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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11428/2019

ACPR/460/2022 du 01.07.2022 sur OCL/1393/2021 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE CLASSEMENT;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ;PLAINTE PÉNALE;VIOLENCE DOMESTIQUE;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);VIOLATION DU DEVOIR D'ASSISTANCE OU D'ÉDUCATION;VOIES DE FAIT
Normes : CPP.319; CPP.382; CP.219; CP.181; CP.123; CP.126; CP.31; CPP.116

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11428/2019 ACPR/460/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 1er juillet 2022

 

Entre

A______, domiciliée ______[GE], comparant par Me Sandy ZAECH, avocate, TerrAvocats Genève, rue Saint-Joseph 29, case postale 1748, 1227 Carouge GE,

recourante,

contre l'ordonnance de classement et de refus de réquisitions de preuve rendue le 26 octobre 2021 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 8 novembre 2021, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 octobre 2021, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a rejeté ses réquisitions de preuve (ch. 1) et classé la procédure ouverte à l'encontre de B______ (ch. 2).

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, principalement, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public afin qu'il complète l'instruction, notamment en procédant à l'audition des Drs C______, D______ et E______, puis qu'il condamne B______; subsidiairement, qu'il renvoie le prévenu en jugement.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.        A______ et B______ se sont mariés le ______ 2004 à F______ (GE).

Ils ont eu ensemble deux enfants, G______, née le ______ 2004, et H______, née le ______ 2008.

b.        La police est intervenue le 18 août 2018 au domicile de I______, chez qui A______ s'était rendue après avoir eu, la veille, un conflit avec son époux.

Selon la fiche de renseignements relative à cette intervention, la précitée a déclaré que B______ l'avait empoignée par le bras, la marquant d'un bleu. Le lendemain, elle était allée chez son amie, laquelle lui avait conseillé de faire appel à la police.

Après avoir été informée de la procédure à suivre ensuite des faits dénoncés, A______ a refusé de se rendre au poste, expliquant avoir besoin de quelques jours pour réfléchir.

c.         Le 6 février 2019, A______ a déposé une requête en mesures protectrices de l'union conjugale auprès du Tribunal de première instance (C/1______/2019).

d.        Le 29 mai 2019, A______ a déposé plainte contre B______ pour lésions corporelles simples (art. 123 CP) et contrainte (art. 181 CP).

En juillet 2017, B______, fortement alcoolisé, l'avait empoignée puis frappée de toutes ses forces avec son poing en dessous de la poitrine. Elle avait ensuite consulté le Dr C______, lequel avait diagnostiqué une contusion thoracique. Gênée d'admettre la vérité, elle avait prétexté être tombée contre le dossier d'une chaise. Le 5 octobre 2018, elle avait recontacté le médecin précité afin de lui signaler qu'elle avait, en réalité, été victime de maltraitance de la part de son mari.

Le 17 août 2018, B______ était rentré d'une soirée, ivre et vraisemblablement sous l'emprise de la drogue. Furieux d'avoir dû écourter sa soirée, il était devenu agressif avec elle et lui avait tordu le bras avec une extrême violence. Il l'avait ensuite poussée pour qu'elle s'écarte de son chemin. Ce faisant, il avait laissé un œdème de plus de 4 x 25 cm sur sa peau, causant de vives douleurs durant plusieurs semaines. Le lendemain, elle s'était rendue chez une amie, laquelle l'avait convaincue de faire appel à la police pour dénoncer les actes de violence de son mari. Elle avait refusé que les policiers se rendent à son domicile pour interroger B______, par peur de représailles. Elle avait ensuite pris contact avec le centre LAVI.

Outre les violences physiques, son époux mettait tout en œuvre pour qu'elle quitte le domicile familial en la forçant à vivre recluse dans sa chambre et lui interdisant de circuler dans la maison. Il tenait la plupart des pièces sous clef. Elle ne pouvait dès lors pas disposer de l'ensemble du domicile familial.

Par ailleurs, la famille avait été confrontée aux pratiques sexuelles déviantes de B______. Dans le courant de l'été 2017, H______ avait retrouvé, dans son lit d'enfant, une cuillère à glace dont le manche était recouvert d'excréments, que son père avait utilisée à des fins sexuelles sur lui-même.

Le 29 avril 2018, G______ avait retrouvé son père inconscient, nu et recouvert d'excréments dans le salon de la maison, après qu'il eut consommé de la cocaïne et de l'alcool. Elle lui avait envoyé un message Whatsapp à la teneur suivante : "maman papa il a chier sa pu dans tt la maison et il est en bas tt nul sans calson avec de la merde sur tte ces jambe je l'est jamais vue comme sa il est fout". Après avoir reçu ce message – qu'elle produit avec sa plainte –, elle était sortie de sa chambre afin d'amener son époux à la salle de bain pour qu'il puisse se laver. Elle avait ensuite nettoyé les traces d'excréments.

B______ lui avait causé des lésions psychiques en la confrontant à ses pratiques sexuelles déviantes, en la dénigrant et en lui interdisant de circuler dans la maison familiale (art. 123 CP).

A______ a joint à sa plainte les attestations médicales suivantes :

-          Un constat médical du 5 octobre 2018 établi par le Dr C______, dont il ressort qu'elle l'avait consulté le 28 juillet 2017 en raison d'un traumatisme direct sus-mammaire gauche, attribué à l'époque à une chute sur une chaise intervenue une semaine plus tôt. Le diagnostic retenu était une contusion thoracique de nature indéterminée.

En septembre 2018, la patiente l'avait recontacté pour lui signaler que l'évènement de juillet 2017 était en réalité lié à une maltraitance de la part de son mari qui l'aurait empoignée et frappée sur le thorax. Les lésions constatées en 2017 étaient concordantes avec l'anamnèse de maltraitance. Par ailleurs, il n'était pas inhabituel qu'une personne maltraitée signale une agression après un certain temps.

-          Un constat médical non signé en anglais établi le 18 août 2018 par le Dr D______, dont il ressort que A______ présentait une contusion de 4 cm de long et 2.5 cm de large ("bruise about 4 cm long by 2.5 cm wide").

-          Un certificat médical du 16 avril 2019 du Dr E______, psychiatre, lequel atteste suivre l'intéressée depuis le 27 janvier 2018 pour un état de détresse psychologique dans le cadre de la maltraitance et du harcèlement psychologique qu'elle disait subir depuis plusieurs années.

e.         Entendu le 25 juin 2019 par la police en qualité de prévenu, B______ a contesté tous les faits reprochés.

S'agissant des accusations de juillet 2017, il a précisé avoir eu connaissance du fait que A______ avait été consulter un médecin. Le certificat médical n'avait toutefois été fourni qu'en septembre 2018, soit plus d'une année après les évènements, étant précisé que les douleurs étaient initialement attribuées à une chute. Cette période concordait avec le début de la procédure civile de séparation.

Interrogé sur les évènements du 18 août 2018, il a nié toute violence sur son épouse. Ce soir-là, alors qu'il était sorti, A______ n'avait cessé de l'appeler par téléphone et de l'injurier. Il ne l'avait jamais empoignée par le bras et était parti se coucher à son retour. À cette époque également, A______ savait qu'elle allait initier une procédure de divorce et avait "besoin de monter un dossier" contre lui.

S'agissant de l'accès aux différentes pièces du domicile conjugal, il a expliqué que la famille vivait dans la maison de sa grand-mère et disposait du premier étage, lequel représentait environ 200 m2. L'accès aux pièces du rez-de-chaussée était interdit à toute la famille, à l'exception de la cuisine et de son bureau, où il était le seul à aller.

Il a contesté avoir utilisé, en été 2017, une cuillère à des fins sexuelles. Quant aux faits d'avril 2018, il avait, ce jour-là, une gastro-entérite aiguë. Il se rendait à la machine à laver se trouvant au sous-sol pour se changer et y avait croisé sa fille. Il n'était pas inconscient.

f.         Le 17 octobre 2019, le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (SEASP) a rendu un rapport d'évaluation sociale dans le cadre de la procédure civile (C/1______/2019).

Entendue dans ce contexte, H______ a notamment déclaré qu'elle avait retrouvé un pilon souillé d'excréments dans son lit. G______ a quant à elle expliqué que son père avait une gastro-entérite le jour de l'incident d'avril 2018.

g.        Le Ministère public a tenu une audience de confrontation le 6 novembre 2019.

g.a. S'agissant des faits de juillet 2017, B______ a précisé qu'il n'avait pas eu connaissance, avant qu'il en soit question dans la procédure civile, d'une chute de son épouse, celle-ci ne lui ayant ni parlé de la visite médicale ni de la contusion thoracique.

Interrogé sur les évènements du 17 août 2018, il a expliqué qu'il n'y avait pas eu d'altercation physique, uniquement une dispute verbale. Il rentrait ce soir-là d'une soirée, durant laquelle son épouse l'avait appelé de nombreuses fois pour l'insulter. Ils s'étaient disputés, puis il était parti se coucher. Il était possible qu'il l'ait insultée ce soir-là. Il ne savait pas comment elle avait pu se faire le bleu, que lui-même n'avait pas vu.

Sur l'accès à la maison, il a réitéré ses précédentes déclarations, précisant que le logement mis à disposition par sa grand-mère, décédée en ______ 2019, s'étendait sur 600 m2. À l'étage, il y avait quatre chambres à coucher, deux salles de bain, un salon et un dressing réservé à A______. Au rez-de-chaussée se trouvaient le bureau de feu sa grand-mère – qu'il avait aménagé en un bureau pour lui et qu'il fermait à clef –, une salle à manger et un salon. Des effets personnels de sa grand-mère étaient encore stockés dans les différentes pièces du rez-de-chaussée, notamment dans le bureau et dans la salle à manger, en attendant la vente de la maison. Il ne comprenait pas la nécessité d'utiliser cette dernière pièce, puisqu'il y avait une grande table dans la cuisine. En outre, sa famille, propriétaire des lieux, n'autorisait pas l'accès à ces pièces.

g.b. A______ a précisé ne pas pouvoir utiliser le salon avec le piano, le bureau et la salle à manger du rez-de-chaussée. Elle n'avait pas connaissance d'affaires qui seraient encore stockées dans ces pièces. Elle pouvait librement accéder à un petit salon qui se trouvait au premier étage.

h.        Par courrier du 8 novembre 2019, A______ a transmis au Ministère public divers échanges Whatsapp qu'elle avait eus avec son époux en lien avec l'évènement du 17 août 2018.

Il en ressort que A______ lui a envoyé une photographie de sa blessure au bras. B______ a écrit : "Oui tu t es fais un bleu quand je t ai poussé. D ailleurs pourquoi tu me bloquait comme ça pour pas que je sorte ? [ ] Quelle violence je ne t ai pas tapé !!! Je t ai poussé parce que tu ne voulais pas me laisser sortir de la cuisine".

i.          Par jugement JTPI/4354/2020 du 6 avril 2020, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment attribué la jouissance du logement familial à B______. L'autorité parentale sur les enfants a été octroyée conjointement aux deux parents.

j.          Le 2 mars 2021, le Ministère public a tenu une audience, lors de laquelle il a entendu I______ et J______, deux amies de A______, en qualité de témoins.

j.a. La première a notamment déclaré connaître A______ depuis 2017. Cette dernière avait peur de son époux et décrivait un climat de violence physique dans le couple. Le 17 août 2018, elle avait aperçu des bleus sur les bras de A______, laquelle affirmait avoir été bousculée, sans mentionner de coup de poing.

Par le passé, elle avait déjà constaté des ecchymoses sur les bras de A______, toutefois jamais d'envergure comparable à la lésion du 17 août 2018, raison pour laquelle elle avait elle-même appelé la police.

j.b. J______ a quant à elle expliqué qu'elle connaissait A______ depuis mai ou juin 2018. Celle-ci lui avait fait part de la crainte qu'elle ressentait par rapport à son époux et des violences qu'il exerçait sur elle. En août 2018, A______ présentait des bleus sur les bras et la poitrine. Elle lui avait conseillé de se rendre à la police et de consulter le centre LAVI.

k.        Le 1er septembre 2021, le Ministère public a tenu une audience, lors de laquelle il a procédé à l'audition, en qualité de témoins, de K______, amie de la plaignante, et de L______, ami du prévenu.

k.a. La première a déclaré que la relation entre les époux était conflictuelle, voire violente. Elle savait que son amie avait eu les côtes cassées à une reprise, mais elle ne la connaissait pas à cette époque. Elle avait personnellement vu des bleus sur A______ à une seule occasion, en août 2018.

k.b. L______ a quant à lui attesté de l'existence de disputes dans le couple. Un jour, possiblement en février 2020, alors qu'il se trouvait au domicile des époux A/B______, la police était intervenue. Il lui semblait que A______ disait avoir été violentée. Il n'avait toutefois jamais constaté de maltraitances.

l.          Le 2 septembre 2021, le Ministère public a rendu un avis de prochaine clôture de l'instruction, informant les parties de son intention de classer les faits.

m.      Par courrier du 13 septembre 2021, A______ s'est opposée au classement à venir.

Elle a sollicité l'audition des Drs C______, D______ et E______.

Elle a joint à son courrier un certificat médical du 9 septembre 2021 établi par le Dr E______. Celui-ci y déclare suivre A______ pour un trouble anxieux-dépressif dans le cadre d'un état de stress post-traumatique déclenché par le mauvais traitement de son mari et de sa belle-famille, lequel prenait la forme d'un véritable harcèlement moral. Sa patiente relatait notamment des épisodes de violences conjugales, une mise à l'écart de la vie familiale, des insultes, des humiliations, une interdiction d'entrer dans certaines pièces du domicile conjugal et des confrontations à des comportements sexuellement déviants. Elle finissait par s'isoler dans sa chambre et développait une anxiété généralisée. La confrontation directe ou indirecte à B______ ou à sa belle-famille déclenchait chez elle des états psychologiques caractérisés par une grande anxiété, une perte de l'appétit, des insomnies sévères, des reviviscences répétées des traumatismes vécus, une hyper-vigilance, de l'anhédonie et une fatigue généralisée. Pour ces motifs, sa présence dans les tribunaux était contre-indiquée.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a estimé que les conditions du classement étaient réunies pour l'ensemble des faits dénoncés par A______.

Les évènements du mois de juillet 2017 potentiellement constitutifs de lésions corporelles simples (art. 123 CP) devaient être classés sur la base de l'art. 319 al. 1 let. a CPP. Rien ne permettait d'affirmer que le prénommé avait causé la contusion thoracique de A______, encore moins dans un contexte d'altercation physique. La plaignante avait elle-même expliqué, lors de la première consultation médicale relative à cette lésion, avoir chuté d'une chaise.

S'agissant des faits du 17 août 2018, il fallait retenir qu'une altercation était survenue entre les parties, au cours de laquelle des violences verbales et physiques avaient pu être commises de part et d'autre. Les échanges Whatsapp entre les époux et le certificat médical du 18 août 2018 confirmaient que la plaignante avait eu un hématome sur le bras. Cela étant, les éléments au dossier, notamment les témoignages, n'apportaient aucune information pertinente sur le déroulement des faits. En particulier, les témoins entendus n'étaient pas présents ce soir-là et n'avaient été enquis que de la version de la plaignante. Ces déclarations n'emportaient pas conviction.

Par ailleurs, si la bousculade – dont l'existence ressortait des échanges Whatsapp – avait véritablement provoqué l'hématome de la plaignante, il fallait retenir que le prévenu n'avait pas causé cette lésion intentionnellement, dès lors qu'il n'avait pas pu anticiper un tel résultat en la poussant pour l'écarter de son passage. Un tel acte pouvait éventuellement être qualifié de lésions corporelles par négligence au sens de l'art. 125 CP et n'était, ainsi, poursuivi que sur plainte, laquelle était, en l'espèce, tardive. Partant, ces faits devaient être classés sur la base de l'art. 319 al. 1 let. d CPP.

Sous l'angle de la contrainte (art. 181 CP), rien ne permettait d'affirmer que le prévenu avait forcé son épouse à vivre recluse dans sa chambre. La plaignante s'y enfermait à cause des tensions existant dans le couple, et non en raison d'un moyen de contrainte. En outre, le fait de fermer certaines pièces d'une maison de 600 m2, laissant à la famille un espace de 200 m2, ne remplissait pas les éléments constitutifs de l'infraction.

S'agissant des faits potentiellement constitutifs de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP), aucun élément objectif ne permettait de remettre en cause la version de B______, selon laquelle son épouse avait inventé l'anecdote de la cuillère. Les déclarations de H______ n'avaient pas de valeur probante car cette dernière ne faisait que répéter les propos de sa mère. Quant aux faits du 29 avril 2018, il était établi que B______ avait laissé des excréments sur le sol du domicile. En revanche, aucun élément au dossier n'attestait du fait qu'ils soient le résultat d'une consommation excessive d'alcool et de drogue par le prévenu. Partant, aucun soupçon ne justifiait une mise en accusation du chef de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 319 al. 1 let. a CPP).

Enfin, les auditions sollicitées par la plaignante n'étaient pas susceptibles d'amener un éclairage nouveau sur les faits, de telle sorte qu'il n'y serait pas procédé.

D. a. À l'appui de son recours, A______ invoque, en premier lieu, la violation des art. 318 al. 2 et 139 al. 2 CPP, en ce sens que le Ministère public ne pouvait refuser les réquisitions de preuve qu'elle avait formulées.

En second lieu, elle reproche au Ministère public d'avoir classé la procédure, alors que les conditions de l'art. 319 CPP n'étaient pas réalisées.

S'agissant de l'évènement de juillet 2017, le Ministère public n'avait notamment pas tenu compte du rapport médical du Dr C______, lequel avait explicitement attesté du fait qu'il n'était pas inhabituel qu'une personne maltraitée signale une agression après un certain temps.

Quant aux faits du 17 août 2018, le Ministère public avait donné un poids prépondérant à la version du prévenu, alors même que les éléments objectifs du dossier et les témoignages recueillis montraient que B______ avait causé l'hématome en la bousculant. Il n'y avait pas eu d'altercation avec des violences de part et d'autres puisque le précité ne faisait état d'aucune blessure. En outre, la plainte n'était pas tardive. Le prévenu avait agi intentionnellement, celui-ci s'étant à tout le moins accommodé du résultat en la saisissant par le bras ou en la poussant très fort.

S'agissant de la contrainte, les éléments du dossier montraient qu'elle était contrôlée, non libre de ses mouvements et forcée d'être cantonnée dans un lieu de vie restreint. Elle avait finalement été contrainte de quitter le domicile.

Enfin, le Ministère public ne pouvait classer les faits en lien avec les "épisodes de scatophilie", vu les clichés au dossier et les déclarations des filles du couple. Celles-ci étaient manipulées par leur père.

b. Invité à se déterminer, le Ministère public conclut au rejet du recours, se référant intégralement à son ordonnance.

c. Avec sa réplique, la recourante produit un certificat médical du 19 avril 2022 établi par le Dr E______, lequel déclare notamment que A______ avait été prolongée dans un état anxio-dépressif en raison d'une maltraitance de son époux et sa belle-famille. L'acharnement subi avait contribué à la perte de son emploi.

 

 

EN DROIT :

1.             Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) à l'encontre d'une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

2.             2.1. La recourante, partie plaignante, dispose d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision déférée en ce qui concerne les infractions protégeant son intégrité corporelle et sa liberté (art. 123 et 181 CP), soit ses intérêts individuels (art. 104 al. 1 let. b CPP; art. 382 al. 1 cum art. 115 al. 1 CPP).

2.2.       Reste à examiner si elle dispose de la qualité pour recourir s'agissant du classement des faits potentiellement constitutifs de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP).

2.2.1.      La partie dont émane le recours doit pouvoir se prévaloir d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision (art. 382 al. 1 CPP). Revêt la qualité de partie, le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au civil ou au pénal (art. 104 al. 1 let. b et 118 al. 1 CPP). Le lésé est celui dont les droits sont directement touchés par une infraction (115 al. 1 CPP). Pour déterminer si une personne revêt un tel statut, il convient d'interpréter le texte de la disposition pénale enfreinte afin de savoir quel est le titulaire du bien juridique protégé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1185/2019 du 13 janvier 2020 consid. 2.1).

2.2.2. L'art. 116 al. 2 CPP confère aux proches de la victime – soit notamment à la mère de la personne lésée qui, du fait d'une infraction, aurait subi une atteinte directe à son intégrité physique/psychique (art. 116 al. 1 CPP) – un statut de victime indirecte. Le droit du proche de se constituer personnellement partie plaignante implique, ce que confirme la combinaison des art. 117 al. 3 et 122 al. 2 CPP, qu'il fasse valoir des prétentions civiles propres dans la procédure pénale (ATF 139 IV 89 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1105/2016 du 14 juin 2017 consid. 2.1 et 2.2 ainsi que les références citées). À défaut, la qualité de partie lui est déniée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1105/2016 précité). Ses prétentions doivent, en outre, apparaître fondées, sous l'angle de la vraisemblance (ATF 139 IV 89 précité). La jurisprudence est restrictive quant à l'allocation d'une indemnité pour tort moral (art. 49 CO) aux parents d'un enfant lésé, exigeant qu'ils soient touchés avec la même intensité qu'en cas de décès de ce dernier (ATF 139 IV 89 précité, consid. 2.4 ; ATF 125 III 412 consid. 2a).

2.2.3. L'infraction réprimée par l'art. 219 CP sanctionne le comportement de celui qui aura violé son devoir d'assister ou d'élever une personne mineure dont il aura ainsi mis en danger le développement physique ou psychique, ou qui aura manqué à ce devoir. Le bien juridique protégé par cette disposition est le développement physique ou psychique du mineur, soit d'une personne âgée de moins de 18 ans (arrêt du Tribunal fédéral 1B_500/2017 du 9 mars 2018 consid. 3.2 ; ATF 126 IV 136 consid. 1b p. 138). Son titulaire est par conséquent l'enfant et non ses parents (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1100/2016 du 25 octobre 2017 consid. 1.4).

2.2.4. En l'espèce, le bien juridiquement protégé par la disposition pénale en cause appartient exclusivement à G______ et H______, âgées respectivement de 17 et 13 ans.

La recourante, qui agit en son nom propre, ne fait aucune allusion, dans son mémoire, à l'art. 219 CP, se contentant de critiquer le classement des faits en lien avec cette infraction. Elle ne détaille nullement les motifs pour lesquels elle s'estimerait fondée à recourir pour elle-même contre cet aspect de la décision litigieuse et ne remet aucunement en cause la qualification juridique retenue par le Ministère public lorsqu'il a procédé à l'analyse des comportements en question.

En outre, elle ne prétend pas agir en qualité de proche d'une victime présumée (art. 116 al. 1 CPP). Elle n'allègue pas avoir subi, du chef des agissements du mis en cause, des souffrances morales comparables à celles qui auraient été les siennes en cas de décès de ses enfants.

Au vu de ce qui précède, il faut lui nier la qualité pour recourir à titre personnel s'agissant de l'infraction considérée.

Les développements de la recourante ne permettent pas non plus de conclure qu'elle agirait au nom de ses filles mineures (art. 106 al. 2 et 3 CPP), dont elle disposerait à tout le moins de l'accord tacite, ou que ces dernières, par hypothèse, ne seraient pas en mesure d'exercer leurs droits strictement personnels de manière autonome (arrêt du tribunal fédéral 6B_301/2021 du 21 juillet 2021 consid. 1.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6P.121/2003 du 9 octobre 2003 consid. 3.2; Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 14 ad art. 106). Au contraire, la plainte et le recours sont formés au seul nom de la recourante. La plainte ne visait d'ailleurs pas cette infraction.

Pour ces motifs, le recours n'est pas recevable en tant qu'il vise le classement des faits potentiellement constitutifs d'infraction à l'art. 219 CP.

3.             La recourante fait grief au Ministère public d'avoir classé sa plainte, et ce, sans avoir procédé aux actes d'enquête sollicités par ses soins.

3.1.       Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b) ou lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (let. d).

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP). Il signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_635/2018 du 24 octobre 2018)

Dans les procédures où l'accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s'opposent celles du prévenu et lorsqu'il n'est pas possible d'estimer que certaines dépositions sont plus crédibles que d'autres, le principe "in dubio pro duriore" impose en règle générale que le prévenu soit mis en accusation. Cela vaut en particulier lorsqu'il s'agit de délits commis typiquement "entre quatre yeux" pour lesquels il n'existe souvent aucune preuve objective. Il peut toutefois être renoncé à une mise en accusation lorsque la partie plaignante fait des dépositions contradictoires, rendant ses accusations moins crédibles ou encore lorsqu'une condamnation apparaît au vu de l'ensemble des circonstances a priori improbable pour d'autres motifs (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_116/2019 du 11 mars 2019 consid. 2.1). En outre, face à des versions contradictoires des parties, il peut être exceptionnellement renoncé à une mise en accusation lorsqu'il n'est pas possible d'apprécier l'une ou l'autre version comme étant plus ou moins plausible et qu'aucun résultat n'est à escompter d'autres moyens de preuve (arrêts du Tribunal fédéral 6B_174/2019 du 21 février 2019 consid. 2.2 et les références citées).

3.2.       La recourante considère qu'il existe des soupçons suffisants de contrainte (art. 181 CP).

3.2.1. Selon l'art. 181 CP, est punissable celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

Alors que la violence consiste dans l'emploi d'une force physique d'une certaine intensité à l'encontre de la victime (ATF 101 IV 42 consid. 3a), la menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b ; 106 IV 125 consid. 2a) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_160/2017 du 13 décembre 2017 consid. 7.1). La loi exige un dommage sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l'auteur soit propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action. La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, en se plaçant du point de vue d'une personne de sensibilité moyenne (ATF 122 IV 322 consid. 1a).

Il peut également y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime "de quelque autre manière" dans sa liberté d'action. Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive. N'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas. Il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action. Il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1).

La contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite, soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1).

3.2.2. En l'espèce, la recourante reproche à son époux d'avoir restreint sa liberté d'action en fermant à clef certaines pièces du domicile conjugal. Elle se plaint d'avoir été ainsi forcée de se cantonner dans sa chambre, puis, finalement, de quitter le logement familial.

L'instruction menée par le Ministère public a permis de démontrer que la recourante avait accès à la totalité du premier étage – lequel comprend notamment sa chambre, son dressing, un salon et des salles de bain – ainsi qu'à la cuisine du rez-de-chaussée. Le mis en cause a expliqué qu'hormis son bureau, qu'il était le seul à utiliser, toute la famille bénéficiait des mêmes accès au premier étage – qui à lui seul représentait 200 m2 – ainsi qu'à la cuisine, conformément aux directives de sa famille à lui, propriétaire des lieux depuis le décès de sa grand-mère survenu en avril 2019. En outre, des effets personnels de celle-ci étaient toujours stockés dans certaines pièces "inaccessibles" du rez-de-chaussée. La recourante n'a jamais remis en question les motifs exposés par son époux sur les restrictions évoquées.

Il apparaît alors que la recourante n'était nullement claustrée dans sa chambre comme elle le plaide et que, si elle y passait du temps, ce n'était pas en raison d'un acte de contrainte. Au contraire, lorsqu'elle bénéficiait encore de la jouissance du domicile conjugal, elle disposait, selon toute vraisemblance, d'un large espace de vie, comprenant toutes les commodités que l'on peut attendre d'un logement. En outre, elle n'a pas été contrainte de quitter le domicile conjugal à cause du comportement de son époux, mais en raison d'une décision civile l'y obligeant.

En définitive, la restriction d'accès – au demeurant expliquée par le mis en cause – à certaines pièces spécifiques du domicile n'atteint manifestement pas le seuil de gravité requis par l'art. 181 CP, dès lors que ce comportement n'a pas entravé la recourante dans sa liberté d'action de manière substantielle.

Partant, le Ministère public était fondé à classer ces faits.

3.3.            La recourante estime qu'il existe des soupçons suffisants de commission de l'infraction de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 al. 1 CP).

3.3.1.      Aux termes de l'art. 123 al. 1 CP est punissable celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé, tels que des blessures, meurtrissures, hématomes, écorchures ou des griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).

3.3.2.      Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26 ; ATF 117 IV 14 consid. 2a p. 15 ss). Une éraflure au nez avec contusion a été considérée comme une voie de fait ; de même une meurtrissure au bras et une douleur à la mâchoire sans contusion (ATF 134 IV 189 consid. 1.3 p. 191 et les références citées).

Les voies de fait ne sont en principe punissables que sur plainte (cf. art. 126 al. 1 CP). Elles se poursuivent toutefois d'office dans les cas énumérés à l'art. 126 al. 2 CP, qui, pour chacune des hypothèses prévues, implique que l'auteur ait agi à réitérées reprises. Tel est le cas lorsque les voies de fait sont commises plusieurs fois sur la même victime – notamment le conjoint (let. b) – et dénotent une certaine habitude (ATF 134 IV 189 consid. 1.2. p. 191; 129 IV 216 consid. 3.1 p. 222).

3.3.3.      La distinction entre lésions corporelles et voies de fait peut s'avérer délicate, notamment lorsque l'atteinte s'est limitée à des meurtrissures, des écorchures, des griffures ou des contusions. Ainsi, une éraflure au nez avec contusion a été considérée comme une voie de fait ; de même une meurtrissure au bras et une douleur à la mâchoire sans contusion (ATF 134 IV 189 consid. 1.3 p. 191 et les références citées) ont également été qualifiées de voies de fait: une gifle, un coup de poing ou de pied, de fortes bourrades avec les mains ou les coudes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_525/2011 du 7 février 2012 consid. 4.1), l'arrosage d'une personne au moyen d'un liquide ou le renversement d'un liquide ou solide (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1009/2014 du 2 avril 2015 consid. 4.4), l'ébouriffage d'une coiffure soigneusement élaborée ou encore un « entartage » et la projection d'objets durs d'un certain poids (ATF 117 IV 14 consid. 2a/cc p. 17; arrêts du Tribunal fédéral 6B_163/2008 du 15 avril 2008 consid. 2 et 6P.99/2001 du 8 octobre 2001 consid. 2b et 2c).

En revanche, un coup de poing au visage donné avec une violence brutale propre à provoquer d'importantes meurtrissures, voire une fracture de la mâchoire, des dents ou de l'os nasal, a été qualifié de lésion corporelle ; de même de nombreux coups de poing et de pied provoquant chez l'une des victimes des marques dans la région de l'œil et une meurtrissure de la lèvre inférieure et chez l'autre une meurtrissure de la mâchoire inférieure, une contusion des côtes, des écorchures de l'avant-bras et de la main (ATF 134 IV 189 consid. 1.3 p. 191 s. ; 119 IV 25 consid. 2a p. 26/27).

Dans les cas limites, il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée, afin de déterminer s'il s'agit de lésions corporelles simples ou de voies de fait. Les contusions, meurtrissures, écorchures ou griffures constituent des lésions corporelles simples si le trouble qu'elles apportent, même passager, équivaut à un état maladif, notamment si viennent s'ajouter au trouble du bien-être de la victime un choc nerveux, des douleurs importantes, des difficultés respiratoires ou une perte de connaissance. Par contre, si les contusions, meurtrissures, écorchures ou griffures en cause ne portent qu'une atteinte inoffensive et passagère au bien-être du lésé, les coups, pressions ou heurts dont elles résultent ne constituent que des voies de fait (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26 ; 107 IV 40 consid. 5c p. 42 ; 103 IV 65 consid. II 2c p. 70 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 6S.474/2005 du 27 février 2006 consid. 7.1.).

Comme les notions de voies de fait et d'atteinte à l'intégrité corporelle, qui sont décisives pour l'application des art. 123 et 126 CP, sont des notions juridiques indéterminées, une certaine marge d'appréciation est reconnue au juge du fait car l'établissement des faits et l'interprétation de la notion juridique indéterminée sont étroitement liés (ATF 134 IV 189 consid. 1.3. p. 191-192 ; ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 27 et les arrêts cités).

3.3.4.      Aux termes de l'art. 31 CP, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois (1ère phr.). Le délai court du jour où l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction (2ème phr.). L'observation du délai de plainte fixé à l'art. 31 CP est une condition d'exercice de l'action publique (ATF 118 IV 325 consid. 2b p. 328/329).

3.3.5.      En l'espèce, la recourante allègue avoir été victime, à plusieurs reprises, de violences physiques de la part de son époux durant le mariage.

S'agissant en premier lieu des évènements de juillet 2017, la position adoptée par le mis en cause consiste à dire que la recourante a modifié sa version des faits entre la première et la seconde visite médicale pour appuyer ses prétentions dans le cadre de la procédure de séparation, initiée par elle quelques mois après l'établissement du certificat médical du 5 octobre 2018.

De son côté, la recourante a prouvé, par certificat médical, qu'elle présentait, plus d'un an auparavant, une contusion thoracique. S'agissant de l'origine de celle-ci, elle a expliqué avoir eu, dans un premier temps, honte de dire la vérité à son médecin, avant de se décider, dans un second temps, à admettre la cause réelle – selon elle – de la blessure. Le certificat médical précise qu'il n'est pas inhabituel pour des victimes de violence de signaler une agression après un certain temps.

Force est toutefois de conclure que rien ne permet d'imputer la lésion à un comportement du mis en cause.

En effet, aucune des autres attestations médicales produites ne fait spécifiquement référence à cet évènement. Son psychiatre, le Dr E______, décrit un état de stress post-traumatique imputé à des actes de violences que sa patiente allègue avoir subis, sans cibler d'incident particulier datant de l'été 2017.

Les témoins entendus sur ces faits – dont les déclarations doivent être appréciées avec circonspection vu leur absence au moment de l'incident – ont attesté de l'existence d'un climat conflictuel, voire violent, en 2017, mais aucune des personnes interrogées n'a mentionné cette contusion thoracique. K______ a fait référence à des "côtes cassées", admettant toutefois qu'elle ne connaissait pas encore la plaignante à cette époque.

Les éléments du dossier sont insuffisants pour retenir des soupçons de lésions corporelles simples (art. 123 CP). Aucune mesure d'instruction complémentaire ne permettrait de déterminer l'origine de cette blessure. En particulier, l'audition des médecins sollicitée par la recourante n'apporterait aucun élément supplémentaire, dans la mesure où ceux-ci ont déjà fourni plusieurs certificats médicaux faisant état de leur diagnostic respectif. Dans ces circonstances, un acquittement semble s'imposer comme la seule issue à la présente cause si elle devait être renvoyée par-devant le juge du fond.

Partant, le Ministère public était fondé à classer ces faits.

S'agissant, en second lieu, de l'altercation du 17 août 2018, il n'est pas démenti qu'une dispute a eu lieu ce jour-là entre les époux et que la recourante faisait état, à cette date, d'une blessure sur le bras. Devant la police, le prévenu a déclaré ne jamais avoir empoigné son épouse par le bras, précisant avoir été se coucher lorsqu'il est rentré ce soir-là. À l'audience, il a nié toute altercation physique le jour des faits, expliquant ne pas connaître la cause de la contusion, qu'il n'avait lui-même pas vue.

De son côté, la recourante a produit, outre le certificat médical attestant de la contusion, les échanges Whatsapp qu'elle allègue avoir eus avec son époux en lien avec l'évènement du 17 août 2018. Il en ressort notamment que le mis en cause a écrit : "Oui tu t es fais un bleu quand je t ai poussé. D ailleurs pourquoi tu me bloquait comme ça pour pas que je sorte ? [ ] Quelle violence je ne t ai pas tapé !!! Je t ai poussé parce que tu ne voulais pas me laisser sortir de la cuisine", après qu'elle lui eut envoyé un cliché de sa blessure. Il découle de ce qui précède que, selon toute vraisemblance, le mis en cause a infligé cette atteinte physique à la recourante en la poussant afin qu'elle s'écarte de son chemin.

Toutefois, l'atteinte en cause – une contusion – constitue une blessure superficielle qui ne saurait atteindre le degré de gravité pour être qualifiée de lésion corporelle simple, en raison de sa taille et du temps prévisible de guérison. La recourante n'allègue ni ne prouve avoir subi d'importantes douleurs telles que requises pour revêtir cette qualification juridique, de telle manière que les faits dénoncés doivent être analysés sous l'angle de l'art. 126 CP.

L'aggravante de l'art. 126 al. 2 let. b CP ne trouve pas application dans le présent cas, dans la mesure où il n'est pas possible de conclure, à teneur des éléments du dossier, que les voies de fait se seraient déroulées à réitérées reprises. En effet, si elle allègue avoir été victime de violences conjugales depuis plusieurs années, la recourante ne fait aucune référence à des évènements particuliers, outre les faits de juillet 2017 dont le classement a été confirmé, qui laisseraient entrevoir une répétition.

Le comportement reproché ayant eu lieu le 17 août 2018, la plainte, déposée le 29 mai 2019, soit plus de neuf mois après les faits, est tardive.

Partant, c'est à bon droit que le Ministère public a classé les faits.

4.             Par conséquent, l'ordonnance querellée sera confirmée et le recours rejeté.

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'200.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

 

P/11428/2019

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'115.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'200.00