condamnait pas la rampe même s’il rendait moins aisé son utilisation.

Il n’y aurait aucune augmentation significative du trafic motorisé au vu des chiffres concernant les mouvements des bateaux.

18) Le 25 juillet 2017, le chantier naval a déposé des observations, concluant au rejet du recours ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure.

Le chemin du Port n’était pas un chemin peu fréquenté. Une étude de RGR Ingénieurs Conseils, effectué entre le 5 et le 11 octobre 2012, dans le cadre d’une étude pour la mise en place d’une zone 30 km/h au chemin du Port, démontrait que plus de mille trois cents véhicules l’empruntaient chaque jour en basse saison. S’agissant de l’augmentation de trafic, le chantier naval exploitait, entre son port privé et ses deux hangars, un total de cent quarante-quatre places, dont
cinquante-quatre à l’eau. Le projet de rénovation créerait, en période estivale, un total de trente-six places supplémentaires, soit cent quatre-vingt places au total, dont seules cent cinquante-huit seraient exploitées par le chantier naval, dont vingt sous hangar. L’augmentation de la capacité d’accueil était donc de quatorze places. Les bateaux stockés pendant l’hiver étaient déposés dans le courant du mois de septembre et récupérés au mois d’avril ou mai. Les clients ne se déplaçaient pas au chantier naval durant la période d’hivernage. Les nuisances engendrées par l’augmentation de la capacité du port seraient minimes. Le projet ne prévoyait aucune place de parking supplémentaire.

Après rénovation, la capacité totale du port serait au maximum de septante places à l’eau, soit cinquante dans le port et vingt corps-morts si ceux-ci étaient maintenus, dont seules quarante-huit places seraient exploitées par le chantier naval. Les places sous hangars ne devaient pas être comptabilisées pour examiner si une EIE sur l’environnement devait être réalisée.

L’activité de construction de bateaux, bien que mentionnée dans le but originaire de la société, inscrite au registre du commerce depuis le 18 mars 1933, n’était plus exercée depuis une quarantaine d’années. Le chantier naval avait principalement une activité de stockage de bateaux en service de marina, dans l’entretien, la réparation et la restauration de bateaux. La grue qui allait être installée avait pour unique fonction de mettre et sortir de l’eau les nombreuses embarcations de plaisance stockées dans les hangars.

Le projet n’aurait pas pour conséquence d’empêcher l’utilisation de la rampe d’accès public au lac et une solution pour un accès plus aisé pourrait être trouvée via le projet de construction de la commune de Corsier relative au réaménagement des accès au lac pour les bateaux.

19) Le 5 septembre 2017, CNBC et al. ont répliqué, persistant dans les conclusions prises dans leur recours et dans leur argumentation.

Ils contestaient les chiffres tels que détaillés par le chantier naval. L’utilisation de la rampe serait, de fait, impossible en raison de la proximité de la digue à 3,5 m du ponton. Six recourants utilisaient la rampe et les autres seraient touchés par la circulation induite.

20) Le 11 septembre 2017, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

21) Le détail de l’argumentation des parties sera reprise en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

 

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les recourants contestent l’absence d’EIE ; le chantier naval disposerait à l’avenir de beaucoup plus de cent places d’amarrage et de stockage ou, alternativement, il s’agirait d’un port industriel.

a. Doivent faire l'objet d'une EIE les installations susceptibles d'affecter sensiblement l'environnement, au point que le respect des dispositions en matière d'environnement ne pourra probablement être garanti que par des mesures spécifiques au projet ou au site (art. 10a al. 2 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 - LPE - RS 814.01). Le Conseil fédéral désigne les types d'installations qui doivent faire l'objet d'une étude d'impact (art. 10a al. 3 LPE), ce qu’il a fait en adoptant l’ordonnance relative à l’étude de l’impact sur l’environnement du 19 octobre 1988 (OEIE - RS 814.011).

b. L’EIE est prévue, selon l’annexe de l’OEIE, notamment pour les ports de plaisance avec plus de cent places d'amarrage dans les lacs ou plus de cinquante places d'amarrage dans les cours d'eau (ch. 13.3 annexe OEIE).

À teneur du texte même de cette disposition, doivent être prises en compte uniquement les places d’amarrage situées dans le lac, excluant donc les places de stockage prévues dans un hangar ou à terre. C’est donc à juste titre que le département a retenu que le projet n’atteignait pas la valeur seuil de l’OEIE, cinquante places d’amarrage étaient prévues dans le port, ce que les recourants ont d’ailleurs admis lors du transport sur place effectué par le TAPI le 28 septembre 2016. Le seuil ne serait pas non plus atteint s’il fallait ajouter les vingt
corps-morts dont le sort ne semble pas encore scellé.

c. Une EIE est également prévue pour la construction de ports industriels avec installations fixes de chargement et de déchargement (ch. 13.2 annexe OEIE).

Toujours, selon l’interprétation littérale du texte, des installations fixes de chargement et de déchargement sont des installations qui permettent de charger et de décharger une cargaison et non pas, comme le soutiennent les recourants, une grue qui permet de mettre et sortir de l’eau des embarcations.

Dans ce cadre, les recourants allèguent encore que les activités commerciales de l’intimée liées à la construction et la vente d’embarcations lacustres allaient supplanter l’activité de gestion de bateaux de plaisance. Outre que ces allégations ne sont fondées sur aucun élément objectif, on ne voit pas en quoi une activité de construction navale, telle que prévue notamment dans les buts de l’intimée, mais que celle-ci indique ne plus exercer depuis de nombreuses années, serait susceptible de modifier la nature du port dans lequel les bateaux amarrés resteraient des bateaux de plaisance.

À cela s’ajoute que la concession octroyée par l’État de Genève porte sur un port de plaisance qui se définit par les embarcations qu’il abritera, soit des bateaux de plaisance, utilisés pour le sport et le délassement par opposition à des bateaux à marchandises par exemple, selon les définitions données par l’ordonnance sur la navigation dans les eaux suisses du 8 novembre 1978 (ONI - RS747.201.1).

Finalement, le projet a été examiné de façon approfondie par le service des affaires juridiques de l’environnement qui a retenu dans son préavis du 19 mars 2012 qu’il n’y avait pas obligation de procéder à une EIE.

Le grief des recourants sera donc écarté.

3) Les recourants estiment que le projet litigieux empêchera l’utilisation de la rampe d’accès située à côté du port.

La rampe d’accès utilisée par CNBC pour ses activités est située sur le domaine public de la commune de Corsier, à droite de la digue actuelle et à une distance de 3,5 m de la digue prévue.

Il est acquis que l’accès à la rampe ne sera pas condamné par la construction litigieuse. Selon les recourants, la sécurité de la mise à l’eau serait fortement péjorée étant donné les courants qui seraient créés par la présence de la digue.

Un réaménagement des quais et de la rampe de mise à l’eau est prévu dans le cadre des travaux initiés par la commune de Corsier qui ont été autorisés par décision du département du 10 novembre 2015 (DD 108'046). Cette décision a été confirmée par la chambre de céans dans son arrêt du 9 janvier 2018 (ATA/18/2018). Les objections soulevées par les recourants quant à l’absence de réalisation des travaux par la commune relèvent d’un procès d’intention et ne seront pas examinées plus avant.

Cela dit, les usagers d’un bien appartenant au domaine public d’une collectivité ne peuvent, en principe, se prévaloir d’aucun droit au maintien de sa destination (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 69) Ce n’est que dans certains cas que le Tribunal fédéral a reconnu aux riverains d’une voie publique, le droit de se prévaloir de la garantie de la propriété pour s’opposer à un changement du régime de circulation, dans le cas où celui-ci rendrait impossible ou compliquerait à l'excès, l’usage conforme à sa destination de leur bien fond ou dans les cas où le droit cantonal leur a conféré un droit (ATF 131 I 302 consid. 1.3 ; 105 Ia 220 consid. 2).

En l’espèce, les recourants ne sont pas privés de l’usage de la rampe par la construction prévue et son réaménagement est autorisé. En outre, ils ne font valoir aucun droit qui leur aurait été conféré d’utiliser la rampe d’accès avec les avantages de fait qui découlent de la disposition actuelle de la digue du port.

En conséquence, leur grief tombe à faux.

4) Finalement, les recourants estiment que l’autorisation délivrée viole l’art. 14 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), en raison de l’accroissement du trafic induit par les places d’amarrage et de stockage de bateaux supplémentaires prévues par le projet litigieux.

a. L’art. 14 LCI prévoit que le département peut refuser une autorisation de construire lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a), ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation (let. b) ne remplit pas les conditions de sécurité ou de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public (let. c), offre des dangers particuliers (notamment incendie, émanations nocives ou explosions), si la surface de la parcelle sur laquelle elle est établie est insuffisante pour constituer une zone de protection (let. d), ou peut créer, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation (let. e).

Cette disposition appartient aux normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d’une zone déterminée. Elle n’a toutefois pas pour but d’empêcher toute construction dans une zone à bâtir qui aurait des effets sur la situation ou le bien-être des voisins. La construction d’un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe pas être source d’inconvénients graves, notamment s’il n’y a pas d’abus de la part du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/926/2016 du 1er novembre 2016 ; ATA/1345/2015 du 15 décembre 2015 et les références citées).

b. La notion d’inconvénients graves est une notion juridique indéterminée qui laisse à l’autorité une liberté d’appréciation et n’est limitée que par l’excès ou l’abus de pouvoir. La chambre de céans peut revoir librement l’interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle des limites précitées, l’exercice de la liberté d’appréciation de l’administration, en mettant l’accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable, et sur le respect de l’intérêt public en cas d’octroi d’une autorisation. Les autorités de recours se limitent ainsi à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/926/2016 précité).

S’agissant du TAPI, celui-ci se compose de personnes ayant des compétences spéciales en matière de construction, d’urbanisme et d’hygiène publique (art. 143 LCI). Formée pour partie de spécialistes, cette juridiction peut exercer un contrôle plus technique que la chambre administrative (ATA/926/2016 précité ; ATA/778/2014 du 30 septembre 2014).

Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l’autorité inférieure suit les préavis requis – étant entendu qu’un préavis sans observation équivaut à un préavis favorable – la juridiction de recours doit s’imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/926/2016 précité et les références citées).

5) En l’espèce, le projet ne prévoit pas de places de parking supplémentaires, seules des places pour vélos seraient créées, n’augmentant ainsi, en principe, pas directement le trafic motorisé sur les voies d’accès au chantier naval.

Le préavis rendu par la direction générale de la mobilité dans le cadre de l’instruction de la requête est favorable et le TAPI a confirmé que l’augmentation du trafic routier sur le chemin du Port ne constituerait pas un inconvénient grave.

L’intimée a produit, à la demande du TAPI, les statistiques relatives au mouvement des bateaux dans le cadre de son service de marina. Celles-ci indiquent qu’en 2015, elle a enregistré en moyenne 6,92 sorties quotidiennes du 15 mai au 30 septembre 2015 et cela pour les quatre-vingt-quatre clients du chantier naval.

Le dossier contient également une étude réalisée dans le cadre de la mise ne place d’une zone 30 km/h sur le chemin du Port et indiquant une fréquentation moyenne du chemin du Port de mille trois cent vingt-neuf véhicules par jour.

Il est acquis que le nombre de places d’amarrage dans le port sera de cinquante places, dont deux places mises à disposition pour les visiteurs, soit quarante-huit à disposition du chantier naval pour être mises en location où utilisées dans le cadre de son service de marina. Avant agrandissement, le port contenait vingt-quatre places d’amarrage et l’intimée disposait encore d’une concession pour trente corps-morts au large du port, soit un total de
cinquante-quatre places. En conséquence, il n’y aura pas d’augmentation du trafic lié à l’utilisation des nouvelles places du port, le nombre d’amarrage ayant diminué. À noter que, même si l’État maintient les corps-morts qui lui sont rétrocédés, l’augmentation de trafic qui serait liée à leur utilisation ne saurait être imputée à l’activité de l’intimée.

Les parties ne s’accordent pas sur l’augmentation de la capacité d’accueil totale liée à la rénovation et à la construction litigieuse. Pour l’intimée, sa capacité d’accueil augmenterait de quatorze places uniquement et pour les recourants de soixante-deux places. Cette question, liée aux nombre de nouveaux clients bénéficiant du service de marina, peut rester indécise, puisque force est de constater que l’augmentation maximale du trafic qui pourrait être induite par les nouvelles installations de l’intimée, si la fréquentation quotidienne des clients du chantier naval devait doubler (quatre-vingts nouvelles places et clients), chiffres que même les recourants n’allèguent pas, représenterait environ douze à treize passages de véhicules supplémentaires par jour, sur la base de 6,92 sorties quotidiennes pour quatre-vingt-quatre clients actuels, soit une augmentation de moins de 1 % du trafic quotidien sur le chemin concerné.

Une telle augmentation n’est à l’évidence pas susceptible de créer un inconvénient grave au sens de l’art. 14 LCI.

Le grief des recourants sera donc écarté.

6) En tous points infondé, le recours sera rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à l’intimée, à la charge des recourants (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 juin 2017 par le Club nautique de la baie de Corsier, Messieurs Daniel DAESTER et Vladimir EPIFANOV, Madame Solange et Monsieur Christian MULLER, Mesdames Julia ACHMITZ-LEUFFEN et Annick SUBASIC contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mai 2017 (JTAPI/549/2017) ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement ;

alloue une indemnité de CHF 1'500.- à Chantier Naval de Corsier Port SA, à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stéphane Penet, avocat des recourants ainsi qu'à Me Pascal Aeby, avocat de Chantier Naval de Corsier Port SA et au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :