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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/65/2008

ATA/450/2008 du 02.09.2008 ( DCTI ) , REJETE

Parties : PILLONEL Sylvana / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, NARGI Mario
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/65/2008-DCTI ATA/450/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 2 septembre 2008

 

dans la cause

Madame Sylvana PILLONEL

 

contre

 

Monsieur Mario NARGI

représenté par Me Marie-Claude de Rham-Casthélaz, avocate

 

et

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

 

et

 

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION


 


EN FAIT

1. Monsieur Mario Nargi a signé le 5 mai 2006 une promesse de vente et d’achat par l’agence immobilière A.-E. SCHMID S.A. portant sur un bâtiment en PPE en construction sur la parcelle n° 8113, feuille 61 de la Commune de Collonge-Bellerive à l’adresse 83, route d’Hermance, soit des lots de PPE correspondant à une partie d’appartement en sous-sol, au rez-de-chaussée et au premier étage ainsi qu’un réduit. Etait également incluse dans la promesse de vente le bénéfice d’une servitude exclusive de jardin de 460 m2.

2. Le 10 mai 2006, Monsieur Philippe Pillonel a signé une promesse de vente et d’achat avec l’agence immobilière A.-E. SCHMID S.A. portant sur les lots de PPE correspondant à un appartement au deuxième étage et une cave au sous-sol. La promesse mentionnait que « le promettant-acquéreur s’engage à ne pas faire opposition à toute demande de construction d’une véranda sollicitée par les propriétaires des appartements jouissant d’un jardin privatif, et ce dans les limites de la loi, pour autant que cette construction n’empiète pas sur les parties communes ».

3. En date du 28 juin 2007, M. Nargi a déposé une demande d’autorisation de construire une pergola sous la forme d’une autorisation en procédure accélérée enregistrée sous le n°APA 28463.

4. L’autorisation définitive a été délivrée par le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : DCTI) le 23 août 2007. Elle a été publiée dans la Feuille d’Avis Officielle du 29 août 2007. Selon les plans visés ne varietur, la pergola consistait en une couverture mobile fixée sur une armature de soutien, elle-même attachée au bâtiment d’habitation.

5. Par lettre du 20 septembre 2007, Madame Sylvana Pillonel, la mère du précité, a fait opposition auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : CCRC) contre la pergola visée par l’APA 28463 pour « des raisons de paysage et de bon respect de la nature ». Cette lettre manuscrite d’une page, ne contenait aucune autre motivation.

6. Le 5 novembre 2007, Mme Pillonel a écrit à la CCRC pour indiquer qu’elle allait habiter l’appartement acquis par son fils M. Pillonel et « qu’il n’était pas prévu à l’origine la construction de la véranda ». Elle précisait que « lors de la signature de la promesse de vente, cette modification ne lui a pas été expressément signalée ». Elle ne s’en était rendue compte que récemment.

 

7. Entendue par la CCRC le 16 novembre 2007, Mme Pillonel a indiqué vouloir quitter son domicile au 45, route de Thonon, où elle était locataire, pour aller habiter dans l’immeuble situé 83, route d’Hermance dès que les travaux seraient terminés. L’appartement était propriété de son fils Philippe, car il travaillait dans une banque et avait des facilités pour obtenir un crédit hypothécaire. Enfin, elle lui avait fait une donation et entendait habiter dans le futur l’appartement en fonction d’un arrangement avec son fils, sans être formellement locataire.

8. M. Nargi a, quant à lui, exposé à la CCRC, être au bénéfice d’une vaste terrasse et souhaiter construire le couvert car la protection existante n’était pas suffisante. La partie supérieure de la pergola serait vide ; elle serait constituée d’un store qui s’enroule. La construction consistait en des poutres de soutien ainsi qu’en une armature supérieure.

9. Le 5 décembre 2007, la CCRC a rejeté le recours formé par Mme Pillonel au motif que cette dernière n’habitait pas dans l’appartement acquis par son fils, qu’elle n’avait pas justifié avoir résilié le contrat de bail de son appartement à la route de Thonon et que la renonciation de M. Pillonel dans la promesse de vente à faire opposition à toute demande de construction d’une véranda lui était opposable. Ces éléments démontraient l’absence d’intérêt digne de protection de Mme Pillonel. La décision a été expédiée le 12 décembre 2007 aux parties.

10. Le 7 janvier 2008, Mme Pillonel a recouru auprès de la CCRC contre la décision du 5 décembre 2007. Rien n’avait été fait comme prévu sur les plans de construction côté jardin où M. Nargi avait construit deux petites dépendances et un jacuzzi. Elle voulait habiter « à la campagne dans le calme et la nature ». Elle annonçait son prochain déménagement dans le courant du mois de février.

11. Le 9 janvier 2008, la CCRC a transmis le recours au Tribunal administratif pour raison de compétence.

12. Le 28 janvier 2008, M. Nargi s’est déterminé. Il sollicitait la confirmation de la décision de la CCRC. Mme Pillonel n’habitait pas dans l’immeuble concerné. Elle n’avait pas encore déménagé au jour du dépôt du recours et ne justifiait pas avoir résilié son contrat de bail. Elle n’était pas propriétaire, usufruitière ou locataire de l’appartement. Son fils s’était engagé à ne pas faire opposition à toute demande de construction d’une véranda et cet engagement était opposable à sa mère qui n’avait aucun intérêt personnel digne de protection à ce que l’autorisation soit annulée. Elle invoquait des motifs généraux sans expliquer en quoi la construction lui procurait des inconvénients.

13. Le DCTI s’est exprimé le 22 février 2008. Le recours était irrecevable en l’absence d’intérêt digne de protection de Mme Pillonel, qui n’était pas locataire de l’immeuble concerné. Elle n’avait pas établi avoir résilié bail de l’appartement qu’elle occupait et et ne prétendait pas agir au nom et pour le compte de son fils. L’autorisation attaquée était exempte de critiques, respectant la loi et se fondant sur des préavis positifs. L’engagement de M. Pillonel de ne pas s’opposer à la construction d’une véranda relevait du droit privé.

14. Le 14 février 2008, Mme Pillonel a communiqué au Tribunal administratif une lettre du 5 décembre 2007 que lui avait adressée le Comptoir genevois immobilier pour prendre acte de la résiliation de son bail pour le 29 février 2008, un extrait des documents de vente de l’appartement ainsi que des photos des constructions dans le jardin, ainsi qu’un extrait de son compte bancaire auprès de l’UBS daté du 9 mai 2006 faisant état d’un versement de CHF 306'760.-- à Me Chantal Binder-Raetz, notaire, le 8 mai 2006, en relation avec la promesse d’achat signée par M. Pillonel. Mme Pillonel expliquait avoir versé une partie du montant de la promesse de vente sur la forme d’une donation à son fils Philippe qui assurait pour lui les démarches d’achat de l’appartement situé 83, route d’Hermance. Elle demandait que les plans de l’architecte et la nature soient respectés. Dans la promesse de vente, la véranda n’était pas signalée et au cadastre il n’y avait pas de plan de la véranda. Le courrier de Mme Pillonel a été communiqué aux autres parties le 26 juin 2008.

15. Le 7 juillet 2008, M. Nargi a déclaré persister dans ses conclusions. Mme Pillonel n’était ni locataire, ni usufruitière, ni propriétaire de l’appartement. M. Pillonel s’était engagé lors de l’acquisition de l’appartement à ne pas faire opposition à toute demande de construction d’une véranda qui pourrait être sollicitée par les propriétaires d’appartements jouissant de jardins privatifs et cet engagement était opposable à Mme Pillonel.

16. Il ressort du dossier que Mme Pillonel est domiciliée au 83, route d’Hermance depuis le 6 février 2008.

17. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10)..

2. L’exigence de motivation de l’article 65 alinéa 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l’objet du litige qui lui est soumis et de donner l’occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre. Elle signifie que le recourant doit expliquer en quoi et pourquoi il s’en prend à la décision litigieuse. En l’espèce, l’acte de recours ne contient pas de conclusion formelle. Cela étant, la recourante, qui n’est pas représentée par un conseil, a mentionné faire « opposition » à la décision de la Commission de recours du 12 décembre 2007, soit la décision du 5 décembre 2007 qui lui a été notifiée le 12 décembre 2007. Cette formulation est suffisante pour que le Tribunal de céans et la partie adverse puissent comprendre l’objectif de la recourante et identifier l’acte attaqué. Partant, les exigences de l’article 65 alinéa 2 LPA sont remplies.

3. a. A teneur de l’article 60 lettres a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne, qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir. Le Tribunal administratif a déjà jugé que les lettres a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/176/2008 du 15 avril 2008).

b. Cette notion de l’intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l’article 103 lettre a de la loi fédérale d’organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ - RS 173.110) et qui était applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l’article 98a de la même loi (ATA/567/2006 du 31 octobre 2006, consid. 3a et les références citées ; ATA/434/2005 du 21 juin 2005, consid. 2). Elle correspond aux critères exposés à l’article 89 alinéa 1 lettre c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110 ; FF 2001 4127) et que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’article 111 alinéa 1 LTF (FF 2001 4146). En ce qui concerne les voisins d’une construction ou d’une installation, il résulte de la jurisprudence que seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale possèdent l’intérêt particulier requis par la loi (ATF 121 II 174 ; ATA/101/2006 du 7 mars 2006, consid. 4b). Cette lésion directe et spéciale suppose l’existence d’une communauté de fait entre les intérêts du destinataire de la décision et ceux des tiers. Les voisins peuvent ainsi recourir en invoquant des règles qui ne leur donnent aucun droit et qui ne sont pas directement destinées à protéger leurs intérêts (ATF 110 Ib 400 consid. 1b ; ATA/793/2005 du 22 novembre 2005, consid. 2b et les références citées).

En l’espèce, Mme Pillonel a recouru contre l’APA 28463-1 du 20 septembre 2007 alors qu’elle habitait au 45, route de Thonon. Toutefois, à cette époque, elle avait l’intention de venir habiter dans l’appartement qui devait être acquis par son fils au 83, route d’Hermance, conformément à la promesse de vente du 10 mai 2006. Certes, elle n’avait pas encore résilié son bail, mais son intention était claire : l’appartement allait être acquis par son fils en partie grâce à un financement qu’elle lui avait procuré et elle habiterait dans ce logement à titre gratuit. L’intervention de M. Pillonel était due au fait qu’il pouvait plus facilement obtenir un crédit hypothécaire. Mme Pillonel a d’ailleurs effectivement pris domicile au 83, route d’Hermance le 6 février 2008. Partant, Mme Pillonel allait souffrir, au moment où elle a déposé son recours auprès de la CCRC puis au Tribunal administratif de la construction de la pergola. Elle disposait donc d’un intérêt digne de protection et donc de la qualité pour recourir à ce titre.

4. La recourante ne précise pas les motifs qui rendraient l’APA 28463 illégale. Elle se borne à affirmer que la situation créée par cette autorisation, comme d’autres modifications apportées par son voisin dans son jardin, ne seraient pas conformes aux plans initiaux de l’immeuble. Au surplus, elle affirme vouloir habiter « à la campagne, dans le calme, et la nature ». Ces motifs ne sont pas pertinents. L’autorisation délivrée par le DCTI se fonde sur un dossier d’autorisation complet, des plans détaillés et des préavis positifs. Elle respecte les dispositions légales.

5. En outre, l’éventualité de la construction d’une véranda, a été réservée dans la promesse de vente et d’achat du 10 mai 2006 sous la forme d’une condition n° 2 en page 7 de l’acte. En tout état, cette question relève du droit civil et le tribunal de céans ne peut en connaître.

6. Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté, dans la mesure où il est recevable.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe. Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à M. Nargi.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 janvier 2008 par Madame Sylvana Pillonel contre la décision du 5 décembre 2007 de la commission cantonale de recours en matière de constructions ;

 

 

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1’000.- ;

alloue à Monsieur Mario Nargi une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à charge de la recourante ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame Sylvana Pillonel, à Me Marie-Claude de Rham-Casthélaz, avocate de Monsieur Mario Nargi, au département des constructions et des technologies de l’information ainsi qu’à la commission cantonale de recours en matière de constructions.

Siégeants : Mme Boyy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, juges, M. Bellanger, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

M. Tonossi

 

 

la présidente :

 

L. Bovy

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :