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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/18330/2010

AARP/172/2014 du 04.04.2014 sur JTDP/736/2013 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 27.05.2014, rendu le 20.07.2015, REJETE, 6B_539/2014
Descripteurs : ADMINISTRATION DES PREUVES; SURVEILLANCE(EN GÉNÉRAL); INFRACTIONS CONTRE LA VIE ET L'INTÉGRITÉ CORPORELLE; LÉSION CORPORELLE; CAUSE LÉGITIME; LÉGITIME DÉFENSE; AUTORITÉ; ABUS DE POUVOIR; FIXATION DE LA PEINE
Normes : CP.123.2.2; CPP.141; CP.312
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18330/2010AARP/172/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 4 avril 2014

 

Entre

X______, domicilié ______, comparant par Me Robert ASSAËL, avocat, rue de Hesse
8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/736/2013 rendu le 21 novembre 2013 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Selon annonce formée le 5 décembre 2013, X______ appelle du jugement du 21 novembre 2013 du Tribunal de police, notifié le 29 novembre suivant, par lequel il a été reconnu coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 al. 2 du Code pénal suisse, du 21 décembre 1937 [CP ; RS 311.0]) et d’abus d’autorité (art. 312 CP), condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, à CHF 120.– l’unité, avec sursis, délai d’épreuve de trois ans, et condamné aux frais de la procédure.

b. Selon sa déclaration du même jour, il conteste le verdict de culpabilité ainsi que la peine et conclut à l'accueil de ses conclusions de première instance tendant à l'acquittement, précisant ne pas avoir de réquisition de preuve à formuler. Par courrier du 18 février 2014, soit dans le délai imparti par la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) à cette fin, il conclut également à l'octroi d'une indemnité en CHF 67'672.– au titre de couverture de ses frais de défense.

c. Aux termes de l'ordonnance pénale du 25 juillet 2012 valant acte d'accusation, il est reproché à X______, gardien à la prison de Champ-Dollon, d'avoir, le 23 octobre 2010, frappé de deux coups de poing au visage le détenu A______, lui causant une fracture du nez et un hématome du monocle.

B. Les faits pertinents pour l'issue du litige sont les suivants :

a. Par courrier du 3 novembre 2010, le Directeur de la prison de Champ-Dollon communiquait au Procureur général le dossier d'un incident survenu le 23 octobre précédent comportant notamment :

- une décision prononcée le jour même des faits par le directeur général de l'Office pénitentiaire, selon laquelle A______, lors de la remontée de la promenade, à 08:55, avait refusé d'intégrer la (demi-) unité nord-nord, où se trouvait sa cellule, et s'était dirigé vers le couloir nord-centre puis en était revenu, se postant dans l'espace central, dont toutes les portes d'accès avaient été fermées. Depuis son poste de travail, X______, l'avait invité à rejoindre son unité et cesser ses insultes et menaces. A______ n'avait pas obtempéré et s'était approché de l'entrée du local. X______ en était sorti pour assurer le maintien de l'ordre sur l'étage. Le détenu n'avait pas reculé et avait craché sur lui, ce qui avait conduit à une réaction immédiate et à un affrontement. Une appointée avait donné l'alarme et six gardiens avaient été blessés lors de l'intervention nécessaire pour maîtriser A______ et le conduire en cellule forte. A______ avait notamment mordu et griffé le personnel et plusieurs hommes avaient été en contact avec son sang. S'étant vu donner l'occasion de faire valoir son point de vue, le détenu avait affirmé avoir été agressé et demandé "le visionnement des caméras". Or, "le visionnement des caméras montr[ait] les faits décrits [ ] supra, notamment que A______ [avait] cré[é] un contexte potentiellement dangereux". Les explications d'A______ mises en relation avec la gravité des faits reprochés justifiaient le prononcé d'une sanction disciplinaire, étant précisé qu'il y avait "gravité qualifiée" en cas d'usage de la violence à l'encontre du personnel de surveillance. A______ était par conséquent sanctionné d'un placement en cellule forte d'une durée de 10 jours ;

- le rapport d'incident du 23 octobre 2010 de X______, selon lequel, lors de la remontée de la promenade, A______ s'était dirigé vers l'unité nord-centre pour demander une cigarette. De retour dans l'unité centrale, il avait crié "avec un autre détenu" à travers la porte PSQ, fermée, et traînait dans le couloir. X______ l'avait enjoint, depuis son bureau, de se taire et regagner son unité. Le détenu s'était dirigé vers la porte PSQ de l'unité nord-nord, puis était revenu sur ses pas, s'énervant et s'adressant à X______ en ce termes "NIK MOK, bâtard, je vais te péter les dents, je vais te retrouver dehors et te tuer, PD". A______ persistant dans son attitude nonobstant ses ordres réitérés, et la quasi-totalité des autres détenus ayant regagné les cellules, X______ était sorti de son bureau pour "signifier [à l'intéressé] que son comportement n'était pas correct." A______ s'était alors dirigé vers lui et lui avait craché dessus. X______ l'avait repoussé et il était revenu à la charge d'un air déterminé de sorte que le chef d'unité avait dû utiliser la contrainte pour le maîtriser. L'appointée B______ avait déclenché l'alarme ;

- le rapport d'incident de B______ dont il résultait que celle-ci, occupée à "rentrer" les détenus de l'unité nord-nord avec le stagiaire C______, avait vu A______ hurler "je vais te tuer" puis "aller contre" X______. Elle avait déclenché l'alarme et était intervenue avec le stagiaire précité. S'en étaient suivies une mise en cellule forte en présence de trois sous-chefs et une fouille, toutes deux "manu militari". En définitive, quatre gardiens avaient été blessés, dont X______ qui avait présenté une coupure à la main droite, et leurs uniformes ou gants avaient été maculés de sang, ainsi que le pantalon de l'auteure du rapport ;

- un constat de lésions traumatiques du 29 octobre 2010 du Dr N______, par laquelle A______ était suivi depuis le 18 août 2008. Lors d'une consultation en urgence le 23 octobre précédent, A______ avait déclaré avoir été provoqué verbalement puis avoir reçu des coups de poing d'un gardien avant que plusieurs autres n'interviennent. Durant la bagarre, il avait reçu de nombreux coups au visage et avait eu la main gauche piétinée. L'examen médical avait mis en évidence des douleurs diffuses à la palpation des membres, un hématome en monocle, des douleurs à la palpation de la base du nez, une tuméfaction de celle-ci avec déviation de la cloison nasale sur la gauche, des douleurs à la palpation des os zygomatiques, un hématome rétro auriculaire gauche, des douleurs à la palpation du métacarpien de la main gauche sans impotence fonctionnelle. Un CT scan du massif facial montrait une fracture du nez, ainsi que du matériel hyperdense frontal droit ne correspondant à aucune lésion cutanée (lésion probablement ancienne). Un traitement antalgique avait été prescrit et une consultation de rhinologie pour correction de la déviation du nez devait être prévue ;

Par la suite, le Directeur de la prison a encore fait tenir au Procureur général divers documents, dont :

- le procès-verbal d'audition d'A______ par le gardien-chef S______ en date du 4 novembre 2010, en présence du gardien-chef adjoint D______. A______ avait fait état de problèmes continuels avec X______, lequel lui avait cassé une dent l'année précédente, sauf erreur le 25 avril 2009. Le 23 octobre 2010, il était allé discuter avec un détenu de l'unité nord-centre, sans en avoir le droit. Alors qu'il s'était rendu devant le bureau du chef d'étage, X______ lui avait crié "Eh, le bâtard, tu vas au nord-nord et si je te trouve dehors, je te tue" accompagnant ces propos de gestes imitant la charge d'un pistolet. A______ avait certes répondu aux insultes mais il n'avait pas craché sur X______, lequel était sorti de son bureau et l'avait frappé immédiatement, lui disant " fils de pute, ferme ta gueule". A______ s'était protégé et avait essayé d'éviter son agresseur, en vain ;

- un rapport complémentaire du 29 octobre 2010 du stagiaire F______ selon lequel, ayant ouvert la porte à A______ afin qu'ils puissent regagner l'aile nord-nord, il l'avait entendu dire à X______ : " ferme ta gueule, enculé et tu ne me parles pas".

b.a En réponse à un courrier du 25 novembre 2010 ordonnant la saisie de toute bande vidéo portant sur les faits, le Directeur de la prison transmettait au Procureur général l'enregistrement vidéo de l'incident "dûment sauvegardé".

b.b Le Ministère public (MP) s'étant enquis de l'existence d'autres images, le Directeur de la prison a fait savoir, par courrier du 5 mai 2011, que quatre caméras étaient installées dans l'unité concernée. Seules les images issues de la camera 78A avaient été conservées manuellement, car il s'agissait de la caméra offrant la meilleure vision de l'événement s'étant déroulé devant le bureau du chef d'unité. Les enregistrements effectués par les autres caméras n'avaient pas été sauvegardés au-delà de la durée habituelle de 48 voire 96 heures. Un plan ainsi qu'un échantillon d'image pris par chacune des quatre caméras étaient joints à ce courrier. Il en résulte que les (demi-) unités nord-nord et nord-centre sont composées de cellules donnant sur deux couloirs joints par un hall central. Les portes dites "PSQ" de part et d'autre du hall central marquent le passage dans chacune des deux (demi-) unités. Il s'agit d'imposantes portes en métal et verre ajourées qui, lorsqu'elles sont fermées, obstruent partiellement la vue du hall central où se situe le bureau du chef d'unité, sur la gauche de l'aile nord-nord pour l'observateur faisant face audit hall. Les caméras 78A et B donnent sur le hall central depuis le fond de l'unité nord-nord, la caméra 77A est orientée vers le fond de l'unité nord-centre, soit la direction opposée au hall central où se sont déroulés les faits, et la caméra 77B est dirigée vers le hall central depuis le fond de l'unité nord-centre.

b.c La CPAR retient ce qui suit du visionnement des images prises par la caméra 78A (images originales et montage sur lequel apparaissent simultanément les images originales, en arrière-plan, et leur agrandissement, au premier plan) : la visibilité n'est pas bonne, du fait de la distance et, principalement, de ce que la porte PSQ séparant l'aile nord-nord du hall central est fermée ; il n'y a pas de son. On peut néanmoins distinguer au loin A______, déambulant seul dans le hall central, après avoir tenté un contact avec un détenu se trouvant de l'autre côté de la porte, soit dans l'aile nord-nord. Il paraît plutôt calme, ne faisant pas de gestes particuliers. Il s'approche du bureau du chef d'unité. X______ en sort, se dirige vers lui et lève le bras dans sa direction. Le contact n'est pas visible mais A______ est repoussé par le choc et recule d'un pas. X______ lui assène deux ou, plus vraisemblablement, trois coups alors qu'A______ continue de reculer de sorte que tous deux se déplacent vers la droite de l'écran. Ce n'est qu'à ce stade qu'A______ réagit et qu'un corps à corps est engagé avant que X______ ne pratique une clef de bras et que les deux gardiens présents dans l'aile nord-nord n'accourent. L'un d'eux, soit l'appointée B______, se saisit d'un linge ou autre morceau de tissu et l'agite en direction du visage du détenu, encore debout mais ployant sous l'effet de la prise pratiquée par X______. Le détenu est ensuite amené à terre, tombant sur ses fesses avant d'être couché. Divers autres gardiens accourent.

b.d X______a soutenu pour la première fois que ces images constituaient une preuve illicite par courrier de son conseil du 5 juillet 2012, soit dans le délai, prorogé à sa demande, pour présenter d'éventuelles réquisitions de preuves avant le prononcé de l'ordonnance de clôture. Cette communication a été complétée par un second courrier du 24 juillet 2012.

c. X______ a déposé plainte pénale à l'encontre d'A______, par courrier du 10 novembre 2010, pour des faits, non décrits, de lésions corporelles et menaces de mort. Cette plainte a été classée, par ordonnance du 25 juillet 2012. Le recours dirigé contre l'ordonnance de classement a été rejeté par arrêt du 27 novembre suivant de la Chambre pénale des recours (CPR), tandis que le recours en matière pénale dirigé contre cette dernière décision a été déclaré irrecevable.

d. X______ et ses collègues intervenus le 23 octobre 2010 ont été entendus par l'enquêteur désigné par le Conseil d'État aux fins de diligenter une enquête administrative concernant le chef d'unité, puis au cours de la présente procédure.

d.a X______ avait appris par la suite qu'A______ avait déjà eu un problème avec l'infirmière ce matin-là. En outre, alors qu'il se rendait à la promenade, il ne s'était exécuté que "bon gré mal gré" lorsqu'il lui avait demandé d'ôter sa casquette. Au retour, A______ s'était dirigé non pas vers sa cellule, mais vers celle d'un détenu avec lequel il avait précédemment eu une altercation mais il avait été intercepté et ramené dans la zone centrale puis la porte PSQ avait été fermée. A______ s'était alors mis à crier, voire hurler, demandant des cigarettes. Dès lors qu'ils étaient séparés d'une vitre blindée, X______ lui avait fait signe de se taire puis de se diriger vers sa propre cellule. A______ avait répondu par des insultes et menaces de mort. La plupart des gardiens ayant fini de conduire les détenus dans leurs cellules et étant sur le point de revenir vers les portes PSQ, X______ était sorti de son bureau. Il voulait ouvrir lui-même la porte PSQ et remettre A______ à ses collègues. Il lui avait intimé, d'un ton ferme et d'un geste du bras, de retourner dans sa cellule et celui-ci lui avait craché dessus, l'atteignant à la poitrine. Le gardien chef avait alors repoussé A______ de sa main gauche, également à hauteur de la poitrine, d'un geste suffisamment fort pour le faire reculer. A______ était revenu dans sa direction, disant qu'il allait le tuer. Cette menace n'était pas mentionnée dans son rapport du 23 octobre 2010 car c'était sa collègue B______ qui la lui avait rappelée par la suite. Celle-ci se trouvait derrière la porte PSQ, laquelle était suffisamment ajourée pour qu'elle ait pu entendre ces propos. Selon les déclarations à l'enquêteur, A______ avait également fait mine de l'attraper par le cou de sorte que X______ l'avait par réflexe repoussé avec sa main droite, paume ouverte, à la hauteur du visage. Selon ses dires au MP, X______, expert en TTI (tactique-technique d'intervention), avait donné un impact de la main droite dans le but de contraindre A______ à se retourner, ce qui aurait permis au gardien de pratiquer un contrôle du cou et de l'amener au sol. N'ayant été que très partiellement repoussé, A______ lui avait donné plusieurs coups, dont l'un dans la poitrine et l'autre au niveau du biceps gauche. Il l'avait également mordu. X______ était quand même parvenu à lui faire une clef autour du cou avec la main gauche. Les collègues étaient intervenus et le détenu avait été amené au sol et menotté, non sans difficulté. C'était C______ qui l'avait amené au sol, sans qu'il n'y ait de chute violente. A______ se débattait fortement, ce qui avait nécessité l'intervention de plusieurs gardiens. X______ s'était pour sa part éloigné pour se laver les mains, tachées de son propre sang ainsi que de celui d'A______. Le sang de ce dernier provenait de son nez suite au geste de la main de X______ au début de l'empoignade. X______ contestait formellement être sorti de son bureau pour frapper A______. Le geste du bras visible sur les images de vidéosurveillance était le geste par lequel il avait indiqué à A______ la direction à prendre. Il n'était pas non plus sorti du bureau à cause des insultes d'A______. Aucune prescription n'interdisait à un gardien de se trouver seul face à un détenu montrant des signes d'énervement et il avait pris un risque calculé, étant précisé qu'il ne lui semblait pas qu'A______ avait des antécédents de violence ; c'était plutôt un rouspéteur. Pour lui, les lésions subies par A______ avaient pu être causées à n'importe quel moment, de l'échauffourée dans le hall jusqu'au déshabillage en cellule forte. Néanmoins, il ne pensait pas être à l'origine de la fracture du nez par sa prise. Il connaissait les techniques pour frapper et s'il avait donné un coup, A______ aurait été déstabilisé. Les déclarations et conclusions de S______ devaient être appréciées avec circonspection, car celui-ci lui en voulait personnellement et avait saisi l'occasion pour lui régler son compte.

Devant le MP, X______ a encore précisé qu'il était sorti du bureau de crainte qu'A______ ne se saisisse des sets d'entrée pour nouveaux détenus contenant couteau, fourchette et draps, lesquels étaient conservés dans un meuble bas, non fermé à clef, dans l'unité centrale.

Le crachat était simultané au geste de X______ indiquant la direction à prendre. A ce moment, A______ était très agressif et se dirigeait vers lui pour cracher.

d.b D______, stagiaire au moment des faits, a confirmé qu'au retour de la promenade, A______ s'était dirigé vers la section nord-centre, où il n'avait "rien à faire". D______ l'avait renvoyé vers l'aile nord-nord. A la hauteur du local des gardiens, A______ s'était mis à insulter X______ d'une voix forte, celui-ci lui ayant dit de ne pas aller demander des cigarettes. La porte PSQ était alors encore ouverte. D______ l'avait fermée et n'avait plus rien entendu. Occupé à d'autres tâches, il n'avait pas été spectateur du début de l'altercation. Il était accouru dans le hall central lorsque l'alarme avait retenti et avait vu une flaque de sang par terre, "pas mal de sang" lui semblait-il. A______ était debout et se débattait face à plusieurs gardiens, alors que X______ n'était plus présent. D______ était intervenu pour mettre à terre le détenu, qui ne se laissait pas faire. Il avait ensuite fallu le maîtriser et le conduire en cellule forte puis procéder à une fouille sous contrainte. D______ avait observé ces dernières opérations et vu A______ mordre au doigt son collègue. Il ne se souvenait pas qu'A______ eût lui-même été blessé, ni reçu des coups. En fait il avait vu qu'il était blessé mais ne pouvait être plus précis, de crainte de déclarer quelque chose d'inexact. Le détenu avait encore tenté de s'en prendre aux gardiens alors qu'ils fermaient la porte de la cellule forte.

d.c C______ avait ouvert la porte PSQ, au travers de laquelle l'on ne pouvait entendre ce qui se passait dans le hall central, surtout lors de la remontée des détenus, ceux-ci discutant entre eux, et rejoint le hall central après que B______ eut activé l'alarme. Celle-ci le suivait, lui semblait-il. Il avait vu A______ debout, de dos, sans se souvenir de ce qu'il faisait ni de l'emplacement de X______. Il avait vu une tache de sang, ou plutôt des petites flaques, "comme lorsqu'on saigne du nez". Il avait empoigné le détenu par le col de la veste, le tirant en arrière. Celui-ci était calme et s'était laissé faire. Il avait été aussitôt déséquilibré et était tombé, à plat vente, sa chute étant accompagnée par le geste du gardien stagiaire. Lorsque les collègues avaient pris la relève, la situation était un peu confuse, A______ se débattant et criant de douleur. Il s'était également débattu sous l'emprise de C______, alors qu'il était au sol, mais pas avec une grande force. Devant le MP, il ne se souvenait plus de la tache de sang aperçue à son arrivée mais de traces au sol après l'intervention de ses collègues.

d.d P______ était accouru alors qu'A______ était déjà au sol, maintenu par deux collègues. Il était agité, criant et vociférant, il y avait du sang sur son visage et par terre, sous forme de petites éclaboussures. X______ se tenait à l'écart. P______ était de ceux qui avaient conduit A______ dans la cellule forte, ce qui avait été très difficile.Il y avait eu une échauffourée lors de laquelle il avait été griffé à la main et un collègue mordu. A______ se débattait si bien que le témoin était au bord de l'épuisement.

d.e L______ n'avait rejoint l'étage qu'au moment où A______ se trouvait déjà au sol alors que X______ n'était plus présent. A______, très agité, gigotait sans cesse, injuriant en français et en arabe, sans crier de douleur. Il y avait un peu de sang par terre. A______ avait sa tête dedans ou à proximité. Le gardien avait participé à la mise en cellule forte et avait reçu des coups de genou puis été mordu au pouce droit. Des clefs de bras avaient dû être pratiquées vu la résistance de l'intéressé. Lors du transport jusqu'à la cellule forte par quatre gardiens, A______ avait été "amené à terre sans qu'il n'y ait le moindre choc au niveau de la tête", à tout le moins au souvenir du déclarant.

d.f M______ avait observé A______ allant dans le quartier nord-centre pour y faire du troc, et l'en avait empêché. A______ n'avait pas apprécié, était tendu, mais sans être encore trop menaçant. La gardien s'était ensuite occupé d'autres tâches et était revenu lorsque l'alarme avait sonné. X______ se tenait alors en retrait, à proximité du bureau. A______ était à plat ventre, se débattant sous l'emprise de deux ou trois gardiens qui n'arrivaient pas à le maintenir. Il criait, non de douleur, mais des insultes. Il saignait du visage. Sa tête était maintenue à plat. Ce gardien avait encore suivi le groupe conduisant A______ en cellule forte, sans pénétrer dans la pièce. L'intéressé vociférait et gigotait, essayant de frapper.

Lors de son audition par le MP, M______ a décrit A______ comme "très explosif dans sa façon d'être", s'énervant en levant les bras et regardant les gardiens avec dédain pour les intimider lorsqu'ils lui avaient demandé de regagner l'aile nord-nord. Pour ce gardien non plus, on ne pouvait entendre ce qui se passait dans le hall central lorsque la porte PSQ était fermée, surtout lors du brouhaha général causé par la rentrée des détenus. Lorsqu'il était maintenu à terre, A______ se débattait dans tous les sens, avec tout son corps et sa tête, dans le but de se libérer et de donner des coups.

d.g Selon W______, on pouvait entendre vaguement ce qui se passait dans le hall central lorsque les portes PSQ étaient fermées, sauf lors du brouhaha de la remontée, auquel cas on n'entendait rien du tout. Elle était arrivée alors qu'A______ était maîtrisé par ses collègues, X______ n'étant plus présent. A______ était couché à plat ventre, la tête de côté. Il y avait un peu de sang à proximité de son visage. Elle n'avait pas vu de blessure. Il avait eu des cris de douleur, du fait qu'il ne restait pas tranquille. En effet, en de telles circonstances, une clef de bras fait mal. Plus tôt, elle avait constaté qu'A______ faisait le pénible, tentant de pénétrer dans le quartier nord-centre, qui n'était pas le sien. Il avait fallu fermer la porte PSQ pour l'en empêcher.

d.h B______, occupée à rentrer les détenus de l'aile nord-nord avec C______, avait entendu A______ crier, sans discerner ce qu'il disait. Il était excité et gesticulait. Soudain, il était allé en direction de X______, qui se trouvait également dans le hall. Ils étaient à deux ou trois mètres l'un de l'autre. X______ faisait un geste de la main, paume ouverte, pour indiquer à A______ la direction à prendre. Celui-ci avait parcouru la distance les séparant d'un pas décidé. Elle ne l'avait pas vu cracher. Elle avait appuyé sur le bouton de l'alarme alors qu'il n'y avait pas encore eu de contact physique entre les deux protagonistes. X______ avait repoussé A______ comme on le fait en self-défense, les deux bras tendus, paumes ouvertes, étant précisé qu'A______ se trouvait de dos par rapport à elle. Elle avait distinctement entendu A______ crier qu'il allait tuer X______, car la porte PSQ, même fermée, était suffisamment ajourée pour laisser passer le son – à tout le moins, a-t-elle précisé devant le MP, "quand ça gueule" -. Ayant été repoussé, A______ avait foncé sur son collègue. Elle avait manqué la scène suivante puis avait aperçu X______ réceptionner A______ et lui faire un contrôle du cou par l'avant-bras. Ensuite, C______ avait saisi A______ par le col de son vêtement et X______ avait lâché la prise. Elle-même avait attrapé A______ par les jambes, lequel était tombé à genoux, puis de côté, sur une épaule, et non face contre terre. A ce moment-là, il ne se débattait pas encore avec une grande force. Des collègues étaient arrivés en renfort, s'employant à immobiliser l'intéressé, qui résistait, criait et insultait. Il était "tendu comme une barre de fer", difficile à maîtriser. Elle avait vu du sang, sur le sol, lorsqu'A______ avait été emmené par ses collègues. Il s'agissait de quelques gouttes.

Interrogée sur ce point par le Procureur, B______ a confirmé qu'elle était allée chercher des linges, dans le bac de linge sale des détenus, situé à portée de main, au moment où X______ immobilisait A______, soit parce que le sol était mouillé, soit parce qu'il était sale. Le Procureur observant qu'on ne nettoyait pas le sol dans un moment de crise, elle a indiqué qu'il devait plus probablement être mouillé et qu'elle avait voulu éviter que quelqu'un ne "se casse la figure". Il devait certainement y avoir de l'eau provenant des douches, celles-ci se trouvant toutefois à l'intérieur du quartier et non pas dans le hall central. Lors de cette audition, elle ne se souvenait plus si X______ avait repoussé A______ avec une ou deux mains. Elle estimait avoir vu tout ce qui s'était passé sous réserve de "quelques fractions de seconde".

d.i G______ était arrivé alors que six ou sept collègues étaient déjà sur place. A______ était à terre et se débattait violemment. Sauf erreur, il avait la tête de côté. Il y avait une petite flaque de sang sur le sol, raison pour laquelle ce gardien avait enfilé une paire de gants avant de porter main forte. Il n'était pas parvenu à faire une clef de bras car A______ était très crispé. Lors de la conduite en cellule forte, le détenu était porté par des gardiens qui le tenaient chacun par les bras et les jambes et se débattait. Il avait été difficile de le déshabiller, alors qu'il était à plat ventre. Il n'avait certainement pas été lâché, car sinon il aurait pu être dangereusement libre de ses mouvements. Lors de son audition par le MP, ce gardien ne se souvenait plus avoir participé au déshabillage.

d.j S______ n'avait pas assisté aux faits, n'étant pas présent à la prison le 23 octobre 2010. Considérant que le mode de fonctionnement rigoureux de X______ contrevenait aux règles de l'établissement et voyant le nom de l'intéressé sur le rapport d'incident, il avait décidé d'approfondir les faits, raison pour laquelle "la bande vidéo relative à l'étage où s'étaient déroulés les faits avait été visionnée", en sa présence et en celle d'autres personnes, dont il ne se souvenait pas. En particulier, il ne se souvenait pas si le gardien visé était lui-même présent. En outre, un premier visionnement avait eu lieu le jour des faits à la demande de l'Office pénitentiaire. Pour lui, il résultait de l'examen des images que X______ avait "pété un câble". Il n'aurait pas dû sortir du bureau vu l'attitude d'A______. Il s'était précipité sur le détenu, qui n'avait pas eu de réaction, et l'avait frappé à plusieurs reprises. A______ ne s'était défendu qu'ensuite. Constatant la présence d'un autre détenu, S______ avait voulu l'identifier, et avait fini par y arriver, nonobstant l'absence de collaboration des gardiens interpellés, mais l'intéressé avait fait savoir qu'il souhaitait en rester là de sorte qu'il n'avait pas insisté. Il avait aussi souhaité entendre A______, sachant qu'il était sur le point d'achever de purger sa peine, d'où le procès-verbal d'audition du 4 novembre 2010.

d.k J______ était intervenu suite à l'alarme. A son arrivée, le détenu était par terre, plusieurs gardiens autour de lui. Il était agité, criant et se débattant. J______, qui avait tenté sans succès de tenir un bras de l'intéressé, n'avait pas de souvenir d'avoir vu du sang par terre.

d.l H______ a déclaré devant le MP être arrivé suite au déclenchement de l'alarme et avoir vu A______ par terre, maintenu par trois ou quatre gardiens. Il était assez agité. Il l'avait saisi par les pieds. Il ne lui semblait pas qu'il y avait du sang. A______ avait la tête sur le côté et était en bon état. Il ne l'avait cependant vu que sur le ventre. Il avait fallu le porter jusqu'à la cellule forte, car il ne se laissait pas faire. Les portes en étant étroites et, se débattant, A______ était tombé à plat ventre. H______, qui le tenait toujours par les pieds, était également tombé. Sans chuter de très haut, A______ avait tapé le haut du corps sur le sol car c'était le gardien qui lui tenait la tête qui l'avait lâché. H______ n'avait pas constaté qu'il se fût blessé et n'avait pas vu de sang. Alors que les gardiens quittaient la cellule forte, A______ était venu en courant vers la porte vitrée et avait craché dessus. Il y avait du sang.

e. Selon le Dr N______, les consultations d'A______ à l'UMP durant la période précédant le 23 octobre 2010 était d'ordre psychiatrique et somatique. Il y avait également eu des constats de lésions traumatiques. Il s'agissait d'un détenu souffrant d'un trouble de la personnalité sous forme d'une intolérance à la frustration. Il montrait une grande impulsivité et difficulté à gérer ses émotions. Il partait assez vite en escalade, essentiellement à l'égard des gardiens. A______ avait été examiné par un confrère le 23 octobre 2010. L'évaluation avait été très difficile mais l'essentiel des constatations décrites dans le constat de lésions traumatiques avait été fait à cette occasion. A______ avait dit avoir été insulté par un gardien, sans en donner le nom. Il présentait ce que l'on appelle vulgairement un "œil au beurre noir" et les signes d'une fracture du nez, des douleurs aux deux pommettes et un bleu derrière l'oreille gauche, outre des douleurs à la main. A______ avait souhaité que le constat soit communiqué au directeur de la prison, se considérant victime d'un passage à tabac. Selon le Dr N______, la cause la plus fréquente d'une fracture du nez en milieu carcéral était un coup de poing et il était peu probable que le fait de repousser un antagoniste avec la paume de la main ouverte puisse occasionner une telle lésion. Pour casser un os, il faudrait que celui-ci soit frappé par la base de la paume. Le même geste ne suffirait pas non plus à occasionner un œil au beurre noir, une telle lésion étant également plutôt évocatrice d'un coup de poing. Le médecin éliminait totalement l'hypothèse qu'une chute latérale ait pu provoquer les blessures constatées. Il lui était plus difficile de répondre à la question de savoir si les lésions avaient pu être causées lors des efforts pour maîtriser l'intéressé. On ne pouvait pas exclure que la fracture du nez, contrairement à l'œil au beurre noir, ait pu être causée lors d'une clef de bras, si le visage d'A______ avait été serré. Certes, une fracture du nez pouvait provoquer des hématomes en monocle, mais ce serait alors aux deux yeux, et l'hématome serait plutôt visible dans la partie inférieure de l'orbite alors que dans le cas présent, le sang était répandu tout autour de celle-ci. Une hémorragie, soit un écoulement de sang, indépendamment de son importance, suit en général immédiatement une fracture du nez, étant précisé que toute fracture du nez ne causait pas nécessairement une hémorragie.

f.a A______ a été décrit par les gardiens comme agressif, tant verbalement que physiquement, ne supportant pas l'autorité et comptant de nombreux incidents et sanctions disciplinaires à son actif, ce que confirme le volumineux dossier disciplinaire versé à la procédure. Il était connu pour poser des problèmes, était un des pires détenus, un rebelle, menteur et manipulateur constamment à la recherche de conflits, "basiquement" menaçant.

f.b Pour sa part, X______ était favorablement perçu par ses collègues, sous la seule réserve de S______, qui ont évoqué ses bonnes compétences de moniteur TTI et des interventions toujours correctes, un gardien sympathique, calme, toujours maître de lui-même, sachant régler les situations critiques, un bon chef.

Il a deux antécédents disciplinaires, anciens, et a été promu au grade de gardien principal adjoint (GPA) le 19 août 2010.

g. Aux termes de son rapport, l'enquêteur a retenu que X______ avait frappé le premier et que les lésions les plus graves subies par A______ n'avaient pu être causées lors de la maîtrise par les gardiens accourus en renfort, ni lors de son transport en cellule forte ou des opérations qui avaient suivi. Le fait que X______ avait pratiqué une clef autour du cou du détenu, que celui-ci était tombé en deux temps et n'avait jamais été vu face contre terre, enfin que du sang était immédiatement apparu sur le sol, avant même qu'il ne fût couché, puis à la hauteur de son visage, étaient autant d'indications convergentes que la fracture du nez avait été causée en raison même de la clef, l'agitation d'A______ ayant probablement contribué à déplacer vers le haut le bras du gardien. X______ n'aurait pas dû quitter son bureau, vu le comportement d'A______, ses "caractéristiques psychiatriques" bien connues et en raison du fait que ledit comportement, quand bien même était-il "pénible", n'avait rien d'insolite et n'était pas de nature à compromettre la bonne marche de l'établissement. L'aurait-il été que, selon l'ordre de service C 19, l'usage des menottes, par le sous-chef de jour ou le responsable de la brigade de nuit, ce que X______ n'était pas, aurait pu être envisagé. Le crachat ne surprenait pas, pouvait certes avoir causé l'emportement de X______, mais ne l'exonérait pas de sa responsabilité de professionnel de la surveillance carcérale.

C. a. Par ordonnance présidentielle du 22 janvier 2014, il a été décidé d'une procédure orale, un délai étant imparti à X______ pour déposer ses conclusions chiffrées en indemnisation.

b. A l'audience, X______ a soulevé une question préjudicielle, concluant à ce que soient écartées de la procédure les images de vidéosurveillance et toutes les pièces y faisant référence, extraits de procès-verbaux compris, tout en proposant de plaider la question avec le fond, ce que la Cour a accepté.

c. Il a confirmé ses précédentes déclarations. Il avait partiellement accompagné A______ au sol, au moment où tous deux avaient été déséquilibrés, puis ses collègues B______ et C______ avaient terminé le geste. Il s'était redressé, avait reculé et était parti se désinfecter les mains. Il avait estimé opportun de sortir de son bureau constatant qu'A______ n'était pas à sa place, pour trois motifs : en qualité de responsable d'étage, il lui appartenait de faire respecter les règles, à cause de la présence des sets pour les nouveaux détenus dans le meuble devant son bureau et enfin pour raccompagner le détenu récalcitrant. Ces sets, qui contenaient un jeu de couverts en acier, s'étaient toujours trouvés à cet endroit. Ce n'était pas très judicieux et les gardiens avaient demandé qu'ils soient mis sous clef, en vain. Il n'avait évoqué dans son rapport que l'intention de signifier à A______ que son comportement n'était pas correct parce que les rapports étaient toujours un peu "basiques". Au fur et à mesure de l'affaire, il lui était paru utile de compléter. Il était judicieux qu'il sorte, en l'absence d'autres collègues, à la rencontre d'un détenu menaçant et connu pour son comportement difficile, dès lors que les insultes étaient monnaie courante. Vu le manque d'effectifs de la prison, il n'y avait pas de consigne de ne pas agir seul dans de telles situations.

d. X______ persiste dans ses conclusions, tant sur question préjudicielle que sur le fond.

La décision disciplinaire prise à l'encontre d'A______ faisait état du visionnement "[d]es caméras", ce qui donnait à penser que les images non conservées après tri montraient ce qui n'apparaissait pas sur celles au dossier et auraient permis d'attester de l'agitation du détenu, de confirmer qu'il avait tenté de pénétrer dans l'aile nord-centre, qu'il faisait des va-et-vient, était explosif, intimidant. Les images au dossier constituaient une preuve illicite car elles avaient été visionnées en violation des dispositions règlementaires et de la loi sur l’information du public et l’accès aux documents du 5 octobre 2001 (LIPAD ; RS A 2 08) et étaient issues d'un tri opéré par une personne non identifiée et non autorisée à y procéder. Certes, la CPR avait écarté cette argumentation, mais le juge du fond aurait dû l'examiner à son tour, au lieu de se contenter de renvoyer à l'arrêt de la CPR, ce que le Tribunal fédéral avait implicitement admis dans son propre arrêt, en précisant que X______ restait libre de développer tous les moyens de défense utiles dans le cadre de la procédure dirigée contre lui.

L'autre élément à charge reposait sur les constatations médicales. Toutefois, le dossier n'établissait pas quelle était la cause de la fracture du nez, étant rappelé qu'A______ avait déjà subi par le passé une fracture de l'os frontal de sorte que la zone devait être fragilisée. A teneur du dossier, la fracture pouvait avoir été causée par autre chose qu'un coup de poing, notamment lors de la conduite en cellule forte. Pour sa part, l'enquêteur avait retenu que la cause était la clef de bras. Or, si tel était le cas, les faits seraient couverts par les attributions d'un gardien et relèveraient de la légitime défense.

Aussi, faute de preuves, X______ devait être acquitté.

Dans l'hypothèse où elle retiendrait qu'il y avait lieu de conserver les images au dossier, la CPAR parviendrait à la même conclusion. En effet, ces images étaient de très mauvaise qualité et ne permettaient notamment pas de déterminer s'il y avait eu un contact physique entre X______ et A______ au moment du soi-disant coup de poing. Le crachat, certes non visible, ce qui n'était pas surprenant, mais néanmoins hautement vraisemblable au regard de la personnalité d'A______ telle que décrite par les autres gardiens, autorisait X______ à le repousser de manière proportionnée, ce qu'il avait fait. Au demeurant, connu pour sa compétence et son sang-froid, X______ n'aurait jamais mis en danger une carrière exemplaire pour brutaliser un détenu en présence d'autres gardiens.

D. Né le ______, originaire de Genève,X______ est marié et père de ______ enfants majeurs. Il est gardien de prison et bénéficie d'un traitement de classe 15, annuité 22 selon l'échelle de traitement de l'État de Genève, plus indemnités, soit, selon la fiche de salaire du mois de mai 2012, CHF 7'136,25 net/mois. Suite aux faits, il a été affecté à l'Etablissement fermé de Favra, où il s'occupe des personnes sous mesure de contrainte. Une sanction disciplinaire, consistant en une dégradation, a été prise à son encontre ; cette décision est actuellement contestée par devant la Chambre administrative de la Cour de justice, la procédure étant suspendue jusqu'à droit jugé au pénal.

Dans la formule concernant la situation personnelle de la personne prévenue, X______ a évoqué des charges de CHF 2'414.– (loyer), 1'270.– (assurance maladie du groupe familial étant cependant précisé que sa propre prime est de CHF 84.–) et 2'700.– (impôts courants) ainsi qu'une dette d'impôts de CHF 40'000.– dont il s'acquittait par versements mensuels de CHF 1'250.–.

X______ n'a pas d'antécédents pénaux.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale, du 5 octobre 2007 (CPP ; RS 312.0).

La partie qui attaque seulement certaines parties du jugement est tenue d'indiquer dans la déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel, à savoir (art. 399 al. 4 CPP) : la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes (let. a) ; la quotité de la peine (let. b) ; les mesures qui ont été ordonnées (let. c) ; les prétentions civiles ou certaines d'entre elles (let. d) ; les conséquences accessoires du jugement (let. e) ; les frais, les indemnités et la réparation du tort moral (let. f) ; les décisions judiciaires ultérieures (let. g).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1 Aux termes de l'art. 141 al. 2 CPP, les preuves qui ont été administrées d'une manière illicite ou en violation de règles de validité par les autorités pénales ne sont pas exploitables, à moins que leur exploitation soit indispensable pour élucider des infractions graves. L'art. 141 al. 3 CPP prévoit, en revanche, que les preuves administrées en violation de prescriptions d'ordre sont exploitables.

Lorsque la loi ne qualifie pas elle-même une disposition de règle de validité, la distinction entre une telle règle et une prescription d'ordre s'opère en prenant principalement pour critère l'objectif de protection auquel est censée ou non répondre la norme. Si la disposition de procédure en cause revêt une importance telle pour la sauvegarde des intérêts légitimes de la personne concernée qu'elle ne peut atteindre son but que moyennant l'invalidation de l'acte de procédure accompli en violation de cette disposition, on a affaire à une règle de validité (ATF 139 IV 128 consid. 1.6 p. 134 ; Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale (CPP) du 21 décembre 2005, FF 2006 1163).

S'agissant de déterminer quand une preuve administrée illicitement au sens de l'art. 141 al. 2 CPP peut néanmoins être exploitée en vertu de cette disposition, le Tribunal fédéral a repris la jurisprudence rendue avant l'entrée en vigueur du CPP selon laquelle plus l'infraction à juger est grave, plus l'intérêt public à l'élucider prime sur l'intérêt privé du prévenu à ce que la preuve litigieuse ne soit pas exploitée (ATF 131 272 consid. 4.1.2 p. 279 ; 137 I 218 consid. 2.3.4 p. 223 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_323/2013 du 3 juin 2013 consid. 3.5 ; 6B_490/2013 du 14 octobre 2013 consid. 2.4).

Aux termes de l'art. 141 al. 4 CPP, si un moyen de preuve est recueilli grâce à une preuve non exploitable au sens de l'art. 141 al. 2 CPP, il n'est pas exploitable lorsqu'il n'aurait pas pu être recueilli sans l'administration de la première preuve. Tel n'est pas le cas lorsque la seconde preuve aurait aussi pu être obtenue sans la première preuve illicite, avec une grande vraisemblance, compte tenu d'un déroulement hypothétique des investigations. Les circonstances concrètes sont déterminantes. La simple possibilité théorique d'obtenir la preuve de manière licite ne suffit pas (ATF 138 IV 169 consid. 3.3.3 p. 173 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_640/2012 du 10 mai 2013 consid. 2.1).

2.1.2.1 Selon l'art. 42 al 3 et 4 LIPAD, les responsables des institutions prennent les mesures organisationnelles et techniques appropriées afin de limiter le visionnement des données, enregistrées ou non, à un cercle restreint de personnes dûment autorisées, dont la liste doit être régulièrement tenue à jour et communiquée au préposé cantonal, la communication à des tiers pouvant néanmoins avoir lieu s’il s’agit de renseigner les instances hiérarchiques supérieures dont l’institution dépend ou les autorités judiciaires, notamment aux fins de dénoncer une infraction pénale dont la vidéosurveillance aurait révélé la commission. En outre, l'art. 64 al. 1 LIPAD sanctionne d'une amende, sans préjudice de peines plus sévères consacrées par le droit fédéral, le fait de traiter des données personnelles à des fins étrangères à l'accomplissement de tâches légales confiées.

2.1.2.2 L'ordre de service B 9 de la prison de Champ-Dollon tel qu'en vigueur au moment des faits prescrivait notamment en son point 3 que :

- seuls les membres de la direction étaient compétents pour décider de la nécessité de visualiser des enregistrements, cette compétence pouvant être déléguée, sous réserve du point 3.3 (point 3.1) ;

- les enregistrements étaient effacés automatiquement après 48 heures, sauf décision d'un membre de la direction de conserver des images aux fins d'enquête ultérieure si les événements le justifiaient (point 3.2) ;

- le visionnement d'images mettant en cause le personnel de la prison ne pouvait avoir lieu qu'ensuite d'un événement grave, et ce exclusivement et impérativement en présence du collaborateur concerné, de son supérieur hiérarchique ou du Sous-chef du jour et d'un membre de la Commission du personnel ou d'un représentant de l'Union du personnel du Corps de police (point 3.3) ;

- la direction de l'Office pénitentiaire peut également visionner tout enregistrement ensuite d'événements graves, les conditions décrites précédemment étant applicables (point 3.4).

2.1.3 Selon la jurisprudence, le législateur a exclu de vider les litiges relatifs aux preuves illégales avant le renvoi en justice de l'accusé, en renonçant à ordonner la destruction immédiate des preuves viciées en dehors des cas visés aux art. 277 al. 2 et 289 al 6 CPP, admettant ainsi que cette question puisse à nouveau être soulevée jusqu'à la clôture définitive de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_398/2012 du 17 juillet 2012 consid 2 ; ACPR/109/2014 du 26 février 2014 consid. 3.4). Toutefois, le Tribunal fédéral a également réaffirmé que le principe de la bonne foi en procédure oblige celui qui constate un vice affectant le déroulement de celle-ci à le signaler aussitôt, sans attendre l'issue de la procédure (tout récemment, arrêt 6B_1066/2013 du 27 février 2014 consid. 3.2).

2.2.1 L'arrêt de la CPR écartant l'argumentation de l'appelant concernant l'illicéité des images de vidéosurveillance a été rendu suite au recours contre l'ordonnance de classement de la plainte de l'appelant à l'encontre d'A______. Au plan formel, cette décision ne saurait lier le juge du fond appelé à connaître, certes dans le même contexte de faits, non pas des actes reprochés au détenu mais bien à l'appelant, ne serait-ce que parce qu'il doit appliquer d'autres notions, notamment celle de la présomption d'innocence en faveur de ce dernier. Le premier juge aurait donc dû examiner l'argumentation soulevée devant lui, plutôt que de se contenter de renvoyer au précédent de la CPR.

2.2.2 Ceci étant, on ne peut que partager l'opinion de ladite instance selon laquelle la contestation de la légalité du moyen de preuve émise pour la première fois le 5 juillet 2012, à la veille du prononcé de l'ordonnance de clôture, alors que cette pièce figurait au dossier depuis le mois de novembre 2010, que son contenu avait été largement instruit et que la question de l'existence d'autres images avait été discutée au printemps suivant, est manifestement tardive et ne saurait être admise, en application du principe de la bonne foi.

2.2.3 Au demeurant, l'argument est également infondé. En effet les dispositions légales et réglementaires dont se prévaut l'appelant, et qui tendent à la sauvegarde de ses droits de la personnalité, voire, pour certaines, de son droit d'être entendu avant que des faits ne soient dénoncés par la direction de la prison devant les autorités pénales ou administratives, concernent les conditions de visionnement des images et non de leur enregistrement. L'éventuelle violation desdites dispositions pourrait avoir diverses conséquences, notamment ouvrir la voie à une réparation du préjudice subi, mais n'implique pas que les images elles-mêmes, valablement enregistrées mais par hypothèse indûment visionnées, en deviendraient illicites. Le fait que toutes les images n'ont pas été sauvegardées n'entraîne pas non plus une telle conséquence. D'une part, la disparition d'autres prises de vues n'altère pas celles conservées. D'autre part, il appartiendra à la CPAR de tenir compte de ce qu'elle ne dispose pas de toutes les images dans le cadre de l'appréciation des preuves. Enfin, l'absence de sauvegarde des autres images ne viole pas la saisie ordonnée par le MP, celle-ci étant postérieure.

2.3 En conclusion, la question préjudicielle tendant à ce que ces images, et toutes pièces y relatives, procès-verbaux compris, soient écartées de la procédure, doit être rejeté.

3. 3.1 Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 [CEDH ; RS 0.101] et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. ; RS 101] et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence, mais aussi lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 et les arrêts cités).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent certes pas à exclure une condamnation. La présomption d'innocence n'est invoquée avec succès que si le recourant démontre qu'à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité (ATF 120 Ia 31 consid. 2 p. 33 ss, ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 87 ss).

3.2 L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Pour qu'il y ait lésions corporelles, il n'est pas nécessaire que la victime ait subi une atteinte à son intégrité physique ; une atteinte psychique peut suffire à la réalisation de l'infraction. Pour justifier la qualification de lésions corporelles, l'atteinte doit toutefois revêtir une certaine importance. Afin de déterminer ce qu'il en est, il y a lieu de tenir compte, d'une part, du genre et de l'intensité de l'atteinte et, d'autre part, de son impact sur le psychisme de la victime. Une atteinte de nature et d'intensité bénignes et qui n'engendre qu'un trouble passager et léger du sentiment de bien-être ne suffit pas. En revanche, une atteinte objectivement propre à générer une souffrance psychique et dont les effets sont d'une certaine durée et d'une certaine importance peut être constitutive de lésions corporelles. S'agissant en particulier des effets de l'atteinte, ils ne doivent pas être évalués uniquement en fonction de la sensibilité personnelle de la victime. Il faut bien plutôt se fonder sur les effets que l'atteinte peut avoir sur une personne de sensibilité moyenne placée dans la même situation. Les circonstances concrètes doivent néanmoins être prises en considération ; l'impact de l'atteinte ne sera pas nécessairement le même suivant l'âge de la victime, son état de santé, le cadre social dans lequel elle vit ou travaille, etc. (ATF 134 IV 189 consid. 1.4 p. 192)

3.3.1 Celui qui invoque un fait justificatif susceptible d’exclure sa culpabilité ou de l’amoindrir doit en rapporter la preuve, car il devient lui-même demandeur en opposant une exception à l’action publique. Si une preuve stricte n’est pas exigée, l’accusé doit rendre vraisemblable l’existence du fait justificatif. Il convient ainsi d’examiner si la version des faits invoquée par le prévenu pour justifier la licéité de ses actes apparaît crédible et plausible eu égard à l’ensemble des circonstances (G. PIQUEREZ, Traité de procédure pénale suisse, 2e éd., 2006, n. 702, p. 443).

3.3.2 Conformément à l'art. 14 CP, celui qui agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est interdit par le code pénal ou par une autre loi.L'exercice d'une profession déterminée ne suffit pas pour supprimer le caractère illicite d'un acte car celui qui l'exerce ne jouit pas pour autant de droits plus étendus que les autres citoyens. Encore faut-il pour rendre l'acte licite que le devoir de profession invoqué découle d'une norme juridique, écrite ou non. On ne voit ainsi pas, par exemple, qu'une norme particulière écrite ou non écrite légitimerait de manière générale le responsable ou d'autres employés de la sécurité d'un établissement public à user de violence et à frapper un client, fût-il importun ou indésirable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_255/2007 du 11 octobre 2007 consid. 4.2).

3.3.3 Quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d’une attaque imminente a le droit de repousser l’attaque par des moyens proportionnés aux circonstances ; le même droit appartient aux tiers (art. 15 CP). La légitime défense suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise. Il doit s'agir d'une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l'atteinte soit effective ou qu'elle menace de se produire incessamment (cf. ATF 106 IV 12 consid. 2a p. 14 ; 104 IV 232 consid. c p. 236/237). Cette condition n'est pas réalisée lorsque l'attaque a cessé ou qu'il n'y a pas encore lieu de s'y attendre (ATF 93 IV 83). Une attaque n'est cependant pas achevée aussi longtemps que le risque d'une nouvelle atteinte ou d'une aggravation de celle-ci par l'assaillant reste imminent (ATF 102 IV 1 consid. 2b p. 4/5). Il faut toutefois que des signes concrets annonçant un danger incitent à la défense. Tel est notamment le cas lorsque l'agresseur adopte un comportement menaçant, se prépare au combat ou effectue des gestes qui donnent à le penser (ATF 93 IV 83/84).

Par ailleurs, l'acte de celui qui est attaqué ou menacé de l'être doit tendre à la défense. Un comportement visant à se venger ou à punir ne relève pas de la légitime défense. Il en va de même du comportement qui tend à prévenir une attaque, certes possible, mais encore incertaine, c'est-à-dire à neutraliser l'adversaire (ATF 93 IV 83).

3.4 L'art. 312 CP réprime le fait pour un membre d'une autorité ou un fonctionnaire d'abuser des pouvoirs de sa charge dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou de nuire à autrui. L'abus d'autorité est l'emploi de pouvoirs officiels dans un but contraire à celui recherché. Cette disposition protège, d'une part, l'intérêt de l'État à disposer de fonctionnaires loyaux qui utilisent les pouvoirs qui leur ont été conférés en ayant conscience de leur devoir et, d'autre part, l'intérêt des citoyens à ne pas être exposés à un déploiement de puissance étatique incontrôlé et arbitraire (ATF 127 IV 209 consid. 1b p. 212).

Sur le plan objectif, l'infraction réprimée par cette disposition suppose que l'auteur soit un membre d'une autorité ou un fonctionnaire au sens de l'art. 110 al. 3 CP, qu'il ait agi dans l'accomplissement de sa tâche officielle et qu'il ait abusé des pouvoirs inhérents à cette tâche. Cette dernière condition est réalisée lorsque l'auteur use illicitement des pouvoirs qu'il détient de sa charge, c'est-à-dire lorsqu'il décide ou contraint en vertu de sa charge officielle dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa p. 211 ; ATF 114 IV 41 consid. 2 p. 43 ; ATF 113 IV 29 consid. 1 p. 30). L'infraction peut aussi être réalisée lorsque l'auteur poursuit un but légitime, mais recourt, pour l'atteindre, à des moyens disproportionnés (ATF 113 IV 29 consid. 1 p. 30 ; ATF 104 IV 22 consid. 2 p. 23). La jurisprudence a précisé qu'on ne peut généralement limiter, en matière de violence physique ou de contrainte exercée par un fonctionnaire, le champ d'application de l'art. 312 CP aux cas où l'utilisation des pouvoirs officiels a pour but d'atteindre un objectif officiel. En effet, cette disposition protège également les citoyens d'atteintes totalement injustifiées ou du moins non motivées par l'exécution d'une tâche officielle, lorsque celles-ci sont commises par des fonctionnaires dans l'accomplissement de leur travail. Ainsi, au moins en matière de violence et de contrainte exercées par un fonctionnaire, l'application de l'art. 312 CP dépend uniquement de savoir si l'auteur a utilisé ses pouvoirs spécifiques, s'il a commis l'acte qui lui est reproché sous le couvert de son activité officielle et s'il a ainsi violé les devoirs qui lui incombent. L'utilisation de la force ou de la contrainte doit apparaître comme l'exercice de la puissance qui échoit au fonctionnaire en vertu de sa position officielle (ATF 127 IV 209 consid. 1b p. 213).

Du point de vue subjectif, l'infraction suppose un comportement intentionnel, au moins sous la forme du dol éventuel, ainsi qu'un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou le dessein de nuire à autrui (arrêt du Tribunal fédéral 6B_699/2011 du 26 janvier 2012 consid. 1.1).

3.5.1 A teneur du dossier, il n'y a aucun motif de remettre en cause les affirmations de l'appelant selon lesquelles A______ avait eu un comportement incorrect le jour des faits, étant agité, ayant été refoulé de l'aile nord-centre où il avait tenté de se rendre alors qu'il était censé regagner sa propre cellule, puis déambulant dans le hall central d'où il avait insulté et menacé le gardien chef lequel, depuis son bureau, lui avait fait signe de prendre la direction de l'aile nord-nord. Cette attitude a en effet été décrite par les gardiens entendus au cours de l'enquête administrative et par le MP, est cohérente avec les images au dossier et n'a rien d'insolite eu égard à la personnalité de l'intéressé.

3.5.2 Pour autant, tant un premier visionnement desdites images, que plusieurs réexamens attentifs répétés, en continu et en interrompant le défilement, pour éviter tout risque d'erreur, montrent que l'appelant est sorti du bureau, s'est dirigé vers A______ et l'a frappé, au niveau du visage. Certes, le contact entre la main de l'appelant et le détenu n'est pas visible mais, d'une part, le mouvement réflexe de recul d'A______ ne s'explique que par un choc d'une certaine violence et, d'autre part, vu son orientation vers le visage du détenu, l'absence de distance et sa rapidité, le geste du bras de l'appelant n'est guère compatible avec un mouvement tendant à montrer la direction à prendre, fût-ce avec autorité, alors qu'il l'est totalement avec une action visant à asséner un coup. Ce geste doit aussi être interprété à la lumière de l'attitude adoptée aussitôt après par l'appelant. En effet, alors que le détenu continuait de ne pas réagir, à tout le moins physiquement, le gardien l'a encore frappé à au moins deux reprises avant qu'A______ ne passe à la contre-attaque.

Bien que de médiocre qualité, les images versées à la procédure sont suffisamment claires pour que l'on puisse exclure que celles prises par l'une des autres caméras mais non sauvegardées aient pu donner une clef de lecture différente. L'emploi du pluriel dans la décision sanctionnant A______ qui évoque le visionnement "des caméras" n'a pas la portée que l'appelant veut lui donner, les termes employés étant des plus maladroits dans la mesure où ce ne sont pas les caméras qui ont été visionnées, mais bien les images enregistrées par l'une ou plusieurs d'entre elles. L'appelant ne semble d'ailleurs pas réellement croire lui-même que des images valant preuve à décharge n'auraient, volontairement, pas été sauvegardées ; à défaut, il n'aurait pas manqué de dénoncer devant les instances compétentes un tel acte de malveillance. De surcroît, le positionnement des caméras et les échantillons fournis par la direction de la prison confirment que la caméra dont les images ont été sauvegardées était celle bénéficiant du meilleur champ.

Certes encore, le déroulement des événements par le témoin B______ diverge mais ce récit doit être écarté, tant il est incompatible avec la preuve matérielle que constituent les images de vidéo surveillance, nonobstant leur qualité médiocre. A cela s'ajoute que la crédibilité de ce témoignage est en tout état faible, vu les invraisemblances dont il est émaillé, notamment s'agissant des propos que le témoin affirme avoir pu entendre à travers la porte PSQ fermée ou des motifs qui l'ont conduite à se saisir d'un linge.

Confrontés auxdites images, les états de service corrects de l'appelant ne constituent pas non plus une preuve à décharge suffisante.

3.5.3 L'appelant ne conteste plus qu'A______ a saigné après qu'il l'eut touché au visage, circonstance qui se déduit également des témoignages des autres gardiens sur la présence de sang au sol lors de leur intervention alors que le détenu n'était pas encore tombé et semble expliquer le comportement de l'appointée B______ qui s'est saisie d'un linge et l'a agité en direction du visage du détenu plutôt que d'assister immédiatement son collègue pratiquant la prise. Selon le Dr N______, une fracture du nez est compatible avec un coup de poing, ce qui relève d'ailleurs de l'expérience générale de la vie, même en l'absence de connaissances médicales, plus particulièrement encore en milieu carcéral. S'il résulte indubitablement du récit des gardiens que la maîtrise physique d'A______, puis sa conduite en cellule forte et son déshabillage forcé ont été difficiles, ce dernier se débattant avec vigueur, il en découle également que celui-ci n'a pas pu se blesser de la sorte lors de cette deuxième partie des événements, étant notamment rappelé qu'un seul gardien, au demeurant entendu tardivement, a évoqué une chute mais a ajouté ne pas avoir constaté de blessure. L'hypothèse, retenue par l'enquêteur, selon laquelle la fracture serait intervenue lors de la clef de bras, n'est guère plausible, vu les compétences de moniteur TTI de l'appelant et celui-ci n'ayant jamais soutenu avoir senti sa prise dévier vers le visage d'A______. Il a d'ailleurs pour sa part écarté cette hypothèse, qui est en outre peu plausible vu la présence d'un seul hématome en monocle, aux dires du Dr N______. Au demeurant, même dans ce cas, l'appelant ne pourrait soutenir avoir agi dans le cadre de l'exercice de sa charge ou se prévaloir de la légitime défense, pour les motifs qui seront développés ci-après.

3.5.4 Il est ainsi établi que l'appelant a causé des lésions corporelles à un détenu. Clairement, celui-là ne peut se prévaloir d'un motif justificatif, le comportement d'A______, avant que le gardien chef ne sorte de son bureau, aussi incorrect fût-il, ne nécessitant nullement une intervention brutale. L'explication selon laquelle l'appelant serait intervenu de crainte que le détenu ne se saisisse d'un set d'arrivée n'est pas crédible. En effet, cette explication n'a été donnée que tardivement, le danger allégué n'était en tout cas pas tel qu'il aurait justifié des coups et on peut supposer que les sets en question ne constituent en réalité pas un danger, pour être stockés en un endroit où il sont aisément accessibles aux détenus, qui plus est à plusieurs détenus simultanément, s'agissant d'un hall traversé notamment à l'occasion du retour de la promenade. Il est possible que le premier coup de poing soit intervenu quasi simultanément avec un crachat d'A______, mais une telle réponse – à supposer qu'il se soit bien agi d'une réaction, soit que le crachat ait été perçu par l'appelant avant que le coup ne parte – demeurerait totalement disproportionnée et excèderait par conséquent les limites des prérogatives d'un gardien de prison. Quant à la légitime défense, un crachat ne saurait être qualifié d'attaque imminente. Conformément au principe venire contra factum proprium non valet, l'appelant ne saurait pas davantage se prévaloir des art. 14 et 15 CP dans l'hypothèse, du reste écartée, où la fracture du nez aurait été occasionnée lors de la clef de bras, dès lors que ce sont les coups qu'il a assénés sans droit au détenu qui ont provoqué la réaction violente de ce dernier et par conséquent la nécessité de le maîtriser.

3.5.5 Le jugement dont est appel doit donc être confirmé en ce qu'il reconnaît l'appelant coupable de lésions corporelles simples.

3.6 Il en va de même du verdict de culpabilité du chef d'abus d'autorité, le comportement de l'appelant étant clairement constitutif d'abus de son pouvoir de gardien de prison à l'encontre d'un détenu, fût-il récalcitrant, incorrect ou menaçant, et nuisible à ce dernier. À juste titre, l'appelant l'admet implicitement, des lors qu'il conteste les faits reprochés mais non leur qualification juridique.

4. 4.1.1 Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). Comme sous l'ancien droit, le facteur essentiel est celui de la faute.

Les critères énumérés, de manière non exhaustive, par cette disposition légale correspondent à ceux fixés par l'art. 63 aCP et la jurisprudence élaborée en application de cette ancienne disposition conserve toute sa valeur, de sorte que l'on peut continuer à s'y référer (arrêt du Tribunal fédéral 6B_992/2008 du 5 mars 2009 consid. 5.1).

4.1.2 D'après la conception des nouvelles dispositions de la partie générale du code pénal, la peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité (ATF 134 IV 97 consid. 4 p. 100 ss). Conformément au principe de la proportionnalité, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement (ATF 134 IV 97 consid. 4.2.2 p. 101, 82 consid. 4.1 p. 85). A cet égard, une peine pécuniaire, qui atteint l'intéressé dans son patrimoine, constitue une sanction plus clémente qu'une peine privative de liberté, qui l'atteint dans sa liberté personnelle. La priorité à donner à une peine pécuniaire correspond au demeurant à la volonté du législateur, dont l'un des principaux buts dans le domaine des sanctions a été d'éviter les courtes peines privatives de liberté, qui entravent la resocialisation de l'auteur (ATF 134 IV 97 consid. 4.2.2 p. 101/102, 60 consid. 4.3 p. 65).

Le choix du type de sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation d'une sanction déterminée, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention (ATF 134 IV 97 consid. 4.2 p. 100, 82 consid. 4.1 p. 84/85). La situation économique de l'auteur ou le fait que son insolvabilité apparaît prévisible ne constituent en revanche pas des critères pertinents pour choisir la nature de la sanction (ATF 134 IV 97 consid. 5.2.3 p. 104).

La fixation de la peine intervient en deux phases différentes. Le Tribunal détermine d'abord le nombre des jours-amende en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Il doit ensuite arrêter le montant du jour-amende en fonction de la situation personnelle et économique de l'auteur (al. 2). Le montant total de la peine pécuniaire résulte de la seule multiplication du nombre par le montant des jours-amende. Les deux facteurs doivent être fixés séparément dans le jugement (al. 4). La peine pécuniaire doit remplacer dans le domaine des sanctions les moins graves en particulier, les peines privatives de liberté de courte durée. Elle ne se confond pas avec une simple amende (ATF 134 IV 1 consid. 5 et 6 p. 9 et 15 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_541/2007 du 13 mai 2008 consid. 5 et 6).

La détermination de la quotité du jour-amende se fait selon le principe du revenu net, soit celui que l'auteur réalise en moyenne quotidiennement, quelle qu'en soit la source, ce qui inclut notamment les prestations d'aide sociale. Le principe du revenu net exige que seul le disponible excédant les frais d'acquisition du revenu soit pris en considération, dans les limites de l'abus de droit. Ce qui est dû en vertu de la loi ou ce dont l'auteur ne jouit pas économiquement doit en être soustrait. Il en va ainsi des obligations d'assistance pour autant que le condamné s'en acquitte effectivement (ATF 134 IV 60 consid. 6.1 p.68 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_200/2009 du 27 août 2009 consid. 7.1.). Le montant du jour-amende ne peut être inférieur à CHF 10.- (ATF 135 IV 180 consid. 1.4.2 p. 185)

4.2.1 La faute de l'appelant est sérieuse, celui-ci ayant frappé à plusieurs reprises un détenu et lui ayant causé une lésion d'une certaine importante, en violation des devoirs les plus élémentaires de sa charge de gardien de prison, outre l'interdiction générale consacrée par l'art. 123 CP. Il y a concours d'infractions. Certes, l'attitude de la victime était-elle insultante et menaçante verbalement mais cela n'a malheureusement rien d'insolite en milieu carcéral et il appartenait à l'appelant de résister à une telle provocation. L'appelant ayant cédé à une pulsion violente, le mobile doit être qualifié d'égoïste.

La collaboration de l'appelant ne peut être qualifiée de bonne, celui-ci ayant nié les faits.

A décharge il faut cependant tenir compte du fait que les gardiens de prison travaillent notoirement à Genève, depuis plusieurs années, dans des conditions difficiles, source de conflits avec les détenus et de stress, ce qui les rend plus vulnérables au risque de perte de maîtrise. L'appelant peut par ailleurs se vanter d'une longue carrière, à peine entachée de deux sanctions disciplinaires, anciennes, et étant apprécié de la plupart de ses collègues.

Il n'a aucun antécédent judiciaire et sa situation personnelle est favorable.

Au regard de ces circonstances, la peine pécuniaire de 90 jours prononcée par le premier juge est adéquate. L'appelant ne doit à tout le moins pas la considérer choquante, n'ayant formulé aucun commentaire sur la quotité de la peine.

4.2.2 De même, le montant de CHF 120.–/jour est proportionné à la situation financière de l'appelant, lequel ne soutient pas le contraire.

4.2.3 Le jugement sera donc confirmé sur ces points également, la question du sursis n'ayant pas à être abordée, faute d'appel ou d'appel joint du MP.

5. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP), comprenant un émolument de CHF 1'500.– (art. 14 règlement fixant le tarif des frais en matière pénale du 22 décembre 2010 [RTFMP ; RS E 4 10.03).

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par X______ contre le jugement JTDP/736/2013 rendu le
21 novembre 2013 par le Tribunal de police dans la procédure P/18330/2010.

Le rejette.

Condamne X______ aux frais de la procédure d'appel, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.–.

Siégeant :

Madame Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE, présidente; Monsieur Jacques DELIEUTRAZ et Madame Yvette NICOLET, juges.

 

La greffière :

Dorianne LEUTWYLER

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

 

 

 

 

 

P/18330/2010

ÉTAT DE FRAIS

AARP/172/2014

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

450.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i),
frais postaux

CHF

160.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

50.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'785.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'235.00