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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/5662/2022

AARP/192/2025 du 26.05.2025 sur JTCO/31/2024 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.07.2025, 6B_613/2025, 7B_170/2023
Descripteurs : INCESTE;VIOL;INFRACTIONS CONTRE L'INTÉGRITÉ SEXUELLE;ACTE D'ORDRE SEXUEL AVEC UN ENFANT;CONTRAINTE SEXUELLE
Normes : CP.180.al1; CP.181; CP.183.al1.ch1; CP.187.ch1; CP.189.ch1; CP.190.ch1; CP.190.ch3; CP.213.al1; CP.189.al2
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5662/2022 AARP/192/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 26 mai 2025

Entre

A______, actuellement en exécution anticipée de peine à l'Établissement fermé La Brenaz, chemin de Favra 10, 1241 Puplinge, comparant par Me B______, avocat,

appelant principal,

intimé sur appel joint,

C______, domiciliée ______, comparant par Me D______, avocat,

appelante,


LE MINISTÈRE PUBLIC
de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant joint,

intimé sur appel principal,

 

contre le jugement JTCO/31/2024 rendu le 18 mars 2024 par le Tribunal correctionnel,

et

E______ et F______, parties plaignantes, représentées par Me G______, curatrice,

intimés.

EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ et C______ forment appel et le Ministère public (MP) appel joint à l'encontre du jugement JTCO/31/2024 du 18 mars 2024, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) a :

-        acquitté A______ des chefs de pornographie (art. 197 al. 5 du Code pénal suisse [CP]), de séquestration et enlèvement (art. 183 ch. 1 al. 1 CP), de contrainte (art. 181 CP) et de menaces (art. 180 al. 1 CP) ;

-        reconnu A______ coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP), de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP), de viol (art. 190 al. 1 CP), d'inceste (art. 213 al. 1 CP), d'exhibitionnisme (art. 194 al. 1 CP), de pornographie (art. 197 al. 1 CP) et de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 al. 1 CP) ;

-        condamné A______ à une peine privative de liberté de huit ans, sous déduction de la détention avant jugement, ainsi qu'à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.- l'unité ;

-        astreint que A______ se soumette à un traitement ambulatoire (art. 63 CP) ;

-        interdit, à vie, à A______ d'exercer toute activité professionnelle et toute activité non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs (art. 67 al. 3 let. b, c et d ch. 1 CP) ;

-        prononcé, à l'encontre de A______, une interdiction de contact avec ses enfants, E______ et F______, ainsi qu'une interdiction de périmètre les concernant pour une durée de cinq ans, tout en assortissant ces interdictions d'une assistance de probation et sous menace de l'art. 294 CP ;

-        condamné A______ à payer, à chacun de ses enfants, CHF 30'000.-, avec intérêts à 5% dès le 11 mars 2022, à titre de réparation du tort moral (art. 47 du code des obligations [CO]) ;

-        rejeté les conclusions en indemnisation fondées sur l'art. 429 al. 1 du Code de procédure pénale suisse [CPP] de A______ ;

-        condamné A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance à hauteur de CHF 45'821.- ;

-        reconnu C______ coupable de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 al. 1 CP) ;

-        condamné C______ à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 30.- l'unité, assortie du sursis (délai d'épreuve de trois ans), et à payer, à chacun de ses enfants, CHF 1'500.-, avec intérêts à 5% dès le 11 mars 2022, à titre de réparation du tort moral (art. 47 CO), outre les frais de la procédure préliminaire et de première instance à hauteur de CHF 500.-.

a.b. A______ entreprend partiellement le jugement, concluant à son acquittement des chefs d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle, de viol et d'inceste, au prononcé d'une peine privative de liberté n'excédant pas un an, à l'allocation d'une indemnité de CHF 200.- par jour de détention injustifiée, à ce qu'il soit renoncé aux interdictions de contact et de périmètre, à la réduction des indemnités pour tort moral allouées à ses enfants ainsi qu'à une mise à charge des frais de la procédure préliminaire et de première instance correspondante au résultat de son appel.

a.c. C______ entreprend entièrement le jugement, concluant à son acquittement du chef de violation du devoir d'assistance ou d'éducation ainsi qu'au rejet des conclusions en indemnisation du tort moral de ses enfants.

a.d. Le MP entreprend partiellement le jugement, concluant à ce que A______ soit reconnu coupable de contrainte sexuelle aggravée (art. 189 al. 1 et 3 aCP), de viol aggravé (art. 190 al. 1 et 3 aCP), de séquestration et enlèvement ainsi que de contrainte, subsidiairement menaces, et à ce qu'il soit condamné à une peine privative de liberté de dix ans, sous déduction de la détention déjà subie.

b. Selon l'acte d'accusation du 2 novembre 2023, il est reproché ce qui suit à A______ et C______ :

-        chiffre 1.1.1 : à des dates indéterminées mais à tout le moins en 2021 et 2022, dans l'appartement familial et dans la cave sise rue 1______ no. ______ à H______ [GE], A______ a commis, à réitérées reprises, des actes sexuels et d'ordre sexuel sur son fils F______ et sur sa fille E______, ainsi que l'acte sexuel sur cette dernière (chiffre 1.1.4). Il a ainsi à tout le moins :

o   introduit son pénis dans la bouche de chacun de ses enfants, les contraignant à lui prodiguer des fellations (i) ;

o   uriné sur ses enfants, qui étaient totalement ou partiellement dénudés, ainsi que dans leurs bouches (ii) ;

o   joué avec ses enfants à des jeux sexuels impliquant notamment leurs parties intimes et le fait que les uns urinent sur les autres (iii) ;

o   frotté son pénis sur ses enfants, notamment sur leurs ventres et sur la vulve de E______, ainsi que pénétré avec cet organe, totalement ou partiellement, son vagin (iv) ;

o   demandé à ses enfants, en particulier à E______, de le masturber ou à tout le moins de masser son pénis, ce qu'ils ont fait (v) ;

-        chiffre 1.1.2 : dans les circonstances de temps et de lieu décrites sous chiffre 1.1.1 de l'acte d'accusation, A______ a contraint E______ et F______ à subir, contre leur gré, des actes sexuels et d'ordre sexuel en :

o   utilisant sa force physique, largement supérieure à celle de ses enfants, lesquels, âgés de trois à cinq ans environ, étaient incapables de résister ;

o   abusant de son autorité parentale et paternelle ;

o   faisant régner un climat de terreur sur ses enfants par le biais de punitions, les enfermant à clé dans une chambre noire et les menaçant de telles punitions ainsi que de les tuer s'ils rapportaient les actes qu'il leur faisait subir à des tiers, en particulier à leur mère ;

o   plaçant et maintenant ses enfants dans un environnement de violence structurelle, notamment en instrumentalisant la relation qu'il avait avec eux pour les soumettre à ses désirs lubriques.

E______ et F______ se trouvaient ainsi piégés dans une situation telle que toute résistance, opposition ou protestation aux actes imposés par leur père était vaine ;

A______ a agi avec cruauté, dès lors qu'il a, durant plusieurs années, complètement sacrifié la jeunesse de ses enfants pour faire d'eux des objets lui permettant d'assouvir ses pulsions sexuelles, leur faisant subir un nombre incalculable d'actes odieux, en particulier ceux décrits au chiffre 1.1.1 (i à v) de l'acte d'accusation ;

A______ n'a pas hésité à user de punitions et de menaces à l'encontre de ses enfants, les plongeant ainsi dans un climat de terreur, afin de s'assurer de leur silence et de garantir son impunité ;

Il a agi de manière répétée, sur une longue période, alors que ses enfants étaient particulièrement jeunes, leur infligeant des actes singulièrement humiliants, impliquant notamment qu'il leur urine dessus et dans la bouche, de sorte que sa manière d'agir et son absence particulière de scrupules dénotent une cruauté largement supérieure à ce qui s'imposait pour parvenir à consommer l'infraction de base de contrainte sexuelle ;

-        chiffres 1.1.3 et 1.1.4 : à des dates indéterminées mais à tout le moins en 2021 et 2022, dans l'appartement familial ou dans la cave, A______ a, à réitérées reprises, contraint E______, sa descendante, à subir l'acte sexuel, en ce sens qu'il a frotté son pénis en érection contre sa vulve et pénétré son vagin totalement ou partiellement avec son membre, contre sa volonté, en usant notamment de son ascendant paternel sur elle ;

A______ a fait usage des mêmes moyens de contrainte que ceux décrits au chiffre 1.1.2 de l'acte d'accusation et a agi avec cruauté, sacrifiant la jeunesse de sa fille pour faire d'elle son esclave sexuelle, en lui faisant subir un nombre incalculable d'actes odieux, particulièrement humiliants et relevant du sadisme, à de réitérées reprises sur une longue période alors que E______ était particulièrement jeune. Il a notamment uriné dans sa bouche et a introduit son pénis dans son vagin, lui causant ainsi des douleurs et brûlures perdurant après l'acte, de sorte que sa manière d'agir et son absence particulière de scrupules dénotent une cruauté largement supérieure à ce qui s'imposait pour parvenir à consommer l'infraction de base de viol ;

-        chiffre 1.1.5 : à des dates indéterminées mais à tout le moins en 2021 et 2022, dans l'appartement familial, A______ s'est, à tout le moins entre quinze et vingt fois, masturbé devant des films pornographiques à la vue de ses enfants E______ et F______ (art. 194 al. 1 CP exhibitionnisme) ;

-        chiffre 1.1.6 : à des dates indéterminées, mais à tout le moins en 2021 et 2022, dans l'appartement familial, A______ s'est, à réitérées reprises, soit à tout le moins entre quinze et vingt fois, masturbé en visionnant des films pornographiques à la vue de ses enfants (art. 197 al. 1 et 5 CP pornographie) ;

-        chiffres 1.1.7 et 1.2.1 : depuis une date indéterminée et jusqu'au 13 mars 2022, A______ et C______ ont, de concert, fait vivre leurs enfants F______ et E______ dans un appartement si insalubre qu'il présentait des risques pour leur santé, étant précisé que F______ souffre notamment de diverses allergies. Ces conditions de vie, couplées aux actes commis sur eux par A______, ont mis en danger leur développement physique et psychique ;

-        chiffre 1.1.8 : à des dates indéterminées mais à tout le moins en 2021 et 2022, dans l'appartement familial, A______ a, à réitérées reprises, puni ses enfants en les enfermant à clé dans une chambre noire pendant des heures afin d'éviter qu'ils rapportent à des tiers, en particulier à leur mère, les actes qu'il leur faisait subir. Il a, au moins à une reprise, enfermé E______ suffisamment longtemps pour qu'elle s'urine sur elle ;

-        chiffre 1.1.9 : à des dates indéterminées mais à tout le moins en 2021 et 2022, à réitérées reprises, A______ a intimidé ses enfants, les menaçant notamment de les enfermer dans une pièce noire ou de les tuer s'ils parlaient à des tiers de ce qu'il leur faisait subir, en particulier à leur mère, les effrayant de la sorte de manière à ce qu'ils soient contraints de se taire.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure, étant renvoyé pour le surplus au jugement entrepris (art. 82 al. 4 CPP) :

Contexte familial

a. A______, né le ______ 1969 et de nationalité suisse, et C______, ressortissante marocaine née le ______ 1983, se sont mariés en 2008 et ont eu deux enfants : E______, née le ______ 2016 et F______, né le ______ 2018.

C______ n'a jamais exercé d'activité lucrative, tandis que A______, qui a été actif dans le domaine de l'informatique par le passé, ne travaille plus depuis une vingtaine d'années en raison de problèmes de santé.

Au moment des faits, la famille vivait dans un appartement de quatre pièces, dont l'entrée se situait face aux deux chambres à coucher, depuis lesquelles l'accès à la salle de bain nécessitait de passer devant le séjour. Lors de l'interpellation de A______, ce logement a été retrouvé dans un état d'insalubrité important, encombré de nombreuses affaires et de vaisselle sale. Les enfants mangeaient sur les lits et l'accès aux points d'eau de la salle de bain était difficile.

La cave du logement, qui se situait au sous-sol de l'immeuble et nécessitait d'emprunter deux couloirs pour y accéder, était également très encombrée par divers objets et des étagères remplies de nourriture. Selon la police, qui en a fait des photographies, il était possible d'ouvrir la porte et d'y entrer en faisant un pas à l'intérieur.

Dénonciation et déclarations de E______ et F______

b. Avant les vacances de février 2022, F______ se touchait fréquemment le sexe à la crèche. Interpellé à ce sujet par son éducatrice, I______, il avait répondu qu'il ne s'agissait pas d'un "zizi" mais d'un "prince". Trouvant cela mignon, elle avait, le 10 mars 2022, demandé à F______, devant sa collègue J______, comment il nommait son "zizi", ce à quoi le petit garçon avait répondu : "j'ai un prince, E______ a un zizi et papa un grand prince. Il le met dans la bouche de E______ et dans ma bouche et des fois il le met dans mon bidon". F______ avait ensuite changé de sujet et elle n'avait pas reparlé de cela avec lui, en application de ce qu'elle-même et sa collègue avaient appris lors d'une formation sur la parole de l'enfant.

c.a. Informée de cette conversation, la Directrice de la crèche L______ a émis un signalement au Service de la santé de l'enfance et de la jeunesse (SSEJ), lequel a à son tour informé la police, le 11 mars 2022, de l'existence de soupçons d'abus sexuels sur l'enfant F______.

Le même jour, dans la matinée, la police a pris en charge E______ et F______ à la crèche et à l'école et les a conduits dans les locaux de la Brigade des mœurs. À teneur du rapport de police, E______ avait, durant le trajet en véhicule de service, spontanément déclaré qu'elle avait un "secret" avec son papa, qu'il s'agissait de quelque chose qu'elle aimait bien et dont même sa maman n'était pas au courant. Les policiers n'ont pas réagi à ces propos.

c.b. E______ a été entendue conformément au protocole d'audition des enfants victimes d'infractions graves (EVIG) du National Institute of Child Health and Human Development (NICHD). Lorsque l'inspectrice a évoqué le "secret" mentionné par la fillette dans la voiture et lui a demandé de lui en parler plus, cette dernière a systématiquement refusé de s'exprimer, rétorquant qu'elle ne pouvait pas le révéler, au risque d'énerver son papa. Il s'agissait d'un "grand grand secret", "sans mot", qu'elle pensait être la seule à avoir, qu'elle devait absolument garder et que son papa ne faisait qu'avec elle quand sa maman n'était pas là. Cette dernière ne devait pas savoir ce qu'ils faisaient car, sinon, elle "gronderait" son papa, E______ se mettant à pleurer à l'évocation de cette possibilité. Interrogée sur sa maman qui gronde son papa, E______ a expliqué que ce dernier n'avait pas le droit de "faire le secret" avec elle car il devait attendre qu'elle soit plus grande, mais qu'il le faisait quand même. Elle a refusé d'en parler davantage et menacé à plusieurs reprises l'inspectrice d'arrêter l'audition si elle continuait de lui poser des questions sur le "secret".

Elle ne savait pas si son petit frère avait également un "secret" avec son papa mais pensait que non. Elle n'avait jamais vu ce dernier "faire le secret" avec F______, à qui il pouvait néanmoins arriver de "voir le secret" même s'il n'en avait normalement pas le droit. Elle avait de la chance car son petit frère n'en avait jamais parlé.

À la question de savoir si elle connaissait des parties de son corps, E______ a tout de suite répondu, en riant, qu'elle connaissait les "parties privées", sans en mentionner d'autre.

c.c. Également entendu en application du protocole NICHD, F______ a indiqué que son "prince" était "rond". Quand son papa lui avait "montré son prince", il lui avait "mis dans [sa] bouche et dans [son] œil" et l'avait mis "sur [son] bidon". Il avait bien aimé quand son papa lui avait mis son "prince" dans la bouche mais pas E______. Elle avait tapé son papa sur la figure, puis leur maman, et ensuite lui-même. Personne n'avait tapé E______, qui était partie dans un autre pays.

Invité à préciser ce qu'il s'était passé, F______ a indiqué que lorsque son papa lui avait mis son "prince" dans sa bouche cela l'avait rendu malade car son "prince" était sale et avait des microbes. Quand son papa avait mis son "prince" "dans son bidon", il avait "fait un coup" ou "fait un trou".

Lorsque son papa mettait son "prince" dans sa bouche, ce qui était arrivé à plusieurs reprises, ils se trouvaient à la cave, "tout en bas de [leur] maison", où ils prenaient à manger, tandis que sa maman se trouvait dans la chambre. E______ n'était pas avec eux car elle était morte. Lorsque F______ a été interrogé sur ce qu'il se passait à la cave, il a expliqué que "quelque chose de bizarre" s'était passé, à savoir qu'un "imposteur" avait voulu les tuer. À la question de savoir si quelqu'un avait vu ce qu'il s'était passé dans la cave, il a répondu que "K______" [prénom] et "la dame" en avaient été témoins.

Lorsque l'inspectrice a tenté de faire préciser d'autres éléments à F______ en reprenant ses termes, ce dernier a systématiquement répondu qu'il ne savait pas.

Il ressort du rapport de police du 11 mars 2022 que, vraisemblablement après son audition, F______ a indiqué à une psychologue qu'il allait se faire "taper" à la maison pour avoir tout raconté à la dame.

d.a. Après avoir été accueillis en hospitalisation sociale dans le Service pédiatrique des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), E______ et F______ ont été placés au foyer L______ le 11 avril 2022.

d.b.a. Le 13 avril 2022, M______, assistante socio-éducative du foyer L______ et référente de la famille [de A______], a fait part au Service de protection des mineurs (SPMi) des confidences faites le même jour par E______. La fillette lui avait d'abord dit qu'elle avait un secret à lui confier, mais qu'elle ne souhaitait pas le faire devant son frère. Lorsque ce dernier était sorti de la pièce, E______ lui avait raconté que son papa était son "amoureux" et qu'ils faisaient très souvent des jeux avec son "prince" et sa vulve, en désignant ses parties intimes. Elle avait demandé à E______ qui était le "prince", ce à quoi la fillette avait très clairement répondu qu'il s'agissait du pénis de son papa, ajoutant que le "prince" jouait souvent avec sa vulve, de laquelle il aimait bien se rapprocher. E______ avait également ajouté qu'il était arrivé que son papa mette une protection sur son lit et que tous les deux s'amusent à faire pipi. En rigolant, E______ avait ajouté "mais c'était dégueulasse" et avait insisté sur le fait qu'elle avait un "secret" et qu'il était important qu'elle le garde pour protéger son papa, qui lui avait dit de ne surtout pas en parler à sa maman au risque qu'elle ne se mette en colère.

Elle avait réagi en disant à E______ qu'elle pouvait garder certains secrets en lien avec des petites bêtises, mais qu'elle ne pouvait pas le faire s'agissant de ce qu'elle avait vécu, qui n'était pas normal. Elle l'avait informée qu'elle allait en parler avec son chef tout en la rassurant sur le fait qu'ils étaient là pour la protéger et que ce qu'il s'était passé avec son papa n'était pas de sa faute. Elle lui avait également dit qu'elle avait bien fait de se confier à elle et que tout allait être mis en œuvre pour qu'elle se sente en sécurité.

d.b.b. Le 21 avril 2022, M______ a rapporté au SPMi des propos tenus le même jour par E______, qu'elle a confirmés lors de son audition par-devant le MP. Elle se trouvait avec cette dernière ainsi que F______ dans leur chambre lorsqu'un autre enfant du foyer était entré et lui avait demandé ce qu'ils allaient manger. Pour rire, elle avait répondu qu'elle avait envie de manger son bras avant de lui demander de sortir de la chambre. E______ avait rebondi sur cet échange en disant qu'on pouvait aussi manger son "zizi" car elle l'avait souvent fait avec son papa. M______ lui avait proposé de reprendre cette conversation lorsque F______ et la stagiaire seraient sortis de la chambre. Cela fait, elle avait dit à la fillette que si elle le souhaitait elle pouvait reparler de ce qu'elle avait dit sur le "zizi" de son papa, ce à quoi E______ avait répondu : "oui mais tu sais moi j'ai souvent mangé le prince de mon papa et même plusieurs fois", en mimant une fellation avec sa main et sa bouche. La fillette avait ensuite ajouté : "papa m'a dit que s'il rentrait son prince tout entier dans mon truc [en montrant son sexe avec sa main] ça allait piquer et que j'allais en redemander tout le temps". E______ lui avait dit qu'elle comprenait que son papa avait des problèmes avec la police car elle était trop petite pour faire des choses d'adultes. Elle avait osé le dire à sa maman lors d'une promenade au bord du lac, ce dont elle était fière car lorsqu'elle l'avait précédemment fait, sa maman s'était fâchée très fort contre elle. M______ l'avait félicitée et avait confirmé que son papa avait en effet fait une très grosse bêtise.

d.b.c. M______ a expliqué avoir rédigé les e-mails rapportant les propos de E______ très rapidement après ses confidences et avoir fait en sorte de retranscrire le plus fidèlement possible sa parole, en particulier en employant les mêmes termes que l'enfant.

d.c. Le même jour, N______, assistante socio-éducative au foyer L______, a rapporté qu'au moment du coucher E______ lui avait demandé si elle se souvenait du moment où elle avait été malade et avait vomi, ce à quoi N______ avait répondu par l'affirmative. La fillette avait alors ajouté : "eh bien, c'est parce que mon papa quand j'étais à la maison il me mettait son prince là [en mimant une fellation] et du coup c'est pour ça que j'ai vomi et que j'étais malade ce jour-là". L'éducatrice avait répondu qu'elle avait bien entendu ce que la fillette lui avait raconté, qu'elle devait s'occuper d'un autre enfant mais qu'elles pourraient en reparler plus tard si elle le souhaitait. E______ lui avait dit "ok" et était partie dans sa chambre. Lorsqu'elle était retournée la voir, la petite fille dormait déjà et n'avait pas souhaité en reparler le lendemain. N______ n'avait pas insisté.

d.d. O______, assistante socio-éducative, a indiqué au MP que E______ lui avait fait ses premières confidences une dizaine de jours après son arrivée au foyer. Dans un moment d'interrogation durant lequel la fillette demandait pourquoi elle était placée, O______ lui avait demandé "qu'est-ce que tu penses à ton avis". Tout en passant sa main sur son sexe et en faisant des allers et retours, E______ avait répondu que c'était parce que son papa jouait avec sa "zézette". O______ avait confirmé que tel était bien le cas et avait ajouté que ces faits étaient extrêmement graves et qu'un adulte ne devait pas toucher un enfant de la sorte.

d.e. Entendue par le MP, P______, enseignante à l'école de Q______, a raconté qu'en avril 2022, à une date qu'elle n'a pas précisée, elle avait trouvé que E______ n'avait pas l'air d'aller bien et l'avait faite venir à son bureau pour lui demander ce qu'il se passait. La fillette avait d'abord hésité, lui avait dit qu'elle n'avait pas le droit de lui dire, puis avait finalement déclaré qu'elle était au foyer "à cause de papa, son zizi et ma zézette et l'histoire du prince".

d.f. Le 29 avril 2022, E______ et F______ ont été examinés par deux experts du Centre Universitaire Romand de Médecine Légale (CURML) sur demande du MP.

Les cliniciens n'ont pas constaté de lésion à l'inspection de la vulve et de la région anale de E______, ni à l'examen de sa cavité buccale. En entretien, la fillette, qui a refusé les examens médico-légal et gynécologique proposés, a expliqué qu'elle jouait souvent avec son frère, mais également avec son père. Questionnée sur le type de jeux auxquels elle jouait avec ce dernier, E______ a rétorqué qu'il s'agissait d'un "secret" qui comprenait "beaucoup de choses" et notamment "ce qu'elle [aimait] le plus". Elle n'avait parlé de ce "secret" à personne, seul son père le connaissant. Bien que F______ venait souvent l'embêter quand elle jouait avec son père, il n'était pas trop au courant du "secret" car il s'agissait d'une "chose entre garçon et fille, un peu comme ici […] avec les femmes enceintes". Il ne fallait pas en parler à sa mère, car "ce serait le pire".

F______, qui ignorait la raison de sa présence à l'hôpital, a déclaré que son papa était gentil avec lui et, sur question, que ce dernier avait "fait une bêtise en cassant son ordinateur avec des fils électriques". Les constatations faites sur son corps, trop peu spécifiques pour permettre de déterminer leur origine précise, ne permettaient pas de confirmer ou d'exclure la survenue d'un rapport/attouchement à caractère sexuel.

d.g. Le 4 mai 2022, M______ a recueilli une nouvelle fois des confidences de E______. Alors qu'elles se trouvaient en voiture ensemble, la fillette avait dit qu'elle appréciait faire plaisir à son papa, contre lequel elle était toutefois fâchée car "s'il ne m'avait pas fait des choses avec son "prince", je ne serais pas au foyer, mais je ne comprends pas pourquoi je ne peux pas être avec tata ou maman car maman ne savait rien".

Formée à la prévention des abus sexuels, la témoin s'était contentée de valider les dires de E______ afin de ne pas l'orienter. Elle pensait avoir créé un lien particulier avec la petite fille, pour qui le placement avait été particulièrement difficile. Selon elle, E______ choisissait les personnes à qui elle se confiait et ne répondait pas facilement lorsqu'on l'interrogeait. Il fallait que cela vienne d'elle, y compris pour des questions "basiques".

d.h.a. Le 1er juin 2022, le foyer L______ a communiqué au SPMi de nouvelles confidences faites par E______ à O______. Cette dernière a indiqué que E______ s'était fâchée et lui avait dit qu'elle était triste et que tout cela était de la faute de son "méchant papa qui a fait n'importe quoi". L'éducatrice lui avait répondu que ce que son papa avait fait était très grave et qu'il fallait la protéger. E______ avait ajouté qu'elle était obligée de garder le "secret" de son papa car sinon elle était punie, ce dont elle avait peur. Tout en mimant une masturbation, E______ a indiqué en avoir parlé à sa maman, mais avoir été punie, sans parvenir à indiquer par qui. Son papa s'était fâché.

d.h.b. Lorsqu'elle a été entendue par le MP, O______, a relaté un troisième épisode de confidences survenu durant l'été 2022. Alors qu'elle se trouvait au volant d'une voiture pour accompagner les enfants en sortie, E______ lui avait demandé pourquoi son père ne pouvait pas venir les voir au foyer, ce à quoi F______ avait répondu "parce que papa est en prison". E______ avait continué en disant que c'était parce que leur papa "jouait avec les zézettes et qu'il [leur] faisait pipi dessus", ce que F______ avait confirmé. E______ avait dit que cela n'était pas grave, ce à quoi O______ avait répondu qu'au contraire ces choses étaient graves et interdites. À un moment de la discussion, elle avait situé la survenance de ces actes le soir, ce qui avait immédiatement fait réagir E______, qui avait rétorqué que cela se passait le matin ou durant la journée lorsque sa maman partait faire les courses. La fillette avait également déclaré que, lorsqu'ils se trouvaient dans la voiture, son papa baissait son pantalon, sortait son zizi et le mettait sur elle. O______ avait à nouveau dit qu'un adulte ne pouvait pas faire cela et que leur papa était en prison pour leur protection.

d.i. R______, éducatrice, a relaté deux épisodes de confidences des enfants E______/F______, qu'elle ne pouvait toutefois pas situer dans le temps mais qui s'étaient à chaque fois déroulés au moment du coucher des enfants.

La première fois, E______ avait fait part de sa tristesse de ne plus vivre dans son ancienne maison, lui avait dit "il est dingue mon papa, il me mettait son zizi là", en pointant son entrejambe, puis avait ajouté que son papa lui faisait aussi pipi dessus.

La deuxième fois, elle avait entendu les enfants E______/F______ rigoler très fort dans leur chambre. En allant voir ce qu'il se passait, elle avait constaté que F______ était debout sur le lit, tout nu. Elle lui avait demandé s'il voulait discuter de la raison pour laquelle il était nu et E______ avait répondu à sa place en disant qu'elle voulait discuter de ce que son papa avait fait. F______ avait alors dit que lui aussi, ajoutant que son papa avait fait "des choses graves" car il avait mis son zizi sur eux et leur avait fait pipi dessus. E______ avait ajouté que son papa lui mettait également son zizi dans la bouche en faisant part de son dégoût ("berk"). Elle avait mimé une fellation avec sa main en l'approchant de sa bouche tout en faisant des va-et-vient, et avait encore raconté que son papa mettait une protection sur le lit et lui disait "couche-toi". En décrivant un carré autour d'elle, la fillette avait écarté les jambes et dit que son papa lui faisait pipi dessus en pointant tour à tour, avec son doigt, son entre-jambe et un point en face d'elle. Elle avait encore ajouté que, des fois, son papa lui disait aussi "s'il-te-plaît, prends mon zizi", tout en mimant à nouveau une masturbation au niveau de son visage.

Lorsque la détention de leur père avait été évoquée, les enfants avaient rigolé ensemble et E______ avait rétorqué que c'était "bien fait pour lui". Elle avait répondu que leur papa était en prison car il devait être puni pour les horreurs qu'il leur avait fait subir et que ce qu'ils avaient vécu n'était pas normal.

d.j. S______, éducatrice, a fait part au MP de propos tenus par E______ et F______ le 13 août 2022. Au moment du coucher, alors qu'elle s'apprêtait à sortir de la chambre, E______ lui avait dit qu'elle voulait parler de son "père nul". Tout en remontant le haut de son pyjama au-dessus de sa poitrine, elle lui avait raconté que son papa la mettait sur le lit, toute nue, et qu'il lui disait "couche-toi et baisse ta culotte". Ensuite il mettait son "zizi" sur sa "zézette" et lui faisait pipi dessus, ce à quoi F______ avait spontanément réagi en rétorquant "moi aussi". E______ avait dit "il est fou mon papa" et F______ avait répliqué "oui, il est zinzin". Elle leur avait dit que de tels actes, réservés aux adultes, étaient interdits et punis.

d.k.a. La Directrice des écoles de E______ et F______ a informé la police que, le 30 août 2022, les deux enfants avaient à nouveau évoqué les faits reprochés à A______ lors de moments collectifs dans leurs classes respectives.

Selon son enseignante titulaire, E______ avait déclaré ce qui suit : "mon papa devait aller en prison et il a fait, mmmh je ne peux pas vous en parler", puis "il a mis son zizi sur mon ventre et sur le ventre de mon frère, et il nous faisait pipi dessus". Cette enseignante a également rapporté que E______ lui avait dit, à une reprise, qu'un enfant du foyer avait fait pipi dans la bouche de l'autre.

F______ avait, quant à lui, dit plusieurs fois que son papa était en prison devant les élèves de sa classe. Le 30 août 2022, en présence de tous les enfants, de T______ et de trois autres intervenants, F______ avait spontanément dit que son papa lui avait "pissé dessus", alors même que la conversation ne tournait pas autour du pipi. Auditionnées par le MP, ses enseignantes, U______ et T______, ont déclaré qu'à chaque fois que cela s'était produit elles avaient rapidement changé de sujet afin d'éviter tout embarras, ne sachant pas comment réagir face à de telles déclarations.

d.k.b. Le 9 septembre 2022, F______ s'est confié à U______. Entendue par le MP, cette dernière a expliqué que, lors d'une récréation, F______ était resté auprès d'elle et lui avait dit "maîtresse, j'aimerais te dire pourquoi mon papa est en prison". Ils s'étaient mis à l'écart et F______ lui avait dit, très rapidement, "mon papa est en prison car à la maison, avec E______, il nous a demandé de nous mettre tout nus, ensuite il nous a fait pipi dessus et il nous a touchés avec son zizi et ma maman a appelé la police et c'est pour cela qu'il est en prison". F______ n'avait pas attendu de retour de sa part et était immédiatement parti jouer.

d.l. Outre les propos évoqués supra sous B.d.e, P______ a rapporté que, début septembre 2022, E______ avait voulu expliquer pourquoi elle avait été exceptionnellement autorisée à amener son doudou en classe à ses camarades et l'avait fait en ces termes : "comme je vous l'ai dit, mon papa est en prison, vous voulez savoir pourquoi ?", "papa mettait son zizi sur mon ventre et celui de mon frère et nous faisait pipi dessus". P______ avait réagi en disant aux enfants que si les adultes faisaient quelque chose de grave, comme montrer leurs parties intimes, ils pouvaient aller en prison. Cela avait amené une discussion sur le sujet, dans le cadre de laquelle E______ avait ajouté qu'un enfant du foyer avait fait pipi dans la bouche d'un autre. Elle avait alors coupé court à l'échange.

d.m. Le 28 octobre 2022, E______ et F______ ont, à leur demande, écrit des lettres à A______. La première a voulu le faire seule, en compagnie de M______, tandis que le second a souhaité que sa sœur soit également présente. Les mots employés par E______ ont été les suivants : "Papa Bonjour, je suis fâchée parce que tu m'as fait pipi dessus. Pourquoi tu as osé faire ça ? De la part de E______ fâchée !". La fillette a préféré différer l'envoi de sa lettre à son papa par peur qu'il ne se fâche.

Après avoir dit à M______ qu'elle avait confiance en elle, E______ avait ajouté : "papa me faisait ces choses dégeu soit à la cave, soit quand maman partait avec F______, soit quand maman partait seule il faisait à F______ et à moi en même temps", puis : "il nous faisait pipi dessus mais, avant de nous faire pipi dessus, il me disait en parlant très fort « Mets la protection sur le lit et couche toi sur le lit. »". E______ avait également expliqué qu'avant que son papa ne fasse pipi sur elle ou sur F______, il se frottait "", en écartant les jambes et en montrant son propre sexe, et essayait de rentrer son zizi dedans. Cela lui faisait mal mais elle pensait que c'était normal car c'était son papa. E______ avait encore déclaré que le "zizi" de son papa n'arrivait pas à entrer entièrement car "", en montrant son sexe, c'était trop petit mais qu'il arrivait quand même à le rentrer en peu. Ça la brûlait quand elle allait aux toilettes mais elle n'avait pas osé le dire à sa maman par honte et parce qu'elle n'avait pas le droit de lui parler du "secret". Ces actes se déroulaient sur le lit de son papa, qui lui disait très fort d'arrêter lorsque sa mère arrivait.

Lorsqu'elle était revenue sur les "choses dégueu à la cave" en demandant à E______ d'apporter des précisions, cette dernière avait répondu que son papa lui faisait "manger son zizi", que c'était "dégueu" mais qu'elle croyait que c'était normal. Elle avait désormais compris que tel n'était pas le cas.

M______ avait réagi en disant à E______ que ces faits étaient graves et l'avait félicitée de lui en avoir parlé. E______ avait à plusieurs reprises fait part du sentiment de honte qu'elle ressentait, ce à quoi elle avait répondu que cela ne lui appartenait pas et lui avait assuré qu'elle était là pour l'écouter et la protéger. Elle avait également prévenu E______ du fait qu'elle allait rapporter ses propos au juge, ce qui avait eu l'air de la soulager.

d.n. Le 30 octobre 2022, V______, stagiaire au foyer L______, se trouvait avec E______ lors d'une activité de création de balles antistress. Alors qu'elles étaient en train d'en remplir de farine, E______ avait dit, en touchant un ballon de haut en bas : "ça me fais penser au zizi de papa, quand il me demandait de le malaxer. Oui mon papa me demandait : « tu peux malaxer mon zizi E______ s'il te plait »". En racontant cela, la fillette avait pris une voix différente de la sienne en levant les yeux au ciel. V______ lui avait répondu que les conversations au sujet de son papa devaient avoir lieu avec les adultes de L______ ou la psychologue, ce que E______ avait bien accueilli.

d.o. Début janvier 2023, alors que W______, éducatrice, donnait le bain à F______, ce dernier lui avait demandé qu'elle l'écoute, s'était mis debout, avait mimé une scène en prenant son zizi et lui avait dit, en riant nerveusement : "une fois avec papa on a joué à faire pipi dans la bouche à E______ mais c'était dur alors je lui ai fait sur la tête". Elle était restée calme et lui avait répondu que ce n'était absolument pas un jeu, ni entre enfants ni avec un adulte. Après une pause, F______ avait encore ajouté : "une fois, papa il m'a fait pipi dans la bouche, mais c'était pour jouer". Toujours très calme et ne voulant ni le blesser, ni le bloquer, elle avait à nouveau insisté sur le fait que personne n'avait le droit de jouer à ça avec un enfant.

d.p. Le 4 janvier 2023, avant le dîner, F______ avait demandé à X______, éducatrice, s'il pouvait lui montrer quelque chose puis, lorsqu'ils s'étaient retrouvés seuls dans la chambre, lui avait dit à plusieurs reprises qu'il voulait lui dire "quelque chose qui est vrai". Le petit garçon s'était montré agité, mais avait fini par déclarer : "papa m'a fait pipi dessus, c'est vrai", avant de mettre sa main dans ses cheveux avec un air de dégoût en disant que c'était "tout chaud". Elle avait réagi en lui demandant si son papa avait le droit de venir le voir au foyer, ce à quoi il avait répondu par la négative. Après cette conversation, F______ avait paru plus serein.

d.q. Le 6 janvier 2023 au moment du coucher, E______ avait spontanément dit à Y______, éducatrice, qu'elle était en colère contre son papa car c'était à cause de lui s'ils étaient à L______. Son père lui demandait d'aller dans la chambre, mettait une couverture sur le lit et disait "tu t'allonges là, c'est un ordre". Il mettait son "truc" au niveau de sa "vulve", en montrant son entrejambe, et faisait pipi jusqu'à son visage. Quand il le faisait à F______, son papa mettait son "truc" au niveau de ses genoux et lui faisait pipi sur le ventre. E______ avait ajouté qu'elle avait essayé de dire à sa maman que son papa lui faisait pipi dessus, mais que ce dernier, qui avait tout entendu, avait stoppé la conversation et l'avait punie, avec F______, quand leur mère n'était pas là. Ils avaient dû rester enfermés à clé dans une chambre, sans télévision. Cela avait duré tellement longtemps que E______ s'était fait pipi dessus. Son père lui avait dit que cela devait rester secret et que si elle le disait à nouveau il la tuerait.

Y______ était formée à recueillir la parole des enfants et savait qu'il ne fallait pas leur poser de questions. Elle avait rassuré E______ sur le fait que malgré que ce soit son papa, elle pouvait décider de le voir ou pas, ajoutant qu'elle demeurerait protégée par la procédure en cours.

Durant toute la conversation F______ les avait regardées mais n'avait rien dit.

d.r. Le 20 janvier 2023, Z______, directrice de l'école de AA______, avait trouvé E______, accompagnée de AB______, éducateur en milieu scolaire, dans le couloir de l'école.

Auditionnés par le MP, les précités ont expliqué qu'après être revenue sur les circonstances de son audition à la police et de son placement temporaire à l'hôpital, E______ leur avait raconté que son père faisait des mouvements avec ses hanches, qu'il mettait son zizi dans sa bouche et que si elle refusait elle était punie dans une chambre noire. Elle a ajouté que c'était "dégueulasse" en faisant des mimiques de dégoût, et qu'il arrivait également que son père la mette, avec une serviette, sur le lit de ses parents et qu'il lui fasse pipi dessus.

Elle ne pouvait pas allumer la lumière de la pièce noire car son papa la contrôlait avec son téléphone. Elle y était enfermée à clé, mais avait réussi à en cacher une pour sortir à l'insu de son papa. Quand elle l'avait fait, ce dernier avait éteint toutes les lumières de l'appartement. Elle en avait allumé une, ne sachant pas que cela enclenchait une alarme sur le téléphone de son père, qui s'était réveillé et fâché. Il était également arrivé à F______ d'être enfermé dans cette pièce, dans laquelle il y avait des odeurs terribles de fromage. Ils étaient tous deux punis ou menacés de l'être s'ils parlaient à leur maman des faits commis par leur père.

Selon les deux intervenants, les consignes dans pareille situation étaient très précises, les enseignants devant se contenter de valider le besoin de s'exprimer de l'enfant et de le rassurer quant au fait qu'il sera emmené vers la bonne personne pour en parler. Z______ et AB______ n'avaient dès lors posé aucune question à E______ mais l'avaient rassurée sur le fait qu'elle ne devait pas se sentir coupable de s'être "laissée faire" par son papa, en réponse aux propos de la fillette. Ensuite, même s'il s'agissait d'un moment troublant, ils lui avaient parlé de ses petites bêtises à l'école pour la replacer dans son rôle d'élève.

d.s.a. E______ et F______ ont été entendus une seconde fois par la police le 21 juin 2023 en application du protocole NICHD.

d.s.b. Dès le début de son audition, E______ a déclaré qu'elle savait qu'elle était là car son papa avait fait "des choses interdites par la loi". Il lui avait montré ses parties intimes, lui avait demandé de venir sur le lit et lui avait fait "pipi dessus" à plusieurs reprises. Elle ne se souvenait pas de la dernière fois mais se rappelait qu'une fois son papa avait profité de l'absence de sa maman, partie faire les courses, pour lui faire cela. Lorsqu'"ils" étaient revenus, son papa "les" avait vus et avait arrêté. Elle n'avait pas mal lorsqu'il faisait cela et l'avait laissé faire car elle pensait que c'était normal. Un jour, elle s'était confiée à sa maman mais son papa l'avait grondée et punie en la mettant dans une chambre où elle ne pouvait rien faire, même pas jouer. E______ a refusé de fournir plus de détails, indiquant toutefois qu'elle pensait que son papa le faisait aussi à son frère car ce dernier le lui avait dit. La fillette s'est montrée impatiente durant toute l'audition, répétant qu'elle en avait marre et souhaitait partir.

d.s.c. F______ a d'abord dit qu'il ne savait pas pourquoi il se trouvait en salle d'audition, puis, à l'évocation de son précédent passage dans les locaux et après avoir été invité à parler de sa famille, le petit garçon a d'emblée déclaré que lorsque son papa leur faisait "pipi dessus", ce qui était arrivé à une reprise, il allait le dire à sa maman. Lorsqu'il avait raconté à sa maman, "y [l']a pris par le pied", "et à la fin, y [lui] a dit que c'était un secret qu'y fallait pas dire à maman". F______ a ensuite précisé : "il a dit que c'était un secret parce que y savait que après, maman, elle allait lui faire une punition. Et après y m'a dit que c'était un secret, j'allais dire ... et quand y ... et quand y m'a pris par le pied. E______, elle a tapé sur … avec son pied sur ... sur la main à papa", "et après j'allais dire à maman". F______ n'a pas été capable de préciser ce qu'il entendait par "prendre par le pied", ni de détailler le fait qu'il soit allé dire à sa maman. Il a néanmoins ajouté : "quand j'ai dit à maman qu'y m'avait fait pipi d'ssus. Maman, elle est pas ... [incompréhensible] ... v'nue au bon moment. Elle est venue trop tard et du coup, papa y ... il a fait encore une fois". Lorsque l'inspectrice lui a demandé de préciser ses propos, F______ a répondu qu'il ne savait pas. Il ne se souvenait pas non plus du "prince" de son papa, ni de ce dernier avec E______. En fin d'audition, F______, qui s'est contenté de hocher la tête, a répondu par la négative à la question de savoir si ça allait et a indiqué qu'il ne souhaitait plus discuter avec son interlocutrice.

Expertises de crédibilité

e.a. Les expertises de crédibilité des enfants E______/F______, datées du 5 juillet 2022, ont été réalisées par un expert psychiatre du CURML en application de la méthode d'analyse SVA (Statement Validity Assessment), validée scientifiquement pour des enfants dans une fourchette de six à 13 ans, comprenant trois étapes, soit la vérification de la conformité de l'audition de l'enfant au protocole NICHD, l'analyse de la retranscription écrite de l'enregistrement selon les 19 critères de la Criteria-Based Content Analysis (CBCA) et la pondération du score obtenu selon une liste de facteurs susceptibles d'influencer la crédibilité des déclarations. L'expert s'est fondé sur le contenu de l'audition elle-même et le reste du dossier, conformément au protocole de cette méthode.

Les conclusions des expertises étaient les suivantes :

-        ayant obtenu un score de 8/19 à l'échelle d'analyse CBCA, adaptée à la cotation selon l'âge de l'enfant, auquel les facteurs de pondération n'apportaient pas de corrections significatives, les déclarations de F______ ont été jugées "plutôt crédibles" ;

-        le score de 4/19 à l'échelle d'analyse CBCA de l'audition de E______ orientait vers des déclarations "faiblement ou non crédibles" en raison de l'absence de mention claire d'abus sexuel, étant néanmoins relevé qu'il ressortait de ses propos qu'elle faisait référence à des actes de cette nature commis par son père, dont elle ne saisissait pas la portée sexuelle. La mention spontanée des "parties intimes" permettait de confirmer que le "secret" concernait cette partie de son corps. Les déclarations ultérieures de la fillette à son éducatrice les 13 et 21 avril 2022 ainsi que le témoignage de F______, considéré comme "plutôt crédible", conduisaient à pondérer positivement les déclarations de E______, de sorte qu'elles pouvaient être considérées comme "plutôt crédibles".

e.b. Entendu par le MP, l'expert psychiatre a confirmé ses expertises.

L'audition EVIG de E______ présentait certes peu de contenu sur les faits reprochés, ce qui avait eu pour effet qu'il y avait peu d'items présents. On comprenait des premières déclarations de la fillette, qui s'était référée à des actes de nature sexuelle, qu'elle avait un secret concernant ses parties génitales. S'il n'y avait eu que ces déclarations, celles-ci auraient sans doute été qualifiées de faiblement crédibles. Cela étant, le récit de E______ avait été réévalué à l'aune des révélations répétées faites par la suite à des tiers en lien avec des abus sexuels commis par son père, lesquelles avaient en quelque sorte amplifié ses déclarations lors de l'audition EVIG.

La méthode d'évaluation était adaptée lorsque l'enfant était particulièrement jeune, les experts faisant preuve de plus de souplesse dans l'analyse des items. Cela avait été le cas pour F______, pour lequel un ou plusieurs items avaient été retenus alors que cela n'aurait pas été le cas s'il avait été plus âgé. Comme cela se fait toujours, cette souplesse au niveau des items avait été prise en compte pour la pondération générale. Le score de 8/19 du petit garçon, qui permettait de retenir que ses déclarations étaient "totalement crédibles", avait ainsi été pondéré négativement, ce qui avait conduit à retenir, en définitive, que ses déclarations étaient "plutôt crédibles". Les incohérences dans le discours de F______, qui pouvaient a priori être considérées comme défavorables, démontraient au contraire, pour un très jeune enfant comme lui, que son discours était spontané et non suggéré par un tiers.

Analyse du matériel informatique de A______

f. L'analyse du matériel informatique de A______ n'a pas mis en évidence du contenu à caractère pédopornographique.

La police a néanmoins découvert plusieurs recherches, effectuée entre juillet 2020 et janvier 2021, ayant renvoyé à des pages dédiées à des produits liés à l'adult baby, pratique fétichiste des couches culottes et jeux de régression associés à des pratiques sexuelles. La police a en outre relevé deux visites, le 10 août 2020, vers des pages du site [pornographique] AH______.com mentionnant "piss" (urine) dans le titre. L'analyse a également montré que les dossiers D:\video iphone\pipi caca couche\ et D:\video'iphone\pipi\ avaient été ouverts sur l'ordinateur de A______ pour la dernière fois le 26 novembre 2021. La police n'a toutefois pas été en mesure de retrouver ces fichiers sur les supports saisis.

Très peu de fichiers pornographiques légaux avaient été découverts dans le matériel informatique de A______, situation très atypique pour des personnes potentiellement fétichistes et adeptes de l'onanisme devant leur ordinateur. Néanmoins, A______ était informaticien de profession et il était dès lors vraisemblable qu'il soit capable de dissimuler ses traces sur Internet. Cette hypothèse était d'ailleurs corroborée par l'analyse des raccourcis présents sur son ordinateur, qui ont permis de constater que le navigateur Microsoft Edge avait été lancé en mode "InPrivate" (privé) 25 fois entre le 8 janvier 2022 et le 8 mars 2022, ce qui évitait que les artefacts de navigation (historique notamment) ne soient enregistrés.

Rapports d'analyses ADN

g.a. Un premier rapport d'analyse ADN a été réalisé par le CURML le 16 mai 2022 sur la base de traces prélevées dans la cave et sur un pull saisi dans la chambre des enfants E______/F______ (cf. inventaire n° 34469520220312 du 11 mars 2022). Les prélèvements effectués à la cave n'ont pas réagi aux tests PSA sensibles à la présence de liquide séminal, tandis qu'un prélèvement situé sur le bas avant droit du pullover a donné un résultat faiblement positif, aucun spermatozoïde n'ayant toutefois été observé dans cet échantillon. En tenant compte des données concernant la population suisse et en considérant une probabilité de 10% qu'un échantillon de sperme ne contienne pas de spermatozoïdes, par exemple en raison d'une vasectomie, les experts ont évalué à 19% la probabilité que la trace en question soit du sperme.

Le 8 septembre 2022, le CURML a rendu un second rapport d'analyse ADN portant sur des traces luminescentes prélevées sur une culotte et un drap, également saisis dans la chambre des enfants du domicile de la famille [de A______] (cf. même inventaire). Les tests PSA réalisés ont donné un résultat faiblement positif pour la trace au niveau de l'entrejambe de la culotte, avec absence de spermatozoïdes, positif pour l'une des traces relevées sur la face extérieure du drap (trace B) et faiblement positif pour les deux autres (traces D et F), avec présence possible de spermatozoïdes. En tenant compte des données concernant la population suisse et en considérant une probabilité de 10% qu'un échantillon de sperme ne contienne pas de spermatozoïdes, par exemple en raison d'une vasectomie, les experts ont évalué à 9% la probabilité que la trace prélevée sur la culotte constitue du sperme, 66% que cela soit le cas s'agissant de la trace B et 16% pour les traces D et F.

Expertise psychiatrique de A______

h.a. Dans son expertise du 13 janvier 2023, la Dresse AC______, psychiatre, a considéré que les comportements sexuels répétés de A______ impliquant des enfants prépubères, commis sur une longue durée, permettaient de poser le diagnostic de trouble de la préférence sexuelle de type pédophilie, qu'elle a qualifié de chronique et non exclusif, A______ pouvant également avoir de l'attirance sexuelle pour des femmes adultes. Elle a également posé un diagnostic d'urophilie dès lors que A______ avait fait part de son attirance sexuelle pour l'urine.

L'experte a également constaté que A______ avait une représentation erronée de la sexualité, en particulier de celle des enfants, qu'il considérait "curieux" et à même de comprendre la sphère sexuelle des adultes. En découlait que, pour lui, les enfants devaient être à l'aise à la vue de scènes sexuelles réelles ou virtuelles, même à un très jeune âge. Cette représentation des enfants faisait partie d'une distorsion cognitive présente chez l'expertisé.

A______, qui niait sa culpabilité, n'exprimait aucune réflexion éthique ou morale par rapport à ses enfants et présentait une certaine distance émotionnelle par rapport aux faits reprochés, ne manifestant pas d'empathie particulière vis-à-vis de ses enfants. Pour lui, E______ et F______ affabulaient en s'influençant l'un l'autre et l'étaient également par des éléments extérieurs. Les regrets qu'il exprimait ne concernaient que les conséquences personnelles subies, soit en particulier son incarcération.

Au moment des faits, la faculté de A______ d'apprécier le caractère illicite de ses actes et de se déterminer d'après cette appréciation était conservée.

A______ présentait un risque "moyen" de commettre à nouveau des infractions sexuelles du même type que celles déjà commises par rapport à une population de délinquants sexuels, une prise en charge psychothérapeutique ambulatoire en sexologie, compatible avec l'exécution d'une peine privative de liberté, étant toutefois susceptible de diminuer ce risque, étant relevé que A______ se montrait preneur de cette mesure, bien que persistant à nier son trouble de la préférence sexuelle.

h.b. Entendue par le MP, l'experte psychiatre a confirmé ses conclusions, tout en précisant qu'un diagnostic de pédophilie pouvait être posé alors même que l'expertisé contestait les faits reprochés. Il convenait, dans ce cas, d'évaluer la présence d'un status psychiatrique et d'une situation ou d'un état clinique cohérents avec le diagnostic. Dans le cas de A______, le dossier de la procédure contenait de tels éléments, comme par exemple les expertises de crédibilité des enfants. Toutes les expertises se fondaient sur une hypothèse de culpabilité et il n'appartenait pas à l'expert de se prononcer sur ce point. Toutefois, la partie clinique était centrale et le processus "indépendant". Pour poser son diagnostic, l'experte s'était ainsi basée sur une pondération des deux aspects, à savoir l'évaluation clinique et l'étude du dossier.

Déclarations de A______

i.a. Interpellé le 11 mars 2022, A______ a contesté toutes les accusations d'infractions sexuelles portées à son encontre par ses enfants.

Il ne savait pas de quoi sa fille voulait parler lorsqu'elle évoquait un "secret" qu'elle avait avec lui. E______ avait toujours eu des secrets, pour des tas de choses comme par exemple des bêtises qu'elle ne voulait pas que sa mère apprenne. Il se disputait en outre rarement avec son épouse et ignorait pourquoi sa fille craignait qu'il se fasse gronder par cette dernière. Il ne s'était jamais montré physiquement violent envers ses enfants, à l'exception d'une seule fessée donnée à E______. Il ne les avait jamais menacés de les tuer ou punis dans une "chambre noire".

Le mot "prince" avait été utilisé dès le plus jeune âge de F______ pour différencier le petit garçon de sa sœur, qui avait une "princesse" ou un "coquillage". E______ utilisait souvent le terme "amoureux" pour parler de lui. Leur complicité était grande, sa fille étant très attachée à lui. Elle lui disait souvent qu'elle l'aimait et ne voulait jamais être séparée de lui.

Les accusations formulées par ses enfants étaient fausses. Ils avaient, selon lui, besoin d'attention, s'influençant et se "manipulant" l'un l'autre. Cela ressortait de l'évolution de leurs déclarations. Il n'avait jamais mis son pénis dans la bouche de ses enfants et n'aurait jamais fait une telle chose. Il n'avait pas non plus directement montré son sexe à ces derniers, qui avaient toutefois pu le voir nu dans la vie de tous les jours. Il ne voyait pas de quoi F______ et E______ voulaient parler lorsqu'ils évoquaient des jeux avec son "prince" ou qui impliquaient du "pipi". Il était pour lui inenvisageable que son sperme se soit retrouvé sur les affaires de ses enfants. Selon ses déclarations au TCO, il lui était arrivé d'expliquer à E______ que lors de son premier rapport sexuel elle aurait mal. Confronté au fait que cette dernière avait mimé une fellation en évoquant son papa, il a rétorqué que mimer était "facile", ce d'autant plus que sa fille avait vu des scènes de fellation dans des films pornographiques, de sorte qu'elle savait comment cela se passait.

Ses enfants avaient également pu être confrontés à des actes d'urophilie, pour l'avoir surpris, entre 15 et 20 fois depuis 2021, en train de regarder, tard le soir, des films pornographiques mettant en scène des adultes, sur son ordinateur, qui se trouvait dans le salon, sur le chemin entre la chambre des enfants et les toilettes, l'écran tourné vers le couloir. E______ et F______ avaient posé des questions auxquelles il avait répondu naturellement, sans mentir, en expliquant que l'homme et la femme faisaient l'amour. E______, qui s'était montrée curieuse selon ses déclarations au MP, avait dit qu'elle n'aimait pas ça, que c'était sale, et F______ avait rigolé. Il se rendait désormais compte que sa manière d'aborder les sujets sexuels avec ses enfants n'était pas adéquate. Devant la CPAR, A______ a indiqué que cela avait pu lui arriver d'être surpris par ses enfants en train de visionner des contenus en lien avec l'urophilie. Toujours selon ses explications en audience d'appel, lorsque cela était arrivé ses enfants avaient fait des commentaires comme : "oh la femme fait pipi dans la bouche du monsieur, c'est dégueulasse" mais il n'avait pas parlé plus que cela de ces images avec eux. Les films avaient continué à tourner durant quelques minutes pendant qu'il parlait à ses enfants. Devant le TCO, il avait estimé que ces derniers avaient ainsi pu y être confrontés durant environ cinq minutes à chaque fois.

Avant de soutenir lors des débats d'appel que cela était aussi arrivé à F______, A______ a déclaré que E______ l'avait également surpris, à cinq à six reprises, alors qu'il était en train de se masturber. Il s'était immédiatement caché et ne pouvait dire quelle avait été la réaction de sa fille, qui était à moitié endormie.

Il avait bien envisagé de déplacer l'ordinateur, soutenant devant le TCO en avoir même parlé avec son épouse, mais ne l'avait finalement pas fait car il n'arrivait pas à porter et déplacer des choses en raison de ses problèmes de santé. Il n'avait pas non plus décidé de visionner les films pornographiques sur l'écran de télévision qui se trouvait dans sa chambre et qui n'était pas visible depuis le couloir car il ne se rendait pas compte de l'impact que cela pouvait avoir sur ses enfants. Il le réalisait désormais et le regrettait, de même que de ne pas avoir pris de mesures pour que cela ne se reproduise pas.

Tout en indiquant que le seul "secret" qu'il avait demandé à E______ de garder vis-à-vis de son épouse concernait les films pornographiques, ajoutant devant la CPAR avoir précisé à sa fille que sa maman ne serait pas contente d'apprendre cela, A______ a soutenu que C______ avait connaissance de sa consommation d'images pornographiques ainsi que du fait que ses enfants l'avaient surpris, mais peut-être pas à autant de reprises.

Après avoir nié tout intérêt pour l'urophilie lors de ses auditions au MP, A______ a reconnu pour la première fois, auprès des psychothérapeutes chargés de son suivi à Champ-Dollon et déliés de leur secret professionnel, ainsi que dans le cadre de son expertise psychiatrique, qu'il avait commencé à pratiquer le "pissing" avec son épouse après son opération de bypass (2010), qui l'avait conduit à effectuer des recherches internet autour des couches et lui avait fait découvrir des sites d'urophilie.

A______ a indiqué que leur appartement était équipé du système de domotique "AD______" permettant notamment de contrôler les lumières par commande vocale ou depuis son téléphone.

i.b. Dès sa première audition, A______ a d'emblée admis l'état d'insalubrité du logement familial, l'expliquant par une aggravation de ses problèmes de santé l'ayant empêché de faire du rangement. Ils avaient emménagé dans leur appartement environ deux ou trois ans auparavant. Son épouse, qui devait alors s'occuper seule des enfants, n'était pas parvenue à tout prendre en charge. Il réalisait que l'état de l'appartement avait causé des problèmes de santé aux enfants, en particulier à F______ qui souffrait d'allergies aux acariens.

Déclarations de C______

j.a. Confrontée aux déclarations de E______ et F______, C______ a d'abord indiqué à plusieurs reprises, à la police, qu'elle ne les croyait pas. Elle leur demandait tous les jours si ça allait et ce qu'ils avaient fait dans la journée et c'était la première fois qu'elle entendait ces choses. Sa fille appelait son vagin "coquillage" et son fils désignait son pénis par le terme "prince". F______ parlait tout le temps de son "prince" et racontait, en lui disant "je vais te dire un secret", des choses qui se passaient à la garderie comme, par exemple, qu'un enfant lui avait montré son caca, ses fesses, son "prince", ou encore qu'on lui avait pété dessus, ce qu'elle savait être faux.

Pour elle, la relation entre A______ et leurs enfants se passait très bien. Il n'était pas violent avec eux et ne leur avait jamais donné de fessée. Elle ne comprenait pas à quoi E______ faisait référence en parlant du "secret". Parfois, ils se disaient qu'une chose était un secret et qu'ils ne devaient pas le dire, comme par exemple lorsqu'elle mangeait une glace avec sa fille en lui disant de garder le secret vis-à-vis de son frère pour éviter qu'il ne soit jaloux.

A______ ne restait seul avec les enfants que lorsqu'elle allait faire les courses ou se rendait à un rendez-vous médical. C______ a d'abord soutenu, à la police, que son époux n'emmenait par ailleurs jamais les enfants à la cave, notamment en raison des produits contre les rats qui s'y trouvaient. Lors de la première audience de confrontation au MP, elle a concédé que cela avait pu arriver quelques fois pour aller chercher de la nourriture. La cave était toutefois remplie jusqu'à la porte, si bien qu'il n'y avait pas la place pour que les faits décrits par F______ s'y soient déroulés.

Lors de sa seconde audition au MP, C______ a déclaré que ses enfants avaient souvent vu son époux nu lorsqu'il se levait rapidement du lit pour se rendre aux toilettes ou dans la cuisine. Cela l'énervait et elle lui avait dit de ne pas le faire. Lorsque cela arrivait, son mari était gêné et mettait son short.

Elle a initialement affirmé ne jamais avoir vu A______ consulter un site pornographique et ignorer s'il le faisait, puis, lors de la première audience de confrontation au MP, reconnu qu'il leur arrivait, de temps en temps, de regarder ensemble des films pornographiques "classiques" dans leur chambre, la portée fermée. Les enfants ne les avaient jamais surpris à ces occasions mais il était arrivé qu'ils ouvrent la porte de la chambre alors qu'ils étaient en train d'avoir un rapport sexuel. Elle savait que son mari achetait des couches sur internet pour ses problèmes d'incontinence, mais n'était pas au courant de l'existence de la pratique de l'"adult baby", A______ ne lui ayant jamais proposé de s'y livrer. Elle n'était pas au courant que E______ et F______ avaient surpris son mari une vingtaine de fois en train de regarder des films pornographiques.

L'appartement était en effet équipé d'un système de domotique leur permettant d'allumer la lumière par commande vocale ou à distance grâce à leurs téléphones, actif dans toutes les pièces, sauf dans la chambre des enfants et la salle de bain. Les chambres, la cuisine et la salle de bain se fermaient avec des clés. Après que E______ ait joué avec, elles avaient toutefois été placées dans un placard auquel les enfants n'avaient pas accès. Elle n'avait jamais entendu parler d'une pièce noire.

j.b. C______ a également admis l'état d'insalubrité de l'appartement, expliquant que son mari était tombé malade après leur emménagement et qu'elle n'était pas parvenue à tout gérer seule, surtout après qu'elle se soit cassée le pied.

Autres témoignages

k.a. Selon ses déclarations au MP, la Dresse AE______, pédiatre des enfants E______/F______ depuis leurs naissances, n'avait rien remarqué de particulier lors des diverses consultations de la famille. Les enfants ne se comportaient pas différemment avec C______ ou avec A______, en présence duquel ils n'avaient pas l'air mal à l'aise et pouvaient s'exprimer librement.

k.b. AF______, "marraine de cœur" de F______, n'avait jamais rien soupçonné. Elle connaissait la famille, qu'elle voyait très régulièrement depuis dix ans. Pour elle, ils avaient toujours été très heureux. Elle gardait souvent E______ et F______, qui ne lui avaient jamais rien dit au sujet d'abus dont ils auraient été victimes.

k.c. Selon AG______, la mère de A______, E______ et F______, qui étaient toujours après leur papa, aimaient leurs parents. Elle n'avait pas vu de problème particulier au sein de la famille. Elle voyait ses petits-enfants chez elle, n'ayant jamais été invitée à leur domicile.


 

Évolution de A______

l.a. A______ s'est d'abord, au stade de l'instruction, dit en colère, tout en expliquant travailler sur cela avec sa psychothérapeute. Bien qu'il en voulait à ses enfants, il continuait à les aimer, ce qui était le plus important pour lui. En appel, A______ a indiqué avoir dépassé le stade de la colère. Il avait beaucoup discuté avec sa psychologue et était désormais surtout attristé par le fait de ne pas pouvoir revoir ses enfants. Il a systématiquement et fermement contesté le diagnostic de pédophilie. L'urophilie constituait, pour lui, une déviance et non un trouble psychiatrique.

A______ a entamé un suivi psychologique en août 2022 en réaction à une baisse de la thymie, ainsi qu'à une anxiété liée à son incarcération et à l'injustice de l'instruction, qu'il considérait menée uniquement à charge. Ce suivi a d'abord eu un rythme hebdomadaire, puis bimensuel dès que A______ a été incarcéré à La Brenaz. La mise en place de cette psychothérapie avait pour but de le soutenir psychologiquement durant l'incarcération, d'effectuer un travail sur les déterminants psychiques des passages à l'acte concernant les faits reconnus (pornographie et insalubrité) ainsi que sur son mode de fonctionnement et de l'amener à réfléchir sur son rôle de père et ses relations familiales. Il ressort des divers certificats établis par les psychologues du Service de médecine pénitentiaire que A______ a rapidement investi cet espace de manière positive, honorant régulièrement ses rendez-vous.

l.b. Dès le début de son incarcération, A______ s'est plaint de difficultés en raison de la nature des faits qui lui étaient reprochés. Il craignait pour sa sécurité et ne dormait pas par peur de ses codétenus qui l'avaient menacé de lui "faire la peau". Il avait été placé en isolement durant deux ans à cause de cela et sa situation ne s'était pas améliorée dans l'établissement pénitentiaire de La Brenaz, où il travaille actuellement à la ______.

Il indique nourrir le projet de se reconstruire et de faire en sorte que le reste de sa vie se passe bien. Après avoir d'abord soutenu qu'une reprise de la vie familiale était, selon lui, parfaitement envisageable à sa sortie de prison, A______ a déclaré, à la CPAR, qu'il ne prévoyait pas de revivre avec C______ mais qu'il se montrait ouvert à une reprise de contact avec ses enfants, avec lesquels il ne communiquait plus depuis son interpellation.

Évolution de E______ et F______

m. Selon les rapports d'évaluation médico-psychologique des 18 juillet et 1er novembre 2022, ainsi qu'au regard des courriers de l'Office médico-pédagogique (OMP) des 4 et 18 décembre 2023 :

-        E______ souffrait d'un état de stress post-traumatique en lien avec son contexte de vie (départ du foyer familial, éloignement des parents et révélations d'abus sexuels par son père). Son comportement était marqué par son agitation motrice, probablement en lien avec son anxiété, ainsi que par une certaine désinhibition. Elle avait tendance à tester les limites et la relation, en respectant toutefois finalement le cadre posé par l'adulte, avec lequel elle avait des difficultés à moduler la distance. Selon l'école, E______ s'était toujours comportée de la sorte mais son placement en foyer avait accentué cette attitude. La notion d'intimité n'était pas acquise, l'image qu'elle avait d'elle-même était dévalorisée et ses défenses principales de type névrotiques (maniaques, obsessionnelles, évitement). Le refoulement était présent, mais vite débordé. Elle ne présentait toutefois pas de symptômes dépressifs, ni de trouble du sommeil, ni de cauchemars. Une psychothérapie individuelle hebdomadaire a été mise en place.

En décembre 2023, E______ avait bien évolué grâce à la thérapie. Elle se montrait moins agitée, testait moins les limites et parvenait à réguler la distance avec l'adulte. Au vu de son contexte familial et ses antécédents, E______ était toutefois très à risque de développer un trouble de la personnalité sévère.

-        F______ souffrait également de stress post-traumatique. Il présentait une problématique d'ordre relationnelle se traduisant, en substance, par un comportement particulièrement familier, tant d'un point de vue corporel que verbal, envers l'évaluateur, ainsi que par un état d'hyper vigilance. L'expression de ses affects, disproportionnée, semblait indiquer une souffrance et un trop plein émotionnel qu'il exprimait par son jeu et par la manière dont il était en relation. Une psychothérapie individuelle hebdomadaire a été mise en place.

En décembre 2023, F______ ne pouvait pas se remémorer le contexte familial avant son placement, probablement en raison de son jeune âge à ce moment-là et d'une amnésie traumatique. Il peinait ainsi à en saisir les raisons, de même que de la séparation d'avec ses parents, ce qui constituait une source de grande contrariété et de souffrance pour lui. La gestion de ses affects, qu'il manifestait par une colère importante et envahissante, demeurait compliquée. D'un point de vue clinique, F______ ne souffrait plus de stress post-traumatique mais, tant ses comportements que son expression émotionnelle, faisaient penser à des défenses contre un effondrement dépressif. Pour la psychothérapeute, la crise familiale ayant mené au placement de F______ avait impacté son développement, étant relevé qu'il demeurait difficile d'évaluer avec précision, à ce stade, l'ampleur des effets des traumas pour le futur.


 

n. À teneur du bilan de placement daté de janvier 2024 :

-        E______ s'était vite et bien adaptée au foyer et à ses règles. De nature sociale et joyeuse, elle avait tissé des liens avec ses pairs ainsi qu'avec les éducateurs. N'ayant pas appris les codes sociaux concernant l'intimité par exemple, E______ avait toutefois pu se montrer intrusive ou adopter des comportements déplacés vis-à-vis des autres enfants, l'un de ses camarades ayant notamment signalé qu'elle venait régulièrement dans les toilettes pour "voir son prince". Elle s'était également montrée particulièrement proche des adultes, même lorsque ces derniers lui étaient inconnus, réclamant par exemple des câlins et des bisous à un intervenant qui ne s'était jamais occupé d'elle. E______ avait en outre traversé une période d'hypersexualisation. Les éducateurs l'avaient vue jouer en adoptant, avec son frère, des positions inadéquates : une fois, ils étaient l'un sur l'autre, habillés, et E______ se balançait sur son frère. Une autre fois, E______ avait son pied sur les parties intimes de F______. Il était également arrivé à E______ de se toucher les fesses durant plusieurs minutes lorsqu'elle faisait des pirouettes ou de toucher les parties intimes des plus petits.

Dès le début de son placement, elle avait fait part du manque de sa mère et de son foyer familial, qu'elle n'avait jamais manifesté vis-à-vis de son père.

-        F______ s'était également rapidement adapté au fonctionnement du foyer, tout en verbalisant néanmoins régulièrement qu'il en avait marre d'être au foyer et voulait rentrer chez lui retrouver sa maman, allant jusqu'à tenter de quitter le périmètre de son école pour rentrer chez lui. Il pouvait avoir de la peine à exprimer clairement ses besoins et ses émotions. S'il lui arrivait de se mettre en colère au début, il savait désormais mieux se contrôler et entretenait de bonnes relations tant avec les enfants qu'avec les éducateurs. Ces derniers avaient pu discuter avec F______ de la notion d'intimité lorsque ce dernier avait relaté les événements en lien avec son père à des moments inappropriés. Cela lui avait permis de mettre des mots sur sa compréhension et de comprendre que ce qu'il avait vécu n'était pas normal et pourquoi son papa était en prison. Il lui arrivait parfois de parler de souvenirs plus positifs avec son père, de même que de dire qu'il voulait le voir et qu'il ne se souvenait plus de son visage.

o. En audience d'appel, Me G______, curatrice de E______ et F______, a adhéré au bilan de placement, ajoutant que, depuis lors, F______ avait changé d'école et de foyer. Le frère et la sœur n'arrivaient plus à être ensemble, E______ ressentant beaucoup de colère envers F______. Ce dernier souffrait d'une sorte d'amnésie et ne comprenait pas pourquoi son placement durait aussi longtemps. De son côté, E______ saisissait les raisons de sa présence au foyer où elle avait investi sa vie. L'aspect familial demeurait source d'un grand stress pour elle. F______ persistait à avoir du mal à maintenir une distance avec l'adulte, se montrant très tactile.

C. a. Par courrier adressé à la CPAR le 10 février 2025, veille de l'audience d'appel, C______ a retiré son appel.

b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans les conclusions de sa déclaration d'appel et conclut au rejet de l'appel joint du MP.

c. Le MP persiste dans les conclusions de sa déclaration d'appel joint et conclut au rejet de l'appel de A______.

d. Me G______, curatrice de E______ et F______, conclut au rejet de l'appel de A______ et soutient l'appel joint du MP.

e. Les arguments développés par les parties dans le cadre de leurs plaidoiries seront discutés au fil des considérants en droit dans la mesure de leur pertinence.

D. Avant son interpellation et sa mise en détention, A______ était au bénéfice des prestations de l'Hospice général, n'ayant pu obtenir l'aide de l'assurance-invalidité, qui était d'avis qu'il n'était pas apte au travail dans son domaine de compétence mais l'était dans d'autres domaines. Il exerçait une petite activité d'informaticien (dépannage informatique) pour un revenu mensuel d'environ CHF 50.-à CHF 100.-. Il soutient avoir des dettes à hauteur de plusieurs dizaines de milliers de francs en lien avec un héritage.

L'extrait du casier judiciaire suisse de A______ est vierge de toute condamnation.

E. Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 21 heures et 30 minutes d'activité de chef d'étude et 18 heures d'activité de collaboratrice, dont deux heures de lecture et analyse du jugement motivé, hors débats d'appel lesquels ont duré huit heures et 45 minutes.

EN DROIT :

1. 1.1. La CPAR prend acte du retrait de l'appel de C______, formé en temps utile avant la clôture des débats d'appel (art. 386 al. 2 let. a CPP).

1.2. L'appel de A______ et l'appel joint du MP sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398, 399, 400 al. 3 let. b et 401 CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 127 I 38 consid. 2a).

Le principe de la libre appréciation des preuves implique qu'il revient au juge de décider ce qui doit être retenu comme résultat de l'administration des preuves en se fondant sur l'aptitude de celles-ci à prouver un fait au vu de principes scientifiques, du rapprochement des divers éléments de preuve ou indices disponibles à la procédure, et sa propre expérience (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2) ; lorsque les éléments de preuve sont contradictoires, le tribunal ne se fonde pas automatiquement sur celui qui est le plus favorable au prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1295/2021 du 16 juin 2022 consid. 1.2 ; 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.1 ; 6B_1363/2019 du 19 novembre 2020 consid. 1.2.3). Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence interdit cependant au juge de se déclarer convaincu d'un fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence d'un tel fait ; des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent en revanche pas à exclure une condamnation (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 ; 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 et 2.2.3.3 ; 138 V 74 consid. 7 ; 127 I 38 consid. 2a). Lorsque dans le cadre du complexe de faits établi suite à l'appréciation des preuves faite par le juge, il existe plusieurs hypothèses pareillement probables, le juge pénal doit choisir la plus favorable au prévenu (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_477/2021 du 14 février 2022 consid. 3.2).

2.1.2. Les déclarations de jeunes enfants peuvent être retenues par le juge en application du principe de la libre appréciation des preuves, sans expertise de crédibilité, même si elles contiennent quelques imprécisions ou des contradictions mineures ou encore manquent de clarté sur des points secondaires. En tant que telles, les déclarations d'un enfant sont donc susceptibles de constituer un élément sur lequel le juge peut, notamment, se fonder dans le cadre de son appréciation des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 6B_285/2011 du 14 décembre 2011 consid. 2.3.1).

2.1.3. Une expertise de crédibilité est exigée notamment lorsqu'il s'agit d'évaluer les déclarations d'un enfant qui sont fragmentaires ou difficilement interprétables. Elle doit permettre au juge d'apprécier leur valeur, en s'assurant que l'enfant n'est pas suggestible, que son comportement trouve son origine dans un abus sexuel et n'a pas une autre cause, qu'il n'a pas subi l'influence de l'un de ses parents et qu'il ne relève pas de sa pure fantaisie. Pour qu'une telle expertise ait une valeur probante, elle doit répondre aux standards professionnels reconnus par la doctrine et la jurisprudence récentes (ATF 129 I 49 consid. 5). En cas de suspicion d'abus sexuel sur des enfants, il existe des critères spécifiques (arrêt du Tribunal fédéral 6B_539/2010 du 30 mai 2011 consid. 2.2.4). L'expert doit examiner si la personne interrogée, compte tenu des circonstances, de ses capacités intellectuelles et des motifs du dévoilement, était capable de faire une telle déposition, même sans un véritable contexte "expérientiel". Lors de l'expertise de la validité d'un témoignage, il faut toujours avoir à l'esprit que la déclaration peut ne pas être fondée sur la réalité (ATF 128 I 81 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_276/2018 du 24 septembre 2018 consid. 1.2.1).

À l'instar des autres moyens de preuve, le juge apprécie librement la force probante d'une expertise et n'est pas lié par ses conclusions (ATF 142 IV 49 consid. 2.1.3 ; 141 IV 369 consid. 6.1). Toutefois, il ne peut s'en écarter que lorsque des circonstances ou des indices importants et bien établis en ébranlent sérieusement la crédibilité. Il est alors tenu de motiver sa décision (ATF 142 IV 49 consid. 2.1.3 ; 138 III 193 consid. 4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_289/2016 du 28 décembre 2016 consid. 4.1.3).

2.1.4. On parle de témoin par ouï-dire ("vom Hörensagen" ; témoignage indirect) lorsqu'un témoin fait part de ce qu'un tiers lui a relaté de ce qu'il avait lui-même constaté. En l'absence d'une norme prohibant expressément une telle démarche, le principe de la libre appréciation des preuves (art. 10 al. 2 CPP) permet au juge de se fonder sur les déclarations d'un témoin rapportant les déclarations d'une autre personne. La seule prise en considération, au stade du jugement, de telles déclarations n'est pas en soi arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.2.2). Le témoin par ouï-dire n'est toutefois témoin direct que de la communication que lui a faite le tiers ; il n'est témoin qu'indirect des faits décrits, dont il ne peut rapporter que ce qui lui en a été dit mais non si cela était vrai (ATF
148 I 295 consid. 2.4).

2.2.1. Se rend coupable de menaces au sens de l'art. 180 al. 1 CP, quiconque aura alarmé ou effrayé une personne par une menace grave.

2.2.2. Sur le plan objectif, l'art. 180 al. 1 CP suppose la réalisation de deux conditions. Premièrement, il faut que l'auteur ait émis une menace grave, soit une menace objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. On tient compte de la réaction qu'aurait une personne raisonnable, dotée d'une résistance psychologique plus ou moins normale, face à une situation identique (ATF 122 IV 97 consid. 2b ; ATF 99 IV 212 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_578/2016 du 19 août 2016 consid. 2.1). L'exigence d'une menace grave doit conduire à exclure la punissabilité lorsque le préjudice évoqué apparaît objectivement d'une importance trop limitée pour justifier la répression pénale. En second lieu, il faut que la victime ait été effectivement alarmée ou effrayée, peu importe que les menaces lui aient été rapportées de manière indirecte par un tiers. Elle doit craindre que le préjudice annoncé se réalise. L'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (arrêts du Tribunal fédéral 6B_578/2016 du 19 août 2016 consid. 2.1 ; 6B_871/2014 du 24 août 2015 consid. 2.2.2 ; 6B_820/2011 du 5 mars 2012 consid. 3).

2.3.1. À teneur de l'art. 181 CP, sera reconnu coupable de contrainte quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

2.3.2. La menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b ; 106 IV 125 consid. 2a) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace. La loi exige un dommage sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l'auteur soit propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action. La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, en se plaçant du point de vue d'une personne de sensibilité moyenne (ATF 122 IV 322 consid. 1a ; 120 IV 17 consid. 2a/aa).

Sur le plan subjectif, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement, c'est-à-dire qu'il ait voulu contraindre la victime à adopter le comportement visé en étant conscient de l'illicéité de son propre comportement ; le dol éventuel suffit (ATF 120 IV 17 consid. 2c).

2.4. Se rend coupable de séquestration et enlèvement au sens de l'art. 183 ch. 1 al. 1 CP, quiconque, sans droit, arrête une personne, la retient prisonnière, ou, de toute autre manière, la prive de sa liberté.

2.5.1. Selon l'art. 187 ch. 1 CP, se rend coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants quiconque commet un acte d’ordre sexuel sur un enfant de moins de 16 ans, entraîne un enfant de cet âge à commettre un acte d’ordre sexuel, ou mêle un enfant de cet âge à un tel acte.

2.5.2. Constitue un acte d'ordre sexuel, une activité corporelle sur soi-même ou sur autrui qui tend à l'excitation ou à la jouissance sexuelle de l'un des participants au moins (arrêts du Tribunal fédéral 6B_732/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3.1.3 ; 6B_180/2018 du 12 juin 2018 consid. 3.1). La notion d'acte d'ordre sexuel doit être interprétée plus largement lorsque la victime est un enfant. Dans ce cas, il faut se demander si l'acte, qui doit revêtir un caractère sexuel indiscutable, est de nature à perturber l'enfant (arrêt du Tribunal fédéral 6B_935/2020 du 25 février 2021 consid. 3.1 et les arrêts cités ; cf. également ATF 125 IV 58 consid. 3b). Selon la doctrine, un baiser sur la bouche ou une tape sur les fesses sont des actes insignifiants. En revanche, un baiser lingual ou des baisers insistants sur la bouche (ATF 125 IV 62 consid. 3b) revêtent indiscutablement un caractère sexuel. Une caresse insistante du sexe, des fesses ou des seins, même par-dessus les habits, constitue un acte d'ordre sexuel (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1019/2018 du 2 novembre 2018 consid. 3.3 ; 6B_35/2017 du 26 février 2018 consid. 4.2).

2.6.1. Depuis le 1er juillet 2024, l'existence d'une contrainte n'est plus un élément constitutif des infractions de contrainte sexuelle et de viol, mais uniquement de leur formes qualifiées (cf. art. 189 al. 2 et 190 al. 2 CP), si bien qu'il n'existe pas de situation où le nouveau droit est plus favorable à un accusé que l'ancien. Partant, ces dispositions restent applicables, dans leur teneur au 30 juin 2024, à tous les comportements réalisés jusqu'à cette date.

2.6.2. Aux termes de l'art. 189 al. 1 aCP, quiconque, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, l'a contrainte à subir un acte d'ordre sexuel, se rend coupable de contrainte sexuelle. Selon l'art. 190 al. 1 aCP, est punissable du chef de viol quiconque contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister.

Si l'auteur a agi avec cruauté, notamment s'il a fait usage d'une arme dangereuse ou d'un autre objet dangereux, la peine privative de liberté sera de trois ans au moins (art. 189 al. 2 et 190 al. 3 aCP).

2.6.3. L'infraction de viol (art. 190 aCP) est une version spéciale de l'infraction de contrainte sexuelle de l'art. 189 CP (ATF 124 IV 154 consid. 3a ; 122 IV 97 consid. 2a ; 119 IV 309 consid. 7b), en ce sens qu'il s'agit d'une forme plus grave car elle implique une pénétration du corps d'autrui (en ce sens : ATF 148 IV 234 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_482/2022 du 4 mai 2022 consid. 5.1). Pour le surplus, la jurisprudence applicable à l'infraction de contrainte sexuelle est applicable.

2.6.4. Ces deux infractions sont des délits de violence, qui supposent en règle générale une agression physique. En introduisant la notion de "pressions psychiques", le législateur a toutefois voulu viser également les cas où la victime se trouve dans une situation sans espoir, sans pour autant que l'auteur ait recouru à la force physique ou à la violence. Il peut ainsi suffire que, pour d'autres raisons, la victime se soit trouvée dans une situation telle que sa soumission est compréhensible eu égard aux circonstances.

En cas de pressions d'ordre psychique, il n'est pas nécessaire que la victime ait été mise hors d'état de résister (ATF 124 IV 154 consid. 3b). La pression exercée doit néanmoins revêtir une intensité particulière, comparable à celle d'un acte de violence ou d'une menace (ATF 133 IV 49 consid. 6.2). Pour déterminer si on se trouve en présence d'une contrainte sexuelle, il faut procéder à une appréciation globale des circonstances concrètes déterminantes. L'infériorité cognitive ainsi que la dépendance émotionnelle et sociale peuvent, particulièrement chez les enfants et les adolescents, induire une énorme pression qui les rend incapables de s'opposer à des atteintes de nature sexuelle (ATF 131 IV 167 consid. 3.1 ; 131 IV 107 consid. 2.2).

Un auteur se trouvant dans le proche entourage social d'un enfant peut aussi, sans utilisation active de la contrainte ou de la menace de désavantages, exercer sur lui une pression et ainsi réaliser des infractions de contrainte sexuelle. Est déterminante la question de savoir si l'enfant – compte tenu de son âge, de sa situation familiale et sociale, de la proximité de l'auteur, de la fonction de ce dernier dans sa vie, de sa confiance en l'auteur et de la manière dont sont commis les actes d'ordre sexuel – peut, de manière autonome, s'opposer aux abus. Plus la personne de référence est proche de l'enfant et plus celui-ci est jeune, moins les exigences en matière de pressions psychiques sont élevées (ATF 146 IV 153 consid. 3.5.3 ss).

2.6.5. Agit avec cruauté celui qui inflige des souffrances physiques ou psychiques considérables à sa victime, du fait de l'intensité de son comportement, de sa durée ou de sa répétition, de manière insensible, impitoyable, notamment lorsque celles-ci étaient inutiles à la réalisation de son plan ou que l'auteur y prend plaisir. La capacité de résistance de la victime concrète est un élément à prendre en considération ; un enfant est par exemple plus sensible à un traitement brutal qu'un adulte dans la force de l'âge (ATF 119 IV 49 consid. 3d ; 106 IV 363 consid. 4d et 4f ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1127/2019 du 20 janvier 2020 consid. 2.1 ; 6B_988/2013 du 5 mai 2014 consid. 1.3.3).

Pour dire si l'auteur a agi avec cruauté, il faut porter une appréciation sur le comportement qu'il a voulu, et non pas sur ce que la victime a ressenti en fonction de ses circonstances personnelles particulières (cf. ATF 119 IV 49 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1127/2019 du 20 janvier 2020 consid. 2.1).

La circonstance aggravante de la cruauté a ainsi notamment été retenue dans les cas suivants :

-        un père ayant, à deux reprises, administré de l'éther à sa fille de 13 ans, victime objectivement particulièrement vulnérable, pour lui faire subir des actes de contrainte sexuelle. La brutalité induite par le surdosage d'éther provoquant de forts vomissements et un état de mal-être persistant plusieurs heures relevaient de la cruauté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1127/2019 du 20 janvier 2020 consid. 2.2) ;

-        un père ayant façonné sa fille de manière à ce qu'elle devienne son objet sexuel. La cruauté était donnée essentiellement parce qu'il avait brisé sa personnalité et complètement sacrifié la jeunesse de sa fille et ses perspectives de développement personnel pour faire d'elle un objet lui permettant d'assouvir ses pulsions sexuelles ; pendant de nombreuses années, il s'était servi d'elle à cette fin en lui faisant subir un nombre incalculable d'actes abjects (arrêt du Tribunal fédéral 6P.197/2006 du 23 mars 2007 consid. 8.2) ;

-        un père ayant imposé à sa fille de 16 ans des relations sexuelles quotidiennes de diverses natures, jusqu'à trois fois par jour durant 13 ans (arrêt du Tribunal fédéral 6S.198/2001 du 5 avril 2001 consid. 2).

2.6.6. Sur le plan subjectif, la contrainte sexuelle [et le viol] est une infraction intentionnelle ; l'auteur doit savoir que la victime n'est pas consentante ou en accepter l'éventualité (ATF 148 IV 234 consid. 3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_924/2022 du 13 juillet 2023 consid. 2.2.2 ; 6B_808/2022 du 8 mai 2023 consid. 3.2 ; 6B_803/2021 du 22 mars 2023 consid. 7.1.1). L'élément subjectif est réalisé lorsque la victime donne des signes de son opposition, reconnaissables pour l'auteur, tels que des demandes d'être laissée tranquille, le fait de se débattre ou d'essayer de fuir (ATF 148 IV 234 consid. 3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_924/2022 du 13 juillet 2023 consid. 2.2.2 ; 6B_808/2022 du 8 mai 2023 consid. 3.2) ou, s'agissant d'un jeune enfant, qu'une telle opposition n'apparaisse objectivement pas exigible (ATF 146 IV 153 consid. 3.5.6).

2.7. À teneur de l'art. 213 al. 1 CP, l'acte sexuel entre ascendants et descendants, constitutif d'inceste, est punissable. Est visé par cette disposition l'acte sexuel au sens strict, défini comme l’union naturelle des organes génitaux masculins et féminins​, peu importe que la pénétration soit partielle​ et qu’il y ait ou non éjaculation​ (ATF 77 IV 169 consid. 1 ; 123 IV 49 consid. 2 ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], Commentaire romand : Code pénal II, art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 11 ad art. 213).

Faits qualifiés d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle, de viol et d'inceste

2.8.1. Les premières révélations ayant donné lieu à l'ouverture de la présente procédure ont été faites de manière parfaitement spontanée par F______ auprès de deux éducatrices de sa crèche. L'on comprend d'abord que le petit garçon a désigné le pénis par le terme "prince", l'appelant lui-même ainsi que son épouse ayant d'ailleurs confirmé qu'il s'agissait de l'expression employée par le garçonnet. Pour le reste, ses propos sont clairs et sans équivoque : il a expliqué que son papa avait "un grand prince" – un grand pénis – qu'il mettait dans la bouche de E______ et dans la sienne ainsi que, "des fois", "dans [son] bidon". Il s'agit sans aucun doute possible de la description d'actes de fellation.

Le lendemain de ces déclarations, E______ et F______ ont été emmenés dans les locaux de la police. Durant ce trajet déjà, E______ a spontanément évoqué le "secret" qu'elle avait avec son papa, dont sa maman n'était pas au courant. La mention de cet élément dans le véhicule, alors qu'aucun adulte n'avait vraisemblablement encore évoqué les accusations de F______ avec elle, démontre déjà que E______ avait conscience que cette intervention pouvait avoir un lien avec ce "secret". Lors de sa première audition EVIG, menée dans la foulée, la fillette a, à nouveau et à plusieurs reprises, mentionné l'existence de ce "secret sans mot" que son papa ne faisait qu'avec elle lorsque sa maman n'était pas là même s'il n'avait pas le droit de le faire car il devait attendre qu'elle soit plus grande. Si cette description ne suffisait déjà pas à en déduire que le "secret" en question concernait des actes de nature sexuelle, il peut également être relevé que lorsqu'elle a été interrogée par l'inspectrice sur les parties de son corps, E______ a spontanément et uniquement évoqué des "parties intimes", ce qui a conduit l'expert chargé d'examiner sa crédibilité à conclure que le "secret" était lié à cette partie de son anatomie. E______ s'est en outre montrée particulièrement préoccupée, voire paniquée, à l'idée que ce "secret" puisse être dévoilé, allant jusqu'à se mettre à pleurer et à menacer l'inspectrice de mettre un terme à l'audition, attitude qui n'est pas celle d'une fillette en recherche d'attention comme le soutient l'appelant. Pareille réaction ne peut s'expliquer que par la gravité des faits visés. En dépit de son jeune âge, E______ n'aurait pas réagi de la sorte s'il s'agissait d'un simple secret en lien avec une bêtise d'enfant ou pour cacher qu'elle serait allée manger une glace sans son frère.

Lors de sa première audition EVIG, F______ a répété les accusations formulées à la crèche. S'il a certes raconté des choses étranges, voire fantasmées, comme par exemple lorsqu'il a affirmé que sa sœur était partie à l'étranger ou qu'elle était morte, et qu'il est peu aisé de saisir la signification exacte de certains de ses propos, comme par exemple lorsqu'il a expliqué que son papa avait mis son "prince" "dans son bidon" et avait fait "un coup" ou "un trou", ces imprécisions sont toutefois inhérentes au très jeune âge de F______, comme l'a d'ailleurs relevé l'expert psychiatre. Elles ne viennent pas amoindrir la crédibilité du reste de son audition, le petit garçon ayant évoqué, pour la seconde fois, des actes de fellation commis par son papa sur lui-même et sur sa sœur. Il a également déclaré que son papa avait mis son "prince" sur son "bidon", ce qui sera évoqué par E______ de manière plus précise par la suite. Il apparaît peu vraisemblable qu'un si jeune enfant, bien que confronté à des images pornographiques à plusieurs reprises, puisse accuser à tort son propre père d'agissements de cette nature, dont il ne saisissait par ailleurs pas la gravité pour avoir déclaré qu'il avait bien aimé cela. L'évocation, par F______, d'éléments périphériques à son récit – par exemple : le "prince" de son papa l'avait rendu malade car il était sale – coïncide avec la nature des actes qu'il dénonce et renforce ainsi sa crédibilité, de même que le fait qu'il a rétorqué à plusieurs reprises à l'inspectrice qu'il ne pouvait répondre à ses questions car il ne "savait pas". Comme pour sa sœur, il ne s'agit pas du comportement qu'un enfant en recherche de validation de l'adulte adopterait.

À ce stade, les enfants ont fait leurs déclarations séparément, sans que rien ne puisse permettre de retenir qu'ils auraient échangé au préalable à ce propos et se seraient, de la sorte "auto-influencés". Ils apparaissent ainsi déjà plutôt crédibles dans leurs révélations.

2.8.2. Après ces premières auditions, E______ et F______ ont été séparés de leurs parents et placés en foyer. Dans ce contexte, il se sont, au fil du temps, ouverts auprès de plusieurs intervenants présents dans leur quotidien (éducateurs et maîtresses d'école).

E______ a commencé par évoquer les agissements reprochés à l'appelant avec une éducatrice très rapidement après son arrivée au foyer, auprès de son éducatrice référente en racontant non seulement qu'elle avait souvent "mangé le zizi" de son papa, confirmant de la sorte d'emblée les accusations de F______, mais également que son père aimait rapprocher son "prince" de sa vulve et qu'il arrivait qu'il mette une protection sur son lit pour s'amuser à faire pipi. Les actes d'urophilie ont ainsi très vite été évoqués, avant d'être à nouveau mentionnés de nombreuses fois par la fillette. Les confidences de E______ se sont accompagnées d'éléments qui viennent fortement renforcer sa crédibilité. Elle a en effet mimé, à plusieurs reprises, les actes de fellation et masturbation, a comparé la texture d'un ballon rempli de farine au pénis de son papa et a mentionné l'utilisation par ce dernier d'une "protection" sur le lit lors des actes d'urophilie. Si un doute pourrait éventuellement demeurer quant au fait que E______ a pu être capable de mimer la masturbation et la fellation en raison de sa confrontation aux films pornographiques, cette explication ne s'applique dans tous les cas pas pour les autres détails, beaucoup trop spécifiques pour avoir été inventés par une enfant âgée de presque six ans.

Il en a été de même s'agissant des pénétrations péniennes dont elle a affirmé avoir été victime, élément révélé à sa référente une dizaine de jours après son arrivée au foyer. Bien que E______ n'a fait état de tels actes qu'à deux reprises, elle a cependant systématiquement fourni des éléments de détail trop particuliers pour sortir de l'imagination d'une si jeune enfant, à savoir que son père lui avait dit que s'il rentrait son "prince" tout entier dans son "truc", ça allait piquer et qu'elle allait "en redemander tout le temps", que le "zizi" de son papa n'arrivait pas à entrer entièrement car son vagin était "trop petit", que cela lui avait fait mal et l'avait ensuite brûlée lorsqu'elle était allée aux toilettes. Les explications de l'appelant en lien avec ces accusations sont peu crédibles et ne convainquent pas. Même à considérer qu'il aurait effectivement dit à sa petite fille de quatre ou cinq ans qu'elle risquait d'avoir mal lors de son premier rapport sexuel, ce qui, bien qu'apparaissant parfaitement inadapté et improbable, coïncide en effet avec les constatations de l'experte psychiatre sur sa vision des enfants vis-à-vis de la sexualité, ne permet pas encore d'expliquer les autres détails fournis par E______. Il ne ressort en effet pas du dossier que l'appelant aurait évoqué avec elle le fait que son vagin serait trop petit pour accueillir le pénis d'un homme ou qu'un tel acte aurait pour conséquence de la brûler lorsqu'elle irait aux toilettes.

E______ a évoqué la cave en lien avec des actes de fellation auprès de son éducatrice référente alors qu'elle n'avait pas connaissance de la teneur de l'audition EVIG de son frère et que cet élément n'avait pas été mentionné auparavant lors de leurs échanges communs avec les intervenants. Le fait que F______ évoque d'emblée précisément la cave dans son audition EVIG comme lieu où des actes sont intervenus interpelle. Même si E______ et F______ ont pu échanger en foyer, cela ne permet pas de retenir une entente entre eux pour des faits ne correspondant pas à la réalité, vu ce lieu spécifique. En outre, E______ a évoqué que, pour elle, cela intervenait lorsque F______ partait avec sa mère, ce qui est une circonstance précise. S'ajoute encore à cela que, contrairement à ce que soutient l'appelant, bien que cette cave soit en effet petite et encombrée par des denrées et des objets, il apparaît qu'il était possible qu'un adulte y entre (un pas à l'intérieur) accompagné d'un enfant en bas âge. Il est donc retenu que des actes sexuels sont bien intervenus en ce lieu.

Compte tenu des circonstances particulières dans lesquelles le dévoilement s'est déroulé – confrontation soudaine d'une jeune enfant âgée d'un peu moins de six ans à une inspectrice de police inconnue, séparation brutale d'avec les parents et placement en foyer – son caractère progressif ne vient pas entacher la crédibilité de E______. Il n'apparaît pas étonnant que la fillette ait refusé de se livrer lors de sa première audition EVIG ainsi que lors de son examen par les experts du CURML, avant de s'ouvrir réellement, un mois après ces événements traumatisants, libérée de l'emprise de son père, auprès de son éducatrice référente avec laquelle elle avait eu le temps de tisser un lien de confiance. Elle a ensuite évoqué les faits avec d'autres professionnels présents dans son quotidien au foyer ou à l'école avec lesquels elle pouvait se sentir en sécurité.

2.8.3. F______ s'est quant à lui beaucoup moins exprimé durant les six premiers mois de placement, ce qui peut s'expliquer par son très jeune âge et par son incompréhension vis-à-vis de la situation.

Sans s'exprimer réellement, F______ a d'abord validé les déclarations faites par sa sœur en sa présence en lien avec les actes d'urophilie, affirmant que ce que décrivait E______ lui était également arrivé. Avant cela, il n'avait jamais mentionné de tels actes, si bien que la question de l'influence potentielle des propos tenus par E______ peut se poser. Il a toutefois par la suite, après six mois de placement, répété plusieurs fois que son papa lui avait "fait pipi dessus", notamment lors de sa seconde audition EVIG, en fournissant certains détails comme le fait qu'ils s'étaient "amusés" à faire pipi dans la bouche de E______ mais que c'était trop dur et qu'il l'avait donc fait sur sa tête, ou encore que son papa avait uriné sur sa propre tête et que c'était "tout chaud", ce qu'il a dit en touchant sa tête avec un air de dégoût. De tels propos et détails périphériques, évoqués par un petit garçon de trois ans, interpellent et conduisent à considérer que le petit garçon n'a pu qu'être victime de tels actes. Ce constat doit toutefois être nuancé en ce sens que E______ n'a jamais raconté que son papa lui avait fait pipi dans la bouche, alors même qu'il s'agit d'un acte particulièrement choquant et marquant et que F______ n'a fait mention de cela que tardivement. Si la Cour tient dès lors pour établi que l'appelant a uriné sur ses enfants, il demeure un doute trop important pour retenir avec suffisamment de certitude qu'il l'a fait dans leur bouche.

Le silence de F______ face aux experts du CURML n'étonne pas et ne renverse pas ce qui précède. Cet entretien a en effet été mené dans une situation impressionnante pour un très jeune enfant, alors qu'il venait de vivre le choc du retrait de son foyer familial et qu'il s'est retrouvé face à des personnes et dans un lieu inconnus, questionné et photographié pour les besoins du constat médical. Ignorant les raisons de sa présence à l'hôpital, il n'avait aucune raison de parler spontanément des faits évoqués à la crèche et lors de son audition EVIG. Dans ces circonstances, l'absence d'accusations lors de cet entretien ne vient pas entacher sa crédibilité.

2.8.4. L'appelant soutient que E______ et F______ auraient été influencés par l'approbation et le soutien témoignés à leur égard par les adultes. Or, s'agissant d'abord des premières accusations des enfants, tant les éducatrices de F______, formées au recueil de la parole de l'enfant, que la police lors du transport en voiture, se sont gardés de réagir, notamment en demandant des détails. Au moment de leurs auditions EVIG, E______ et F______ n'avaient dès lors subi aucune influence, le refus catégorique de E______ d'en dire plus sur son "secret" allant par ailleurs dans le sens d'une absence de volonté de satisfaire les attentes de l'adulte comme déjà relevé supra.

Bien que certains intervenants n'étaient pas préparés à recevoir de telles confidences, aucune des réactions mentionnées n'apparaît problématique. S'il est exact qu'il a pu arriver à E______ et F______ de dire que leur papa avait fait des choses "graves" ou "interdites par la loi", propos qui apparaissent en effet repris des réactions des adultes visant à les rassurer, il ne ressort pas du dossier que ces derniers, et la manière dont ils ont recueilli leur parole, auraient contribué à encourager les enfants à accuser davantage leur père pour attirer l'attention comme il le soutient. Ces diverses confidences ont d'une part eu lieu alors que E______ et F______ avaient déjà évoqué de manière claire, à la crèche, dans la voiture et lors de leurs premières auditions EVIG, la commission, par leur père, d'abus sexuels. Les intervenants étaient tous neutres et conscients de la nature délicate de la situation qui commandait une certaine retenue de leur part. Ils n'ont jamais posé des questions dirigées à E______ et F______ pour en savoir plus, bien au contraire.

Contrairement à ce que l'appelant plaide, l'attitude de E______ et F______ lors de leur seconde audition EVIG n'avait manifestement pas non plus pour but d'obtenir une validation de l'adulte. D'une part, ils connaissaient tous deux la raison de leur présence pour avoir déjà été interrogés dans les mêmes locaux et par la même inspectrice en début de procédure et avaient soit déjà mentionné les abus auparavant, soit y avaient implicitement fait référence (cf. aspect sexuel du "secret" selon les premières déclarations de E______). D'autre part, leur comportement témoigne du malaise que leur inspire leur audition ; ils l'ont manifesté de manière claire. E______ a par ailleurs refusé de répondre à certaines questions en lien avec les faits, tandis que F______ a dit à plusieurs reprises qu'il n'était pas en mesure de le faire.

Les enfants n'avaient par ailleurs aucun intérêt à accuser faussement leur papa, compte tenu des conséquences de l'ouverture de la procédure. E______, qui s'est à plusieurs reprises exprimée sur la tristesse que lui inspirait cette situation et qui a été passablement affectée par le placement, a très vite saisi le poids de ses accusations et savait que les intervenants auxquels elle se confiait étaient susceptibles de rapporter ses paroles aux autorités compétentes. Lorsqu'elle en a été informée par l'une de ses éducatrices, elle a eu l'air soulagée et cela ne l'a pas empêchée de persister à se confier durant plusieurs mois sur les faits reprochés à l'appelant. Les deux enfants ont également continué à s'ouvrir aux adultes après avoir été confrontés à l'absence de réaction de certains d'entre eux, ce qui, à suivre la théorie de l'appelant, aurait au contraire dû les dissuader de continuer à tenir ce genre de propos.

2.8.5. L'expertise de crédibilité, qui achève de soutenir les révélations des enfants, ne prête pas le flanc à la critique. Elle a été réalisée en application de la méthode SVA validée par le Tribunal fédéral s'agissant d'enfants de moins de six ans (arrêt du Tribunal fédéral 6B_288/2017 du 19 janvier 2018 consid. 2.3). L'expert psychiatre a encore précisé ses résultats lors d'une audition par-devant le MP, ce qui a permis aux parties de poser toutes les questions jugées utiles à la compréhension des expertises. L'on ne voit pas pourquoi l'expert aurait dû renoncer à s'exprimer sur les déclarations faites par E______ lors de sa première audition EVIG. Contrairement à ce que soutient l'appelant et comme déjà examiné supra, elle évoque bien, certes indirectement, des abus sexuels.

2.8.6. Bien que constantes, les dénégations de l'appelant font peu de poids face aux confidences crédibles de ses enfants. Certaines de ses explications apparaissent en outre de circonstances, comme celles qu'il a fournies pour expliquer les propos de E______ en lien avec les douleurs ressenties après l'acte sexuel. Face aux déclarations des enfants s'agissant des actes d'urophilie et en dépit des éléments retrouvés sur son ordinateur, il a également nié tout intérêt pour ce type de pratique jusqu'en 2023, lorsqu'il s'en est ouvert auprès de sa psychologue et de l'expert psychiatre, lequel a retenu ce diagnostic, ce qui renforce la crédibilité des enfants sur de tels actes. Il a également menti, notamment lorsqu'il a affirmé que son épouse était au courant que les enfants l'avaient surpris devant son ordinateur. En réalité, au-delà de justifier les accusations précises de ses enfants par le fait qu'il a été surpris en train de regarder des films pornographiques comportant des actes sexuels tels qu'ils les ont rapportés, qu'ils l'ont vu nu ou un prétendu besoin d'attention, l'appelant ne fournit aucune explication crédible de nature à expliquer des détails présents dans leurs récits.

2.8.7. Les résultats des analyses ADN réalisées sur des objets saisis dans la cave et dans la chambre des enfants plaident a priori en faveur de l'appelant, puisqu'ils sont trop peu concluants pour établir avec certitude la présence de liquide séminal. Cela étant, il peut déjà être relevé que la présence de sperme implique la survenance d'une éjaculation dont il n'a jamais été fait mention par les enfants. Les échantillons testés ont par ailleurs été prélevés dans une pièce, la chambre des enfants, où les actes reprochés ne semblent pas s'être déroulés à teneur de leurs déclarations. Aucun objet n'a été saisi dans la chambre des parents, où les actes d'urophilie ont manifestement eu lieu. Rien n'indique en outre que l'appelant aurait éjaculé lors des actes reprochés. D'autre part, bien que l'appartement se trouvait dans un certain état d'insalubrité, les vêtements et les draps ont pu être lavés, étant relevé qu'aucun intervenant (pédiatre, éducatrice) n'a indiqué avoir remarqué un manque d'hygiène chez les enfants. Partant, ces résultats ne signifient pas que l'appelant ne s'est pas rendu coupable des faits qu'il conteste et ce moyen de preuve négatif n'est pas suffisant pour renverser la crédibilité des enfants.

2.8.8. L'absence de fichiers pédopornographiques dans le matériel informatique de l'appelant constitue un élément neutre qui ne permet pas, à lui seul, de le disculper. C'est d'autant plus le cas que, comme l'a relevé la police spécialisée chargée de l'analyse dudit matériel, il exerçait le métier d'informaticien et savait dissimuler son activité sur le net, ce qui est soutenu par le fait que très peu de fichiers et recherches aient été retrouvés sur son ordinateur alors même qu'il a soutenu durant toute la procédure regarder très régulièrement des films pornographiques, à tout le moins suffisamment souvent pour que ses enfants le surprennent à de très nombreuses reprises.

2.8.9. Il en va de même de l'absence de lésions susceptibles d'avoir été causées par des abus et/ou des maltraitances sur les enfants, qui ne permet pas non plus d'écarter la culpabilité de l'appelant compte tenu de la nature des faits reprochés, étant par ailleurs observé qu'il est notoire que dans ce type d'affaire les victimes ne présentent pas de lésions.

2.8.10. L'ignorance dans laquelle se trouvait la mère des enfants n'est pas non plus de nature à disculper l'appelant.

D'une part, E______ et F______ ont toujours expliqué que les actes sexuels avaient lieu en l'absence de leur maman, soit à la cave, soit dans la chambre parentale. Contrairement à ce que soutient l'appelant, il n'est à cet égard pas impossible qu'il lui soit arrivé de mettre un terme aux abus à l'arrivée de son épouse dans l'appartement sans que cette dernière ne le surprenne. Même si l'entrée se trouvait face à la chambre des parents, sa porte pouvait être entrouverte, voire fermée. S'ajoute à cela que E______ avait été convenue de cacher à tout prix le "secret", en particulier vis-à-vis de sa maman, et qu'il arrivait à F______, du haut de ses trois ans et dans le cadre de conversations parfois décousues, de raconter des histoires en lien avec le pipi ou le caca notamment, ce qui réduisait le risque pour l'appelant que son épouse ne réagisse face à des déclarations de cette teneur.

C______ a confirmé qu'il arrivait à l'appelant de rester seul avec les enfants lorsqu'elle sortait faire les courses, de même que de descendre à la cave avec eux pour aller chercher de la nourriture, ce qui coïncide avec leurs déclarations, même si elle s'est montrée fluctuante dans ses premières déclarations à la police, en particulier s'agissant de la cave et de la consommation de contenu pornographique de son mari.

2.8.11. Le fait que la pédiatre des enfants, l'éducatrice de crèche ou la marraine "de cœur" de F______ n'aient jamais rien constaté de particulier n'est pas non plus étonnant. Il est en effet peu fréquent que des enfants victimes de ce genre d'abus dans les circonstances telles que celles de l'espèce se confient à des tiers compte tenu de l'ascendant psychologique que le parent auteur exerce sur eux. L'on voit en l'espèce bien que E______ était prête à tout pour protéger son "secret", tandis que F______, qui a initié le dévoilement, ne saisissait pas entièrement la portée des actes qu'il subissait.

2.8.12. Les déclarations des enfants E______/F______ ne permettent pas d'établir le nombre d'occurrences exact. Il ressort toutefois de leurs confidences que l'appelant a agi à plusieurs reprises pour chacun des types d'actes tenus pour établis. En particulier s'agissant des dernières déclarations de F______ lors de sa seconde audition EVIG, que l'appelant évoque pour soutenir que le petit garçon se serait contredit, il sera relevé que si F______ affirme en effet d'abord que son papa n'a uriné sur lui qu'à une seule reprise, il explique également, peu après, que lorsque cela était survenu, sa maman était "arrivée trop tard", si bien que son papa l'avait refait encore une fois.

Si la Cour tient dès lors pour établi que l'appelant a agi à plusieurs reprises pour chacun des types d'actes reprochés, il est délicat d'établir une période pénale précise, les déclarations des enfants ne fournissant pas d'indication à cet égard.

2.8.13. Compte tenu de tout ce qui précède, la Cour a en définitive acquis la conviction que l'appelant a, à plusieurs reprises, contraint ses enfants à lui prodiguer des fellations, a mis son sexe sur eux, a uriné sur eux, a contraint E______ à lui malaxer le pénis et l'a partiellement pénétrée vaginalement à plusieurs reprises avec celui-ci.

E______ et F______, particulièrement jeunes au moment des faits, n'étaient pas en capacité de s'opposer aux abus commis par leur propre père, figure de référence en qui ils plaçaient toute leur confiance. La panique de E______ en lien avec la révélation du "secret", encore présente de nombreux mois après l'interpellation de l'appelant, témoigne de l'ampleur de l'emprise qu'il exerçait sur ses enfants et dont il a usé avec conscience et volonté, profitant de la maturité un plus avancée de E______ pour accroitre la pression sur elle.

Les actes tenus pour établis remplissent dès lors les conditions objectives et subjectives des infractions d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle, de viol et d'inceste. La culpabilité de l'appelant de ces chefs sera, partant, confirmée et son appel rejeté sur ces points.

2.9. Contrairement à ce que soutient le MP, les circonstances du cas d'espèce ne remplissent pas les conditions de l'aggravante de la cruauté, à défaut d'atteindre le seuil d'intensité fixé par la jurisprudence. Bien que l'appelant ait agi à plusieurs reprises, il ne peut être établi qu'il aurait, par exemple, utilisé ses enfants comme de véritables objets sexuels en les contraignant quotidiennement à subir des abus. Les actes auxquels il s'est livré sur eux sont certes particulièrement graves, odieux et, de par nature, "cruels" mais il ne ressort pas du dossier que l'appelant aurait volontairement dépassé ce qui était "nécessaire" pour assouvir ses pulsions sexuelles. Dans son esprit, les actes urophiles ne constituaient pas quelque chose de particulièrement humiliant. Il s'agissait de pratiques sexuelles qu'il appréciait et auxquelles il s'adonnait, si bien que, quand bien même il s'agit d'actes particulièrement choquants, il ne peut être retenu que l'appelant a uriné sur ses enfants par sadisme comme le soutient le MP.

Partant, l'appel joint du MP sur cette question sera rejeté, et le jugement entrepris confirmé à ce titre.

Faits qualifiés de séquestration et enlèvement, de contrainte et de menaces

2.10. E______ s'est d'emblée, dès sa première audition EVIG, montrée particulièrement effrayée à l'idée que le "secret" qu'elle avait avec son papa soit révélé, en particulier à sa maman, indiquant à plusieurs reprises que si cela arrivait, son papa se ferait "gronder" par cette dernière, ce qu'elle ne souhaitait pas. En juin 2022, trois mois après son placement en foyer, elle a déclaré pour la première et unique fois qu'elle avait l'interdiction de parler du "secret" au risque de subir une punition, ce dont elle avait peur. Après cela, les confidences rapportées par les divers intervenants du foyer n'ont plus jamais porté sur la question des punitions et ce n'est qu'en janvier 2023 que E______ a commencé à évoquer la "chambre noire" dans laquelle elle et son frère auraient été enfermés par leur père et le fait que ce dernier l'aurait menacée de la tuer.

Si la fillette a certes fourni certains détails périphériques sur cette pièce, comme le fait qu'elle sentait très mauvais et que la lumière était contrôlée par le téléphone de son papa, ce qui correspond d'ailleurs à la réalité du logement, la tardiveté de ces déclarations et l'absence de récit dans ce sens de la part de F______ ne permettent pas d'atteindre un degré suffisant de certitude quant à la survenance de ces punitions et des menaces de mort, qui ne peuvent dès lors être tenues pour établies.

Les simples menaces de punition ou de voir leur maman se fâcher contre leur papa, bien que suffisamment effrayantes pour de jeunes enfants, ne remplissent pas les conditions des infractions de menaces ou de contrainte en terme d'intensité.

À teneur de ce qui précède, l'appel joint du MP sera rejeté sur ces questions également et les acquittements de l'appelant des chefs de menaces, contrainte et séquestration et enlèvement confirmés.

3. 3.1. L'infraction d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP) est sanctionnée par une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire, la contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 aCP) l'est d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire, le viol (art. 190 al. 1 aCP) d'une peine privative de liberté d'un à dix ans, tandis que les infractions de pornographie (art. 197 al. 1 CP), d'inceste (art. 213 al. 1 CP) et de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 al. 1 CP) le sont d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. L'exhibitionnisme est quant à lui sanctionné, sur plainte, d'une peine pécuniaire (art. 194 al. 1 CP).

3.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.2.2. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

Lorsque les peines envisagées concrètement sont de même genre, l'art. 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement – d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner – la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.2).

3.3.1. La faute de l'appelant est très lourde. Il a abusé sexuellement de ses propres enfants à plusieurs reprises en leur faisant subir des actes particulièrement traumatisants, profitant de leur jeune âge, de leur vulnérabilité ainsi que de l’ascendant dont il jouissait sur eux en tant que père. Il les a également confrontés à des films pornographiques tout en admettant s'être laissé voir en train de se masturber de nombreuses fois, sans jamais réagir pour éviter qu'une telle situation ne se représente, et a fait vivre ses enfants dans un logement insalubre. Il a de la sorte porté atteinte à leur intégrité psychique et sexuelle ainsi qu'à leur développement, sans aucun égard pour eux. Ses actes ont eu pour conséquence un bouleversement total de la vie de ses enfants, dont le développement est concrètement mis en danger. L’arrêt des abus est survenu en raison d’éléments extérieurs et non du fait d’une prise de conscience de l’appelant.

L'appelant a agi de manière parfaitement égoïste, ses actes ne visant qu’à assouvir ses pulsions sexuelles, au mépris le plus total de la sphère intime et de l’intégrité psychique de ses enfants.

La collaboration de l'appelant a été nuancée mais globalement plutôt mauvaise. Il a d'emblée admis l'infraction de violation du devoir d'assistance ou d'éducation et s'est certes lui-même dénoncé, ce qui doit être pris en compte, s'agissant de la pornographie et de l'exhibitionnisme, alors même que ses enfants n'en ont jamais parlé, mais c'est pour, aussitôt, en expliquer leurs révélations. Il a néanmoins persisté à nier fermement, jusqu'en appel, toutes les graves infractions à caractère sexuel reprochées, allant jusqu'à accuser ses enfants de mentir.

Il en va de même de la prise de conscience, laquelle est inexistante s'agissant des abus sexuels, que l'appelant nie tout en contestant le diagnostic de pédophilie posé par l'experte psychiatre. Il dit toutefois avoir saisi le caractère inadéquat de son comportement face à ses enfants en lien avec la pornographie ainsi que la problématique de l'insalubrité du logement.

La situation personnelle de l'appelant n'explique ni ne justifie ses actes.

L'absence d'antécédents constitue un facteur neutre pour la fixation de la peine.

3.3.2. Compte tenu de la gravité des infractions commises par l'appelant – à l'exception de l'exhibitionnisme qui est réprimé par une peine pécuniaire –, seul le prononcé d'une peine privative de liberté entre en ligne de compte.

L'infraction abstraitement la plus grave, soit le viol, commis à plusieurs reprises, commande à elle-seule le prononcé d'une peine privative de liberté de quatre ans. À cela doit s'ajouter une peine privative de liberté d'un an et demi pour les contraintes sexuelles (peine hypothétique de deux ans et demi), d'un an pour les actes d'ordre sexuel avec des enfants (peine hypothétique de deux ans), de six mois pour l'infraction d'inceste (peine hypothétique d'un an), six mois pour la pornographie (peine hypothétique d'un an) et six mois pour la violation du devoir d'assistance ou d'éducation (peine hypothétique d'un an). C'est ainsi une peine privative de liberté d'ensemble de huit ans qui sera prononcée, le premier jugement étant confirmé sur ce point.

3.3.3. La peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.- l'unité venant réprimer l'infraction d'exhibitionnisme, non contestée par l'appelant et par ailleurs conforme à sa faute et à sa situation financière, sera confirmée.

4. Compte tenu de la nature et de la gravité des faits dont l'appelant s'est rendu coupable, de la peine privative de liberté prononcée à son encontre mais également du risque de récidive s'agissant d'actes de même nature relevé par l'experte psychiatre, l'interdiction d'exercer toute activité professionnelle et non professionnelle organisée impliquant des contacts avec des mineurs sera maintenue (art. 67 al. 3 CP).

5. Les interdictions de contact et de périmètre (art. 67b al. 1 et 2 let. a, b et c CP), dont la suppression n'est au demeurant plaidée par l'appelant qu'en prolongement des acquittements requis, seront également confirmées. Bien qu'il se soumette de lui-même à un suivi psychothérapeutique ambulatoire tel que préconisé par l'experte psychiatre pour réduire son risque de récidive, qualifié de "moyen" par cette dernière, il ne peut qu'être constaté que cela ne suffit pas encore à l'amener à une prise de conscience s'agissant des abus sexuels commis sur ses enfants.

6. 6.1.1. En qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale (art. 122 al. 1 CPP), en particulier en réparation de son tort moral.

6.1.2. Aux termes de l'art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Les circonstances particulières évoquées dans la norme consistent dans l'importance de l'atteinte à la personnalité du lésé, l'art. 47 CO étant un cas d'application de l'art. 49 CO. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé. Parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l'application de l'art. 47 CO, figurent avant tout le genre et la gravité de la lésion, l'intensité et la durée des répercussions sur la personnalité de la personne concernée, le degré de la faute de l'auteur ainsi que l'éventuelle faute concomitante du lésé. À titre d'exemple, une longue période de souffrance et d'incapacité de travail, de même que les préjudices psychiques importants sont des éléments déterminants (ATF 141 III 97 consid. 11.2 ; 132 II 117 consid. 2.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_373/2007 du 8 janvier 2008 consid. 3.2, non publié in ATF 134 III 97 ; 6B_1066/2014 du 27 février 2014 consid. 6.1.2).

En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 130 III 699 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1066/2014 du 27 février 2014 consid. 6.1.2).

6.2. L'appelant ne conteste pas non plus le montant des indemnités allouées à ses enfants au-delà des acquittements plaidés. Il ne soutient en particulier pas qu'elles seraient trop élevées en rapport à l'importance de l'atteinte au psychisme et au développement de ses enfants.

Le montant de CHF 30'000.- alloué à chacun des enfants apparaît en l'espèce adéquat. Les actes dont ils ont été victimes, perpétrés par leur propre père, sont graves. Ils ont eu un impact manifeste sur leur psychisme et leur développement, puisque les professionnels en charge de leur suivi psychothérapeutique ont constaté qu'ils souffraient d'un réel traumatisme nécessitant un suivi régulier. E______, qui présente un syndrome de stress post traumatique, risque de développer un trouble de la personnalité sévère, tandis que les comportements et l'expression émotionnelle de F______ laissent penser à un mécanisme de défense contre un effondrement dépressif. S'il a certes été relevé que ces souffrances résultaient surtout de leur placement en foyer et du contexte familial, cette situation est en relation de causalité directe avec les agissements de l'appelant. En tout état, les abus subis par E______ et F______ sont de nature à porter gravement atteinte au développement de tout enfant victime, étant souligné qu'ils éprouvent d'ores et déjà des difficultés en lien avec l'acquisition de l'intimité et la gestion des relations avec les adultes.

Partant, la condamnation de A______ à devoir s'acquitter, auprès de chacun de ses enfants, d'une indemnité de CHF 30'000.-, avec intérêts à CHF 5% dès le 11 mars 2022, sera confirmée.

7. 7.1. L'appelant succombe entièrement dans son appel, de même que le MP dans son appel joint. Compte tenu des points soulevés par chacun d'entre eux, les frais de la procédure d'appel, qui s'élèvent à CHF 3'475.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 3'000.-, seront mis à la charge de l'appelant à hauteur de 60% et, à hauteur de 10% de celle de C______, qui a retiré son appel la veille des débats (art. 428 al. 1 dernière phrase CPP), le solde étant laissé à la charge de l'État.

7.2. Il n'y a pas lieu de revenir sur la mise à charge des frais de la procédure préliminaire et de première instance tels que fixés par les premiers juges, qui seront laissés à la charge de l'appelant pour un montant total de CHF 46'321.-, étant relevé que les infractions ayant donné lieu à des acquittements, qui s'inséraient dans la globalité de l'instruction menée principalement en lien avec les abus sexuels, n'ont pas donné lieu à une charge de travail plus importante que ce qui était nécessaire pour traiter de ces faits (art. 426 al. 1 CPP).

8. Compte tenu de l'issue de son appel, les conclusions en indemnisation de l'appelant fondées sur l'art. 429 al. 1 let. c CPP seront entièrement rejetées.

9. 9.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : collaborateur CHF 150.- (let. b) ; chef d'étude CHF 200.- (let. c). En cas d'assujettissement, l'équivalent de la TVA est versé en sus.

9.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3). Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait.

9.3. Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.33 du 28 juillet 2015 consid. 4.3 et les références). La rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice ou au et du bâtiment du Ministère public est arrêtée à CHF 100.- pour les chefs d’étude, dite rémunération étant allouée d'office par la juridiction d'appel pour les débats devant elle.

9.4. L'état de frais produit par Me B______, défenseur d'office de A______, doit être amputé des deux heures consacrées à la lecture et à l'analyse du jugement de première instance, activité comprise dans le forfait. Il convient à l'inverse de le compléter de la durée effective des débats, soit huit heures et 45 minutes, au tarif horaire de CHF 200.- ainsi que de CHF 100.- de vacation. L'ampleur du dossier ne justifie pas, en l'espèce, d'indemniser la présence de la collaboratrice aux débats d'appel en sus de celle du chef d'étude.

En conclusion, la rémunération de Me B______ sera arrêtée à CHF 10'037.10 correspondant à 28 heures et 15 minutes d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 5'650.-) et 18 heures d'activité au tarif de CHF 150.-/heure (CHF 2'700.-), plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 835.-), CHF 100.- de vacation et l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% en CHF 752.10.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit les appels et l'appel joint formés par A______, C______ et le Ministère public contre le jugement JTCO/31/2024 rendu le 18 mars 2024 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/5662/2022.

Prend acte du retrait de l'appel de C______.

Rejette l'appel de A______ et l'appel joint du Ministère public.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 3'475.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 3'000.-.

Met 60% de ces frais à la charge de A______ et 10% à celle de C______, le solde étant laissé à la charge de l'État.

Arrête à CHF 10'037.10, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant en ce qui concerne A______ :

"Déclare A______ coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP), de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP), de viol (art. 190 al. 1 CP), d'inceste (art. 213 al. 1 CP), d'exhibitionnisme (art. 194 al. 1 CP), de pornographie (art. 197 al. 1 CP) et de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 al. 1 CP).

Acquitte A______ des chefs de pornographie (art. 197 al. 5 CP), de séquestration et enlèvement (art. 183 ch. 1 al. 1 CP), de contrainte (art. 181 CP) et de menaces (art. 180 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 8 ans, sous déduction de 739 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Ordonne que A______ soit soumis à un traitement ambulatoire (art. 63 CP).

Ordonne la transmission au Service d'application des peines et mesures du présent jugement et du procès-verbal de l'audience de jugement, du rapport d'expertise psychiatrique du 13 janvier 2023 et du procès-verbal de l'audition de l'expert du 6 février 2023.

Prononce à l'encontre de A______ une interdiction à vie d'exercer toute activité professionnelle et toute activité non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs (art. 67 al. 3 let. b, c et d ch. 1 CP).

Interdit à A______ de prendre contact, d'une quelconque manière, directement ou indirectement, avec E______ et avec F______, pour une durée de 5 ans (art. 67b al. 1 et 2 let. a CP).

Interdit à A______ d'accéder à un périmètre de 300 mètres autour des logements et lieux de vie de E______ et de F______, ainsi que de fréquenter un périmètre de 300 mètres autour de leurs lieux de scolarisation ou d'études pour une durée de 5 ans (art. 67b al. 1 et 2 let. b et c CP).

Ordonne une assistance de probation pour la durée de l'interdiction (art. 67b al. 4 CP).

Avertit A______ que s'il enfreint les interdictions prononcées, l'art. 294 CP et les dispositions sur la réintégration dans l'exécution de la peine ou de la mesure sont applicables (art. 67c al. 9 CP).

Avertit A______ que s'il se soustrait à l'assistance de probation pendant la durée du délai d'épreuve, l'art. 95 al. 4 et 5 CP est applicable (art. 67c al. 8 CP).

Ordonne, par prononcé séparé, le maintien en détention pour des motifs de sûreté de A______ (art. 231 al. 1 CPP).

Condamne A______ à payer à E______ CHF 30'000.-, avec intérêts à 5% dès le 11 mars 2022, à titre de réparation du tort moral (art. 47 CO).

Condamne A______ à payer à F______ CHF 30'000.-, avec intérêts à 5% dès le 11 mars 2022, à titre de réparation du tort moral (art. 47 CO).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 al. 1 CPP).

Ordonne la confiscation et la destruction des objets figurant sous chiffres 1 à 5 de l'inventaire n° 34465720220311 et des objets figurant sous chiffres 1 à 20 de l'inventaire n° 34469520220312 (art. 69 CP)

Ordonne la restitution à A______ du téléphone figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 34465820220311 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne A______ et C______ aux frais de la procédure qui s'élèvent à CHF 46'321.00, la seconde à concurrence de CHF 500.- et le premier pour le solde (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 51'593.20 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP)."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, à l'Office cantonal de la population et des migrations, à l'Établissement fermé La Brenaz et au Service de la réinsertion et du suivi pénal.

 

La greffière :

Linda TAGHARIST

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

e.r. Pierre BUNGENER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

46'321.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

260.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

140.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

3'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

3'475.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

49'796.00