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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2361/2008

ATA/266/2009 du 26.05.2009 ( FIN ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2361/2008-FIN ATA/266/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du

26 mai 2009

2ème section

dans la cause

E_______ S.à.r.l.
représentée par Monsieur Patrice Schaer du bureau conseil Expert & Fisc, mandataire

contre

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

et

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE ADMINISTRATIVE


EN FAIT

1. Le recours porte sur la taxation pour l'impôt fédéral direct (ci-après  : IFD) 2004 de la société E_______ S.à.r.l. (ci-après : la société ou le contribuable) dont les gérants sont Madame et Monsieur B_______.

2. La contribuable est inscrite au registre du commerce du canton de Genève. Elle a pour but social la vente, l'achat, la location, l'affrètement, le financement et le courtage d'avions, d'hélicoptères et de tout matériel associé, ainsi que d'autres moyens de transport, et la prise de participations.

3. Le 3 décembre 2004, l'administration fiscale cantonale (ci-après  : l'AFC-GE) a adressé à la société un bordereau de taxation provisoire IFD pour l'année 2004 d'un montant de CHF 1'921.-.

4. Le 18 février 2005, Madame S_______ , gérante de la société D_______ S.à.r.l. (ci-après : la mandataire) dont le but social est la gestion et l'administration de sociétés, a écrit à l'AFC-GE. Elle avait été mandatée par la contribuable pour remplir et renvoyer la déclaration fiscale 2004 et demandait un délai au 30 juin 2005 pour se faire.

5. Le 2 mars 2005, l'AFC-GE a accédé à cette demande.

6. Le 28 novembre 2005, l'AFC-GE a adressé à la contribuable, à son siège social, un bordereau de taxation d'office de l'IFD 2004.

Calculé sur un bénéfice imposable de CHF 231'500.- et sur un capital propre imposable de CHF 370'000.-, l'impôt a été arrêté à CHF 19'877.-, une amende de CHF 200.- étant en outre prononcée en vertu de l'art. 174 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11).

7. Le 6 janvier 2006, la mandataire, par la plume de Mme S_______ , a écrit à l'AFC-GE. Elle demandait que celle-ci lui accorde une "remise exceptionnelle de délai" pour lui permettre de remettre les comptes définitifs de l'exercice 2003-2004 de la contribuable, "à l'appui d'une réclamation à l'encontre des taxations d'office intervenues en fin d'année dernière".

Sa mandante venait de lui transmettre plusieurs décisions de taxation concernant la société, au nombre desquelles se trouvait le bordereau de taxation d'office IFD 2004 du 28 novembre 2005. La contribuable avait suspendu ses activités pour raison de vacances du 16 décembre 2005 au 3 janvier 2006. Elle n'avait pris connaissance de ce bordereau, comme des autres décisions de taxation, qu'à la reprise de ses activités le 4 janvier 2006. De son côté, elle-même en charge du dossier auprès de la mandataire avait été absente pour cause de maternité depuis le mois d'octobre 2005.

A ce courrier était annexé un certificat médical des Hôpitaux universitaires de Genève du 4 octobre 2005 faisant état d'une hospitalisation de Mme S_______ le 3 octobre 2005 au service des urgences et d'une incapacité de travail de celle-ci depuis cette date jusqu'au 7 octobre 2005. Il ressortait d'un deuxième certificat médical qu'elle avait accouché le 7 octobre 2005.

Etait également produite la copie d'une demande de garder le courrier à l'office de poste, datée du 12 décembre 2005, attestant que la contribuable avait sollicité un tel service de la poste pour la période allant du 16 décembre 2005 au 2 janvier 2006 inclus.

8. Le 9 janvier 2006, la mandataire a adressé une réclamation visant entre autre la taxation d'office IFD 2004. Avec cette réclamation, elle remettait la déclaration fiscale 2004 de la société accompagnée des comptes de l'exercice 2003-2004 de cette dernière.

Cette réclamation avait été déposée aussitôt que possible après la fin des deux empêchements successifs et cumulatifs (absence pour cause de maternité de Mme S_______ et des vacances des gérants de la société) qui avaient empêché leur mandante de former sa réclamation dans le délai de 30 jours à compter du 28 novembre 2005, date de remise du bordereau de taxation d'office IFD 2004. La mandataire demandait que le bordereau de taxation en question soit annulé et qu'il soit procédé à une taxation "normale" de leur mandante sur la base des résultats commerciaux de cette dernière.

9. Le 28 juillet 2006, l'AFC-GE a statué sur cette réclamation.

Elle maintenait la taxation d'office et l'amende telles qu'elles avaient été établies. La société n'avait pas présenté sa requête dans le délai légal et impératif de 30 jours à compter de la réception du bordereau d'impôt comme le prévoyait l'art. 132 LIFD.

10. Le 28 août 2006, par l'intermédiaire de sa mandataire, la contribuable a interjeté recours auprès de la commission cantonale de recours de l’impôt fédéral direct (ci-après  : CCR-IFD), devenue depuis le 1er janvier 2009, la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après  : CCRA), en concluant à l'annulation de la décision sur réclamation, à celle du bordereau de taxation d'office IFD 2004 du 28 novembre 2005 et au renvoi du dossier à l'AFC-GE en vue de procéder à une nouvelle taxation IFD de la société pour la période en question, sur la base des résultats commerciaux déclarés et transmis le 9 janvier 2006.

Elle exposait les faits suivants :

Le bordereau de taxation d'office IFD 2004 avait été notifié à la contribuable et non à sa mandataire alors que celle-ci avait avisé l'AFC qu'elle était chargée des intérêts de la recourante.

A réception du bordereau de taxation, la société n'avait pas fait suivre celui-ci à la mandataire, sachant que la responsable avait accouché au début octobre 2005 et supposant qu'elle était au bénéfice du congé maternité prévu par la loi. De fait, Mme S_______ avait effectivement accouché le 7 octobre 2005, après quelques jours d'hospitalisation.

Les bureaux de la contribuable avaient ensuite été fermés pour cause de vacances du 16 décembre au 3 janvier 2006. A la reprise de ses activités, celle-ci avait traité les courriers en suspens et acheminé le bordereau de taxation d'office IFD 2004 à sa mandataire, sachant que la fin du congé maternité devait être imminent. A réception de ces documents, cette dernière avait immédiatement, soit le 6 janvier 2006, adressé à l'AFC-GE un courrier expliquant les raisons du retard dans le traitement de cette taxation d'office et sollicitant une remise exceptionnelle de délai pour permettre de boucler les comptes définitifs de l'exercice 2003-2004 qu'E_______ S.à.r.l. entendait remettre à l'appui d'une réclamation formelle.

Dans la suite de son acte de recours, la mandataire a encore exposé à ce sujet :

"La décision de taxation d'office fédérale a été notifiée à la recourante directement. Or, celle-ci n'imaginait pas qu'elle puisse recevoir directement des documents d'importance puisqu'à sa connaissance, ses affaires fiscales transitaient par sa mandataire soussignée. Pensant qu'il devait s'agir d'un formulaire ou courrier circulaire usuel, la recourante n'a pas immédiatement pris connaissance du contenu de ce courrier.

Sachant par ailleurs que la soussignée avait accouché moins de deux mois plus tôt (. . . ) et qu'elle devrait encore être au bénéfice de son congé maternité, la recourante a alors planifié d'effectuer le tri des documents administratifs quelques temps plus tard.

Une quinzaine de jours plus tard, l'entreprise a fermé ses portes pour les vacances de fin d'année (. . . ), et n'a repris ses activités que le 3 janvier 2006.

La recourante a alors fait suivre les différents courriers administratifs en suspens, s'étant aperçue dans l'intervalle que l'enveloppe qui lui avait été adressée ne contenait pas, contrairement à ce qu'elle pouvait supposer, un formulaire ou une circulaire usuelle, mais une décision de taxation d'office qu'elle se serait plutôt attendue à voir adressée à sa mandataire.

Ainsi, en l'espèce, le fait que l'Administration Fiscale ait adressée cette taxation d'office à la recourante directement plutôt qu'à sa mandataire dûment identifiée comme telle depuis plusieurs années a généré un retard dans la prise de connaissance de la taxation d'office, retard qui, cumulé aux autres empêchements qui se sont succédés, a débouché sur l’une des possibilités pour la recourante, de respecter le délai de 30 jours pour former une réclamation à l'encontre de la taxation d'office dont elle a fait l'objet. »

Le recours devait être admis parce que le fait de ne pas avoir notifié le bordereau à la mandataire constituait une erreur qui ne devait pas causer de préjudice à la contribuable. En outre, l'AFC-GE aurait dû entrer en matière sur la réclamation tardive par application de l'art. 133 al. 3 LIFD parce que la contribuable avait été empêchée de la présenter en temps utile, en raison de l'absence pour cause de maternité de sa mandataire et des vacances des collaborateurs de la société.

Sur le fond, la taxation d'office devait être annulée car elle avait été faite sur la base d'un bénéfice imposable de CHF 231'500.- pour un capital de CHF 370'000.- alors que pour la période fiscale 2004, le bénéfice n'avait été que de CHF 3'363.- et le capital imposable de CHF 69'086. Eu égard au résultat des exercices précédents, les chiffres retenus comme base de la taxation étaient exagérés.

11. Le 2 août 2007, l'AFC-GE a répondu au recours. Elle concluait à son rejet.

Le délai de recours de 30 jours contre une décision sur réclamation était impératif. La recourante admettait avoir été empêchée de respecter le délai normal de 30 jours à compter du 28 novembre 2005. Elle n'avait pas droit à une restitution du délai. La contribuable n'avait jamais fait élection de domicile auprès de sa mandataire si bien que la notification du bordereau était régulière, conformément à la circulaire d'information aux associations professionnelles n° 5/1987 du 25 mai 1987. Le fait qu'un mandataire demande un délai pour un client n'impliquait pas que la taxation d'office doive lui être notifiée. Les bordereaux d'impôts au fil des années avaient toujours été notifiés à l'adresse de la contribuable. La grossesse et l'accouchement de la responsable de la mandataire ainsi que la suspension des activités de la société pour cause de vacances ne constituaient pas des motifs sérieux au sens de la loi, permettant une restitution du délai de réclamation. La mandataire était consciente du retard puisqu'elle avait demandé une remise exceptionnelle du délai dans son courrier du 6 janvier 2007.

12. Le 21 août 2007, la recourante a écrit directement à l'AFC-GE.

Bien que le bordereau ait été notifié le 28 novembre 2005, il y avait eu dix-huit jours de féries, du 16 décembre 2005 au 2 janvier 2006, durant lesquels le délai de recours avait été suspendu "selon les dispositions prévues dans les procédures administratives", si bien que la réclamation respectait le délai de trente jours.

13. Le 7 septembre 2007, la mandataire a fait savoir à l'AFC-GE qu'elle cessait de représenter la contribuable, celle-ci l’étant désormais représentée par le Bureau Conseil-Expert et Fisc(ci-après : le nouveau mandataire).

14. Le 21 mai 2008, la CCR-IFD a rejeté le recours de la contribuable

Le bordereau de taxation contesté avait été notifié le 28 novembre 2005. Le délai de réclamation de 30 jours expirait le 28 décembre 2005. La réclamation avait été formulée le 9 janvier 2006. Elle était par conséquent tardive.

Dans la mesure où la recourante avait expressément admis à plusieurs reprises le caractère tardif de sa réclamation, ses déclarations s'imposaient au titre de moyen de preuve.

L'argument soulevé dans les écritures complémentaires du 21 août 2007 par la recourante était irrecevable. Il n'y avait pas de féries judiciaires dans le domaine fiscal. L'art. 22a al. 1 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) ne s'appliquait pas aux procédures de réclamation devant la CCR-IFD qui n'était pas une autorité fédérale au sens de l'art. 1 al. 2 PA et les dispositions relatives aux délais de réclamations n'étaient pas visées par le champ d'application de l'art. 1 al. 3 PA.

En l'absence d'élection de domicile, l'absence de notification au mandataire ne constituait pas une notification irrégulière, ce qui ressortait des instructions aux associations professionnelles émises par l'AFC-GE.

En outre, les empêchements invoqués n'étaient pas des motifs permettant d'obtenir une restitution du délai de recours. En cas de maladie notamment, il fallait au surplus que celle-ci ait empêché la contribuable d'exercer ses droits. Quant aux vacances de la contribuable, elles ne constituaient pas une excuse valable, celle-ci devant, en cas d'absence, prendre toutes les dispositions nécessaires pour que ses affaires puissent être suivies.

15. Par acte du 30 juin 2008, agissant par l'intermédiaire de son nouveau mandataire, la contribuable a interjeté recours auprès du Tribunal administratif contre la décision de la CCR-IFD du 21 mai 2008, concluant à l'annulation de cette décision, à l'annulation du bordereau du 28 novembre 2005 reçu au mieux le 16 décembre 2005 et au renvoi du dossier à l'AFC-GE aux fins d'annuler la taxation d'office et d'établir un nouveau bordereau de taxation IFD pour la période 2004 basé sur les résultats commerciaux déclarés le 9 janvier 2006.

Elle n'avait jamais reconnu avoir reçu le 28 novembre 2005 le bordereau de taxation d'office 2004. Celui-ci avait été envoyé sous pli simple et par courrier B. Selon les indications de la poste qui pouvaient être retrouvées sur le site internet de cette entreprise, ces courriers étaient distribués au plus tard le 6ème jour ouvrable après dépôt.

S'il appartenait au contribuable d'établir la date à laquelle il avait déposé sa réclamation, il incombait à l'autorité de prouver que la décision de taxation avait été remise ou notifiée au contribuable. Ni l'AFC-GE, ni la CCR-IFD n'avaient instruit cette question. L'AFC-GE n'avait pas fait la démonstration que la décision de taxation d’office avait bien été reçue à la date qu'elle retient soit le 28 novembre 2005.

Les féries judiciaires instaurées par l'art. 22a PA étaient applicables aux procédures de réclamations ou de recours.

Il y avait inégalité de traitement entre les exigences imposées par la loi à la contribuable et celles faites à l'AFC-GE.

La taxation d'office était arbitraire dans sa quotité dans la mesure où elle aboutissait à une taxation soixante neuf fois plus élevée que celle qui aurait des chiffres contenus dans la déclaration déposée et seize fois supérieures à la moyenne 2001-2003.

16. Le 15 juillet 2008, la CCR-IFD a transmis son dossier et a persisté dans les considérants et le dispositif de sa décision.

17. Le 22 juillet 2008, l'administration fédérale des contributions (ci-après  : l’AFC-CH) a conclu au rejet du recours.

C'était à juste titre que l'AFC-CH avait adressé à la contribuable sa décision de taxation d'office en l’absence d’élection de domicile chez sa mandataire.

Le 6 janvier 2006, la contribuable avait elle-même, en requérant une remise exceptionnelle de délai, admis la tardiveté de sa réclamation. Les motifs invoqués par la mandataire le 9 janvier 2006 ne constituaient pas des motifs sérieux de restitution de délai au sens de l'art. 133 al. 3 LIFD.

18. Dans ses observations du 25 août 2008, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La recourante avait admis avoir reçu la taxation d'office le 28 novembre 2005 de même que la tardiveté de sa réclamation en requérant une « remise exceptionnelle ». De ce fait, le délai de 30 jours impératif n'avait pas été respecté.

19. Le 8 septembre 2008, la mandataire de la contribuable a répliqué. Si l'ancienne mandataire de la contribuable avait requis un délai supplémentaire à l’AFC-GE en constatant que la décision de taxation « avait eu lieu » en date du 28 novembre 2005, elle n'avait pas affirmé qu'elle-même et sa cliente avaient effectivement bien pris connaissance du courrier le 28 novembre 2005. Il était d'autre part invraisemblable qu'un bordereau expédié en courrier B le
28 novembre 2005 soit reçu le même jour. La décision de taxation d'office n'ayant pas été valablement notifiée, elle ne pouvait déployer ses effets. De ce fait, les délais de recours ne commençaient à courir que dès la prise de connaissance même tardive de la décision. Au surplus, sur le fond, la taxation d'office était disproportionnée. Elle avait été notifiée alors que l'établissement des comptes 2004 était suspendu en raison d'un contrôle fiscal concernant l'année 2003, effectué par les mêmes collaborateurs de l'AFC. Les contrôleurs étaient au courant de l'absence de l'ancienne mandataire fiscale de la société puisque ils avaient accepté de reprendre leur contrôle au retour de celle-ci, procédure qui s’était achevée en juillet 2006. Dans ces circonstances, le rejet de la réclamation tardive procédait d'un formalisme excessif expressément prohibé par l'art. 29 al. 1 de la constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) et de la violation de l'obligation d'agir de bonne foi à l'égard des justiciables consacrée par les art. 5 et 9 Cst.

20. Le 22 septembre 2008, l'AFC-CH a renoncé à dupliquer concluant au rejet du recours.

21. Le 25 septembre 2008, l'AFC-GE en a fait de même.

22. Le 24 novembre 2008, le juge délégué a ordonné la comparution personnelle des parties.

La société était représentée par Madame B_______, l'une des associées qui s'occupait de la comptabilité. L'AFC-GE était représentée par son service juridique et par Mme A_______, appartenant au service du contrôle de l'AFC-GE (ci-après : la contrôleuse).

Mme B_______ a affirmé ne pas avoir reçu le bordereau de taxation litigieux avant le 16 décembre 2005, comme du reste les autres bordereaux. Elle ne les avait reçus que le lundi de la reprise du travail, soit le 3 ou le 4 janvier 2006, et les avait immédiatement transmis à Mme S_______ .

En janvier 2005, la contrôleuse avait procédé à un contrôle fiscal dans le cadre de la taxation 2003. En octobre 2005, cette dernière lui avait demandé comment contacter Mme S_______ qui était l'auteur de la déclaration fiscale 2003. Elle l'avait informé qu'elle était enceinte et la contrôleuse lui avait dit qu'elle reprendrait le dossier en janvier 2006 dès le retour de celle-ci. Elle n'avait jamais évoqué avec elle la question des bordereaux de taxation d'office 2004.

La contrôleuse a confirmé qu’elle avait été chargée d’un contrôle fiscal dans le cadre de la taxation 2003 de la contribuable mais qu'elle n'avait pas été chargée de la taxation 2004 dont elle ne connaissait pas les éléments, ignorant à l'époque que la société avait fait l'objet d'une taxation d'office pour l’exercice 2004.

Le nouveau mandataire a alors mis en doute cette dernière affirmation. La taxation d'office, selon le dossier produit par l'AFC-GE reposait sur les montants de bénéfice net retenus par la contrôleuse. Cette dernière a formellement contesté cette allégation. Les chiffres de bénéfice figurant dans le dossier sur la base desquels la taxation d'office avait été arrêtée pour l'exercice 2004 n'étaient pas de son écriture et le montant de bénéfice retenu pour l'exercice 2003 n'était pas aussi élevé.

Le nouveau mandataire a encore précisé que la taxation d'office était arbitraire car fixée en fonction de chiffres exagérés, bien plus élevés que les résultats réels. L'AFC-GE avait en outre appliqué à la taxation d'office, non pas la règle de l'art. 37 de la loi sur la procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LFisc - D 1 13) ou celle de l'art. 130 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD - RS 642.11), mais celle de l'ancien art. 331 al. 4 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05) .

23. A la fin de l'audience, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. a. Le 18 septembre 2008, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a modifié la loi d'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05), notamment en créant une commission cantonale de recours en matière administrative compétente (56X LOJ). Celle-ci a remplacé depuis le 1er janvier 2009 la CCR-IFD, pour connaître, en première instance, des recours en matière d'impôt fédéral direct (art. 5 du règlement d'application de divers dispositions fiscales fédérales (RDDFF - D 3 80.04) . L'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions n'a aucune incidence pour la présente cause, le Tribunal administratif restant compétent pour trancher les recours dont il a été saisi contre les décisions rendues par la CCR-IFD avant le 1er janvier 2009.

b. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A LOJ par renvoi de l'art. 145 al. 1 LIFD ; art. 63 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Une réclamation contre un bordereau de taxation relatif à l'impôt fédéral doit être formée et dans les trente jours suivants sa notification (art. 132 al. 1 LIFD). Ce délai ne peut être prolongé (art. 119 LIFD). Cette disposition de droit fédéral correspond à la règle générale énoncée à l'art. 16 al. 1er LPA, selon lequel les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (SJ 1989 p. 418). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (SJ 2000 I 22 et références citées ; ATA/88/2009 du 17 février 2009  ; ATA/322/2007 du 19 juin 2007 consid. 4a ; ATA/581/2006 du 7 novembre 2006 consid. 4 ; ATA/928/2004 du 30 novembre 2004 consid. 2a)

3. Le délai de réclamation court dès le lendemain de la notification (art. 133 al. 1 LIFD).

S'il appartient à l'administré qui réclame ou qui recourt, d'établir qu'il l'a fait dans le respect du délai légal, le fardeau de la preuve de la notification de la décision appartient à l'administration (ATA H. du 27 avril 1999, N. du 19 octobre 1993). En particulier, si, pour des raisons de coût, l'AFC n'envoie pas - sauf exception - les bordereaux et les décisions sur réclamation par pli recommandé, elle prend le risque de ne pas pouvoir apporter la preuve qui lui incombe, selon une jurisprudence constante (ATA/535/2008 du 28. 10. 2008 ; ATA/549/2001 du 28 août 2001). Si la notification ou sa date est contestée, et qu'il existe un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 134 I 186, consid. 2.4 ; ATF 124 V 402, consid. 2a ; ATF 120 III 118 consid. 2). Comme toutes les règles sur le fardeau de la preuve, cette jurisprudence tend en particulier à régir les conséquences d'une absence de preuves ; elles ne permettent cependant pas au juge d'occulter les éléments propres à établir le fait pertinent pour trancher en défaveur de la partie qui a la charge de la preuve (ATF 134 I 186, consid. 2.4 ; ATF 114 II 289, consid. 2a ).

En l'espèce, le bordereau de taxation d'office a été envoyé sous pli simple ce qui ne permet pas d'établir à quelle date il est parvenu à la recourante. Au cours de son audition, la représentante de l'AFC-GE a indiqué que les bordereaux étaient envoyés aux contribuables quelques jours avant la date d'envoi qui figure sur ceux-ci, de façon à ce que cette date corresponde à la date de délivrance prévisible. Cette affirmation, contestée par la recourante, ne permet pas d'établir une date de notification précise.

De son côté, cette dernière a varié dans ses explications sur les circonstances qui l'avaient conduite à formuler sa réclamation le 9 janvier 2006. Dans un premier temps, alors qu'elle était représentée par sa première mandataire, elle avait admis - ce qui ressort de la teneur de ses courriers des 6 et 9 janvier 2006 à l'AFC, mais également de son mémoire de recours auprès de la CCR-IFD du 28 août 2006 - qu'elle élevait réclamation tardivement contre le bordereau de taxation d'office du 28 novembre 2005. Selon ce qu’exposait cette mandataire, la recourante après réception de celui-ci en décembre, ne lui avait pas transmis parce qu’elle pensait qu’elle était en congé de maternité. Elle avait ensuite suspendu ses activités en raison des vacances de fin d’année. Elle ne l'avait fait qu'au début du mois de janvier 2006, postérieurement à l'échéance de trente jours pour réclamer. Après l'intervention d'un nouveau mandataire dans le cadre du recours formé devant le tribunal de céans, sa version des faits a changé. Par l’intermédiaire de celui-ci, elle a affirmé ne pas avoir reçu le bordereau de taxation d'office avant le 16 décembre 2005 et, partant, à contester le non-respect des délais de réclamation.

Cette nouvelle version n'est en rien convaincante. La recourante était représentée dès le début de la procédure par une mandataire professionnellement qualifiée. Lorsque cette dernière a écrit à l'AFC le 6 janvier 2009, elle avait constaté et admis que le délai de recours légal était échu. Le bordereau avait probablement été reçu par la recourante dans les six jours ayant suivi le 28 novembre 2005 soit le délai dans lequel le courrier B était délivré selon les indications de la poste, soit au plus tard le lundi 5 décembre 2005, le sixième jour tombant un dimanche. Le délai ultime de réclamation échéait donc le 4 janvier 2006. Le 6 janvier 2006, elle était déjà forclose ce qui explique la teneur de son courrier et celui de sa réclamation du 9 janvier 2006. Si la contribuable avait découvert le bordereau de taxation d'office IFD 2004 dans les papiers gardés par la poste durant ses vacances comme son nouveau mandataire le soutient devant le tribunal de céans, c'est cette version qu'elle aurait exposée dans sa réclamation du 9 janvier 2006, sans avoir besoin de reconnaître, comme elle l'avait déjà fait le 6 janvier 2006, qu'à cette date elle agissait tardivement.

Dans les circonstances du cas d'espèce, la teneur des deux courriers de la mandataire précités et l'acte de recours peuvent être utilisés comme moyen de preuve pour admettre la tardiveté de la réclamation (ATF 134 I 186 consid. 2. 4). C'est donc à juste titre que la CCR-IFD a retenu que la réclamation formée par la recourante avait été déposée hors délai, en se fondant sur les faits admis par la représentante de la contribuable elle-même à l'époque où elle a rédigé sa réclamation contre le bordereau de taxation d'office.

4. a. La société se plaint de ce que le bordereau de taxation d’office n’a pas été notifié au domicile de sa mandataire. Partant, elle considère que la notification est erronée, ce qui permet une restitution du délai.

b. En vertu de l'art. 104 al. 4 LIFD, les dispositions de la LPA sont applicables au contentieux fiscal relatif à l'impôt fédéral. Ainsi, en vertu de l'art. 46 al. 2 LPA les décisions fiscales relatives à l'impôt fédéral sont notifiées au domicile des parties ou à celui de leur mandataire lorsqu'elles y ont élu domicile. La simple désignation par une partie, en vertu de l'art. 9 LPA, d'un représentant n'emporte pas élection de domicile. Pour qu'il en soit ainsi, il faut une acceptation particulière du mandataire tant les incertitudes et les risques que génère pour celui-ci la notification à son domicile d'une décision concernant son mandant impliquent qu'il ait accepté expressément de la recevoir.

La CCR-IFD s’est référée dans sa décision du 21 mai 2008 à la teneur de l’information no 5-1987 du 25 mai 1987 aux associations professionnelles qui précise que, pour qu'il y ait une obligation de notifier les décisions du fisc à un domicile élu auprès du mandataire, l'AFC doit être en possession d'une déclaration d'élection de domicile expressément acceptée. Ces dernières directives ne constituent cependant qu'une reprise des règles découlant de l'art. 46 al. 2 LPA .

En l'espèce, lorsqu'elle l'AFC a notifié le bordereau de taxation d'office IFD 2004 litigieux, la contribuable était représentée par X______ S.à.r.l. Cette dernière ne lui ayant jamais communiqué à cette époque que les décisions concernant sa mandante devaient lui être notifiées, c'est à juste titre que l’AFC-GE a adressé sa décision à la recourante et non pas à sa mandataire, cette notification faisant courir le délai de recours.

5. La recourante considère que du 16 décembre 2005 au 2 janvier 2006, les délais de recours étaient suspendus, si bien que le recours a été interjeté dans le délai légal. Elle se réfère vraisemblablement à l’art. 22a de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) qui prévoit une telle suspension de délai. Elle omet cependant de considérer que la PA régit exclusivement l’activité des autorités administratives citées en son article 1 alinéa 2, au nombre desquelles ne figurent pas les autorités fiscales cantonales de première instance, ni les commissions de recours cantonales. Aucune suspension légale du délai de recours ne pouvant être invoquée permettant un report de celui-ci, le grief doit être rejetée.

6. Le recours ne respectant pas le délai de l'art. 133 al. 1 LIFD, il reste à examiner s'il existe malgré tout un motif permettant de le restituer. Selon l'art. 133 al. 3 LIFD une réclamation tardive est recevable si le contribuable établit que, par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d'absence du pays ou pour d'autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu'il l'a déposée dans les trente jours après la fin de l'empêchement.

Les conditions pour admettre un empêchement réel sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n'a pas respecté le délai légal en raison d'un empêchement imprévisible dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (Arrêt du Tribunal fédéral dans la cause 2P. 259/2006 du 18 avril 2007, consid. 3.2 et jurisprudence citée). Celui-ci peut résulter d'une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaire avisé (YERSIN/NOËL, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, Bâle 2007, ad art. 133, n° 14 et 15, p. 1283). Si c'est le représentant qui a commis la faute, le contribuable doit se la laisser imputer (YERSIN/NOËL, op. cit. n° 15, p. 1284).

En l'espèce, la grossesse de la responsable de la société mandataire s'occupant des affaires fiscales de la société et le congé maternité qui peut en découler ne constitue à l'évidence pas un cas d'empêchement pour maladie autorisant une restitution du délai. Il n'a pas été allégué que cette société mandataire avait suspendu ses activités en raison de la maternité de sa responsable au moment de la notification, mais surtout, on pouvait attendre de la recourante, même si tel avait été le cas, qu'elle prenne d'autres dispositions pour qu'une tierce personne soit en mesure de réagir en temps utile si sa mandataire fiscale en charge de ses intérêts ne pouvait le faire. De même, le fait qu'une société contribuable décide de suspendre la totalité de ses activités pendant une période de vacances n'est pas un motif valable que l'on peut alléguer aux fins d'obtenir une restitution d'un délai de réclamation, dans la mesure où l'on peut attendre des responsables d'une entreprise qu'ils prennent toutes les mesures permettant d'assurer l'expédition des affaires courantes et la sauvegarde de ses droits pendant ladite période. Les conditions de l'art. 133 al. 3 LIFD n'étant pas réunies, c'est à juste titre que la CCR-IFD a rejeté le recours.

7. Les autres griefs invoqués par la recourante concernant le fond du litige fiscal ne seront pas abordés puisque l'irrecevabilité pour cause de tardiveté de la réclamation du 9 janvier 2006 ne peut qu’être confirmée.

8. Le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA ; art. 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10. 03).

 

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PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 juin 2008 par E_______ S.à.r.l. contre la décision de la commission cantonale de recours de l'impôt fédéral direct du 21 mai 2008 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de E______ S.à.r.l un émolument de CHF 500.- ;

dit que, conformément aux art. 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur P. Schaer, mandataire d’E_______ S.à.r.l., à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions et à la commission cantonale de recours en matière administrative.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :