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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2875/2011

ATA/746/2012 du 30.10.2012 sur JTAPI/236/2012 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : ; ZONE AGRICOLE ; CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; AUTORISATION DÉROGATOIRE(ART. 24 LAT) ; POUVOIR D'APPRÉCIATION ; PLAN D'AFFECTATION
Normes : LAT.16; LAT.22; LAT.24; LaLAT.27
Parties : ZAMORA Miguel, ZAMORA Rosine, Miguel et MARTI Joëlle, MARTI Joëlle / DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, ETAT DE GENEVE, DIRECTION DU GENIE CIVIL
Résumé : Admission d'un recours contre une autorisation de construire portant sur l'aménagement d'un parking P+R temporaire, pour une durée de deux ans et demi, de 270 places, en zone agricole, délivré sur la base d'une dérogation (art. 24 LAT). Compte tenu de son impact important il ne peut être autorisé par voie dérogatoire mais devrait faire l'objet d'une mesure de planification. Examen du caractère provisoire ou temporaire de la validité de l'autorisation.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2875/2011-LCI ATA/746/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 octobre 2012

1ère section

 

dans la cause

 

Madame Rosine et Monsieur Miguel ZAMORA
et
Madame Joëlle MARTI
représentés par Me Danièle Falter, avocate

contre

DéPARTEMENT DE L'URBANISME

et

Office du génie civil

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 février 2012 (JTAPI/236/2012)


EN FAIT

1. Madame Rosine et Monsieur Miguel Zamora sont propriétaires de la parcelle n° 5'363, feuille 2 de la commune d'Anières à l'adresse 338, route de Thonon.

Madame Joëlle Marti est propriétaire de la parcelle n° 4'981 de la même commune, à l'adresse 320, route de Thonon.

2. Par demande définitive du 1er juin 2011, l'office du génie civil (ci-après : l’office) du département des constructions et des technologies de l'information, devenu le département de l'urbanisme (ci-après : le département), a sollicité l'autorisation de construire un « parking P+R provisoire » de 270 places pour voitures environ et 21 places pour deux-roues ainsi que la création d'une nouvelle traversée piétonne avec refuge central sur les parcelles n° 5'771, feuille 43, faisant partie du domaine public cantonal et n° 6'015, feuille 44, propriété de la commune d'Anières. Ce dernier terrain, d'une surface de 8'089 m2 est adjacent à la parcelle n° 5'363 des époux Zamora et situé en zone agricole. La parcelle n° 5'771 fait partie du domaine public et constitue la route de Thonon.

3. Au cours de l'instruction de la demande, le département a notamment requis les préavis suivants :

le 12 juillet 2011, la direction générale de la nature et du paysage (ci-après : DGNP) a délivré un préavis favorable sous réserve ;

le 28 juillet 2011, la direction générale de l'agriculture (ci-après : DGA) s'est déclarée favorable sous réserve que l'autorisation porte sur une durée déterminée de deux ans et demi maximum. La parcelle n° 6'015 se trouvait dans les surfaces d'assolement et constituait de la surface agricole utile. Le requérant devait démontrer que les travaux seraient effectués dans les règles de l'art de manière à garantir au terme des aménagements une aptitude agronomique au minimum équivalente à celle constatée aujourd'hui. La parcelle étant équipée d'un drainage, son bon fonctionnement à l'issue des travaux serait exigé. En outre, les contributions écologiques perçues depuis le début du contrat pour une surface de compensation devraient être remboursées ;

les 18 juillet et 2 août 2011, le service de géologie, sols et déchets (ci-après : GESDEC) s'est déclaré favorable au projet sous réserve d'un suivi pédologique et de mesures de protection des sols appropriées ;

le 8 août 2011, le service de l'aménagement s'est déclaré favorable sous réserve de la restitution à l'agriculture du terrain concerné au terme de son utilisation comme parking provisoire lié à la construction de la tranchée couverte de Vésenaz ;

Tous les autres préavis étaient également favorables ou sans observations.

4. Le 22 août 2011, le département a délivré l'autorisation de construire sollicitée à titre provisoire pour une durée de deux ans et demi. Les conditions figurant dans les préavis précités devaient être respectées. Dite autorisation (DD 104'395-1) a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 26 août 2011.

5. Le 22 septembre 2011, les époux Zamora et Mme Marti ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre l'autorisation de construire en concluant à son annulation.

Leurs parcelles étaient adjacentes ou à proximité immédiate du projet de parking autorisé.

Jusqu'en 2010, la parcelle n° 6'015 était louée par la commune à un agriculteur.

Le parking projeté était situé sur l'axe Thonon-Genève sur lequel circulaient en semaine 35'000 véhicules par jour. Le parking pourrait ainsi absorber 0,8 % de ces véhicules.

Le caractère provisoire de l'aménagement du parking, qui serait lié aux travaux de la tranchée couverte de Vésenaz, était douteux. Les procès-verbaux du conseil municipal de la commune des 22 juin 2010 et 3 mars 2011 démontraient que les autorités souhaitaient que la parcelle soit déclassée, le parking pérennisé et les activités développées dans le secteur. Cette même volonté de créer un aménagement permanent se retrouvait également dans un rapport du Conseil d'Etat du 2 juin 2010 qui qualifiait d'expérimental la création du parking dans l'optique du développement du co-voiturage.

En fait, au lieu de lancer immédiatement une procédure de déclassement qui pouvait échouer, il avait été décidé de recourir à la politique du fait accompli, consistant à changer la destination du site puis à adapter la réglementation le concernant à sa nouvelle vocation.

La construction de la tranchée couverte de Vésenaz n'était qu'un prétexte. Vu sa dimension, le parking ne serait d'aucun secours pour pallier le problème de circulation engendré par le chantier.

L'autorisation violait les obligations de motivation et du droit d'être entendu. La construction ne pouvait se faire sans l'établissement d'un nouveau plan d'aménagement car une dérogation ne pouvait concerner que des petits projets. Aucune nécessité particulière, notamment technique, n'exigeait que le parking soit aménagé en zone agricole. Aucune pesée d'intérêts n'avait été faite et les conditions d'une autorisation dérogatoire de construction en zone agricole n'étaient pas remplies.

La décision constituait en outre un contournement abusif des normes sur l'aménagement du territoire et une violation du principe de la bonne foi. Le principe du fait accompli était abusif.

6. Le 28 novembre 2011, le département a répondu au recours.

L'ensemble des travaux liés à la construction de la tranchée couverte de Vésenaz avait été décrété d'utilité publique. La construction du parking provisoire s'inscrivait dans ce cadre et ne nécessitait pas un nouveau plan d'aménagement.

7. Lors de l'audience de comparution personnelle des parties, le 15 février 2012, l'ingénieur civil de la direction du génie civil a exposé que le terrain avait été choisi en raison de sa situation à 100 m de la douane. Le but de la construction était de modifier les habitudes des usagers pendulaires qui auraient la latitude de garer leur voiture à cet endroit et de prendre le bus. Le fait que la construction soit provisoire n'avait pas d'incidence sur ce but. Dans la deuxième phase des travaux de la tranchée de Vésenaz, il y avait une perte de capacité de la route. Il s'agissait par l'installation du parking de compenser la perte de cette capacité aux heures de pointe du matin et du soir. Selon les comptages effectués, la compensation avoisinerait 20 % du trafic aux heures de pointe. Un parking provisoire allait être installé sur la commune de Veigy en France d'une capacité de 150 places. Un parking P+R définitif devait être construit sur le territoire français ultérieurement. Les travaux de la tranchée de Vésenaz devaient être achevés fin 2013.

M. Zamora a déposé un dossier de photos relatif à deux parkings d'ores et déjà installés sur la commune de Veigy, l'un de 90 places au centre de Veigy et l'autre de 80 places à proximité de la douane. Ces parkings étaient situés à côté d'un arrêt du bus G. Les parkings étaient gratuits mais inutilisés.

8. Le 15 février 2012, le TAPI a rejeté le recours.

Au vu des circonstances exceptionnelles, le département n'avait pas excédé son pouvoir d'appréciation en délivrant l'autorisation de construire. L'intérêt public à la construction du parking provisoire devait l'emporter sur celui du maintien de la parcelle en terres cultivables.

9. Le 26 mars 2012, les époux Zamora et Mme Marti on recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI, expédié le 23 et reçu le 24 février 2012, en concluant à son annulation et à celle de l'autorisation de construire DD 104'395-1, ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure.

a. La délivrance de l'autorisation constituait un contournement abusif des normes sur l'aménagement du territoire et une violation de l'art. 5 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). La construction du parking ne pouvait se faire sans établissement d'un nouveau plan d'aménagement, la planification étant prioritaire sur les régimes dérogatoires. La décision violait les art. 24 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700) et 27 de la loi d’application de la LAT, du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30). Aucune nécessité particulière, notamment technique, n'exigeait que le parking soit construit en zone agricole et aucune pesée des intérêts n'avait été faite. L'intérêt public retenu, soit le désengorgement du trafic routier, outre qu'il ne correspondait pas à la réalité, était également insuffisant au regard de la législation. Il était contraire à l'intérêt public de dépenser des montants importants pour un ouvrage dont l'inutilité était avérée.

b. Le parking constituait le premier pas en vue de déclasser la zone, les autorités voulant appliquer la politique du fait accompli. Ce mode de faire était abusif. Le but effectif du parking avait été révélé par le représentant du service du génie civil à l'audience de comparution personnelle : changer les habitudes des pendulaires. Il n'y avait aucun caractère provisoire dans ce but. En outre, la parcelle voisine, n° 5'090, située également en zone agricole, était utilisée par son propriétaire pour une exposition-vente de véhicules d'occasion. La situation illégale ayant été dénoncée et portée jusqu'au Tribunal fédéral, la commune refusait d'intervenir pour faire exécuter les décisions rendues dès lors qu'il y aurait contradiction avec le P+R.

L'autorisation de construire était délivrée pour une durée de deux ans et demi sans référence aux travaux de la tranchée couverte de Vésenaz. Le parking pourrait dès lors être maintenu bien après la fin des travaux, ce qui était inacceptable.

c. Les faits avaient été constatés de manière incomplète et arbitraire par le TAPI. Ce dernier n'avait pas pris en compte l'existence des deux parkings inutilisés par les pendulaires dans la zone de la douane de Veigy. De nouvelles photographies étaient produites. Le 21 mars 2012 à 8h00 du matin, 5 voitures étaient stationnées dans le parking de Veigy village et 15 dans le nouveau P+R de 300 places situé à la douane française. Le bus G, à l'arrêt de ce P+R, était occupé par 2 personnes plus le chauffeur.

d. Les éléments retenus s'agissant de prétendues perturbations entraînées par les travaux de la tranchée couverte de Vésenaz étaient en contradiction claire avec la situation effective et, partant, arbitraires. La période la plus difficile pour le trafic sur l'axe Thonon-Genève en raison des travaux était terminée après le mois d'août 2011. Aucune période pendant laquelle la circulation sur deux voies serait impossible n'était prévue à l'avenir sous réserve de la fermeture de la route pendant 5 nuits en juillet et août 2012. Selon le descriptif des travaux, à partir de septembre 2012, la circulation sur l'axe serait la même qu'avant les travaux et la perte de capacité de la route aurait disparu. Cet ouvrage coûteux n'avait donc aucune utilité, ce dont le TAPI n'avait pas tenu compte.

D'ailleurs, l'utilisation du parking ne désengorgerait pas le trafic, comme l'avait retenu à tort le jugement. Un parking de 250 places représentait 1,43 % d'un trafic d'environ 17'500 véhicules par jour dans chaque sens de circulation et non pas 20 % comme allégué par le service du génie civil.

e. Les exigences de motivation et de pondération découlant de l'art. 3 al. 2 de l'ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1.) n'étaient pas remplies par la décision qui n'était pas motivée, cela d'autant plus qu'il s'agissait d'une autorisation dérogatoire. Le caractère provisoire de l'autorisation ne permettait pas non plus de se soustraire à ces exigences. Le renvoi aux préavis n'était pas suffisant, aucun de ceux-ci ne contenant de motivation.

f. En outre, le TAPI avait estimé, en contradiction avec les faits, que le parking ne provoquerait que peu de nuisances pour le voisinage, se contentant de retenir les déclarations du requérant.

10. Le 29 mars 2012, le TAPI a déposé son dossier sans observations.

11. Le 7 mai 2012, le département a déposé des observations en concluant au rejet du recours et à la constatation de l'absence d'effet suspensif lié au recours en raison de l'utilité publique du projet autorisé ou au retrait préalable de l'effet suspensif.

Le projet était d'utilité publique puisque financé par le crédit complémentaire d'investissement du 20 mai 2009 (PL 10441) voté dans le cadre des travaux de la tranchée couverte de Vésenaz.

La décision de créer des P+R s'inscrivait dans la volonté politique d'alléger les routes très fréquentées et d'essayer de créer de nouvelles habitudes parmi les pendulaires. Une habitude prenait du temps à se créer et se mettre en place, d'autant plus qu'en ce qui concernait les parkings de Veigy, la mise en exécution du P+R définitif en France avait été retardée. Il n'y avait pas de certitude quant à l'efficacité qu'aurait ce P+R, néanmoins, il s'inscrivait dans l'intérêt public et aurait des effets en matière de sécurité. En raison des travaux, suite à la fermeture des routes et à l'augmentation de la circulation, à Vésenaz, les cycles et motos avaient de plus en plus tendance à circuler sur les trottoirs, ce qui se révélait être dangereux pour les piétons. Rien ne permettait d'affirmer que le parking provisoire, s'il était en fonction, diminuerait cette propension, mais il fallait en évaluer l'impact.

Le caractère provisoire du parking était assuré par la durée limitée fixée dans l'autorisation. Si par impossible il devait être prolongé, la commune devrait demander un déclassement de zone ainsi que de nouvelles autorisations.

Il n'y avait pas de violation des art. 24 LAT et 27 LaLAT, les travaux seraient légers et peu importants et le département s'était formellement engagé à protéger le terrain et à le remettre en état à la fin des travaux, conformément à l'art. 16b al. 2 LAT.

Les nuisances seraient ponctuelles en raison de l'utilisation du parking par les pendulaires et de la durée des travaux d'environ un mois.

12. Le 8 mai 2012, le département s'est opposé au recours en reprenant à son compte l'argumentation développée par le TAPI.

13. Le 21 mai 2012, les époux Zamora et Mme Marti se sont déterminés sur l'effet suspensif.

Les conditions d'absence ou de retrait de l'effet suspensif n'étaient pas réalisées.

14. Le 19 juin 2012, les époux Zamora et Mme Marti ont répliqué en reprenant les arguments déjà développés dans leur recours, en précisant que la requérante n'avait pas démontré que l'objectif d'intérêt public poursuivi par la construction serait atteint. L'offre pléthorique et inutilisée de places de stationnement gratuites ne pouvait être niée pas plus que l'absence de perturbation du trafic en raison du chantier de Vésenaz non plus.

L'office indiquait ignorer l'efficacité du P+R. La zone agricole ne pouvait servir à construire des infrastructures coûteuses et faire subir des nuisances importantes au voisinage pour procéder à des tests des plus aléatoires. Les éléments objectifs montraient clairement que l'impact du parking serait nul.

15. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, les parties en ayant été informées le 4 juin 2012.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable à cet égard (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Les recourants sont propriétaires de parcelles voisines du parking projeté. Selon la jurisprudence, les voisins dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l'intérêt particulier requis pour que leur qualité pour recourir soit reconnue (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252 ; 133 II 409 consid. 1 p. 411 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_158/2008 du 30 juin 2008 consid. 2).

La proximité avec l'objet du litige ne suffit pas à elle seul à conférer au voisin la qualité pour recourir. Le recourant doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la commune (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252 ; 133 II 181 consid. 3.2.3 : Arrêts du Tribunal fédéral 1C_503/2008 du 10 février 2009 et 1C_158/2008 du 30juin 2008 consid. 2).

Les nuisances indéniables provoquées par un parking de 270 places pour les voisins immédiats ou proches permettent d'admettre que les recourants sont touchés plus que quiconque dans un intérêt direct et personnel digne de protection et leur qualité pour recourir doit être reconnue.

Le recours est ainsi recevable.

3. Le litige porte sur l'autorisation de construire un parking pour une durée de deux ans et demi sur une parcelle située en zone agricole et en surface d'isolement.

Les recourants invoquent tout d'abord la violation de l'obligation de planification prioritaire sur le régime dérogatoire.

4. Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 LAT).

5. Une autorisation est délivrée si d'une part, la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone et d'autre part, si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. a et b LAT).

En l'espèce, l'inadéquation du projet avec l'affectation agricole de la zone est patente, les zones agricoles servant à garantir la base d'approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l'équilibre écologique (art. 16 LAT).

Le projet de parking, même temporaire, ne peut ainsi bénéficier d'une autorisation ordinaire.

6. En dérogation à l'art. 22 LAT, des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d'affectation si l'implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination et si aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose (art. 24 LAT). Ces conditions cumulatives sont reprises par l'art. 27 LaLAT.

7. Selon la jurisprudence en matière d'aménagement du territoire, les projets dont les dimensions ou les incidences sur la planification locale ou l'environnement sont importants, doivent être prévus dans les plans d'aménagement (art. 2 al. 1, 6 ss, 14 ss LAT). Il faut donc en principe délimiter, dans les plans d'affectation, les zones nécessaires à la réalisation de ces projets, qu'il s'agisse de zones à bâtir au sens de l'art. 15 LAT ou d'autres zones selon l'art. 18 al. 1 LAT (ATF 129 II 63 ; 124 II 252). Les autorités ont ainsi une « obligation d'aménager le territoire » en concrétisant dans les plans d'affectation, de manière contraignante pour chacun, les buts et principes de la loi fédérale (P. TSCHANNEN, Commentaire LAT, Zurich 1999, ad art. 2 n. 32).

Dans ce cas, l'obligation de planifier impose que la pesée des intérêts se fasse dans le cadre de la procédure de planification, avec la participation de la population, et non dans le cadre d'une autorisation exceptionnelle fondée sur l'art. 24 LAT (ATF 133 II 181 consid. 5.2.1 p. 196 ; 129 II 63 consid. 2.1 p. 65 s. ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_304/2008 du 30 avril 2009) ; l'octroi d'une autorisation dérogatoire sur la base de l'art. 24 LAT n'étant pas un palliatif pour procéder à un changement de zone (ATA/442/1997 du 5 août 1997).

Cette obligation vise les objets ou les activités non conformes à l'affectation de la zone dont l'incidence sur la planification locale ou l'environnement est importante. Ces objets ou activités ne peuvent être correctement étudiés que dans le cadre d'une procédure d'adoption d'un plan d'affectation. La voie d'une simple dérogation au sens des art. 23 LAT (zone à bâtir) ou 24 LAT (hors de la zone à bâtir) est alors inadéquate pour résoudre judicieusement les problèmes d'organisation du territoire qui se posent. Le fait qu'un projet non conforme à la zone soit important au point d'être soumis à l'obligation d'aménager au sens de l'art. 2 LAT se déduit des buts et des principes régissant l'aménagement du territoire, du plan directeur cantonal et de la portée du projet au regard des règles de procédure établies par la LAT (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_57/2011 du 17 octobre 2011 et les reférences citées).

Une abondante jurisprudence permet de déterminer les projets qui doivent être soumis à une procédure de planification. Il en va ainsi notamment des installations soumises à l'étude d'impact sur l'environnement (ATF 124 II 252 consid. 3 p. 255). De même que les ouvrages s'étendant sur une vaste surface telles les gravières (ATF 123 II 88), les installations de gestion des déchets (ATF 124 II 252), les centres sportifs (ATF 114 Ib 180) ou encore les installations d'enneigement artificiel (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.23/1994 du 21 décembre 1994). Il peut s'agir également d'ouvrages de moindre surface, mais ayant des effets importants sur l'environnement comme l'augmentation du trafic (ATF 116 Ib 50) ou les parkings (ATF 115 Ib 513 consid. 6). Ce dernier arrêt concernait l'agrandissement d'un parking de 30 à 120 places dans une zone protégée au bord d'un lac.

L'aménagement par des gens du voyage d'une parcelle de 6'809 m2 sise en zone agricole, par la création de voies de circulation et places recouvertes de tout-venant, la construction d'un chalet et d'un édifice en containers ainsi que le stationnement de plusieurs caravanes, ont également été considérés comme trop importants pour qu'une dérogation puisse entrer en considération ; une procédure de planification s'imposait (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.205/2002 du 28 mars 2003). Il en va de même de la construction de bâtiments scolaires en zone agricole (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.69/2004 du 11 août 2004 ; ATA/144/2004 du 10 février 2004).

8. Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis - étant entendu qu’un préavis sans observation équivaut à un préavis favorable (ATA S.I.A. du 18 janvier 1984) - la juridiction de recours doit s'imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige (T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 168, n° 508 et la jurisprudence citée). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un avis dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/147/2011 du 8 mars 2011 consid. 14 ; ATA/227/2010 du 27 avril 2010 ; ATA/646/1997 du 23 octobre 1997). S’agissant du TAPI, celui-ci se compose de personnes ayant des compétences spéciales en matière de construction, d’urbanisme et d’hygiène publique (art. 143 LCI). Formée pour partie de spécialistes, cette juridiction peut ainsi exercer un contrôle plus technique que la chambre administrative (ATA/147/2011 du 8 mars 2011 consid. 14 ; ATA/51/2006 du 31 janvier 2006 ; ATA/609/2004 du 5 août 2004 consid. 5b).

En l'espèce, le préavis favorable du service de l'aménagement a été rendu sous réserve de la restitution du terrain au terme de son utilisation comme parking provisoire lié à la construction de la tranchée couverte de Vésenaz.

Le département et le TAPI ont considéré qu'aucune mesure de planification n'était requise en raison de la durée déterminée du parking.

9. Le projet litigieux n'est pas soumis à la procédure d'étude d'impact (art. 1 de l’ordonnance relative à l’étude de l’impact sur l’environnement du 19 octobre 1988 - OEIE - RS 814.011, dont l'annexe mentionne les parcs de stationnement pour plus de 500 voitures - ch. 11.4).

En revanche, le parking s'étend sur une parcelle de plus de 8'000 m2 affectée à l'agriculture. Cette surface ainsi que le nombre de véhicules que le P+R à la capacité d'accueillir démontrent que son impact est important.

De plus, le plan directeur cantonal actuellement en vigueur ne prévoit pas, dans ce secteur, de développement de la zone agricole existante. Si le plan directeur communal d’Anières approuvé par le conseil municipal en 2006 mentionne la possibilité d’installer une zone artisanale à la douane de la route de Thonon, l’arrêté du Conseil d’Etat du 27 février 2007 déclare cet acte « plan directeur communal au sens de l’art. 11bis LaLAT sous réserve d’un approfondissement du projet pour la création d’une zone d’activités à la douane de la route de Thonon, qui n’est pas prévue dans le plan directeur cantonal », précisant que « si la commune désire maintenir et développer cette option elle devra étayer, tant la démonstration des besoins, que la faisabilité du projet au regard des impacts sur l’environnement et sur le site. Il est suggéré que l’étude se réalise à travers l’élaboration d’un plan localisé de quartier, si nécessaire à caractère intercommunal ».

Dans ces circonstances, le projet litigieux ne peut être autorisé par voie dérogatoire.

10. Reste à examiner si le caractère « provisoire » du parking, soit la durée déterminée pour laquelle le projet a été autorisé, est susceptible de modifier cette conclusion.

L'office a exposé le double but du projet. L'un de durée déterminée, lié aux travaux de construction en cours et l'autre visant à pérenniser la modification du comportement des pendulaires.

Bien que le département ait justifié son choix par les travaux routiers liés à la construction de la tranchée couverte de Vésenaz, l'autorisation n'en fait pas mention et sa durée n'est pas liée à celle de l'achèvement des travaux. L'instruction a permis d'établir que l'un des buts de la création du parking était la modification du comportement des pendulaires ce qui nécessitait une certaine durée. Le représentant de l'office a admis que si le parking rencontrait le succès escompté à l'issue de la validité de l'autorisation, une procédure de modification de zone serait initiée et de nouvelles autorisations requises.

S'agissant du lien entre les travaux de la tranchée couverte de Vésenaz et le projet de P+R, il convient encore de relever l'absence de concordance temporelle. La demande d'autorisation pour le parking a été déposée le 1er juin 2011, alors que les travaux de la traversée étaient déjà en cours et que le crédit d'investissement censé financer le parking avait été voté en mai 2009.

A cela s'ajoute que le deuxième but évoqué par l'office intimé est en contradiction totale avec le caractère temporaire de l'autorisation. Il apparaît ainsi que le projet ne saurait être qualifié de « construction temporaire » puisque si les buts recherchés étaient atteints, il serait maintenu.

Il n'est donc pas nécessaire d'examiner plus avant si le projet pouvait être autorisé par dérogation vu son caractère temporaire, ce dernier faisant défaut. Au vu de ce qui précède, c'est à tort que le département a délivré l'autorisation de construire sollicitée alors qu'une mesure de planification s'imposait. Ladite autorisation sera donc annulée.

11. Le recours sera admis. Vu l'issue du litige, il n'y a pas lieu d'examiner la demande de retrait de l'effet suspensif, devenue sans objet.

Malgré l’issue du litige, aucun émolument ne sera en revanche mis à la charge de l’autorité intimée (art. 87 al. 1 LPA dans sa nouvelle teneur dès le 27 septembre 2011). Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée aux recourants, soit CHF 1'000.- aux époux Zamora et CHF 1'000.- à Mme Marti, à la charge de l'Etat de Genève.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 mars 2012 par Madame Rosine et Monsieur Miguel Zamora ainsi que Madame Joëlle Marti contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 février 2012 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 février 2012 ;

annule l'autorisation de construire DD104'395-1 délivrée par le département des constructions et des technologies de l'information le 22 août 2011 ;

alloue à Madame Rosine et Monsieur Miguel Zamora une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de l'Etat de Genève ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Mme Joëlle Marti une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de l'Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Danièle Falter, avocate des recourants, au département de l’urbanisme, à l'office du génie civil, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :