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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2512/2019

ATA/811/2021 du 10.08.2021 sur JTAPI/394/2020 ( LDTR ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;PERMIS DE CONSTRUIRE;HAUTEUR DE LA CONSTRUCTION;AUTORISATION DÉROGATOIRE(PERMIS DE CONSTRUIRE)
Normes : LCI.11.al4; LCI.14
Parties : DAYER Samia Elisabeth et autres, DE WECK Dominique, DOMON Etienne, MATULA Emilie, PANNETTI Ritchie, TEYSSEIRE Corinne, ZOELLS Robert, NET, NOUVEAUTÉS ET ÉDITIONS TOURISTIQUES SARL, CONSULAT GÉNÉRAL D'AUTRICHE / PENSIONSKASSE MANOR, DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, CACCIAPAGLIA Italo, CHOPARD Dominique, DERUAZ Karin, DUPENLOUP Andrée, GALLOPIN Eveline, GELEBART Suzanne, MASON Christiane, PETROGALLI Paul, PETROGALLI Xom, VILBERT Louise, ZIEGLER Marco, ZIEGLER Michèle, APLEONA HSG AG, DUPENLOUP François, CAISSE DE PRÉVOYANCE DE L'ETAT DE GENÈVE (CPEG) & AUTRES
Résumé : Rejet d’un recours contre une autorisation de construire portant sur la surélévation de trois bâtiments sis en zone 2 et faisant partie d’un îlot de treize immeubles pour lesquels des projets de surélévation étaient en cours d’instruction ou des autorisations déjà délivrées. Examen des inconvénients graves allégués par les recourants, soit le trafic induit et la perte d’ensoleillement
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2512/2019-LDTR ATA/811/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 août 2021

 

dans la cause

 

Madame Samia DAYER
Monsieur Dominique DE WECK
Monsieur Étienne DOMON
Madame Émilie MATULA
Madame Ritchie PANNETTI
Madame Corinne TEYSSEIRE
Monsieur Robert ZOELLS
CONSULAT GÉNÉRAL D’AUTRICHE
NET NOUVEAUTÉS ET ÉDITIONS TOURISTIQUES Sàrl

représentés par Me Alexia Haut, avocate

contre

APLEONA HSG SA
CAISSE DE PRÉVOYANCE DE L’ÉTAT DE GENèVE
PENSIONSKASSE MANOR
représentées par Me Boris Lachat, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 mai 2020 (JTAPI/394/2020)


EN FAIT

1) a. La Pensionskasse Manor (ci-après : PK Manor) est propriétaire des parcelles nos 2'423 et 2'425, feuille 17 de la commune Genève Eaux-Vives, sur lesquelles sont construits deux immeubles d'habitation – activités ayant pour adresse 12, rue des Cordiers et 52, rue Ernest-Bloch.

b. La Caisse de prévoyance de l'État de Genève (ci-après : CPEG) est propriétaire de la parcelle n° 2'424, sur laquelle se trouve un immeuble d'habitation et d’activités à l’adresse 14, rue des Cordiers.

Ces parcelles sont sises en zone 2 et les immeubles font partie d’un îlot carré comprenant treize immeubles autour d’une cour, entre les rues des Cordier, Ernest-Bloch, des Vollandes et la route de Frontenex.

2) Par requête du 27 février 2018, enregistrée sous le n° DD 111'332, la CPEG et la société Apleona HSG SA (ci-après : Apleona), pour le compte de la PK Manor, ont sollicité auprès du département devenu depuis le département du territoire (ci-après : département), la délivrance d'une autorisation de construire portant sur la surélévation des trois bâtiments ainsi que l'assainissement des façades, et la réfection des salles de bain et cuisines de l’immeuble 52, rue
Ernest-Bloch, le remplacement de la chaudière et l’abattage d’arbres.

3) Dans le cadre de l'instruction de cette demande d'autorisation, les préavis suivants ont notamment été émis :

- après avoir demandé, les 9 mars, 31 juillet et 20 novembre 2018, la modification du projet et/ou la production de pièces complémentaires, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a rendu un préavis favorable avec dérogations, sur la base de l'art. 11 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), s'agissant des limites de parcelles, des vues droites et du gabarit théorique avec les parcelles nos 644, 646 et 2'431. Les jours croisés étaient seulement partiellement respectés, dès lors que les étages étaient décalés, entre les 14, rue des Cordiers et 52, rue Ernest-Bloch, dans le prolongement de l'existant ;

- le 26 mars 2018, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) s'est déclaré non concerné par le projet et s'en est remis à l'avis de la commission d’architecture (ci-après : CA) ;

- le 29 mars 2018, l'office cantonal des transports (ci-après : OCT) a requis la modification du projet, la création de nouvelles places de stationnement pour voitures n'étant pas possible sur la parcelle, une dérogation serait octroyée. Une place et demi à vélos pour 100 m2 de surface brute de plancher (ci-après : SBP) devait être prévue. Le 10 décembre 2018, il a rendu un préavis favorable avec dérogations, étant précisé qu'il n'y avait pas d'obligation de créer des places de stationnement dans le cas de surélévation d'immeubles dans le secteur II ;

- après avoir demandé, le 10 avril 2018, la modification du projet, la CA a rendu, le 21 août 2018, un préavis favorable avec dérogations et sous conditions. Le projet faisait partie d'un ensemble lié aux DP 18'446 (56, rue Ernest-Bloch) et DP 18'442 (54, rue Ernest-Bloch) autorisées en 2012, pour une élévation du gabarit sur deux niveaux. Le principe dérogatoire de l'art. 11 LCI avait été accepté dans le cadre des DP précitées, afin d'assurer une cohérence volumétrique sur l'ensemble de l'îlot. Certaines modifications typologiques demandées n'avaient pas été exécutées mais, dès lors que le caractère compensatoire était garanti sur certains aspects, notamment le maintien de deux appartements orientés au nord, qui bénéficiaient de dégagements suffisants et d'une vue sur le lac, une dérogation à l'art. 11 LCI était favorablement préavisée ;

- les 10 avril et 8 août 2018, l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) a requis la production de pièces complémentaires, avant de rendre, le 27 novembre 2018, un préavis favorable sous conditions relatives à l'abattage et à la conservation d'arbres puis, le 4 janvier 2019, un préavis favorable sous conditions tendant à replanter des arbres ;

- le 19 avril 2018, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a rendu un préavis favorable sous conditions ;

- le 26 avril 2018, la direction du département des constructions et de l’aménagement de la Ville de Genève (ci-après : la ville) a requis la production de pièces complémentaires puis, le 3 septembre 2018, la modification du projet. Le 13 décembre 2018, elle a rendu un préavis favorable avec dérogation, étant relevé que le projet répondait, dans les limites des contraintes imposées par le bâtiment existant, à ses attentes et qu'elle appréciait que la question de l'isolation de la surélévation et des façades existantes soit traitée en même temps pour les trois bâtiments. Le projet nécessitait une dérogation à l'application du gabarit légal, motivée par la cohérence globale du projet de surélévation d'un groupe de sept immeubles ;

- les 7 mai et 31 août 2018, l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) a sollicité la production de pièces complémentaires, avant de rendre, le 17 décembre 2018, un préavis favorable sous conditions relatives à la fixation des loyers des appartements à créer et existants. Un courrier d’information aux locataires daté du 26 janvier 2018 était mentionné dans le préavis.

4) Par décision du 28 mai 2019, le département a accordé l'autorisation de construire DD 111'332. L’autorisation a été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour.

5) Par acte du 27 juin 2019, Madame Samia DAYER, Monsieur Étienne DOMON, Madame Émilie MATULA, Madame Ritchie PANNETTI, locataires des immeubles concernés ainsi que la société NET, nouveautés et éditions touristiques Sàrl (ci-après : NET) et Messieurs Dominique DE WECK, Robert ZOELLS et Madame Corinne TEYSSEIRE, tous trois avocats, et le consulat général d'Autriche (ci-après : le consulat), dont M. ZOELLS était le consul général honoraire, exerçant leurs activités professionnelles dans des locaux situés 52, rue Ernest-Bloch respectivement 14, rue des Cordiers, ainsi que dix autres locataires, ont interjeté recours, sous la plume de leur conseil commun, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), à l'encontre de la décision rendue, concluant, préalablement, à ce qu'une étude sur la perte d'ensoleillement sur les parcelles nos 2'423, 2'424 et 2'425 soit ordonnée et, principalement, à l'annulation de l'autorisation de construire, en ce qu'elle concernait la surélévation uniquement, dès lors que les travaux de rénovation apparaissaient nécessaires. La comparution personnelle des parties était requise.

La demande d'autorisation de construire contestée aurait dû être déclarée irrecevable, faute de pouvoir de représentation, celui des signataires des demandes étant sujet à caution.

La procédure de consultation préalable des locataires n'avait pas été respectée. Tant MM. DE WECK et ZOELLS que le consulat n'avaient pas reçu le courrier informatif de la régie du 26 janvier 2018, reçu par certains locataires.

Le département avait erré en octroyant une dérogation aux gabarits légaux sans fondement. Les travaux envisagés dépassaient les gabarits usuels et légaux et n'étaient pas en harmonie avec le quartier, sans être justifiés par un intérêt prépondérant.

L'absence d'aménagement et d'équipement des parties communes était à déplorer. Les immeubles ne disposaient pas de places de parking pour tous les locataires et la création de nouveaux logements détériorerait la situation. Les locaux à bicyclettes étaient insuffisants et ne présentaient pas les normes de sécurité nécessaires.

Des atteintes à la qualité de vie des locataires étaient probables. Le projet global de surélévation avait un aspect massif et dominerait l'ensemble du quartier, impliquant une dysharmonie évidente avec les bâtiments avoisinants. De plus, la surélévation contestée créerait des inconvénients graves. Ainsi, la présence de nouvelles habitations augmenterait la circulation motorisée et les va-et-vient des différents corps de métier et des nouveaux habitants, sans qu'aucun aménagement de places de parking correspondantes ni d'autres mesures n'aient été projetées, mettant en danger les locataires et les automobilistes, alors qu'il était déjà difficile de circuler à double sens dans les rues très étroites. De plus, un impact important sur l'ensoleillement des étages inférieurs, notamment sur les locaux du
rez-de-chaussée et sur les travailleurs qui les occupaient, serait à déplorer. Des attroupements auraient notamment lieu devant les ascenseurs, très utilisés et déjà insuffisants, au préjudice des occupants des locaux du consulat et de l'étude d'avocats.

Enfin, le projet querellé n'était pas conforme au droit et aucun intérêt général ne justifiait qu'une dérogation soit octroyée. En effet, selon le plan financier du 21 février 2018, les loyers envisagés pour les appartements du 52, rue Ernest-Bloch étaient de CHF 6'503.-/pièce, soit largement supérieurs aux seuils légaux imposés.

6) Par observations du 4 septembre 2019, le département a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée.

Le projet contesté était fait dans le cadre d'un projet d'ensemble constitué par les autres immeubles de l'îlot, soit les 54 à 58, rue Ernest-Bloch et 51, route de Frontenex. Ces derniers immeubles avaient d'ailleurs fait l'objet d'autorisations de construire préalables s'agissant de leur surélévation et des demandes d'autorisations définitives étaient soit en cours d'instruction, soit déjà délivrées.

Le grief relatif à la prétendue absence de pouvoir de représentation, fondé sur le droit civil, était irrecevable. La CPEG avait été initialement inscrite comme requérante, jusqu'à ce qu'Apleona demande à l’être en cette qualité. Les données figurant dans l'en-tête des préavis étaient enregistrées par le département d'après les informations communiquées par les requérants et servaient à la communication avec ces derniers durant l'instruction du dossier.

Seuls MM. DE WECK et ZOELLS ainsi que le consulat affirmaient ne pas avoir été avertis par la propriétaire de son intention d'exécuter des travaux. Les locataires en avaient été informés par écrit le 26 janvier 2018, soit avant le dépôt de la demande d'autorisation de construire, et un délai leur avait été imparti pour se déterminer. Quoi qu'il en soit, les requérants concernés avaient pu prendre connaissance du projet contesté et se déterminer, auprès du bailleur et du département, avant qu'il ne soit autorisé.

Le projet – qui avait pour objectif d'harmoniser l'îlot – ne créerait aucune dysharmonie dans le quartier, étant précisé que cet aspect avait été consciencieusement examiné, notamment par la CA. L'art. 14 LCI ne s'appliquait pas aux éventuelles nuisances induites par le chantier. La prétendue perte d'ensoleillement n'était pas documentée et devait, en tout état, céder le pas sur l'intérêt public à la surélévation. Les parties communes existaient bel et bien, et leur prétendue insuffisance ne serait pas propre à causer des inconvénients graves ou des dangers, étant rappelé que seuls deux étages supplémentaires devaient être créés et que ces éléments pourraient être signalés au bailleur dans le cadre d'une relation de droit privé.

Enfin, le grief selon lequel les loyers des nouveaux logements ne pouvaient s'écarter du maximum légal était irrecevable, les loyers des intéressés n'étant pas impactés par la surélévation.

Était joint à cette écriture le dossier de la cause, lequel contenait notamment un courrier de la régie Brolliet daté du 26 janvier 2018 et portant la mention « Projet » en filigrane, adressé à MM. DE WECK et ZOELLS et les informant que la propriétaire de l'immeuble dans lequel ils louaient des locaux commerciaux se proposait de procéder prochainement à des travaux, lesquels étaient listés. Un délai de trente jours leur était octroyé pour formuler d'éventuelles observations, étant précisé que ces travaux n'auraient aucune incidence sur leur loyer.

7) Par réponse du 4 septembre 2019, Apleona, la PK Manor et la CPEG ont requis la comparution personnelle des parties et ont conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement, à son rejet et au versement d’une indemnité de procédure.

Ils produisaient notamment deux études d’ensoleillement sur l’impact de la surélévation des immeubles de Sorane SA des 15 août 2013 et 2 septembre 2019.

8) Par réplique du 21 octobre 2019, les intéressés ont conclu à la suspension de la procédure dans l'attente d'une décision de l'autorité compétente concernant l'absence d'indépendance et le prétendu conflit d'intérêts de leur conseil. Ils ont également sollicité la jonction de la présente procédure avec la procédure A/3078/2019 relative au recours pendant contre l'autorisation de construire DD 111'445 concernant l’immeuble 54, rue Ernest-Bloch. Pour le surplus, ils ont persisté dans leurs conclusions et sollicité l'intervention d'un expert, respectivement la tenue d'un transport sur place.

Le projet global de construction portait sur sept immeubles de logements et bureaux. Toute circulation et accès à leurs services seraient rendus impossibles aux heures de pointe et le quartier impraticable, au vu de la durée prévisible importante des travaux.

Comme le démontrait l'étude du 2 septembre 2019 produite par les intimées, la perte d'ensoleillement à déplorer serait de deux heures au solstice d'été sur la façade sud-ouest de l'immeuble 52, rue Ernest-Bloch.

9) Par pli du 23 octobre 2019, les intéressés ont transmis au TAPI leur courrier du même jour par lequel ils informaient le département qu'ils renonçaient, pour des motifs financiers, à recourir contre la DD 112'356, concernant la surélévation de l’immeuble 56, rue Ernest-Bloch, mais indiquaient être en désaccord avec cette autorisation.

10) Par jugement du 5 mai 2020, après un second échange d’écritures, le TAPI a rejeté le recours.

Aucune procédure pour conflit d’intérêts du conseil des locataires n’était pendante. Partant, l’une des conditions d’une suspension n’était pas remplie.

Le but visé par l’exigence de la signature du propriétaire de la parcelle concernée de s’assurer de l’accord de ce dernier était atteinte en l’espèce, la requête d’autorisation concernée étant dès lors valable sauf à verser dans le formalisme excessif.

La jonction était requise pour deux procédures concernant des immeubles situés dans le même ensemble et destinés à être surélevés, mais ne concernaient pas les mêmes parties, de sorte que la demande était refusée.

Les demandes d’actes d’instruction étaient rejetées.

Le département n’avait pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que la procédure de consultation des locataires avait été respectée, ni en accordant une dérogation fondée sur le préavis favorable de la CA.

Les inconvénients invoqués ne pouvaient être retenus, aucune dysharmonie ne serait créée, un accroissement significatif de la circulation dû à la surélévation ne pouvait être démontré, l’utilisation des locaux et services communs ne serait pas entravée à teneur du dossier et la perte d’ensoleillement n’était pas suffisamment grave.

La surélévation n’aurait aucune incidence sur le loyer des locataires en place. Le grief concernant le prix des nouveaux logements n’était dès lors pas recevable.

11) Par acte commun, mis à la poste le 19 juin 2020, Mme DAYER, M. DE WECK, M. DOMON, Mme MATULA, Mme PANNETTI, Mme TEYSSEIRE, M. ZOELLS, NET et le consulat général d’Autriche ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI en concluant principalement à son annulation ainsi qu’au renvoi de la cause au TAPI pour nouveau jugement. Subsidiairement, ils concluaient à l’annulation de la décision DD 111'332, concernant la partie surélévation ainsi qu’à l’annulation des frais et dépense mis à leur charge par le TAPI ou à leur réduction, ainsi qu’à l’allocation de dépens.

Le TAPI aurait dû effectuer une visite sur place et ordonner une étude d’ensoleillement, mesures nécessaires à la bonne instruction du dossier, les études produites étant lacunaires.

Le transport sur place était seul à même de prouver que les rues déjà surchargées du quartier ne pourraient pas supporter plus d’occupants et d’utilisateurs. La surélévation de sept immeubles en même temps aurait non seulement des conséquences pour le trafic lors des travaux, mais aussi ultérieurement.

Seuls sept immeubles sur treize que comportait l’ensemble formé autour d’une cour étaient surélevés. L’impact sur l’harmonie du quartier ne pouvait qu’être constaté sur place, de même que l’étroitesse des rues Cordiers et
Ernest-Bloch, qui ne laisserait aucune place à l’installation du matériel de chantier.

C’était à tort que le TAPI avait retenu que la décision prévoyait la construction de vingt-deux au lieu de vingt-quatre nouveaux logements, fondant son appréciation sur des faits erronés.

Le département avait excédé et/ou abusé de sa marge d’appréciation dans le cadre de l’application de l’art. 43 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20), les locataires n’ayant pas suffisamment été informés. Le dossier du département ne contenait pas de lettre aux locataires et le courrier adressé le 26 janvier 2018 à MM. DE WECK et ZOELLS comportait en filigrane la mention « projet ».

Le département avait également excédé son pouvoir d’appréciation dans l’application de l’art. 11 al. 4 LCI.

La demande n’avait pas été d’emblée préavisée favorablement. Le quartier était déjà fortement densifié et la nécessité de logements tombait à faux, seul un intérêt économique semblait avoir motivé le département à suivre le préavis de la CA dont la proximité avec les lobbys immobiliers était évidente. Les gabarits prévus n’étaient pas en harmonie avec le quartier ni avec les immeubles de l’îlot.

En lien avec l’art. 14 LCI, la création de vingt-quatre logements supplémentaires entraînerait une augmentation du trafic, les inconvénients qui en résulteraient et l’impossibilité de circuler aux heures de pointe. Les inconvénients liés à l’augmentation de l’utilisation des locaux et services communs n’avaient pas été traités par le TAPI de façon correcte.

Les études d’ensoleillement produites étaient incomplètes et avaient déjà mis en évidence les impacts négatifs d’un manque d’ensoleillement sur le travail des collaborateurs des différentes entreprises, ainsi que sur les lieux publics directement concernés, notamment la cour intérieure.

L’émolument et l’indemnité mis à leur charge par le TAPI étaient trop élevés.

12) Par décision du 29 juin 2020 sur mesures provisionnelles, prise après un échange d’écritures, la chambre administrative a admis la requête en retrait partiel de l’effet suspensif au recours déposée par Apleona, la CPEG et la PK Manor, portant sur les travaux de remplacement de la chaufferie sise dans l’immeuble
52, Ernest-Bloch, alimentant régulièrement les immeubles 12 et 14, rue des Cordiers.

Seuls les travaux concernant la surélévation des immeubles, l’assainissement des façades et la réfection des salles de bains et cuisines étaient suspendus jusqu’à l’issue de la procédure.

13) Le 31 juillet 2020, les propriétaires ont conclu à son rejet ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure.

Certains des recourants qui avaient également recouru contre la DD 111'445, concernant la surélévation de l’immeuble 54, rue Ernest-Bloch, n’avaient pas recouru contre le jugement du TAPI du 5 mai 2020, tout en soulignant que les autorisations faisaient partie d’un projet global.

Les mesures d’instruction demandées étaient sans pertinence pour le sort du litige.

Les recourants avaient été informés au sens de l’art. 43 LDTR, ce qui leur avait permis de participer activement à la procédure d’autorisation.

Quatre autorisations définitives de construire étaient en force et les surélévations des immeubles 54, 56, 58, rue Ernest-Bloch et 51, route de Frontenex allaient être construites. Il n’existait dès lors aucun motif justifiant de s’écarter de ces décisions et du préavis de la CA.

Concernant l’art. 14 LCI, les avis des commissions spécialisées l’emportaient sur les critiques générales et peu détaillées des recourants.

14) Le 31 juillet 2020, le département a conclu au rejet du recours.

Il répondait point par point aux griefs soulevés par les recourants.

Les parcelles voisines, à savoir les nos 2'215, 2'216, 2'281 et 2'282, étaient déjà au bénéfice d’autorisations de construire portant sur la surélévation des immeubles qu’elles contenaient (respectivement DD 111’829 du 20 mars 2019 ; DD 112'356 du 25 septembre 2019 ; DD 111'808 du 9 avril 2020 et DD 111'445 du 25 juin 2019 ayant fait l’objet du jugement du TAPI JTAPI/395/2020 du 5 mai 2020 rejetant un recours).

15) Le 7 décembre 2020, les recourants ont demandé la suspension de la procédure, le sort de la cause dépendant de la procédure de contestation des avis de résiliation des baux que comptaient engager MM. DE WECK et ZOELLS.

Une demande de récusation était formulée pour que la composition de la chambre administrative soit changée en ce sens que les juges affiliés à la CPEG soient remplacés par des juges qui ne l’étaient pas.

Une partie des recourants, notamment le consulat général d’Autriche, Mme TEYSSEIRE, MM. DE WECK et ZOELLS exerçaient leur activité professionnelle au rez-de-chaussée du bâtiment, et tous les collaborateurs et visiteurs se trouveraient privés de lumière naturelle durant une partie importante de leur journée de travail.

Pour le surplus, les recourants reprenaient l’argumentation déjà développée dans leur recours.

16) Le 16 décembre 2020, les propriétaires ont dupliqué.

Aucune procédure civile n’était en cours, la suspension ne se justifiait pas et même si la juridiction des baux et loyers devait être saisie, le sort de la procédure ne dépendait nullement de la décision que prendrait cette juridiction.

Pour le surplus, ils persistaient dans leur argumentation et leurs conclusions.

17) Sur ce la cause a été gardée à juger.

18) La demande de récusation à l’encontre de l’ensemble des magistrats de la chambre administrative en vertu de leur affiliation à la CPEG, formulée par les recourants dans leurs écritures du 7 décembre 2020, a été rejetée par décision du 22 février 2021 de la délégation des Juges de la Cour de justice.

Le recours au Tribunal fédéral contre cette décision a été retiré par courrier du 17 juin 2021, communiqué à la chambre de céans le 13 juillet 2021.

Pendant la procédure de récusation, les recourants ont adressé des courriers spontanés à la chambre administrative les informant de la date de l’audience devant la commission de conciliation en matière de baux et loyers et du renvoi au Conseil administratif de la Ville de Genève de la pétition P-410 « contre l’enlaidissement, la surdensification et le bétonnage du quartier des Eaux-Vives », adressée au Conseil Municipal le 22 octobre 2019.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les recourants font grief au TAPI d’avoir violé leur droit d’être entendus en n’ayant pas donné suite à leur demande de transport sur place et de n’avoir pas ordonné une expertise sur la perte d’ensoleillement provoquée par la surélévation contestée.

Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1).

Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_674/2015 du 26 octobre 2017 consid. 5.1).

En l'espèce, le TAPI a motivé le rejet des actes d'instruction requis pour leur absence de pertinence avec l'objet du litige ou leur inutilité. Il doit être suivi dans cette analyse.

Il n'est en effet nul besoin d'un transport sur place pour se prononcer sur la portée du projet de surélévation sur les immeubles voisins et le quartier. Le dossier contient notamment des plans, les préavis ainsi que des photomontages produits par les recourants eux-mêmes des immeubles après la surélévation et les données du système d'information du territoire genevois sont à disposition.

C’est également à juste titre que le TAPI n’a pas ordonné d’expertise visant à constater la perte d’ensoleillement alléguée par les recourants, comme cela sera vu ci-dessous. En outre, le dossier contient déjà deux études d’ensoleillement.

Ainsi, le dossier est complet et permet de trancher le litige. Il sera constaté que le TAPI n'a pas violé le droit d'être entendus des recourants en refusant de donner suite à leur requête.

En conséquence, le grief sera écarté.

3) Le recours porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI du 5 mai 2020 confirmant l'autorisation de construire délivrée le 28 mai 2019 par le département.

En vertu de l'art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b al. 1) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (let. b al. 2).

4) Les recourants font grief au département d’avoir délivré l’autorisation de construire en violation de l’art. 43 LDTR.

Selon l'art. 43 LDTR, le propriétaire a l'obligation d'informer au préalable et par écrit les locataires et de les consulter en dehors de toute résiliation de bail, lorsqu'il a l'intention d'exécuter des travaux au sens de la présente loi. Il doit leur exposer son projet et les informer de la modification de loyer qui en résulte. Il leur impartit un délai de trente jours au moins pour présenter leurs observations et suggestions éventuelles (al. 1). Le département doit veiller que le propriétaire informe par écrit, individuellement, les locataires de la liste des travaux autorisés et du programme d'exécution de ces travaux (al. 2). En cas de non-respect de l'obligation d'information et de consultation, le département peut refuser la délivrance de l'autorisation requise (al. 3).

En l'espèce, la régie des propriétaires a adressé aux locataires un courrier le 26 janvier 2018 donnant les indications nécessaires sur les travaux projetés et précisant que ces derniers n'auraient pas d'influence sur les loyers perçus. Un délai de trente jours était prévu pour faire part d’observations et de suggestions. Il est fait mention de cette lettre dans le préavis favorable de l’OCLPF du 17 décembre 2018 et une copie de la lettre adressée à MM. DE WECK et ZOELLS se trouve dans le dossier du département avec, en filigrane, le mention « projet ».

Seuls les locataires de locaux commerciaux du rez-de-chaussée,
MM. DE WECK et ZOELLS, se plaignent de n’avoir pas reçu ce courrier. Ils ont ensuite déposé des observations au département après le dépôt de la demande d’autorisation, puis déposé un recours contre l’autorisation délivrée.

Quoiqu’il en soit, si un doute devait subsister sur l’information donnée à ces recourants, il faut constater que les locataires des logements ont été suffisamment informés au sens de la LDTR. En effet, le but de la LDTR est de préserver l’habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de l’habitat dans certaines zones, notamment par la protection des locataires et des propriétaires d’appartements (art. 1 LDTR). Ce but n’inclut donc pas celui de protéger les locataires de locaux commerciaux.

Il appert ainsi que la décision du département ne prête pas le flanc à la critique surtout parce que l'art. 43 al. 3 LDTR lui donne le pouvoir de refuser une autorisation de construire pour défaut d'information, sans l'y obliger (ATA/900/2010 du 21 décembre 2010 consid. 5).

Le grief sera donc écarté.

5) Les recourants se plaignent d’une violation de l’art. 11 al. 4 LCI. Le département n'aurait pas dû admettre les dérogations ni délivrer l'autorisation, et le TAPI aurait dû sanctionner cette violation.

a. L'art. 11 al. 4 LCI prévoit qu'un dépassement du gabarit peut être autorisé par le département après consultation de la CA, pour autant que la construction projetée soit édifiée sur des terrains dont la surface libre est suffisante pour préserver les voisins des inconvénients que pourrait impliquer le supplément de hauteur (a), qu'elle n'excède pas l'indice d'utilisation du sol qui résulterait de la stricte application de la loi (b), qu'elle ne nuise pas à l'harmonie de la silhouette de l'agglomération ni à la perception de sa topographie (c), qu'elle se justifie par ses aspects esthétiques et sa destination et qu'elle soit compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier (d).

b. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l'autorité reste ainsi libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur.

Selon une jurisprudence bien établie, la chambre administrative observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de
celles-ci. Lorsque la consultation de la CA est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours (ATA/521/2017 du 9 mai 2017). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi. De même, s'agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d'examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/1098/2019 du 25 juin 2019 consid. 2 ; ATA/166/2018 consid. 7b du 20 février).

c. Lorsque la loi autorise l'autorité administrative à déroger à l'une de ses dispositions, notamment en ce qui concerne les constructions admises dans une zone, elle confère à cette autorité un pouvoir d'appréciation qui n'est limité que par l'excès ou l'abus, la chambre de céans n'ayant pas compétence pour apprécier l'opportunité des décisions prises (art. 61 al. 2 LPA).

En l'espèce, la dérogation à l'art. 11 LCI a été préavisée favorablement par la CA, laquelle a effectué un examen approfondi du dossier et rendu un préavis détaillé. Le département, ainsi que l'autorité judiciaire de première instance, ont suivi ce préavis.

Les recourants n'apportent aucun élément concret qui permettrait de remettre en cause cette appréciation, mais insistent sur le fait que le projet n’a pas été préavisé favorablement d’emblée et que plusieurs modifications ont dû être apportées au projet, sans toutefois exposer la portée de cet argument qui dénote uniquement que le département a procédé à un examen minutieux du projet.

Quant aux considérations concernant l’harmonie du quartier, il est acquis que cette surélévation de trois immeubles vient compléter celles déjà autorisées de quatre autres immeubles adjacents du même îlot et les recourants ne font que substituer leur appréciation à celle du département, laquelle est fondée sur les préavis favorables de la CA et de la ville.

Partant, ce grief sera rejeté.

6) Les recourants font valoir que l’accroissement du trafic, les conséquences de l’augmentation des résidents sur les parties communes seraient constitutive d'inconvénients graves au sens de l'art. 14 LCI.

À teneur de cette disposition, le département peut refuser d'autoriser l'édification d'un bâtiment lorsque ce dernier peut être la cause d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public.

Cette disposition appartient aux normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d'une zone déterminée. Elle n'a toutefois pas pour but d'empêcher toute construction dans une zone à bâtir qui aurait des effets sur la situation ou le bien-être des voisins (ATA/1345/2015 du 15 décembre 2015 consid. 7c et les références citées). La construction d'un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe pas être source d'inconvénients graves, notamment s'il n'y a pas d'abus de la part du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/1444/2017 du 31 octobre 2017 et les références citées).

La notion d'inconvénients graves est une notion juridique indéterminée qui laisse à l'autorité une liberté d'appréciation et n'est limitée que par l'excès ou l'abus de pouvoir. La chambre de céans peut revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle des limites précitées, l'exercice de la liberté d'appréciation de l'administration, en mettant l'accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable, et sur le respect de l'intérêt public en cas d'octroi d'une autorisation.

7) Concernant le trafic induit par les habitants des logements qui ont été autorisés, les recourants prévoient eux-mêmes que l’augmentation correspondant à seize véhicules ainsi que d’un certain nombre de deux-roues.

La deuxième zone de construction dans laquelle sont édifiés les immeubles dont la surélévation a été autorisée comprend les quartiers édifiés sur le territoire des anciennes fortifications et les quartiers nettement urbains qui leur sont contigus. Les trois premières zones de construction sont destinées aux grandes maisons affectées à l’habitation, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire (art. 19 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

Il appert donc que la création de logements par la surélévation des immeubles s’avère conforme à la zone et l’accroissement du trafic lié à ces constructions qui n’est pas démontré, compte tenu de l’absence de création de place de stationnement et de la position centrale, proche des transports publics, des logements, ne peut être considéré comme créant une gêne durable au sens de l’art. 14 LCI, conformément à la jurisprudence en la matière (ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 8 ; ATA/934/2019 du 21 mai 2019 consid. 10).

La décision du département fondée sur le préavis favorable de l’OCT, instance spécialisée, doit être confirmée sur ce point également et le grief écarté.

8) Les recourants persistent à considérer que l’utilisation par de nouveaux locataires des parties communes des immeubles, tels que buanderie, caves, halles d’entrée, ascenseur, pourraient causer aux locataires en place des graves inconvénients au sens de l’art. 14 LCI.

Or, comme l’a retenu à juste titre le TAPI, il ne ressort pas du dossier que l’utilisation des installations précitées par les nouveaux habitants serait susceptible de créer des inconvénients graves par rapport à la situation actuelle. En outre, ce point relève bien plus d’un problème de droit privé, qu’il n’incombe pas à la chambre de céans d’examiner.

9) Les recourants font valoir une perte d’ensoleillement qui serait également constitutive d’inconvénients graves au sens des art. 11 al. 4 let. a et 14 LCI.

a. L’art. 11 al. 4 let. a LCI vise notamment à préserver les voisins des inconvénients que pourrait impliquer le supplément de hauteur.

La CA, dans son préavis du 10 avril 2018, a analysé le projet en tant que prolongation des surélévations 54 et 56, rue Ernest-Bloch et au regard de l’ensemble d’immeubles formant l’îlot.

b. Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de préciser qu’en s’inspirant de la réglementation existante, une perte d’ensoleillement pour les bâtiments environnants due à une ombre qui recouvre la totalité de l’habitation ou du
bien-fonds voisin, de deux heures au maximum, à l’équinoxe ou un jour moyen d’hiver était, en principe, admissible. Toutefois, la question devait être examinée par l’autorité avec un large pouvoir d’examen, compte tenu des circonstances locales. Le critère de deux heures ne saurait au surplus avoir une portée absolue et constituer à lui seul l’élément décisif (ATF 100 Ia 334 consid. 9b et 9d). Le Tribunal fédéral a également indiqué que dans la mesure où la construction projetée respectait les prescriptions applicables à la zone (indice d’utilisation du sol, gabarit, distances aux limites, etc.), il n'existait pas de droit du voisin à voir sa parcelle ensoleillée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_582/2012 du 9 juillet 2013 consid. 4.3).

c. La chambre de céans a précisé qu’en l’absence de réglementation cantonale en la matière, un inconvénient grave peut exister au sens de l’art. 14 let. a LCI lorsque les nouvelles constructions occasionnent sur celles existantes une absence d'ensoleillement supplémentaire de deux heures, cette mesure étant prise par rapport à la date des équinoxes. Une perte plus importante est néanmoins admissible en fonction de l'intérêt public lié à la nouvelle construction (ATA/789/2002 du 10 décembre 2002). Il convient de noter que cette jurisprudence ne permet de tenir compte des ombres portées que sur les constructions déjà existantes, et non sur les bien-fonds sur lesquels elles se trouvent (ATA/684/2002 du 12 novembre 2002). Dans leur principe, ces règles jurisprudentielles sont applicables à toutes les zones (ATA/636/2015 du 16 juin 2015).

Dans l'ATA/514/2018 du 29 mai 2018, la chambre administrative a considéré que la perte d'ensoleillement causée par un projet de surélévation, qui s'élevait au maximum, pour l'un des quatre bâtiments concernés, à 2,4 heures par jour en moyenne, n'était pas d'une amplitude permettant de considérer qu'il s'agissait d'un inconvénient grave au sens de l'art. 14 let. a LCI. Dans ce cas. Il s’agit d'immeubles construits du côté nord d'un îlot qui subissaient déjà l'ombre portée des bâtiments sis le long de la rue du Stand. Par ailleurs, la construction respectait les gabarits et distances, hormis celle découlant des limites de parcelles qui étaient uniquement liées au découpage de celles-ci (consid. 5).

d. Le Tribunal fédéral a encore précisé que toute projection d'ombre ne saurait constituer une atteinte à la propriété et qu’il appartenait dès lors à l'intéressé d'apporter la preuve du fait qu’il alléguait et, en particulier de quantifier la perte d'ensoleillement subie, puisqu'il tentait d'en déduire un droit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_582/2012 du 9 juillet 2013 consid. 3.2).

En l'espèce, deux études ont été produites par les intimés. Les recourants se sont limités à solliciter une expertise sans démontrer en quoi les études seraient lacunaires. L’expertise s’avère ainsi redondante.

L’étude d’ensoleillement du 15 août 2013 conclut, s’agissant des surélévations contestées, que celle de l’immeuble situé au 52, rue Ernest-Bloch ne provoquerait de l’ombre sur que sur l’angle nord-ouest et nord-est pendant une heure ou deux durant la matinée en mi-saison et l’été.

La seconde étude du 2 septembre 2019 conclut que la surélévation des bâtiments considérés n’aurait aucun impact sur l’ensoleillement du
rez-de-chaussée tout au long de l’année et du dernier étage en période hivernale, mais se ressentirait au dernier étage à la période estivale avec des écarts d’une à deux heures et à la mi-saison avec un écart allant jusqu’à une heure.

En conclusion, il appert que c’est à juste titre que le TAPI a considéré que les recourants ne sauraient se prévaloir un inconvénient grave en lien avec les projets de construction querellés. En effet, le projet se trouve dans une zone qui permet la construction projetée, de sorte que les voisins doivent en principe souffrir une diminution d'ensoleillement de leur parcelle.

Il apparaît en outre que l'intérêt public aux surélévations contestées, qui permettront de mettre sur le marché locatif genevois vingt-deux nouveaux appartements à proximité du centre-ville doit l'emporter sur la perte d'ensoleillement qui sera à déplorer. Celle-ci, étant d’ailleurs limitée, elle ne saurait constituer un inconvénient grave pour les recourants, ces derniers s'étant en tout état plaint, avant d'avoir connaissance du rapport précité, de la détérioration des conditions de travail dans les locaux du rez-de-chaussée uniquement, lesquels ne seront, comme vu ci-dessus, pas impactés par les surélévations.

10) En tous points infondés, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée solidairement à Apleona, PK Manor et CPEG, à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 juin 2020 par Madame Samia DAYER, Monsieur Dominique DE WECK, Monsieur Étienne DOMON, Madame Émilie MATULA, Madame Richie PANNETTI, Madame Corinne TEYSSEIRE, Monsieur Robert ZOELLS, le Consulat général d’Autriche, Net nouveautés et éditions touristiques Sàrl contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 mai 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à charge solidaire de Madame Samia DAYER, Monsieur Dominique DE WECK, Monsieur Étienne DOMON, Madame Émilie MATULA, Madame Richie PANNETTI, Madame Corinne TEYSSEIRE, Monsieur Robert ZOELLS, le Consulat général d’Autriche, Net nouveautés et éditions touristiques Sàrl ;

alloue une indemnité de CHF 1'500.- à Apleona HSG SA, à la Pensionskasse Manor et à la Caisse de prévoyance de l’État de Genève, solidairement entre elles, à la charge solidaire de Madame Samia DAYER, Monsieur Dominique DE WECK, Monsieur Étienne DOMON, Madame Émilie MATULA, Madame Richie PANNETTI, Madame Corinne TEYSSEIRE, Monsieur Robert ZOELLS, le Consulat général d’Autriche, Net nouveautés et éditions touristiques Sàrl

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alexia Haut, avocate des recourants, à Me Boris Lachat, avocat d'Apleona HSG SA, de la Pensionskasse Manor et de la Caisse de prévoyance de l’État de Genève, au département du territoire ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf, Lauber, Rapp et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :