Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/728/2013

ATA/975/2014 du 09.12.2014 sur JTAPI/123/2014 ( ICCIFD ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/728/2013-ICCIFD ATA/975/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 décembre 2014

1ère section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Madame A______,
représentée par Me Pietro Sansonetti, avocat

et

ADMINISTRATION FEDERALE DES CONTRIBUTION

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 février 2014 (JTAPI/123/2014)


EN FAIT

1) Madame A______ (ci-après : la contribuable), née le ______1958, célibataire, de nationalité suisse, travaille depuis 1991 pour le Comité international de la Croix-rouge (ci-après : CICR).

Elle a exercé diverses missions à l'étranger et est revenue en Suisse en 2004.

2) Depuis son retour, elle a été imposée dans le canton de Genève sur un revenu imposable se situant entre CHF 103'741.- pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) 2005 et CHF 113'400.- pour l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2007. Sa fortune était nulle.

3) Dans sa déclaration fiscale 2009, la contribuable a mentionné quatre comptes bancaires auprès de l’Union de banques suisses SA (ci-après : UBS) pour un total, au 31 décembre 2009, de CHF 519'467.-, dont CHF 449'447.- sur un seul compte. Les intérêts bruts sur le capital se montaient à CHF 2'658.-.

4) Le 16 novembre 2010, le service des titres de l'administration fiscale cantonale genevoise (ci-après : l’AFC-GE) a sollicité des explications sur l’augmentation de la fortune de la contribuable.

5) Par réponse du 13 décembre 2010, Mme A______ a indiqué qu’elle ignorait devoir déclarer ses comptes bancaires. Elle avait pensé que la retenue de l’impôt anticipé sur ceux-ci « faisait office d’impôt sur la fortune ». C’était en consultant, pour la première fois en 2009, un expert fiscal qu’elle avait appris qu’elle devait déclarer son épargne. Elle espérait que l’AFC-GE se montrerait indulgente, compte tenu de sa dénonciation volontaire, soulignant qu’elle avait agi « en toute bonne foi ».

6) Par lettre recommandée de son service du contrôle datée du 28 juillet 2011, l’AFC-GE a informé la contribuable de l'ouverture d'une procédure en rappel et soustraction d'impôt IFD et ICC pour les années 2004 à 2008. Elle lui a imparti un délai pour produire les états de titres dûment remplis et les pièces justificatives pour les années concernées.

7) Par lettre recommandée du 16 novembre 2011, l’AFC-GE a informé la contribuable qu’elle étendait la procédure en rappel et soustraction d’impôt aux années fiscales 2001 à 2003 et lui a remis les formules de déclarations fiscales 2001-B à 2003 à renvoyer dûment remplies, datées et signées. Elle lui a en outre rappelé qu’elle ne s’était pas présentée à l’entretien du 27 octobre 2011 et qu’elle n’avait toujours pas fourni les renseignements et documents précédemment demandés.

8) Les parties ont ensuite procédé à plusieurs échanges de correspondance portant sur des prolongations de délais pour produire les informations requises.

Durant cette période, la contribuable a notamment fourni un certificat médical établi le 14 décembre 2011 par le Docteur B______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, attestant que sa patiente était en incapacité totale de rechercher les documents exigés jusqu’en 2004 pour des raisons médicales. Son état anxieux, voire sa panique, ne lui permettaient pas de contacter un conseil. Elle était consciente de ses obligations, mais était incapable de faire le nécessaire préalable. Il était souhaitable de l’aider dans ses démarches, cette problématique étant très délétère sur l’état de santé de Mme A______.

9) Par courrier de son mandataire du 10 juin 2012, la contribuable a produit différents documents et les déclarations fiscales 2001-B à 2008.

10) Par lettre recommandée du 5 octobre 2012, l’AFC-GE a informé Mme A______ que les procédures en rappel et soustraction d’impôt IFD et ICC 2001-B à 2008 étaient terminées et lui a remis les bordereaux de rappel d’impôt et d’amende pour lesdites années.

Le total des montants repris s’élevait à CHF 64'015,65 pour l’ICC et CHF 8'615.- pour l’IFD.

Les amendes se montaient à CHF 48'008.- pour l’ICC et CHF 6'456.- pour l’IFD.

Les bordereaux d’amende étaient motivés comme suit :

« Les éléments de revenus et fortune mobiliers détenus à l’UBS n’ont pas été déclarés pour les années fiscales 2001 à 2008. De plus, vous n’avez pas rempli vos obligations fiscales pour les années 2001-B à 2003 et dès lors, vous n’avez pas permis à l’administration de déterminer avec exactitude vos assiettes fiscales. Nous avons retenu le caractère d’intention, mais pour tenir compte de votre bonne collaboration, nous fixons la quotité de l’amende aux trois quarts des droits éludés ».

11) Par courrier de son mandataire du 4 novembre 2012, la contribuable a élevé réclamation à l'encontre des bordereaux de taxation ICC et IFD 2001 à 2003 et des bordereaux d’amende ICC et IFD 2001 à 2008 en concluant à leur annulation. Elle ne contestait pas les rattrapages pour les années 2004 à 2008.

En raison de son domicile à l'étranger, elle aurait dû être imposée à la source pour les années fiscales 2001 à 2003. Or, ledit impôt se prescrivait par cinq ans. Ayant, sur recommandation de son mandataire, spontanément déclaré ses comptes bancaires en 2009, les amendes étaient infondées. Enfin, elle se prévalait d'une amnistie fiscale qui arrivait à échéance le 31 décembre 2012.

12) Par deux décisions datées du 25 janvier 2013, l'AFC-GE a maintenu les bordereaux de rappel d'impôt et d’amende ICC et IFD 2001 à 2008.

Même déléguée du CICR à l’étranger, la contribuable avait conservé son domicile fiscal à Genève. Elle n’avait pas payé d’impôts durant les années fiscales 2001 à 2003 et ne s’était pas posée la question de savoir si elle devait en payer. Le fait de mentionner, sans autres remarques, dans l’état de titres 2009, un dépôt bancaire jusque-là non déclaré n’était pas considéré comme une dénonciation spontanée. L’ouverture des procédures de rappel et de soustraction d’impôt avait été provoquée par la demande de renseignements faite par le service des titres pour l’année 2009. La loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) étant entrée en vigueur le 1er janvier 2002, l’imposition 2001-B, en ICC, n’était pas prescrite. Elle ne l'était pas non plus pour l'IFD en application de l'art. 152 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11). L’amende, fixée aux trois quarts de l’impôt soustrait, avait pris en compte les circonstances décrites dans la motivation des bordereaux y relatifs.

13) Par acte de son mandataire du 27 février 2013, la contribuable a interjeté recours au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l'encontre desdites décisions sur réclamation concluant principalement, avec suite de dépens, à leur annulation ainsi qu’à celle des bordereaux d'amende 2001-B à 2008. Subsidiairement, elle a conclu à ce que les amendes soient fixées au tiers des impôts soustraits.

14) Dans sa réponse du 7 juin 2013, l'AFC a conclu au rejet du recours.

15) Par jugement du 3 février 2014, le TAPI a admis partiellement le recours, renvoyé la cause à l’AFC-GE afin qu’elle notifie de nouveaux bordereaux d’amende ICC et IFD.

La procédure de rappel d’impôt avait donné lieu à des reprises non contestées. La condition objective d’une soustraction d’impôt était réalisée. Sur le plan subjectif, le TAPI a estimé qu’il n’était pas établi, avec une sécurité suffisante, que la recourante, dont l’activité professionnelle et les longs séjours à l’étranger ne favorisaient guère la compréhension et le suivi de la fiscalité fédérale et cantonale, était consciente du fait que les éléments déclarés étaient incorrects ou incomplets et que c’était avec volonté qu’elle avait voulu procéder à la soustraction d’impôt qui lui était reprochée. La conscience n’étant pas démontrée à satisfaction de droit, il y avait dès lors lieu de considérer que la soustraction avait été commise par négligence.

Concernant la quotité de l’amende, l’AFC-GE avait fixé celle-ci aux trois quarts du montant de l’impôt éludé, appliquant ainsi la peine ordinaire à une soustraction intentionnelle et tenant compte de la bonne collaboration de la recourante. Au regard du principe de la proportionnalité, une amende limitée au tiers de l’impôt soustrait paraissait plus conforme aux circonstances du cas d’espèce. Elle tenait compte de la négligence commise, des caractéristiques socio-professionnelles de la recourante et de la bonne collaboration dans le cadre de la procédure de rappel d’impôt, quand bien même l’infraction portait sur plusieurs années consécutives.

16) Par acte du 12 mars 2014, l’AFC-GE a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à l’annulation du jugement du TAPI du 3 février 2014 et à la confirmation de « sa » (sic) propre décision du 25 janvier 2013.

Seules étaient litigieuses la question de la culpabilité et la quotité des amendes.

L’AFC-GE avait retenu deux éléments tendant à démontrer que la contribuable avait agi de manière intentionnelle. Mme A______ n’avait pas rempli ses obligations fiscales pour les années 2001-B à 2003, ne payant ainsi aucun impôt durant trois années consécutives. Par ailleurs, elle n’avait pas mentionné les éléments de revenus de fortune mobiliers conséquents qu’elle détenait auprès de l’UBS pour les années fiscales 2001-B à 2008. Or, même sans les services d’un mandataire qualifié, la contribuable pouvait constater, en se référant au guide fiscal remis au contribuable simultanément à la déclaration, sous la rubrique « État des titres », qu’elle était tenue d’indiquer toutes les valeurs suisses et étrangères qu’elle possédait au 31 décembre de l’année de taxation. L’AFC-GE n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation en qualifiant la faute de la contribuable d’intentionnelle.

Même à retenir la seule négligence, celle-ci devait, à tout le moins, être qualifiée de grave, compte tenu de la durée de l’infraction et de l’importance des montants soustraits. C’était à tort que le TAPI avait retenu une faute légère. Le TAPI s’était substitué au pouvoir d’appréciation de l’AFC-GE sans toutefois démontrer qu’il était en droit de le faire au motif que l’autorité de contrôle aurait abusé de son pouvoir d’appréciation dans le contexte de la fixation des amendes.

17) Par réponse du 28 avril 2014, la contribuable a conclu au rejet du recours.

L’AFC-GE avait fixé la quotité de l’amende sur la base d’une soustraction fiscale intentionnelle alors que le TAPI avait retenu que la soustraction avait été commise par négligence. Dans la mesure où la gravité de la faute avait été revue par le TAPI, c’était à bon droit que celui-ci avait réduit la quotité de l’amende sans pour autant substituer son pouvoir d’appréciation à celui de l’autorité fiscale. Ledit pouvoir, aussi large soit-il, dont jouissait l’AFC-GE pour fixer la quotité d’une amende en cas de soustraction d’impôt ne devait toutefois pas restreindre le plein pouvoir d’examen dont disposait l’autorité de recours pour qualifier la faute d’un contribuable, ni l’empêcher de revoir la quotité de la peine au regard du principe de la proportionnalité.

18) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le présent litige ne porte que sur l’élément subjectif de la soustraction fiscale commise par Mme A______, en ICC et en IFD, pour les années 2001-B à 2008.

3) Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD). En règle générale, celle-ci est fixée au montant de l'impôt soustrait. Si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD).

Les art. 56 al. 1 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), applicable dès le 1er janvier 2001 (ATA/57/2014 du 4 février 2014 ; ATA/444/2013 du 30 juillet 2013) et 69 al. 1 de la loi genevoise de procédure fiscale (LPFisc - D 3 17) relatifs à la soustraction d'impôt, ont la même teneur que l'art. 175 LIFD.

Partant, la chambre administrative peut rendre un seul arrêt valant pour les deux amendes prononcées, l'une en matière d’ICC, l'autre concernant l’IFD, ce qui est admissible, dès lors que l'amende pour soustraction fiscale est réglée de la même façon en droit fédéral et dans le droit cantonal harmonisé (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_907/2012 du 22 mai 2013 consid. 1 et 2C_918/2012 du 11 février 2013 consid. 1).

4) Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent être réunis : la soustraction d'un montant d'impôt, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier (arrêt du Tribunal fédéral 2C_907/2012 précité consid. 5). Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (Danielle YERSIN/Yves NOËL, Commentaire de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2008, p. 1495 ss ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 2012, p. 586 ss).

En l’occurrence, les éléments objectifs de la soustraction fiscale n’ont pas été remis en cause par Mme A______ lors de la procédure de recours par-devant le TAPI.

Seule est litigieuse la condition subjective de la faute.

5) La soustraction est punissable aussi bien lorsqu'elle est commise intentionnellement que lorsqu'elle l'est par négligence.

a. Le contribuable agit intentionnellement lorsqu’il agit avec conscience et volonté (art. 12 al. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0, applicable par renvoi combiné des art. 333 al. 1 et 104 CP). L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait (dol éventuel ; art. 12 al. 2 2ème phrase CP). La preuve d'un comportement intentionnel doit être considérée comme apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que le contribuable était conscient que les indications fournies étaient erronées ou incomplètes. Si cette conscience est établie, il faut admettre qu'il a volontairement cherché à induire les autorités fiscales en erreur, afin d'obtenir une taxation moins élevée, ou du moins qu'il a agi par dol éventuel (ATF 114 Ib 27 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_907/2012 précité consid. 5.4.1 et 2C_908/2011 du 23 avril 2012 consid. 3.4). La présomption susmentionnée ne se laisse pas facilement renverser, car l'on a peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir à l'autorité fiscale des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_528/2011 du 17 janvier 2012 consid. 2 et 2C_447/2010 du 4 novembre 2010 consid. 3.2 ; ATA/565/2010 du 31 août 2010 ; ATA/693/2009 du 22 décembre 2009 et les références citées).

La conscience implique que l’auteur ait acquis la connaissance des faits, de telle manière que l’on puisse dire qu’il savait. La conscience ne suppose toutefois pas une certitude. Il n’est pas nécessaire que l’auteur tienne l’existence ou la survenance d’un fait pour certaine ; il suffit qu’il la considère comme sérieusement possible (Bernard CORBOZ, in Robert ROTH/Laurent MOREILLON [éd.], Commentaire romand – Code pénal I, art. 1-110 CP, 2009, ad art. 12 n. 31 et 33). La preuve de l’intention est délicate, dans la mesure où l’intention relève du for intérieur. Il est extrêmement difficile pour le juge, en l’absence d’aveux sincères, de déterminer exactement ce qui se passait dans l’esprit de l’auteur. Pour conclure à l’existence d’une intention, il faut que l’analyse, à la lumière du bon sens, des circonstances connues de l’auteur permette de se convaincre qu’il avait nécessairement conscience du risque que l’infraction survienne et qu’il a quand même agi. Le risque doit apparaître tellement élevé que la décision d’agir néanmoins ne peut se comprendre que comme une acceptation de la survenance du résultat prohibé. Cette appréciation conduit à distinguer l’intention de la négligence consciente (Bernard CORBOZ, op. cit., ad art. 12 n. 76 ss). L’intention est avant tout une question de fait : le juge doit rechercher ce qui se passait dans l’esprit de l’auteur, c’est-à-dire ce qu’il savait, ce qu’il voulait ou l’éventualité à laquelle il consentait (Bernard CORBOZ, op. cit., ad art. 12 n. 85).

b. La notion de négligence de l'art. 175 LIFD est identique à celle de l'art. 12 CP (dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2008) ainsi qu'à celle de l'art. 18 CP (dans sa version applicable jusqu'au 31 décembre 2007, dont la portée est semblable à l'ancienne version : arrêt du Tribunal fédéral 6B_227/2007 du 5 octobre 2007 consid. 5). Commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte (négligence inconsciente) ou sans tenir compte des conséquences de son acte (négligence consciente). L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées objectivement par les circonstances et subjectivement par sa situation personnelle, par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles, sa situation économique et sociale ainsi que son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3 ; ATA/693/2009 du 22 décembre 2009 ; Pietro SANSONETTI, Commentaire romand de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2008, p. 1500 ss).

La négligence implique quant à elle de porter un jugement sur le comportement de l’auteur en se demandant ce qu’il aurait pu et dû faire, et non de rechercher ce que l’auteur avait à l’esprit (Bernard CORBOZ, op. cit., ad art. 12 n. 85).

6) Pour retenir l'intention, à tout le moins par dol éventuel, il faut toutefois que le contribuable ait pu reconnaître le caractère erroné de la déclaration fiscale s'il avait agi avec la diligence requise et qu'il ait ainsi été en mesure de la faire corriger (Felix RICHNER/Walter FREI/Stefan KAUFMANN/Hans Ulrich MEUTER, Handkommentar zum DGB, 2ème éd., 2009, ad art. 175 LIFD, p. 1414 s. n. 73 ; Andreas HOWALD, Steuerstrafrecht - Versuchte Steuerhinterziehung, Abgrenzung der Fahrlässigkeit vom Eventualvorsatz, in: L'Expert-comptable suisse n° 2007/3, p. 196 et 197). S'agissant de savoir si une tentative de soustraction est intentionnelle ou procède d'une négligence non punissable, l'importance des montants en cause joue aussi un rôle non négligeable, dès lors que l'absence d'un montant sur la déclaration d'impôt peut d'autant plus difficilement échapper au contribuable que la somme est élevée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_908/2011 du 23 avril 2012 consid. 3.5 et les références citées in RDAF 2012 II p. 330).

7) Selon la jurisprudence constante, l’autorité doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi. Elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende et en fixer le montant. L’autorité de recours ne censure que l’abus du pouvoir d’appréciation (ATA/678/2014 du 26 août 2014 ; ATA/42/2011 du 25 janvier 2011 consid. 6 ; ATA/693/2009 du 22 décembre 2009 consid. 10a ; ATA/410/2007 du 28 août 2007 consid. 20 et les autres références citées).

8) En l’espèce, il est établi que la contribuable a, pendant vingt ans, régulièrement effectué des missions à l’étranger pour le compte du CICR. La question consiste à savoir si la recourante pouvait ignorer qu’il lui appartenait de remplir une déclaration fiscale entre 2001 et 2003 alors qu’elle était encore en mission, et surtout de déclarer ses comptes bancaires, notamment les économies faites pendant ses années de déplacements, dès son retour à Genève en 2004 et jusqu’en 2008. La contribuable invoque avoir cru ne pas être assujettie, puis avoir pensé que l’impôt anticipé sur ses comptes valait impôt sur la fortune.

Active professionnellement, de surcroît dans un domaine nécessitant une très grande capacité d’adaptation, il est étonnant que la recourante n’ait pas cherché à vérifier ces informations, soit au moyen de la documentation mise à disposition par l’AFC-GE, soit avec un professionnel. Ceci est d’autant plus vrai que cette absence d’intérêt pour effectuer une déclaration conforme à la loi a duré pendant trois ans lors de ses missions et surtout cinq années, après son retour à Genève. De surcroît, les sommes concernées étaient importantes. La jurisprudence exige que, lorsque le contribuable a un doute sur l’importance d’un fait sous l’angle fiscal, il en fasse état (RDAF 2003 II 632). En l’espèce, cette attitude pouvait être exigée de la contribuable d’autant plus que les notions litigieuses (impôt sur la fortune) étaient simples, tout contribuable genevois devant savoir qu’il doit annoncer au fisc tant ses revenus que sa fortune. De même, le fait de ne pas avoir déclaré sa situation fiscale entre 2001 et 2003, et de ne pas s’être enquis de l’exactitude de ce comportement, relève d’une attitude au-delà de la simple négligence. Une personne appelée à fréquemment partir à l’étranger pour des raisons professionnelles sait qu’il est nécessaire de tenir à jour sa situation administrative (auprès de l’office cantonal de la population et des migrations, de l’assurance maladie, de l’administration fiscale, etc ). La contribuable ne pouvait se contenter d’imaginer ne pas être assujettie pendant les années 2001 à 2003, puis que l’impôt anticipé valait impôt sur un demi-million de fortune. L’analyse, à la lumière du bon sens et des circonstances connues du contribuable, permet de se convaincre qu’elle avait nécessairement conscience du risque et qu’elle s’est, malgré tout, abstenue de toute démarche de vérification. Il lui aurait été loisible de reconnaître le caractère erroné de sa position, si elle avait agi avec la diligence requise, ce qui lui aurait facilement permis de corriger ses erreurs. De surcroît, elle ne conteste aujourd’hui plus le fait que, même déléguée du CICR en mission, elle était imposable à Genève où elle restait officiellement domiciliée. Ainsi, il doit être retenu que la contribuable a accepté, de 2001 à 2008, l’éventualité de soustraire de l’argent au fisc, qu’elle a tenu cette infraction pour possible et qu’elle l’a admise au cas où elle se produirait, agissant ainsi par dol éventuel. C’est à raison que l’AFC-GE a qualifié l’infraction d’intentionnelle, la jurisprudence exigeant que l’autorité fasse preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi.

9) Selon l'art. 175 al. 2 LIFD, en présence d'une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l'amende équivaut en principe au montant de l'impôt soustrait.

En l’espèce, l’AFC-GE a tenu compte de la collaboration de la contribuable tout en retenant aussi que l’infraction avait duré sur plusieurs années. En fixant la quotité de l’amende aux trois quarts du montant de l’impôt, l’AFC-GE a rendu une décision conforme à la loi et aux principes jurisprudentiels.

10) Les art. 56 al. 1 LHID et 69 al. 1 LPFisc ayant la même teneur que l'art. 175 LIFD, les considérations développées en relation avec l'amende pour l’IFD trouvent à s'appliquer à l'amende relative à l’ICC pour la période fiscale sous examen. Il suffit donc de renvoyer, pour l’ICC, aux considérants relatifs à l'amende relative à l'IFD.

Le recours doit par conséquent être rejeté également en tant qu'il concerne l'amende prononcée en lien avec l’ICC pour la période fiscale 2001 à 2008.

11) En conséquence, le recours de l'AFC-GE sera admis, le jugement du TAPI annulé et les décisions sur réclamation du 25 janvier 2013 ainsi que les bordereaux d'amendes rétablis.

12) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de Mme A______ (art. 87 al. 1 LPA), ce d’autant plus que l’émolument fixé puis réduit par le TAPI se voit annulé par le présent arrêt.

Il n’est pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 mars 2014 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 février 2014 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du 3 février 2014 du Tribunal administratif de première instance ;

rétablit les deux décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 25 janvier 2013 relatives au rappel d’impôts et amende pour les impôts cantonaux et communaux et l’impôt fédéral direct 2001-B à 2008 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à Me Pietro Sansonetti, avocat de Madame A______, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 


 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :