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Décisions | Tribunal pénal

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P/13176/2017

JTDP/439/2022 du 27.04.2022 sur OPMP/6813/2021 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.123
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 18


27 avril 2022

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

Monsieur X______, né le ______1984, domicilié ______, prévenu, assisté de Me Romain JORDAN


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité des chefs de lésions corporelles simples, au sens de l'art. 123 ch. 1 et ch. 2 al. 2 CP et d'abus d'autorité, au prononcé d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 180.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans, d'une amende de CHF 6'480.- avec une peine privative de liberté de substitution de 36 jours et à la condamnation du prévenu aux frais de la procédure.

X______ conclut à son acquittement des chefs de lésions corporelles simples et d'abus d'autorité, renonce à toute indemnité fondée sur l'art. 429 CPP, ne s'oppose pas à être condamné à une part équitable des frais de la procédure, subsidiairement, en cas de verdict de culpabilité de l'une ou l'autre des infractions, à ce qu'il soit exempté de toute peine au sens de l'art. 52 CP.

*****

Vu l'opposition formée le 2 août 2021 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 15 juillet 2021;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 30 août 2021;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 15 juillet 2021 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 2 août 2021.

et statuant à nouveau :

EN FAIT

A.a. Par ordonnance pénale du 15 juillet 2021, valant acte d'accusation, il est reproché à X______ d'avoir, à Genève, le 31 mai 2017 à 18h16, en sa qualité de gardien, lors d'une intervention à la prison de Champ-Dollon, donné un coup de pied à l'arrière de la tête de A______, détenu, alors que celui-ci se trouvait à terre, sur le ventre, maintenu par d'autres gardiens, étant précisé que la tête de l'intéressé a rebondi sur le sol, lui occasionnant une fracture du complexe zygomatico-maxillaire gauche,

faits qualifiés de lésions corporelles simples au sens de l'art. 123 ch. 1 et 2 al. 2 CP et d'abus d'autorité au sens de l'art. 312 CP.

B. Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure:

a.a. A______ a été condamné en 2021 à une peine privative de liberté d'ensemble de sept ans et à une mesure institutionnelle au sens de l'art. 59 CP pour tentative d'assassinat. En raison de ces faits, il a été détenu à la prison de Champ-Dollon du 11 mars 2009 au 25 juillet 2017, date de son renvoi en Biélorussie.

a.b. A______ était inscrit comme dangereux, avec la mention imprévisible, sur une liste de gestion cellulaire spécifique figurant sur l'intranet de la prison. Durant sa détention, il a fait l'objet de nombreux rapports d'incident pour refus d'obtempérer, coups donnés sur le matériel de sa cellule ou automutilation. A une reprise, il s'en était pris physiquement à un gardien, en ce sens qu'il l'avait poussé à l'épaule. Certains gardiens avaient connaissance du motif de sa condamnation.

b.a. Le 31 mai 2017, il a été décidé de transférer A______ en cellule forte, pour des raisons liées à son comportement.

b.b. X______, B______, C______, D______, E______ et F______, gardiens, ont participé à la mise en cellule forte de A______.

b.c. Ce dernier s'est opposé à son transfert. En substance, lorsque les gardiens sont entrés dans sa cellule, il tenait un couteau contre son ventre, menaçant de s'ouvrir le ventre si on ne lui procurait pas les médicaments qu'il réclamait. Il a été sommé à plusieurs reprises de lâcher son couteau, en vain. Suite à l'utilisation d'un spray au poivre par un des gardiens, A______ s'est tailladé le ventre. Les gardiens sont alors intervenus et le couteau a pu être écarté. Ils ont tenté de maîtriser et de menotter A______, d'abord à l'intérieur de sa cellule puis à l'extérieur, mais l'intéressé résistait. Il a finalement pu être menotté. A un certain moment, un linge a été placé sur son visage.

d. Plusieurs rapports d'incident ont été établis suite à cette intervention:

d.a. D'après le rapport de G______ – non présent lors de l'intervention mais ayant assisté à la scène à distance –, le comportement de A______ avait été inapproprié toute la journée du 31 mai 2017. La décision avait ainsi été prise de le transférer dans une cellule forte. Une fois les gardiens arrivés dans sa cellule, l'intéressé avait refusé d'en sortir; il avait saisi un couteau et s'était poignardé le ventre à plusieurs reprises. B______ avait utilisé son spray au poivre. A la sortie de la cellule, A______ avait été amené au sol au moyen de clés de bras et maintenu avec des clés d'épaules, permettant aux gardiens de le menotter. Il avait ensuite été transféré au service médical de la prison.

d.b. Il ressort de deux rapports rédigés par B______ qu'au moment où il avait ouvert la porte de la cellule, A______ avait saisi un couteau pour le placer contre son ventre. Il lui avait ordonné à plusieurs reprises de lâcher le couteau, sans succès, et l'avait avisé de son intention d'utiliser son spray au poivre.

A______ n'ayant toujours pas obtempéré, il avait utilisé son spray au poivre. Une fois l'intéressé extrait de sa cellule, il avait avisé le service médical de l'usage du spray. Il avait ensuite menotté A______ dans le dos alors que celui-ci était maîtrisé au sol, à plat ventre. Au moment où ils l'avaient remis debout, ils avaient remarqué deux coupures sur son ventre.

Le lendemain matin, lorsque les gardiens s'étaient rendus auprès de A______ pour lui signifier sa sanction, ils avaient remarqué qu'il présentait un hématome dans l'œil gauche et que son arcade sourcilière était enflée. Lors de sa mise en cellule forte la veille, il n'avait aucune lésion au visage.

e.a. Il ressort du constat de lésions traumatiques du 6 juin 2017 que lors de l'examen médical du 1er juin 2017, A______ présentait notamment une hémorragie sous-conjonctivale et un hématome péri-orbitaire de couleur rouge-violacé à gauche, une tuméfaction en regard l'os zygomatique et maxillaire gauche très douloureuse à la palpation ainsi qu'une dermabrasion derrière l'oreille droite et sur le cuir chevelu en région occipitale. Le scanner cérébral avait révélé une fracture du complexe zygomatico-maxillaire gauche. Le constat était accompagné de photographies de ces lésions.

e.b. A______ a dû être hospitalisé du 1er au 9 juin 2017 en raison de la fracture du complexe zygomatico-maxillaire gauche. Il a ensuite bénéficié d'un traitement conservateur et d'une surveillance en orthoptie et en chirurgie maxillo-faciale.

f. Les 2 et 16 juin 2017, le Directeur de la prison de Champ-Dollon a dénoncé ces faits au Ministère public.

g. Des caméras de vidéosurveillance placées dans le couloir de la prison, à l'extérieur de la cellule de A______, ont filmé l'intervention, étant précisé que l'intérieur de la cellule est hors du champ de vision desdites caméras. Ces enregistrements ont été transmis par le Directeur de la prison de Champ-Dollon au Ministère public le 16 juin 2017. L'analyse des images a permis d'établir ce qui suit:

-            à 18:14:35, B______, D______, E______, F______, C______ et X______ entrent dans la cellule de A______;

-            à 18:15:52, X______ sort de la cellule et ramasse un couteau qui a été jeté hors de la cellule;

-            à 18:16:02, A______ est sorti de sa cellule par les gardiens. Il est traîné sur son flanc gauche, puis mis à plat ventre;

-            à 18:16:13, A______ résiste, en mettant ses mains devant lui pendant que les gardiens tentent de saisir ses bras;

-            à 18:16:21, X______ assène un coup de pied, à la verticale, sur la tête de A______;

-            à 18:16:28, F______ donne un coup de poing sur le flanc droit de A______, suivi d'un coup avec son genou droit sur le haut du dos;

-            à 18:16:53, A______ est menotté par B______;

-            à 18:18.34, un linge est placé sur la tête de A______, toujours maintenu au sol;

-            à 18:19:44, X______ met son pied sur la tête de A______;

-            à 18:20:10, A______ est relevé, puis conduit hors du couloir, maintenu par des clés de bras.

h.a. A______ n'a pu être entendu ni par l'IGS, ni par le Ministère public. Il n'a pas déposé de plainte pénale.

h.b. Ses uniques déclarations concernant les faits ont été faites lors de l'examen médical du 1er juin 2017. Il aurait alors indiqué avoir reçu des coups de plusieurs gardiens lors d'une altercation survenue le 31 mai 2017; plus précisément, il aurait déclaré s'être automutilé l'abdomen avec son propre couteau de table avant de se faire asperger de spray au poivre et plaquer au sol par les gardiens, qui lui auraient ensuite mis un tissu sur le visage et lui auraient donné des coups sur tout le corps.

i. Les gardiens ayant pris part à l'intervention du 31 mai 2017 ont été entendus par l'IGS et ont indiqué ce qui suit:

i.a. B______ était le responsable du jour le 31 mai 2017. Il avait été informé que A______ avait injurié une infirmière et avait décidé de le punir en le transférant en cellule forte. Quand il était entré dans la cellule de A______ ce dernier s'était mis debout au fond de la pièce, torse nu, tenant d'une main le couteau qu'il utilisait pour les repas contre son ventre, en pointe, le poussant de l'autre main. Il lui avait ordonné à plusieurs reprises de lâcher le couteau, le menaçant d'utiliser son spray au poivre, mais A______ avait refusé, exigeant qu'on lui fournisse des médicaments. Il avait alors actionné son spray au poivre en direction du visage de l'intéressé, qui avait toutefois eu le temps de s'entailler le ventre à deux reprises avec le couteau. Les gardiens présents avaient saisi les bras de A______ et pratiqué des clés pour le sortir dans le couloir. Une fois dans le couloir, A______ avait été placé au sol. Il ne s'était pas débattu mais faisait de la résistance passive et hurlait. Il avait menotté le détenu et n'avait pas constaté d'autres blessures que les deux longues entailles sur son ventre. Un morceau de tissu avait été placé sur le visage de A______ pour éviter que le spray n'agisse sur les gardiens présents et pour éviter qu'il ne crache ou ne les morde. Il n'avait personnellement pas asséné de coup à A______ et n'avait pas vu les autres gardiens lui porter de coups. Le lendemain des faits, il avait constaté que A______ présentait un hématome à l'œil gauche et avait l'arcade sourcilière enflée, lésions qu'il n'avait pas la veille lors de sa mise en cellule forte.

i.b. En entrant dans la cellule, E______ avait constaté que A______ tenait un couteau dans la main; il était très agité et agressif et refusait de lâcher son couteau. Juste après que B______ ait utilisé le spray au poivre, A______ s'était lacéré le ventre, puis F______ avait réussi à s'emparer du couteau. Il avait saisi le bras gauche de A______ et pratiqué une clé d'épaule, avant de le tirer en avant pour le faire sortir de la cellule, mais il n'avait pas pu maintenir sa clé.

Ses collègues avaient pris la relève pour l'extraire de la cellule. Une fois dans le couloir, ses collègues avaient pu amener A______ au sol en pratiquant des clés de bras. Ce dernier résistait beaucoup et était difficile à la maîtriser, au point qu'ils n'avaient pas réussi à le menotter tout de suite. Une fois menotté, A______ s'était un peu calmé. Lui-même n'avait pas eu de contact physique avec A______ lors de l'intervention dans le couloir. En arrivant au service médical, il avait constaté que l'intéressé saignait un peu du nez. Il ne l'avait pas frappé et n'avait vu aucun autre gardien le frapper; il ne pensait pas qu'un coup de pied ait pu être porté.

i.c. F______ avait également vu, en entrant dans la cellule, que A______ tenait un couteau. Il gesticulait et se montrait très menaçant, pointant le couteau tantôt dans leur direction, tantôt contre son ventre. Après que A______ se soit lacéré le ventre, il s'était précipité sur lui et avait saisi le couteau, qu'il avait jeté en direction du couloir, avant de saisir le bras droit de l'intéressé. A un moment donné, il était tombé au sol avec A______, dans la cellule. Il ne voyait pas très bien à cause des vapeurs de poivre. Il avait pratiqué une clé de coude sur le bras droit de A______ pour le sortir dans le couloir. Ce dernier avait été mis au sol au moyen de clés de coude; il se débattait et était difficile à maîtriser. A______ avait notamment placé son bras droit devant son visage, raison pour laquelle il lui avait asséné un coup de poing de diversion et de déstabilisation sur le flanc droit, pour pouvoir pratiquer une clé d'épaule, et avait mis son genou sur son omoplate pour prendre correctement son bras. Il n'avait pas constaté d'autres blessures que les deux coupures au ventre. Il n'avait pas vu ses collègues asséner de coups à A______.

i.d. D'après D______, à leur arrivée dans la cellule, A______ tenait un couteau à la main et exigeait d'obtenir des médicaments qui lui avaient été refusés par le service médical. Lorsqu'B______ avait fait usage de son spray au poivre, A______ s'était lacéré le ventre à deux reprises. X______ avait saisi le couteau avant de pratiquer une clé sur le bras droit de A______, qui avait ensuite été sorti de la cellule; une fois dans le couloir, il avait été conduit au sol en basculant en avant. Il s'était accroupi afin de maintenir, avec ses mains, la jambe gauche de A______. L'intéressé se débattait fortement et ils peinaient à le maîtriser car il était costaud et corpulent. Il ne lui avait pas asséné de coup et n'avait pas vu ses collègues le faire. Tout cela s'était déroulé rapidement. A______ était encore menotté lorsqu'il avait été conduit au service médical, car il était "franc fou". Il n'avait pas constaté de blessures sur A______ après l'intervention.

i.e. C______ se méfiait de A______, qui était bipolaire et agressif. En entrant dans la cellule, il avait vu qu'il tenait un couteau. Après qu'B______ avait utilisé son spray au poivre, il avait entendu quelqu'un dire "c'est bon, j'ai le couteau". Il ne se rappelait plus de quelle manière A______ avait été interpellé mais pensait n'avoir eu aucun contact physique avec lui dans la cellule. Une fois A______ dans le couloir, il avait été mis au sol; il avait tenu ses jambes avec ses mains pour tenter de le maîtriser. Il avait constaté à ce moment-là que l'intéressé présentait deux entailles au ventre.

Il ne l'avait pas frappé et n'avait pas vu ses collègues le frapper, mais il était possible que des coups aient été portés à A______ lors de l'intervention, ce dernier étant très énervé, agressif et costaud. Il lui semblait qu'il saignait du nez ou de la bouche.

j. Au Ministère public, les gardiens précités ont confirmé leurs déclarations et ajouté ce qui suit:

j.a. D'après B______, A______ était "extrêmement dangereux", dans le sens où il n'était pas toujours coopérant, pouvait changer d'humeur subitement et devenir agressif lorsqu'il était contrarié. Il agressait verbalement les gardiens. Il ne se souvenait pas s'il y avait eu des agressions physiques. Il était compliqué à gérer car il ne coopérait pas et était imprévisible. Le jour des faits, une fois que ses collègues avaient sorti A______ de sa cellule, il leur avait ordonné de le menotter dans le dos. L'intéressé refusait de coopérer et ses collègues avaient eu de la peine à lui mettre les bras dans le dos. Il n'avait pas constaté de blessure ou de trace sur le visage de A______ malgré qu'il soit resté longuement au service médical avec lui.

Confronté aux images de vidéosurveillance, il a indiqué ne pas avoir vu le coup de pied de X______ sur le moment car il y avait beaucoup de monde. Il a affirmé que les coups de poing et de genou donnés par F______ étaient des frappes de déstabilisation telles qu'enseignées en tactiques et techniques d'intervention (TTI), ce qu'il n'a pas précisé s'agissant du coup de pied de X______. A______ avait opposé de la résistance passive, à savoir qu'il ne cherchait pas à donner des coups mais avait essayé de les empêcher de le menotter. S'agissant du pied posé par X______ sur la tête de A______ à 18:19:45, cela servait d'ordinaire à éviter que le détenu bouge ou se débatte, même si en l'espèce A______ ne se débattait pas.

j.b. S'agissant de A______, E______ a précisé que "dans l'ensemble, cela allait" mais qu'il pouvait "péter les plombs" et être difficile à gérer. Il n'avait toutefois pas assisté à des épisodes de violence envers des gardiens. Le jour des faits, il ne se souvenait pas qui avait saisi le couteau de A______ ni s'ils l'avaient mis au sol dans la cellule déjà. A l'extérieur de la cellule, c'était assez compliqué. A______ était costaud et avait de la force. Il l'avait accompagné au service médical mais n'avait pas vu d'autres blessures que les entailles au ventre. Il ne se souvenait pas d'avoir vu A______ saigner du nez, mais s'il l'avait dit à l'IGS, cela devait être vrai. Au service médical, la tension était totalement retombée; ils avaient pu enlever les menottes à A______ et discuter avec lui.

Confronté aux images de vidéosurveillance, il a affirmé ne pas avoir vu le coup de pied donné par X______ sur la tête de A______.

j.c. F______ a répété que A______ était un détenu très violent et imprévisible; il donnait des coups de poing ou de tête contre le mur lorsqu'un gardien ouvrait la porte, changeait de comportement très rapidement et insultait les gardiens. Il n'avait toutefois jamais été violent avec lui. Le jour des faits, il avait saisi le couteau que tenait A______ mais ne se souvenait pas s'il l'avait lancé dans le couloir ou transmis à un collègue. Dans la cellule, il avait été incommodé par le spray au poivre.

Il avait essayé de mettre A______ au sol avec E______, mais il ne voyait pas grand-chose à cause du spray. A______ s'était débattu et ils s'étaient retrouvés au sol. Par la suite, ils s'étaient retrouvés au milieu du couloir. Il avait été très difficile de menotter A______ car ce dernier se débattait. Il devait aller chercher et tirer le bras que l'intéressé tenait devant son visage pour le mettre dans son dos, ce qui était très difficile. Il lui avait donné un coup de poing de diversion dans le dos, ce qui lui avait permis de tirer son bras. Il avait également appuyé son genou sur son omoplate. A______ avait beaucoup de force.

Lorsqu'il a été confronté aux images de vidéosurveillance, il a confirmé ne pas avoir vu le coup de pied donné par X______ le jour des faits, car il était concentré sur le bras de A______.

j.d. Selon D______, A______ était très demandeur et violent dans sa façon de parler et dans les termes utilisés. Il n'avait pas souvenir d'avoir assisté à des épisodes de violence physique. Le jour des faits, A______ était très excité et ne voulait rien entendre. Il s'était occupé de maintenir ses jambes pour l'empêcher de donner des coups de pied.

Après avoir visionné les images de vidéosurveillance, il a confirmé ne pas avoir vu, sur le moment, les coups donnés par ses collègues à A______, car il se trouvait derrière eux et ne regardait pas dans leur direction.

j.e. C______ a expliqué que A______ était imprévisible en ce sens qu'il pouvait rire, puis, d'une seconde à l'autre, se montrer très menaçant. Il n'avait toutefois pas été confronté à des actes de violence physique ou verbale de sa part. S'agissant des faits, il ne se souvenait pas s'il était entré dans la cellule ni quelle partie du corps de A______ il avait maintenu. Il avait un vague souvenir que ce dernier ne s'était pas laissé faire. Il ne se souvenait pas d'avoir vu des coups, ni si A______ saignait de la tête, de la bouche ou du nez.

En visionnant les images de vidéosurveillance, il a précisé qu'il s'était occupé de maintenir le bras gauche de A______ et avait aidé ses collègues à prendre les bras de A______ de façon à pouvoir le menotter. Confronté au fait qu'il était en bonne position pour voir les coups donnés, il a répété qu'il n'était pas sûr de les avoir vus car ils étaient tous tendus par l'intervention. Plus tard, au service médical, A______ avait changé d'humeur et avait même rigolé avec eux.

k.a. A l'IGS, X______ a expliqué que lors de leur arrivée dans la cellule de A______, ce dernier tenait un couteau et gesticulait, tantôt en menaçant les gardiens, tantôt en appuyant le couteau contre son ventre. Il était énervé, hurlait et exigeait des médicaments. Il avait un gabarit très imposant. Par la suite, il avait ramassé le couteau après que F______ l'avait laissé tomber au sol, puis l'avait lancé en direction du couloir. A______ avait été sorti de la cellule avec des clés de bras; le spray au poivre faisait son effet et leur piquait les yeux. Il ne se souvenait plus si A______ était tombé dans la cellule.

Une fois dans le couloir, il avait tenté de lui saisir le bras gauche, mais l'intéressé fermait ses poings, se contractait et mettait ses bras en avant, le rendant très difficile à maîtriser. Du fait qu'il n'arrivait pas à saisir correctement le bras de A______ et que ce dernier refusait d'ouvrir ses poings, dans lesquels il pouvait cacher un objet dangereux, il lui avait asséné un coup de poing sur le flanc gauche; il s'agissait d'un coup de diversion devant lui permettre de saisir son bras. Peu après, B______ avait réussi à menotter A______. Avant qu'un tissu ne soit placé sur la tête de l'intéressé, il avait remarqué que ce dernier saignait du visage ou du nez. Il ne se souvenait pas exactement du déroulement de l'intervention. Il était possible qu'il ait mis plusieurs coups de poing à A______ pour pouvoir prendre son bras.

Confronté aux images de vidéosurveillance, il a admis avoir donné un coup de pied à l'arrière de la tête de A______. Il ne se rappelait pas de ce coup car l'intervention s'était déroulée très rapidement, la situation était stressante et il toussait à cause des particules de poivre. Il ne se rappelait pas non plus d'avoir mis son pied sur la tête de A______, mais c'était probablement dans le but de le maintenir au sol.

Il ne savait pas pourquoi son coup de pied n'avait pas été mentionné dans les rapports d'incident. Il n'était pas l'auteur desdits rapports et personne ne lui avait demandé quelles clés il avait pratiqué.

k.b. Au Ministère public, X______ a ajouté que A______ avait la réputation d'être imprévisible et dangereux. Il avait des accès de colère envers lui-même et envers ses codétenus. Il faisait preuve de violence envers les gardiens, sous forme de menaces ou de coups donnés dans sa cellule, contre les murs ou contre la porte.

Le jour des faits, A______ s'était montré très agité, donnait des coups contre la porte de sa cellule et sonnait de manière répétitive. Il n'avait pas obtempéré aux injonctions d'B______ et avait fini par se lacérer le ventre. Ses collègues avaient réussi à l'extraire de la cellule malgré sa résistance. Il lui semblait qu'il avait été mis au sol une première fois avant d'en être sorti. Une fois hors de la cellule, il avait tenté de lui prendre un bras et de l'amener dans son dos pour qu'B______ puisse le menotter, mais il n'y arrivait pas car A______ serrait les poings et résistait. Un détenu serrant les poings le faisait parfois pour dissimuler un objet tel qu'une lame de rasoir. Il avait alors mis un coup de déstabilisation, à savoir un coup de pied au niveau de la tête, plus précisément un coup de semelle donné de haut en bas. Ce coup avait atteint l'arrière droit de la tête de A______. Ce dernier n'avait pas la tête tournée vers lui. Il avait immédiatement pu lui mettre le bras dans le dos. A______ n'avait pas essayé de leur donner des coups, mais il résistait.

Confronté une nouvelle fois aux images de vidéosurveillance, il a confirmé qu'on le voyait à 18:16:10 essayer d'ouvrir le poing de A______, puis qu'on voyait à 18:16:17 A______ couché sur le ventre, visage tourné vers le sol, les deux poings fermés devant sa tête, et qu'enfin on voyait à 18:16:21 son coup de pied et la tête de A______ qui touchait le sol. Il avait agi de la sorte car ils étaient deux sur le bras de A______ et qu'il pouvait ainsi se décaler pour donner le coup sans se mettre en danger lui-même ou mettre ses collègues en danger.

Il a admis que par "frappe de déstabilisation", on entendait d'ordinaire une frappe dans les flancs ou les cuisses. Il avait agi dans l'urgence, sans trop calculer. Le geste n'était pas beau à voir, mais il était nécessaire pour pouvoir mettre la main du détenu dans son dos. Il a émis l'hypothèse que le visage de A______ avait pu toucher le sol lors de la mise au sol dans la cellule, sans avoir vu cela précisément. Il a encore précisé que les frappes de déstabilisation étaient enseignées aux gardiens et qu'il était lui-même moniteur TTI.

l.a. Le rapport du CURML du 8 octobre 2020 établi par la Prof. H______ et la Dre I______ a notamment confirmé l'existence d'une fracture du complexe zygomatico-maxillaire gauche chez A______. Cette fracture était la conséquence d'un traumatisme contondant d'une force certaine, compatible avec la projection de la partie gauche du visage du détenu contre le sol à la suite d'un coup de pied porté à l'arrière de la tête par X______ durant l'intervention du 31 mai 2017. L'examen radiologique avait aussi mis en évidence chez A______ un minime trait de fracture non déplacé de la racine du nez, qui ne pouvait pas être daté radiologiquement, mais qui pouvait être expliqué par le même mécanisme, sans pouvoir en exclure un autre. Leur analyse se basait notamment sur les images de vidéosurveillance, dont il ressortait selon elle qu'au moment du coup donné par X______, A______ avait tourné la tête vers la droite, de sorte que la partie gauche de son visage avait heurté le sol.

l.b. Entendues au Ministère public, la Prof. H______ et la Dre I______ ont confirmé leur rapport. Le CT-scan effectué sur A______ avait mis en évidence plusieurs fractures. Les principales touchaient notamment la zone maxillaire et le zone zygomatique, ce qui évoquait un choc contre un objet large et qui était donc davantage évocateur d'un impact contre le sol que d'un coup. S'agissant de la minime fracture de la racine du nez, il existait d'autre signes cliniques qui rendaient cette lésion compatible avec le même contexte de faits.

En indiquant que la fracture était la conséquence d'un "traumatisme contondant d'une force certaine", elles avaient voulu relever qu'il avait fallu beaucoup d'énergie pour provoquer les lésions constatées. Ce qu'elles avaient vu sur les images de la vidéosurveillance de la prison correspondait à cette notion de force certaine.

Elles avaient pris en considération toutes les hypothèses correspondant à toutes les actions décrites lors des auditions ou apparaissant dans les vidéos, dont le coup de pied donné par X______. Après analyse, c'était l'hypothèse qu'elles avaient retenue, dès lors que ce coup de pied expliquait les lésions constatées, ce qui n'était pas le cas des autres mécanismes apparaissant notamment sur les vidéos.

Elles avaient pu exclure les deux coups donnés par F______: le coup de poing dans le flanc droit ne pouvait pas provoquer des fractures au visage, et le coup de genou sur le haut du dos non plus, étant précisé que lors du coup donné par X______, on voyait la tête de A______ heurter le sol de manière violente. Le coup de genou dans le dos pouvait certes conduire à ce que la tête du détenu touche le sol, mais pas avec l'énergie nécessaire pour provoquer une fracture.

Cette observation était fondée sur l'anatomie: pour qu'il y eût l'énergie nécessaire, il fallait une force appuyant directement sur la tête. Le coup donné directement à la tête était ainsi le seul qui avait la force nécessaire pour provoquer les fractures. Vu la manière dont F______ avait donné le coup de genou, une grande partie de son énergie avait été absorbée par le tronc de A______, ce qui confirmait leurs conclusions. Il était possible que lors de ce coup, la chaussure de F______ ait touché le visage de A______, mais cela ne pouvait pas avoir provoqué les lésions observées.

Elles s'étaient également demandé si la chute de A______ au sol dans la cellule, telle que relatée par F______, pouvait avoir provoqué les lésions constatées, et étaient parvenues à la conclusion que ce n'était pas le cas. Les lésions constatées n'étaient pas non plus évocatrices d'un acte auto-agressif.

m.a. X______ a fait l'objet d'une sanction disciplinaire concernant ces faits, confirmée par la Chambre administrative de la Cour de justice, consistant en quinze services supplémentaires.

m.b. Du 23 au 27 avril 2018, X______ a suivi une formation de 40h pour devenir formateur TTI.

C.a. Lors de l'audience de jugement, X______ a déclaré qu'il admettait les faits "globalement". Il avait effectivement donné un coup de pied à l'arrière de la tête de A______. Dans le stress du moment, il avait pris une décision qu'il jugeait opportune. L'intéressé s'était "éventré", il y avait du sang et du spray au poivre. Le détenu se trouvait sur le ventre et tenait sa main gauche devant lui; il n'arrivait pas à lui faire ouvrir cette main et il avait peur qu'il y cache une arme ou un objet dangereux. Il voulait mettre sa main dans son dos afin qu'il puisse être menotté.

Après coup, il se rendait bien compte qu'il aurait pu utiliser d'autres moyens pour parvenir à ses fins, mais le jour des faits, vu la situation, il avait fait ce qui lui semblait opportun. Après ce coup, il avait d'ailleurs réussi à mettre la main de A______ dans son dos et à le sécuriser. Sur le moment, il ne voyait pas d'autre possibilité, de sorte qu'il considérait son coup de pied comme proportionné. Il ne pouvait pas donner un coup avec ses mains puisqu'il tenait la main gauche de A______ de ses mains et risquait de perdre sa prise s'il la lâchait. Il avait agi en quelques secondes, sans réfléchir et sans se demander si son coup de pied pouvait blesser A______. Plus tard, en voyant les images de vidéosurveillance, il avait réalisé qu'il aurait été mieux d'éviter de le frapper à la tête.

Au moment des faits, tous les gardiens savaient que A______ était dangereux. Il avait constamment des gestes de violences envers des gardiens ou des détenus, tenait des propos extrêmes, tapait contre les murs et n'avait peur de rien. Il n'avait certes pas été violent à l'encontre d'un gardien, mais avait été placé plusieurs fois en cellule forte.

Il n'avait pas parlé du coup de pied litigieux lors de son audition par l'IGS car il ne s'en souvenait plus, mais ce n'était pas dans le but de le cacher. Il n'en avait pas non plus spontanément parlé lors de l'établissement du rapport d'incident, car l'auteur dudit rapport ne lui avait pas demandé s'il avait pratiqué des coups particuliers.

Il n'avait enfin pas parlé de ce coup au service médical, car au moment de s'y rendre avec A______, ce dernier blaguait et tout le monde était focalisé sur ses blessures au ventre.

Il a affirmé que sur les images de vidéosurveillance, on voyait une rotation de la tête de A______ dans sa direction, le côté droit du visage sur le sol, de sorte qu'il ne comprenait pas comment son coup de pied aurait pu occasionner une fracture du côté gauche du visage de A______. Il s'était rendu compte de cela après avoir regardé ces images à de multiples reprises.

Confronté au fait qu'il avait déclaré au Ministère public avoir donné un coup à l'arrière droit de la tête de A______ en précisant que ce dernier n'avait pas la tête tournée vers lui, il a expliqué qu'il s'agissait de ses souvenirs des images visionnées très brièvement à l'IGS. Il ne s'agissait pas de ses souvenirs du jour des faits. De toute façon, il ne se souvenait pas d'avoir donné ce coup de pied; seules les images de vidéosurveillance le lui avaient rappelé.

Lors de sa formation pour devenir agent de détention en 2010, il avait suivi des cours de TTI. A l'exception de ces faits, il n'avait jamais été sanctionné disciplinairement.

b. J______, gardien principal à la prison de Champ-Dollon et responsable de la brigade d'intervention et de surveillance, a été entendu comme témoin. Il travaillait avec X______ depuis une dizaine d'années et était son responsable depuis quatre ans. Ils avaient fait de nombreuses interventions ensemble, y compris lors de situations épineuses. X______ était un excellent collaborateur et formateur, notamment en TTI. Il était très calme en toutes circonstances. A______ était sanguin, agressif, instable et imprévisible. Il avait des pensées agressives et des croix gammées tatouées sur le bras.

c. K______, gardien, a également été entendu en qualité de témoin. Il travaillait avec X______ depuis 8 ans. Il l'a décrit comme n'étant ni agressif, ni violent. Il savait garder son calme et avait un tempérament amical. Ils avaient déjà effectué des interventions délicates ou musclées ensemble et tout s'était toujours déroulé conformément à leur doctrine d'engagement. Il connaissait également A______, qu'il a décrit comme étant imprévisible et prenant beaucoup de place. Tous les gardiens savaient qu'il fallait se méfier de lui.

D.a. X______, de nationalité suisse, est né le ______1984. Il est divorcé et n'a pas d'enfant. Il vit seul. Il est titulaire de deux CFC, l'un d'électricien en montage obtenu en 2004 et l'autre de monteur-électricien obtenu en 2008. Il a travaillé dans ces domaines de 2004 à 2010. Il a ensuite suivi la formation d'agent de détention durant quatre mois dès septembre 2010 et travaille à la prison de Champ-Dollon depuis lors. Son salaire mensuel net s'élève à CHF 8'329.-. Ses charges mensuelles sont composées de son loyer (CHF 770.-) et de sa prime d'assurance-maladie (CHF 456.-). Il possède deux véhicules, dont il estime la valeur à CHF 16'000.- et CHF 9'000.-. Il n'a pas de fortune. Il a une dette auprès de la Banque Migros pour un total de CHF 31'133.60, remboursable en mensualité de CHF 841.60.

b. D'après l'extrait du casier judiciaire, X______ a été condamné le 8 janvier 2015 par le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois pour violation grave des règles de la circulation routière, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 60.- l'unité, avec sursis, délai d'épreuve de deux ans, ainsi qu'à une amende de CHF 420.-.

E. Après appréciation des preuves, le Tribunal tient pour établis les éléments pertinents suivants:

a. Les faits rappelés ci-dessous sont établis par les éléments du dossier et ne sont du reste pas contestés par X______ ni par les autres personnes concernées.

-            Le 31 mai 2017, vers 18h16, six gardiens, dont X______, se sont rendus dans la cellule de A______ pour procéder à son transfert en cellule forte. L'intéressé s'y est toutefois opposé, menaçant de se taillader le ventre au moyen d'un couteau si on ne lui fournissait pas les médicaments qu'il demandait. B______ lui a demandé à plusieurs reprises d'obtempérer et de lâcher son couteau, en vain, le prévenant qu'il utiliserait son spray au poivre si nécessaire, ce qu'il a fini par faire. A ce moment-là, A______ s'est lacéré le ventre à deux endroits au moyen du couteau qu'il tenait à la main.

-            Les gardiens lui ont alors saisi les bras pour l'extraire de sa cellule par la force, puis l'ont amené au sol, sur le ventre, pour le menotter. A______ a résisté en raidissant ses muscles et en tenant ses poings fermés devant son visage, pour empêcher les gardiens de lui mettre les mains dans le dos et de le menotter, mais sans avoir de geste menaçant envers les gardiens, notamment sans essayer de les frapper avec ses poings, ses jambes ou sa tête.

-            F______ a donné deux coups de déstabilisation à A______, soit un coup de poing dans le flanc droit et un coup de genou à l'omoplate, dans le but de briser sa résistance et de pouvoir amener son bras droit dans son dos. X______ a asséné un coup de pied, de haut en bas, sur l'arrière de la tête de A______.

-            Aucun gardien présent n'a dit avoir vu A______ en possession d'un autre objet que le couteau, notamment pas une lame de rasoir; or, dans la mesure où l'intéressé, dans sa cellule, tenait son couteau d'une main et l'appuyait contre son ventre de l'autre, les gardiens auraient inévitablement vu s'il détenait un autre objet.

-            Le lendemain de ces faits, des gardiens ont constaté que A______ présentait un hématome à l'œil gauche et avait l'arcade sourcilière enflée, lésions qu'il n'avait pas la veille lors de sa mise en cellule forte.

-            Un examen médical s'en est suivi, dont il est ressorti que A______ souffrait notamment d'une fracture du complexe zygomatico-maxillaire gauche.

b. Le seul point encore litigieux est celui de savoir quel coup ou quel autre événement a causé à A______ une fracture du complexe zygomatico-maxillaire gauche. A cet égard, il sied de relever les éléments suivants:

-            D'après le rapport d'expertise médico-légale, qu'il n'y a pas lieu de remettre en question quand bien même l'analyse a été effectuée sur dossier, cette fracture était la conséquence d'un traumatisme contondant d'une force certaine, compatible avec la projection de la partie gauche du visage du détenu contre le sol à la suite d'un coup de pied porté à l'arrière de la tête par X______ durant l'intervention du 31 mai 2017;

-            Les expertes ont également examiné les hypothèses selon lesquelles la fracture aurait pu être causée par l'un ou l'autre des coups portés par F______, par une éventuelle chute dans la cellule ou par un acte auto-agressif, et les ont exclues;

-            De l'avis du Tribunal, il ne fait aucun doute que les coups portés par F______ ne peuvent pas être à l'origine de la fracture: l'un de ces coups a été porté au niveau du flanc droit, soit bien loin du visage de A______; l'autre l'a été dans le haut du dos, et, comme l'expliquent les expertes, ne contenait pas l'énergie nécessaire pour provoquer une fracture au niveau du visage, n'ayant pas appuyé directement sur la tête et ayant été absorbé par le tronc de A______.

-            Quant à l'hypothèse de la défense selon laquelle, au moment de ce coup, la chaussure de F______ aurait touché le visage du détenu, elle est démentie par les images de vidéosurveillance, qui ne permettent aucunement de retenir ceci; en toute hypothèse, même à imaginer que la chaussure de F______ aurait touché le visage du détenu alors qu'il donnait ce coup de genou, elle n'aurait elle non plus pas pu contenir l'énergie nécessaire pour causer une fracture, dans la mesure où F______ dirigeait sa force dans son genou et non pas dans son pied; la simple logique permet donc d'exclure une telle hypothèse, si un contact entre la chaussure du gardien et le visage du détenu était avéré.

-            S'agissant ensuite de l'hypothèse de la défense selon laquelle la fracture en question résulterait de la chute de A______ à l'intérieur de la cellule, chute qui ne serait donc pas visible sur les images de vidéosurveillance, le Tribunal relève que pour causer une fracture telle que celle constatée, il aurait fallu que A______ chute violemment, de toute sa hauteur, et tombe par terre le visage en premier, sans pouvoir se protéger de ses mains, ce qui impliquerait qu'elles auraient été entravées. Or, aucun des gardiens présents n'a décrit une telle chute, à l'exception de F______ qui a toutefois indiqué qu'il ne voyait pas grand-chose en raison du spray au poivre lorsqu'il avait chuté avec A______, de sorte qu'il n'a pas pu donner plus de détails. Quant aux autres gardiens, ils ont uniquement décrit avoir effectué diverses clés, sans parler de chute, indiquant pour le surplus que la mise au sol avait eu lieu à l'extérieur de la cellule. X______ lui-même, en évoquant cette hypothèse, n'a pas pu affirmer avec certitude qu'une telle chute avait eu lieu. Il n'est ainsi pas possible de retenir que cette chute a véritablement eu lieu, malgré le fait que les images de vidéosurveillance montrent que les gardiens ont sorti A______ en le traînant au sol, sur le dos, ce qui signifie qu'il a bien été mis au sol à un certain moment dans sa cellule. Cependant, même si une telle chute avait eu lieu, force est de constater que le coup de pied donné par X______ a été donné avec force et qu'il est impossible qu'il n'ait pas causé de lésions; on aurait donc dû constater des lésions supplémentaires. A cela s'ajoute que plusieurs gardiens ont dit avoir vu A______ saigner du nez à la fin de l'intervention, mais pas encore au moment de sortir de sa cellule, ce qu'ils n'auraient pas manqué de signaler, ce d'autant plus qu'il ressort des images de vidéosurveillance que A______ a été sorti de la cellule en étant plus ou moins positionné sur le dos, et que donc les gardiens devaient voir son visage.

-            Enfin, pour la première fois lors de l'audience de jugement, la défense a développé une nouvelle hypothèse, à savoir qu'il n'était pas possible que le coup de pied de X______ ait causé la fracture litigieuse, car A______ avait la tête tournée vers lui au moment du coup, et avait donc le côté droit de son visage en contact avec le sol, de sorte qu'une éventuelle lésion aurait dû survenir de ce côté-là. A cet égard, le Tribunal retient que les images de vidéosurveillance, visionnées à de très nombreuses reprises, ne montrent aucunement A______ tourner la tête dans un sens ou dans l'autre. A cela s'ajoute que X______ lui-même avait confirmé, lors de son audition au Ministère public, qu'au moment où il a donné le coup de pied, A______ ne regardait pas dans sa direction, étant précisé que les images de vidéosurveillance avaient été présentées à X______ tant à l'IGS qu'au Ministère public. Cette nouvelle hypothèse n'emporte donc pas la conviction du Tribunal. A cet égard, l'affirmation ressortant du constat des expertes selon laquelle le détenu avait tourné sa tête vers la droite au moment du coup ne peut pas non plus être retenue, vu les images.

-            Le fait que X______ n'ait pas parlé de ce coup de pied spontanément lors de la rédaction du rapport d'incident, pas plus que pendant son audition à l'IGS, avant d'être confronté aux images de vidéosurveillance qui ne lui laissaient pas d'autre choix que de l'admettre, vient conforter l'opinion du Tribunal selon laquelle il savait qu'un tel coup n'était pas admissible et qu'il avait accepté et envisagé que cela cause des lésions à A______. X______ n'est pas crédible quand il affirme avoir oublié qu'il avait porté ce coup; en effet, en parallèle, F______, dont rien ne peut laisser penser qu'il devrait mieux se souvenir de cette intervention que X______, a donné des explications extrêmement précises sur les coups qu'il avait donnés.

c. En conclusion, le Tribunal a acquis l'intime conviction que la fracture du complexe zygomatico-maxillaire gauche de A______ a été causée par le coup de pied porté à l'arrière de sa tête par X______.

 

EN DROIT

Question préjudicielle

1. A titre préjudiciel, le prévenu a conclu à ce que le Tribunal constate le caractère inexploitable des images de vidéosurveillance et de tous les moyens de preuve en découlant.

1.1.1. L'article 4 de la Loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (LPD; RS 235.1) pose le principe que tout traitement de données doit être licite (al. 1) et effectué conformément aux principes de la bonne foi et de la proportionnalité (al. 2). Les données personnelles ne doivent être traitées que dans le but indiqué lors de leur collecte, prévu par une loi ou qui ressort des circonstances (al. 3).

La collecte de données personnelles, et en particulier les finalités du traitement, doivent être reconnaissables pour la personne concernée (al. 4). Lorsque son consentement est requis pour justifier le traitement de données personnelles la concernant, la personne concernée ne consent valablement que si elle exprime sa volonté librement et après avoir été dûment informée. Lorsqu'il s'agit de données sensibles et de profils de la personnalité, son consentement doit être au surplus explicite (al.5).

Dans la section consacrée au traitement de données par des personnes privées, l'art. 12 LPD prévoit, sous le titre "atteintes à la personnalité" que quiconque traite des données personnelles ne doit pas porter une atteinte illicite à la personnalité des personnes concernées (al.1). A teneur de l'al. 2, personne n'est en droit notamment de traiter des données personnelles en violation des principes définis aux art. 4, 5 al. 1 et 7 al. 1 (let. a), de traiter des données contre la volonté expresse de la personne concernée sans motifs justificatifs (let. b) ou de communiquer à des tiers des données sensibles ou des profils de la personnalité sans motifs justificatifs (let. c). L'al. 3 prévoit qu'en règle générale, il n'y a pas atteinte à la personnalité lorsque la personne concernée a rendu les données accessibles à tout un chacun et ne s'est pas opposée formellement au traitement.

L'art. 13 LPD prévoit des motifs justificatifs. Ainsi, une atteinte à la personnalité est illicite à moins d'être justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public ou par la loi (al. 1). L'al. 2 consacre une liste exemplative de cas où les intérêts de la personne traitant des données sont prépondérants, visant notamment les domaines contractuels, de concurrence économique, d'examen de capacité de crédit, journalistique, de la recherche ou statistique, ou encore les données relatives à l'activité publique d'une personnalité publique.

Dans un arrêt 6B_1282/2019 du 13 novembre 2020 (consid. 5), le Tribunal fédéral a jugé qu'en cas de traitement de données allant à l'encontre des articles 4, 5 ou 7 LPD, il convenait d'abord d'examiner si l'un des motifs justificatifs de la LPD était réalisé, en effectuant une pesée d'intérêts. Si l'illicéité de l'atteinte à la personnalité pouvait être levée, la preuve était exploitable sans restriction. Ce n'était que si cette illicéité demeurait à la suite de la pesée d'intérêts que l'art. 141 CPP entrait en considération.

1.1.2. A teneur de l'art. 8 de la Loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire du 3 novembre 2016 (LOPP; RS GE F 1 50), les établissements sont équipés de caméras, à l'exception notamment des locaux utilisés exclusivement par le personnel pénitentiaire (al. 1). Les images filmées peuvent être conservées jusqu'à 100 jours avant d'être détruites, sauf décision émanant d'une autorité compétente par laquelle ce délai est prolongé. Les modalités de visionnement des images filmées sont précisées par voie réglementaire (al. 2).

D'après l'art. 23 al. 3 du règlement y relatif (ROPP; RS GE F 1 50.01), la direction de l'établissement ou les membres du personnel pénitentiaire gradés désignés par elle ordonnent la conservation des images enregistrées, en particulier lors d'usage de la force par le personnel pénitentiaire (let. b) et lorsqu'une allégation de mauvais traitement parvient à leur connaissance, notamment sous la forme d'un constat de lésions traumatiques ou d'un signalement par le lésé, par un membre du personnel pénitentiaire ou par un tiers (let. d).

A teneur de l'al. 4, les images conservées en vertu de l'al. 3 peuvent être sauvegardées jusqu'à 100 jours sur un support approprié. A l'issue de ce délai, elles doivent être détruites, sauf décision contraire d'une autorité compétente.

1.1.3. Enfin, l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_53/2020 du 14 juillet 2020 cité par la défense concerne un cas dans lequel un policier avait été filmé à son insu par un collègue, dans une salle d'audience, ce qui constituait une infraction à l'art. 179quater CP; or, faute de soupçon préalable à l'encontre du prévenu retenu par l'instance inférieure, les conditions de l'art. 141 CPP n'étaient pas remplies et, partant, la vidéo était inexploitable.

1.2.1. A titre liminaire, il sied de relever que dans le cas d'espèce, le prévenu n'a pas été filmé à son insu, contrairement au policier de l'arrêt 6B_53/2020 précité.

1.2.2. S'agissant de la licéité des enregistrements litigieux au regard de la LPD, la LOPP prévoit la vidéosurveillance des établissements pénitentiaires tel que la prison de Champ-Dollon. Au surplus, l'hypothétique atteinte à la personnalité des gardiens, découlant du fait qu'ils sont filmés, est justifiée par la poursuite pénale d'un délit, lequel constitue indubitablement un intérêt public prépondérant. Par conséquent, l'hypothétique atteinte à la personnalité engendrée par lesdits enregistrement peut être levée, ce qui les rend exploitables sans restriction; la question de la violation de l'art. 141 CPP n'a pas à se poser.

1.2.3. Enfin, contrairement à ce qu'invoque la défense, c'est à juste titre que la Direction de la prison a procédé à la conservation des images litigieuses et les a transmises au Ministère public, dans la mesure où elles concernaient un incident impliquant l'usage de la force sur un détenu ainsi que des lésions causées à ce dernier, qui plus est attestées par un constat de lésions traumatiques. Au surplus, de toute évidence, aucune limitation de temps ne s'applique à la conservation des images une fois qu'elles sont versées au dossier de la procédure pénale, sous peine d'empêcher totalement la conduite d'enquêtes pénales.

1.3. Il découle de ce qui précède que les images sont exploitables, de sorte que le Tribunal a rejeté la question préjudicielle.

Culpabilité

2.1.1. A teneur de l'art. 123 ch. 1 CP, celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Cette disposition protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Elle implique une atteinte importante aux biens juridiques ainsi protégé (ATF 134 IV 189 consid 1.1).

Un coup de poing au visage donné avec une violence brutale propre à provoquer d'importantes meurtrissures, voire une fracture de la mâchoire, des dents ou de l'os nasal, a été qualifié de lésion corporelle.

Un hématome, résultant de la rupture de vaisseaux sanguins, qui laisse normalement des traces pendant plusieurs jours, doit également être qualifié de lésion corporelle (ATF 119 IV 25 consid. 2a).

2.1.2. D'après l'art. 123 ch. 2 al. 2 CP, la peine sera une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire et la poursuite aura lieu d'office si l'auteur s'en est pris à une personne hors d'état de se défendre ou à une personne, notamment à un enfant, dont il avait la garde ou sur laquelle il avait le devoir de veiller.

En ce qui concerne le devoir de garde ou de veille, le texte légal cite tout naturellement la responsabilité des représentants légaux (parents, curateur) envers leur(s) enfant(s), respectivement leur(s) pupille(s). Ce devoir de protection peut également découler d'autres dispositions légales que celles du droit de la famille, par exemple le devoir de fonction du maître d'école. Ce devoir peut finalement résulter d'une relation contractuelle (par exemple, un employé dans une crèche, un hôpital ou un home) ou même factuelle si le devoir de protection était objectivement "exigible" (par exemple, le placement d'un enfant chez un couple d'amis ou des voisins). L'auteur de lésions corporelles simples sur une personne soumise à son devoir de protection est punissable indépendamment de la question de savoir si la victime était ou non en état de se défendre. En effet, l'élément déterminant n'est pas tant la vulnérabilité de la victime que la violation d'un devoir (de protection) par celui qui y était astreint (Commentaire romand du Code pénal II, n. 19 ad art. 123 CP).

Il faut un lien entre le devoir de protection et les lésions corporelles, en ce sens que l'infraction doit apparaître comme une trahison du devoir de veiller sur la personne (CORBOZ, Les infractions de droit pénal, vol. I, 3ème éd., 2010, n. 29 ad art. 123 CP).

Dans l'arrêt 6B_539/2014, le Tribunal fédéral a implicitement admis l'application de l'art. 123 ch. 2 al. 2 CP pour un gardien de prison, reconnaissant ainsi l'existence d'un devoir de protection.

2.2. En l'espèce, le Tribunal a retenu (point E.c. supra) que la fracture du complexe zygomatico-maxillaire gauche de A______ a été causée par le coup de pied porté à l'arrière de sa tête par le prévenu. La condition du lien de causalité est donc réalisée.

La lésion subie par A______ constitue une lésion corporelle simple au sens de la jurisprudence citée ci-dessus.

En sa qualité de gardien de prison, le prévenu a un devoir de protection vis-à-vis des détenus, notamment de A______, ce qui, au sens de la jurisprudence précitée, le rend punissable. En outre, les lésions subies sont les conséquences de la trahison par le prévenu de son devoir de protection.

A______ était de surcroit hors d'état de se défendre, étant couché au sol, sur le ventre, et maintenu au sol par cinq gardiens.

Par conséquent, la circonstance aggravante prévue à l'art. 123 ch. 2 al. 2 CP est réalisée.

Le prévenu sera dès lors reconnu coupable de lésions corporelles simples qualifiées au sens de l'art. 123 ch. 1 et ch. 2 al. 2 CP, infraction commise par dol éventuel.

3.1.1. L'art. 312 CP punit d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des pouvoirs de leur charge.

3.1.2. Sur le plan objectif, l'infraction réprimée par cette disposition suppose que l'auteur soit un membre d'une autorité ou un fonctionnaire au sens de l'art. 110 al. 3 CP, qu'il ait agi dans l'accomplissement de sa tâche officielle et qu'il ait abusé des pouvoirs inhérents à cette tâche.

Cette dernière condition est réalisée lorsque l'auteur use illicitement des pouvoirs qu'il détient de sa charge, c'est-à-dire lorsqu'il décide ou contraint en vertu de sa charge officielle dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa; 114 IV 41 consid. 2; 113 IV 29 consid. 1). L'infraction peut aussi être réalisée lorsque l'auteur poursuit un but légitime, mais recourt, pour l'atteindre, à des moyens disproportionnés (ATF 113 IV 29 consid. 1; 104 IV 22 consid. 2).

L'art. 312 CP protège, d'une part, l'intérêt de l'État à disposer de fonctionnaires loyaux qui utilisent les pouvoirs qui leur ont été conférés en ayant conscience de leur devoir et, d'autre part, l'intérêt des citoyens à ne pas être exposés à un déploiement de puissance étatique incontrôlé et arbitraire. En effet, cette disposition protège également les citoyens d'atteintes totalement injustifiées ou du moins non motivées par l'exécution d'une tâche officielle, lorsque celles-ci sont commises par des fonctionnaires dans l'accomplissement de leur travail. Ainsi, au moins en matière de violence et de contrainte exercées par un fonctionnaire, l'application de l'art. 312 CP dépend uniquement de savoir si l'auteur a utilisé ses pouvoirs spécifiques, s'il a commis l'acte qui lui est reproché sous le couvert de son activité officielle et s'il a ainsi violé les devoirs qui lui incombent. L'utilisation de la force ou de la contrainte doit apparaître comme l'exercice de la puissance qui échoit au fonctionnaire en vertu de sa position officielle (ATF 127 IV 209 consid. 1b). L'incrimination pénale doit être interprétée restrictivement, compte tenu de la formule très générale qui définit l'acte litigieux. Ainsi, la disposition ne tend à sanctionner comme abus d'autorité que les cas importants de manquement à un devoir de fonction (FF 1918 IV 1 73), les infractions de moindre gravité devant être sanctionnées par la voie disciplinaire, voire par les dispositions cantonales sur la répression des contraventions conformément à l'art. 335 CP (ATF 88 IV 69 consid. 1, JdT 1962 IV 86).

3.1.3. Du point de vue subjectif, l'infraction suppose un comportement intentionnel, au moins sous la forme du dol éventuel, ainsi qu'un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou le dessein de nuire à autrui (arrêt du Tribunal fédéral 6B_699/2011 du 26 janvier 2012 consid. 1.1). Ce dessein ne vise pas le but ultime de l'auteur, mais tous les effets de son attitude qu'il a voulus ou acceptés (ATF 113 IV 29 consid. 1).

La jurisprudence retient un dessein de nuire dès que l'auteur cause par dol ou dol éventuel un préjudice non négligeable (ATF 99 IV 13; arrêts du Tribunal fédéral 6B_987/2015 du 7 mars 2016 consid. 2.6; 6B_831/2011 du 14 février 2012 consid. 1.4.2; 6S.885/2000 du 26 février 2002 consid. 4a/bb). Le dessein de nuire est également retenu lorsque l'auteur utilise des moyens excessifs, quand bien même il poursuit un but légitime (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa).

3.1.4. Le Tribunal fédéral a admis l'existence d'un abus d'autorité dans le cas d'un gardien frappant de deux coups de poings un détenu, qui n'avait pas rejoint l'unité dans laquelle se trouvait sa cellule (arrêt du Tribunal fédéral 6B_539/2014 du 14 juillet 2015 consid. 2.5) et d'un policier ayant poussé, voire jeté un prévenu, de façon très violente, au fond de la cellule dans laquelle il devait passer la nuit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_615/2011 du 20 janvier 2012).

A Genève, l'abus d'autorité a également été reconnu dans le cas d'un gardien ayant frappé de deux coups au visage un détenu qui se montrait menaçant et récalcitrant (AARP/172/2014 du 4 avril 2014), d'un policier poursuivant une prise de type "aile de poulet" sur un prévenu malgré et au-delà du blocage ressenti (JTDP/732/2014 du 5 novembre 2014) et d'un gardien ayant plaqué un détenu au sol au moyen d'un balayage alors que la situation ne le justifiait pas (OPMP/9806/2016 du 15 novembre 2016).

En revanche, l'abus d'autorité n'a pas été retenu dans le cas de gardiens ayant soumis un détenu à une fouille forcée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1179/2015 du 4 août 2016) ou ayant contraint un détenu, qui s'y opposait, à quitter sa cellule et à intégrer une cellule sécurisée, les lésions attestées par le certificat médical étant compatibles avec celles pouvant résulter d'un emploi proportionné de la force (arrêt du Tribunal fédéral 6B_274/2009 du 16 février 2010).

3.2.1. En l'espèce, le Tribunal a retenu (point E.a. supra) que le prévenu a asséné un violent coup de pied au niveau du crâne de A______, ceci dans le but de pouvoir le maîtriser plus facilement et de pouvoir le menotter, soit un acte inhérent à sa fonction de gardien de prison.

En ce qui concerne la proportionnalité de ce coup, comme retenu dans la partie EN FAIT (point E.a. supra), A______ ne détenait pas d'autre objet que le couteau, qu'il n'a aucunement utilisé pour menacer les gardiens; il ne détenait notamment pas de lame de rasoir. Ainsi, l'explication du prévenu selon laquelle son coup de pied était nécessaire vu que A______ pouvait cacher des objets dangereux dans ses mains ne résiste pas à l'examen, et ne permet en tout cas pas de justifier la violence de ce coup. Les éléments du dossier ne permettent pas non plus de retenir l'existence d'un danger concret pour les gardiens; certes, A______ opposait une résistance passive conséquente, mais il ne présentait pas de danger actif, concret et direct, pour le prévenu et ses collègues. Enfin, de l'aveu du prévenu lui-même, le fait de donner un coup de pied à la tête d'un homme au sol ne constitue pas une frappe de déstabilisation comme on l'entend habituellement, ce que tendent à confirmer les déclarations de ses collègues.

Il découle de ce qui précède que le coup litigieux ne peut pas être considéré comme étant proportionné, au vu des circonstances du cas d'espèce.

Il convient encore de déterminer si le coup donné par le prévenu constitue un cas suffisamment important de manquement à un devoir de fonction pour être sanctionné pénalement.

Le Tribunal relève que ce geste a été commis dans le feu de l'action et que A______ était un détenu difficile à gérer, même si les gardiens entendus durant la procédure semblent avoir construit a posteriori une image de A______ comme étant un détenu particulièrement impulsif et dangereux, alors même qu'il n'a jamais exercé de violence physique envers des gardiens, à part le fait d'avoir poussé un gardien à l'épaule à une reprise.

Cela étant, il convient de prendre en considération les circonstances du moment concret, à savoir un détenu auto-agressif, au sol, sur le ventre, les membres maintenus par cinq gardiens, qui oppose une résistance passive mais n'essaie pas, par exemple, de leur donner des coups avec ses membres ou sa tête.

Dans un tel contexte, le coup de pied donné par le prévenu était d'une violence certaine et largement disproportionné. S'il y avait certes des raisons de donner un coup pour tenter de déstabiliser A______, rien ne justifiait le fait pour le prévenu d'asséner un coup de pied, de toutes ses forces, sur la tête du détenu.

Par conséquent, le Tribunal estime que le coup de pied litigieux est suffisamment grave pour constituer objectivement un abus d'autorité du point de vue du droit pénal.

3.2.2. Sur le plan subjectif, le prévenu a agi par dol éventuel, acceptant et envisageant que le coup porté excède les pouvoirs inhérents à sa fonction de gardien de prison.

S'agissant du dessein de nuire, le Tribunal relève que le caractère admissible du but ultime pour lequel a agi le prévenu doit être examiné au niveau de la gravité de la faute, comme le prescrit le Tribunal fédéral en parlant de "culpabilité", par opposition à "typicité".

Le comportement du prévenu a causé à A______ un préjudice non négligeable, vu les lésions subies et l'hospitalisation qui s'en est suivie, ce qui, d'après la jurisprudence précitée, suffit à retenir le dessein de nuire. En outre, bien que le but poursuivi par le prévenu, soit le fait de pouvoir maîtriser et menotter A______, était légitime, il n'en demeure pas moins que le moyen utilisé, soit le coup de pied litigieux, voulu et accepté par le prévenu, était largement excessif.

Au vu de ce qui précède, la condition du dessein de nuire est également réalisée en l'espèce.

3.3. Par conséquent, le prévenu sera reconnu coupable d'abus d'autorité au sens de l'art. 312 CP.

Peine

4.1. A teneur de l'art. 52 CP, le juge doit renoncer à la poursuite pénale si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes.

Si ces conditions ne sont réalisées qu'en instance de jugement, un verdict de culpabilité est rendu, mais dépourvu de sanction (ATF 135 IV 130 consid. 5.3.2).

L'exemption de peine suppose que l'infraction soit de peu d'importance, tant au regard de la culpabilité de l'auteur que du résultat de l'acte. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification; il ne s'agit pas d'annuler, par une disposition générale, toutes les peines mineures prévues par la loi (FF 1999 1787, p. 1871). Pour apprécier la culpabilité, il faut tenir compte de tous les éléments pertinents pour la fixation de la peine, notamment des circonstances personnelles de l'auteur, tels que les antécédents, la situation personnelle ou le comportement de l'auteur après l'infraction (ATF 135 IV 130 consid. 5.4).

4.2. En l'espèce, il ne peut pas être retenu que le geste du prévenu ait été sans conséquence pour A______ au vu des lésions subies par ce dernier, qui ont notamment nécessité plusieurs jours d'hospitalisation.

La culpabilité du prévenu ne peut pas non plus être considérée comme peu importante. Il a d'ailleurs fait l'objet d'une sanction administrative. En outre, il ne semble pas avoir pris la mesure de sa responsabilité. Quand bien même il faut admettre que A______ n'était pas un détenu facile à gérer et qu'il était, de l'avis de tous, imprévisible, il n'en demeure pas moins que la gestion de personnes impulsives, imprévisibles et potentiellement dangereuses est le lot quotidien des gardiens de prison et que c'est précisément dans ces circonstances qu'ils doivent conserver la maîtrise de leurs impulsions. Cette position particulière et la confiance de la collectivité qui en est le corollaire ont pour conséquence qu'une culpabilité de peu d'importance ne doit, dans le cadre de l'art. 312 CP, être admise que dans des circonstances exceptionnelles, lesquelles ne sont pas réalisées en l'espèce.

4.3. Au vu de ce qui précède, les conditions de l'art. 52 CP ne sont pas réalisées.

5.1.1. L'art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravite de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerne, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

5.1.2. A teneur de l'art. 34 al. 1 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur.

En règle générale, le jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3000.- au plus. Il peut exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige, être réduit jusqu'à CHF 10.-.

Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (art. 34 al. 2 CP).

5.1.3. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP).

La loi présume l'existence d'un pronostic favorable et cette présomption doit être renversée par le juge pour exclure le sursis, étant précisé qu'en cas d'incertitude le sursis prime (Petit commentaire du Code pénal, 2ème éd., 2017, n. 9 ad art. 42 CP et les références citées).

5.1.4. Le juge peut prononcer, en plus d'une peine avec sursis, une amende conformément à l'art. 106 CP (art. 42 al. 4 CP).

Selon la jurisprudence, la combinaison de peines prévue par l'art. 42 al. 4 CP se justifie lorsque le sursis peut être octroyé mais que, pour des motifs de prévention spéciale, une sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis paraît mieux à même d'amener l'auteur à s'amender. Elle doit contribuer, dans l'optique de la prévention tant générale que spéciale, à renforcer le potentiel coercitif de la peine avec sursis. Cette forme d'admonestation adressée au condamné doit attirer son attention (et celle de tous) sur le sérieux de la situation en le sensibilisant à ce qui l'attend s'il ne s'amende pas (ATF 134 IV 60 consid. 7.3.1).

5.1.5. Dans un cas genevois, un gardien ayant violemment refermé la porte d'une cellule sur le bras d'un détenu puis repoussé le bras en question à coup de pied pour pouvoir fermer la porte a été condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, étant précisé que le détenu n'avait subi aucune fracture ou tuméfaction (JTDP/940/2015 du 17 décembre 2015, confirmé par AARP/525/2016 du 21 décembre 2016).

Dans un autre cas genevois, un gardien ayant donné un coup de poing au visage d'un détenu et lui ayant causé une fracture du nez et un hématome en monocle, a été condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende (JTDP/763/2013 du 21 novembre 2013, confirmé par AARP/172/2014 du 4 avril 2014).

5.2. En l'espèce, la faute du prévenu est sérieuse. Il a frappé un détenu, certes à une seule reprise, mais en lui infligeant un violent coup de pied au niveau de la tête. Cet acte a causé des lésions conséquentes à A______. A cela s'ajoute que l'intéressé se trouvait à terre, sur le ventre, et que tous ses membres étaient maintenus par les autres gardiens présents.

Il sera toutefois tenu compte du fait que le détenu en question était très énervé, qu'il avait une forte musculature, qu'il avait la réputation d'être imprévisible, que la situation était compliquée, qu'il avait notamment été fait usage d'un spray au poivre et qu'il y avait du sang. Le prévenu a agi dans le feu de l'action; certes, A______ ne présentait pas de danger immédiat pour les gardiens, mais ce cas n'est pas non plus comparable à celui d'un détenu menotté et totalement maitrisé.

S'agissant de son mobile, le Tribunal retiendra que le prévenu a agi dans le but légitime de parvenir à menotter le détenu, mais en excédant ce qui est admissible comme usage de la force. Il n'a notamment pas agi dans un but chicanier, ce que personne ne soutient d'ailleurs.

Il a toutefois fait preuve d'un comportement mal maîtrisé, assurément inadmissible de la part d'un gardien de prison, alors qu'il aurait eu d'autres moyens d'action à disposition.

Il sera tenu compte du fait que le travail en milieu carcéral est compliqué et propice à causer des situations conflictuelles et stressantes; cependant, le prévenu aurait dû résister au fait, usuel, qu'un détenu oppose une certaine résistance lors d'un transfert en cellule forte, ce d'autant plus que ses collègues entendus lors de l'audience de jugement l'ont décrit comme un gardien très calme en toutes circonstances.

Il s'agit d'un épisode isolé. Le prévenu est un collaborateur apprécié de sa hiérarchie et de ses collègues, et sa carrière longue de douze ans est exempte d'incidents relevant du droit pénal.

La collaboration du prévenu n'a pas été bonne; il a d'abord omis de mentionner le coup de pied litigieux, avant de tenter de mettre indirectement, par l'entremise de ses avocats, la faute sur F______, voire sur A______ lui-même, insistant sur le fait qu'il était un détenu particulièrement dangereux, alors qu'il ressort de l'instruction que l'intéressé n'a pas pour habitude d'être physiquement violent envers les gardiens. Certes, une fois confronté aux images de vidéosurveillance, le prévenu n'a pas contesté avoir donné ce coup de pied, étant relevé qu'il pouvait alors difficilement faire autrement.

Sa prise de conscience n'est pas initiée, en ce sens qu'il estime encore aujourd'hui que son acte était justifié.

Sa situation personnelle n'explique ni n'excuse aucunement ses agissements.

Il y a concours d'infractions.

Le prévenu a un antécédent non spécifique relativement ancien, sans portée pour la fixation de la peine ou l'octroi du sursis.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal prononcera une peine pécuniaire de 90 jours- amende. Le montant du jour-amende sera fixé à CHF 195.- l'unité afin de tenir compte des revenus et charges du prévenu, soit [CHF 8'329.- (revenu mensuel net) – CHF 770.- (loyer) – CHF 456.- (assurance-maladie) – CHF 1'200.- (minimum vital)] / 30.

Le sursis, dont les conditions sont réalisées, lui sera octroyé, et la durée du délai d'épreuve sera fixée à 3 ans.

En revanche, compte tenu de l'absence de prise de conscience du prévenu et du risque de récidive qui ne peut être exclu, vu qu'il occupe toujours la fonction de gardien de prison, une amende de CHF 3'510.- (correspondant à 20% de CHF 17'550.-) sera prononcée à titre de sanction immédiate.

6. Compte tenu du verdict de culpabilité, le prévenu sera condamné aux frais de la procédure (art. 426 al. 1 CPP).

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare X______ coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 al. 2 CP) et d'abus d'autorité (art. 312 CP).

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 195.-

Met X______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Condamne X______ à une amende de CHF 3'510.- (art. 42 al. 4 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 35 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 11'552.95, y compris un émolument de jugement de CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Karin CURTIN

La Présidente

Sabina MASCOTTO

 

 

Voies de recours

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).


 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

10'943.95

Convocations devant le Tribunal

CHF

45.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

500.00

Etat de frais

CHF

50.00

Total

CHF

11'552.95

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Notification à X______, soit pour lui son Conseil, par voie postale

Notification au Ministère public, par voie postale