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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4124/2010

ATA/464/2013 du 30.07.2013 sur JTAPI/605/2012 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4124/2010-ICCIFD ATA/464/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 juillet 2013

2ème section

 

dans la cause

 

C______ S.A.
représentée par Me Xavier Oberson, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 mai 2012 (JTAPI/605/2012)


EN FAIT

La société C______ S.A. (ci-après : C______S.A.) est inscrite au registre du commerce de Genève depuis le 5 juillet 2004, avec comme but : « toute étude en matière de placement de capitaux, gestion de fortune, ainsi que toute opération financière, économique ou commerciale, tant pour son compte que pour le compte de tiers, et exécution de tout mandat fiduciaire; prise et gestion de participations à toutes entreprises commerciales, financières et industrielles; la société ne fera appel au public pour obtenir des fonds en dépôts ». Son capital-actions est de CHF 200'000.- dont CHF 100'000.- non libérés.

Le président de son conseil d'administration, avec signature individuelle, est Monsieur P______, détenteur de 60% du capital-actions de C______S.A. dont il est également directeur.

Le second directeur est Monsieur O______, administrateur avec signature individuelle et détenteur de 30% du capital-actions de C______S.A.

Dans sa déclaration fiscale 2006 pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) et l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD), établie le 23 juillet 2007, C______S.A. a indiqué un bénéfice net de CHF 554'647.-. Selon le compte de profits et pertes, frais de personnels se montaient à CHF 1'724'744.-. Le salaire brut de M. P______ était de CHF 824'100.-, y compris CHF 7'280.- d'indemnités de transport et celui de M. O______ atteignait CHF 568'400.-, incluant une indemnité de transport de CHF 7'200.-. Les certificats de salaire des intéressés étaient signés par eux-mêmes au nom de C______S.A.

Le 30 juillet 2009, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a adressé à C______S.A. un bordereau de taxation ICC 2006 et un bordereau de taxation IFD 2006 retenant un bénéfice net imposable de CHF 958'514.- après reprise de CHF 403'867.- au titre de prestations versées à MM. P______ et O______, en leur qualité d'actionnaires. Les montants admis au titre de salaire avaient été déterminés par application de la méthode de calcul dite « méthode valaisanne ».

Le 1er septembre 2009, C______S.A. a élevé une réclamation auprès de l'AFC contre les taxations ICC et IFD 2006. Elle contestait la reprise et s'opposait à l'utilisation de la méthode valaisanne, inadéquate car elle s'éloignait dans une trop grande mesure des usages en cours dans le domaine de la gestion de fortune. La rémunération servie à MM. P______ et O______, liée à leurs performances, était conforme aux rémunérations pratiquées sur le marché pour une société dont le chiffre d'affaires annuel était de l'ordre de CHF 3 à 3.5 millions, générant un bénéfice net imposable de CHF 550'000.- à CHF 750'000.-. En outre la méthode en cause telle qu'appliquée dans les cas d'espèce retenait un salaire de base de CHF 240'000.- manifestement trop modeste compte tenu notamment des compétences et de l'activité déployée par les intéressés et ignorait la part de rémunération inhérente à leur fonction d'administrateurs.

Par deux décisions du 8 octobre 2010, l'une pour l'ICC 2006 et l'autre pour l'IFD 2006, l'AFC a partiellement admis la réclamation de C______S.A. Elle confirmait l'application de la méthode valaisanne, aucune analyse comparative des rémunérations des personnes de rang et fonctions identiques ou similaires n’étant envisageable. Elle avait utilisé le calculateur de salaire en ligne de l'observatoire genevois du marché du travail (ci-après : OGMT) afin de définir les salaires de base. Elle avait toutefois repris les calculs en prenant en compte un salaire de base de CHF 274'000.- pour M. O______ et de CHF 273'120.- pour M. P______, ce qui aboutissait à une reprise de CHF 340'736.- pour un bénéfice net imposable de CHF 895'383.-.

Le 11 novembre 2010, C______S.A. a recouru contre les deux décisions susmentionnées auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative, remplacée le 1er janvier 2011 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) concluant à leur annulation et au retour du dossier à l'AFC pour émission de nouveaux bordereaux de taxation « dans le sens des considérants ».

M. P______ et M. O______, nés respectivement en 1964 et 1965, titulaires d'un diplôme d'expert en finance et investissement avaient été cadres supérieurs dans une banque genevoise et disposaient d'une longue et solide expérience dans le domaine de la finance. Ils avaient pu construire un réseau professionnel et relationnel très étendu, ce qui avait une valeur particulière sur ce marché. Leur rémunération se composait d'un salaire fixe et d'un bonus basé sur les résultats de l'exercice en cours et versé l'année suivante. Par conséquent, les certificats de salaires 2006 ne reflétaient pas la rémunération en relation avec l'exercice commercial 2006. Cette dernière rémunération était respectivement pour MM. P______ et O______ de CHF 901'311.- et CHF 459'681.-. Ces montants tenaient compte des heures de travail particulièrement étendues des intéressés, non seulement employés mais aussi administrateurs de C______S.A. Ils estimaient consacrer, en moyenne, 65 heures par semaine à leur activité professionnelle.

La méthode valaisanne, dont l'utilisation était toujours contestée, avait été mal appliquée, les paramètres retenus par l'AFC ne correspondant pas à la situation de MM. P______ et O______, car se basant sur une activité hebdomadaire de 40 heures. Appliquée correctement, elle donnait une rémunération totale admissible pour les intéressés de CHF 1'269'311.- alors qu'ils avaient reçu CHF 1'360'992.-. La légère différence de CHF 91'681.- en leur faveur ne constituait pas une disproportion reconnaissable par les organes de la C______S.A., de sorte que l'entier de la rémunération de MM. P______ et O______ devait être admise comme salaire ordinaire.

Le 23 mars 2011, l'AFC a conclu au rejet du recours.

Si un employeur disposait d'une liberté d'appréciation étendue dans la fixation des salaires de son personnel, cela ne devait pas aboutir à une distribution cachée de bénéfice à travers une rémunération excessive. Le versement d'un salaire disproportionné à un actionnaire directeur constituait un cas classique d'une telle situation. Il appartient au contribuable de démontrer qu'une telle rémunération ne serait pas excessive. En l'espèce, le seul paramètre contesté par C______S.A. était le nombre d'heures de travail hebdomadaire retenu par l'AFC pour fixer le salaire de base. Elle ne justifiait toutefois pas le nombre de 65 heures avancé. Même en retenant ce chiffre, le salaire n'en demeurait pas moins excessif, dans une proportion justifiant une reprise.

Les 3 mai et 11 juin 2011, les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions sans développer d'argumentation nouvelle.

Par courrier du 16 décembre 2011, le TAPI a invité C______S.A. à se déterminer à propos de la reformatio in pejus à laquelle il envisageait de procéder. En utilisant le calculateur de l'OGMT version 2008, l'AFC avait retenu que MM. P______ et O______ étaient âgés de 46 et 45 ans alors qu'ils avaient 42 et 41 ans en 2006. En outre, l'AFC n'avait pas procédé à la rectification de l'indexation entre 2008 et 2006.

En date du 27 janvier 2012, C______S.A. a pris note des deux éléments mentionnés par le TAPI. En tenant compte de ceux-ci, le salaire excessif s'élevait au maximum à CHF 179'357.-, en tenant compte d'une activité hebdomadaire de 60 heures, dont les intéressés pourraient apporter la preuve par pièces et par témoins, le cas échéant. Le recours était maintenu.

Le 7 mars 2012, après un nouvel examen du dossier, l'AFC a informé le TAPI qu'elle acceptait de ramener la reprise à CHF 184'648.-. Elle avait refait les calculs en tenant compte du fait qu'elle avait utilisé la version 2010 du calculateur et en rectifiant en conséquence comme envisagé par le TAPI dans son courrier du 16 décembre 2011. Elle avait par ailleurs retenu une activité hebdomadaire de 60 heures, donnée qu'elle acceptait désormais.

Le 20 mars 2012, après avoir pris connaissance de la détermination susmentionnée, C______S.A. a maintenu son recours, persistant en tous points dans ses conclusions.

Par jugement du 7 mai 2012, le TAPI a rejeté le recours et renvoyé le dossier à l'AFC pour nouvelles décisions de taxation IFD et ICC 2006.

Procédant à un calcul du salaire admissible pour MM. P______ et O______ en tenant compte des éléments de son courrier du 16 décembre 2011 et en admettant une activité hebdomadaire de 60 heures car C______S.A. n'avait pas démontré que les intéressés effectuaient 65 heures de travail par semaine, le TAPI arrivait à un résultat de CHF 370'204.- à reprendre au titre de salaire excessif, tant pour l'IFD que pour l'ICC.

Par acte du 13 juin 2012, C______S.A. a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement susmentionné, concluant à son annulation et au renvoi du dossier à l'AFC afin qu'elle émette de nouveaux bordereaux ICC et IFD 2006 qui ne contiennent pas de reprise sur le bénéfice imposable à titre de salaire excessif.

Bien que contestant, tant dans son principe que dans son application, l'utilisation de la méthode valaisanne, C______S.A. se limitait à relever que le TAPI avait mal appliqué cette méthode, en se fondant sur les rémunérations inscrites sur les certificats de salaire et non celles qui ressortaient de la comptabilité de l'exercice concerné et en faisant une erreur de calcul.

Le salaire admissible devait être déterminé sur la base du salaire effectif des actionnaires employés tel qu'il ressortait de la comptabilité de l'exercice en question et non sur la base des certificats de salaire, étant donné qu'il s'agissait d'examiner si une partie de la rémunération n'aurait pas le caractère de frais généraux autorisés par l'usage commercial. S'il existait un décalage temporel entre la comptabilité de la société et les rémunérations inscrites sur les certificats de salaire des employés, il y avait lieu de se fonder sur les comptes de la société lors de l'examen de l'admissibilité des salaires. In casu, compte tenu du mode de rémunération de MM. P______ et O______, c'est ce qu'aurait dû faire le TAPI. Cela se justifiait d'autant plus que la méthode valaisanne prenait en considération une part du bénéfice et du chiffre d'affaires de l'exercice en cours.

En procédant à un nouveau calcul tenant compte de ce qui précèdait, on parvenait à un salaire admissible de CHF 1'269'979.- pour les intéressés. La différence avec le salaire effectif était de CHF 91'013, soit approximativement 7%, soit trop faible pour être manifestement reconnaissable.

Le 16 juillet 2012, l'AFC a conclu au rejet du recours.

C______S.A. voudrait que le salaire admissible soit déterminé sur la base de la comptabilité de l'exercice et non du certificat de salaire, ce qui revenait à tenir compte de gratifications/bonus provisionnés, sans égard à ce qui figurait sur les certificats de salaires. De tels bonus provisionnés à la fin de l'exercice courant mais ne figurant pas sur les certificats de salaires de l'année civile ne devaient en réalité pas être ajoutés aux salaires bruts. S'il existait un droit ferme au bonus, que son montant était déterminé de manière précise et que son paiement était certain, il devait alors figurer dans tous les cas dans le certificat de salaire de l'année courante. En outre, tenir compte du paiement différé du bonus pour le calcul du salaire admissible reviendrait à ignorer systématiquement une partie du montant versé aux actionnaires. C'était bien la rémunération figurant dans le certificat de salaire qui devait être prise en considération pour le calcul d'un éventuel salaire excessif selon la méthode valaisanne. Le raisonnement sur la disproportion non reconnaissable devait être écarté, la seule existence d'une part excessive représentant en elle-même une disproportion reconnaissable par les organes de la société.

Le 9 août 2012, le juge délégué a accordé un délai au 7 septembre 2012 à C______S.A. pour formuler toute requête complémentaire. Passée cette date, la cause serait gardée à juger en l'état du dossier.

Aucune suite n'a été donnée à ce courrier et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

L’objet du litige est la reprise dans le bénéfice imposable ICC et IFD 2006 de la contribuable d’une partie des salaires versés à ses deux directeurs, actionnaires principaux.

a. L’art. 57 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) prévoit que l’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net.

Aux termes de l’art. 58 al. 1 let. b LIFD, le bénéfice net imposable comprend tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial tels que, notamment, les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial.

b. Concernant l’ICC, sont considérés comme bénéfice net imposable le bénéfice net, tel qu’il résulte du compte de pertes et profits, ainsi que les allocations volontaires à des tiers et les prestations de toute nature fournies gratuitement à des tiers ou à des actionnaires de la société (art. 12 let. a et h de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 - LIPM - D 3 15).

c. Bien qu’elles ne le mentionnent pas expressément, les deux dispositions susmentionnées visent notamment les distributions dissimulées de bénéfice (S. KUHN / P. BRÜLISAUER in M. ZWEIFEL / P. ATHANAS, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, I/1, Bundesgesetz über die Harmonisierung des direkten Steuern der Kantone und Gemeinden (StHG), 2ème éd., n. 74 ad. art. 24 p. 406), soit des prélèvements qui ne sont pas conformes au droit commercial et qui doivent donc être réintégrés dans le bénéfice imposable. L’art. 12 let. h LIPM est conforme à l’art. 58 al. 1 let. b LIFD quand bien même il est rédigé différemment (ATA/633/2011 du 11 octobre 2011 ; ATA/152/2011 du 8 mars 2011).

a. Selon la jurisprudence, il y a prestation appréciable en argent - également qualifiée de distribution dissimulée de bénéfice - devant être réintégrée dans le bénéfice imposable de la société lorsque les quatre conditions cumulatives suivantes sont réalisées : 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le touchant de près ; 3) elle n’aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; 4) la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que le caractère insolite de la prestation est reconnaissable par les organes de la société (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_421/2009 du 11 janvier 2010 ; 2C_188/2008 du 19 août 2008 ; ATA/633/2011 et ATA/152/2011 précités ; X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 2012, p. 236 n. 41 et les références citées). Selon la jurisprudence, il ne s’agit pas d’examiner si les parties ont reconnu la disproportion, mais plutôt si elles auraient dû la reconnaître (E. MELLER / J. SALOM, Le salaire excessif en droit fiscal suisse, RDAF 2011 II, p. 105, 110 et les références citées).

b. Il appartient à la société de prouver que les prestations en question sont justifiées par l’usage commercial afin que les autorités fiscales puissent s’assurer que seules des raisons commerciales, et non les étroites relations personnelles et économiques entre la société et les bénéficiaires de la prestation, ont conduit à l’octroi d’une prestation insolite (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_275/2010 du 24 août 2010 et 2A.355/2004 du 20 juin 2005).

c. Les prestations appréciables en argent peuvent apparaître de diverses façons. Le versement d’un salaire disproportionné accordé à un actionnaire-directeur constitue une situation classique de distribution dissimulée de bénéfice (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_421/2009 précité et les références citées ; X. OBERSON, op. cit., p. 236 n. 42).

d. En présence d’une prestation appréciable en argent, les conséquences fiscales sont multiples. Au niveau de la société, l’autorité fiscale réintégrera la prestation dans les bénéfices imposables de celle-ci (X. OBERSON, op. cit., p. 197 n. 35).

L’avantage octroyé doit s’expliquer par le lien particulier entre le bénéficiaire de la prestation et la société. Entrent avant tout en ligne de compte les actionnaires majoritaires, la doctrine étant partagée s’agissant d’un actionnaire minoritaire sans influence particulière. Pour une partie de la doctrine, seuls des actionnaires bénéficiant d’une influence particulière sur l’entreprise sont en position de se faire verser une prestation appréciable en argent. Ce n’est pas tant le pourcentage de détention qui doit être considéré que la capacité d’influencer les décisions de la société (P.-M. GLAUSER, Apports et impôt sur le bénéfice : le principe de déterminance dans le contexte des apports et autres contributions de tiers, 2005, p.109). Pour une autre partie de la doctrine, le seul fait d’être actionnaire, même minoritaire sans influence, suffit pour recevoir un dividende dissimulé. Ce qui caractérise objectivement la distribution dissimulée de bénéfice n’est pas l’influence que peut exercer l’actionnaire, mais le fait que la prestation n’aurait pas été effectuée ou aurait été notablement plus faible, si le bénéficiaire avait été une personne étrangère à la société (D. YERSIN, Apports et retraits de capital propre et bénéfice imposable, 1977, p. 249).

Lorsqu’elle doit déterminer si la rémunération servie par la société à ses employés actionnaires est en rapport avec l’importance de leur prestation de travail, l’autorité fiscale n’a pas à substituer sa propre appréciation en matière de salaire à celle de la société mais la liberté de l’employeur n’est pas sans limite. En effet, la rémunération doit correspondre à celle qui aurait été octroyée à une tierce personne dans des circonstances identiques. L’élément pertinent est donc la rémunération conforme au marché. Pour savoir si la rémunération est excessive et constitue une distribution dissimulée de bénéfice, il convient de prendre en compte l’ensemble des circonstances du cas d’espèce (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_421/2009 précité consid. 3.1 et 3.3 et les références citées ; E. MELLER / J. SALOM, op. cit., p. 111). Parmi les critères pertinents, figure notamment la rémunération des personnes de rang et de fonction identiques ou similaires, les salaires versés par d’autres entreprises opérant dans le même domaine, la taille de l’entreprise, sa situation financière, ainsi que la position du salarié dans l’entreprise, sa formation et son expérience (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_421/2009 précité).

a. Pour fixer un salaire de base moyen lorsque les données servant de référence à la détermination de la rémunération des cadres dans une société font défaut ou sont inexploitables, il est admissible selon la jurisprudence de se fonder sur des statistiques. Ce schématisme a l’avantage d’assurer l’égalité de traitement entre les personnes travaillant dans la même branche. La simplification de cette détermination doit toutefois rester dans certaines limites afin de ne pas tomber dans l’arbitraire. Il a été jugé à cet égard que le fait d’individualiser le salaire moyen en fonction des circonstances du cas d’espèce et de prendre en compte pour ce faire le cahier des charges relatif au poste en cause, les fonctions et les responsabilités des personnes concernées conduit à un schématisme exempt d’arbitraire (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_188/2008 précité consid. 5.3 ; E. MELLER / J. SALOM, op. cit., p. 118).

b. Dans ce cadre, la méthode la plus communément appliquée en Suisse romande pour déterminer le salaire admissible d’employés actionnaires est la méthode dite « valaisanne ». Pour arrêter la rémunération à prendre en considération, un salaire de base est déterminé ; il est augmenté d’une participation au chiffre d’affaires et au bénéfice. Cette méthode prend ainsi en compte dans le calcul de la rémunération l’implication des salariés actionnaires dans la bonne marche de l’entreprise et, pour une part au moins, leur activité en qualité d’apporteurs d’affaires.

La méthode consiste à déterminer un salaire de base moyen, puis à l’augmenter d’une participation au chiffre d’affaires de la société (1 % jusqu’à CHF 1’000’000.-, 0,9 % jusqu’à CHF 5’000’000.- et 0,8 % au-delà, la participation étant doublée pour les sociétés de services afin de tenir compte de la marge brute élevée de ce type de sociétés) ainsi qu’une part du bénéfice (1/3 pour les sociétés employant moins de vingt collaborateurs et 1/4 pour les entreprises plus grandes) (ATA/170/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/777/2010 du 9 novembre 2010 ; E. MELLER / J. SALOM, op. cit., p. 118).

c. Le Tribunal fédéral a pour sa part confirmé son application dans la mesure où elle a conduit à un résultat exempt d’arbitraire, adapté aux circonstances du cas d’espèce (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_421/2009 précité ; 2C_188/2008 précité). La méthode « valaisanne » a reçu l’aval de l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) et son application a été entérinée par la jurisprudence cantonale (ATA/25/2013 du 15 janvier 2013 ; ATA/170/2012 précité et les références citées).

La juridiction de céans a admis, dans le cadre du calcul du salaire qualifié d’excessif selon la méthode « valaisanne », le fait de prendre comme salaire de base le calculateur en ligne de l’OGMT, reposant sur des salaires bruts totaux, toutes prestations comprises. Elle a relevé que les données de l’OGMT devaient être considérées comme objectives et conformes aux méthodes de calcul préconisées par le Tribunal fédéral (ATA/674/2011 du 1er novembre 2011 ; ATA/777/2010 précité). En outre, le recours à un tel instrument aboutissait à établir un salaire fixé au maximum de la fourchette des rémunérations possibles (ATA/25/2013 précité).

La recourante indique être opposée au principe de l'utilisation de la méthode valaisanne mais a renoncé à développer une argumentation à cet égard.

En l’espèce et vu l’absence de points de comparaison, c’est à bon droit que l’AFC, puis le TAPI, conformément à la jurisprudence précitée, ont appliqué la méthode valaisanne pour déterminer si, au plan fiscal, une partie des rémunérations versées aux directeurs actionnaires constituaient des distributions dissimulées de bénéfices devant être réintégrées dans le bénéfice imposable.

La recourante conteste la manière dont la méthode valaisanne été appliquée pour le calcul du salaire admissible de ses directeurs actionnaires. Elle soutient en particulier que les rémunérations de référence ne devraient pas être celles figurant sur les certificats de salaire, mais celles ressortant des comptes de l'exercice civil, vu la structure de ces rémunérations. A supposer que cela soit fiscalement admissible pour la détermination d'un salaire excessif, il incombait toutefois à la recourante, conformément à la répartition du fardeau de la preuve découlant de la jurisprudence susmentionnée, d'apporter la démonstration de cet allégué susceptible d'influencer la taxation, et cela déjà devant l'AFC, puisqu'il était en contradiction avec les certificats de salaires produits, que le compte de profits et pertes ne comportait qu'un poste global pour l'ensemble des salaires versés et qu'aucun contrat de travail, accord particulier ou autre document n'était joint à la déclaration fiscale 2006. Ni l'AFC ni le TAPI n'avaient donc à envisager et à retenir un autre montant que celui figurant dans les certificats de salaires 2006.

En l’espèce, le TAPI a estimé les salaires de MM. P______ et O______ en tenant compte de leur âge et de leur position de cadre supérieur en charge de la définition de la stratégie de l’entreprise. Il a admis que les intéressés avaient travaillé soixante heures par semaines, quand bien même aucun justificatif n’avait été produit. Par économie de procédure, la chambre de céans ne reviendra cependant pas sur cette durée dès lors que même très importante, elle n'apparaît de prime abord pas invraisemblable dans le domaine d'activité des intéressés.

Les autres données sur lesquelles le TAPI s'est fondé pour appliquer le calculateur OGMT ne sont pas contestées et apparaissent correctes. Se fondant sur les circonstances du cas d’espèce, il a ainsi très largement respecté les critères posés par la jurisprudence en matière d’utilisation de statistiques pour déterminer le salaire de base. Le montant de CHF 370'204.- retenu au titre de salaires excessifs sera dès lors confirmé et réintégré dans le bénéfice de l'exercice 2006.

La recourante reproche encore au TAPI de ne pas avoir examiné si une éventuelle disproportion entre les salaires effectifs et les salaires admis était reconnaissable par les organes de la société. Elle ne démontre pas en quoi la disproportion n’était pas reconnaissable et ce grief doit lui aussi être écarté. Une part de salaire excessive de CHF 310'204.- sur une charge salariale totale de CHF 1'724'744.- n’était en effet pas négligeable et un tel montant était aisément reconnaissable pour les administrateurs, également bénéficiaires de celui-ci. Les conditions de la dissimulation de bénéfice sont dès lors réalisées

En conséquence, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge de la recourante. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 juin 2012 par C______ S.A. contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 mai 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de C______ S.A. un émolument de CHF 2'000.- ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Xavier Oberson, avocat de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions et au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.



Genève, le 

 

 

la greffière :