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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3851/2006

ATA/190/2007 du 24.04.2007 ( DCTI ) , ADMIS

Recours TF déposé le 01.06.2007, rendu le 28.11.2007, REJETE, 1C_141/2007
Descripteurs : ; AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; AUTORITÉ ; COMPÉTENCE ; DÉCISION ; NULLITÉ
Parties : FEDERATION DES ASSOCIATIONS DE QUARTIER ET D'HABITATIONS / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, RI REALIM S.A., IMPLENIA REAL ESTATE S.A.
Résumé : Examen de la qualité pour recourir d'une association contre une autorisation de construire complémentaire, en application de l'article 145 alinéa 3 LCI. Une existence et des activités depuis plus de trois ans ont été reconnues bien que des modifications statutaires aient été apportées, il y a moins de trois ans, celles-ci ne modifiant pas les buts de l'association. Dans le cadre d'un recours contre un acte provenant d'une autorité manifestement incompétente, la commission cantonale de recours en matière de constructions se doit d'examiner les conditions d'une éventuelle nullité de l'acte litigieux et cela, même si elle n'est pas compétente pour connaître des recours contre les décisions émanant de cette autorité. In casu, le Conseil d'Etat n'est pas l'autorité compétente pour attester de la conformité de l'implantation d'une société dans un bâtiment et donc des activités qu'elle entend y développer, avec les dispositions légales et réglementaires régissant une zone de construction. Le courrier par lequel, le Conseil d'Etat donne une pareille attestation et contre lequel a recouru une association, doit être examiné par la commission de recours sous l'angle de la nullité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3851/2006-DCTI ATA/190/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 24 avril 2007

 

dans la cause

FéDéRATION DES ASSOCIATIONS DE QUARTIERS ET D’HABITANTS
représentée par Me Pierre Bayenet, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIèRE DE CONSTRUCTIONS

et

DéPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION

et

IMPLENIA REAL ESTATE S.A.
représentée par Me François Bellanger, avocat

et

RI REALIM S.A.
représentée par Me Jacques Gautier, avocat


EN FAIT

1. Par décision du 30 janvier 2004, publiée le 4 février 2004 dans la Feuille d’avis officielle, le département de l’aménagement, de l’équipement et du logement, devenu depuis lors le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : DCTI) a délivré une autorisation de construire (N° DD 98’541) à la société Zschokke développement S.A. portant sur la construction d’un bâtiment industriel ainsi que de dépôts et parkings, sur la parcelle 155, feuille 7 de la commune de Lancy, à l’adresse 1 à 5, avenue des Morgines, 18, chemin Louis-Huber et route du Pont-Butin, alors propriété de la société Zschokke entreprise générale S.A.

La parcelle, située en zone 5, développement industriel et artisanal, est régie par le plan localisé de quartier N° 29’234A-543, adopté le 5 mars 2003 par le Conseil d’Etat.

L’autorisation de construire n’a pas fait l’objet de recours et est entrée en force.

2. Dans le courant de l’année 2005, la société Procter & Gamble services (switzerland) S.A. (ci-après : Procter & Gamble) a établi des contacts avec Zschokke développement S.A. ainsi qu’avec divers services de l’Etat et la fondation pour les terrains industriels, en vue de déterminer quelles étaient les démarches à entreprendre pour pouvoir s’installer dans le bâtiment dont la construction avait été autorisée à Lancy.

3. Par requête du 4 octobre 2005, enregistrée sous N° DD 98’541/2, Zschokke développement S.A. a sollicité la délivrance d’une autorisation de construire complémentaire portant sur la modification des entrées et des façades, la suppression des puits de lumière et l’adjonction d’un attique dans le bâtiment du projet déjà autorisé, dans le but de permettre l’installation de Procter & Gamble.

4. Par courrier du 23 novembre 2005, le Conseil d’Etat a confirmé au directeur de Procter & Gamble qu’il estimait l’implantation de cette société dans ce nouvel immeuble compatible avec les dispositions légales et réglementaires régissant la zone industrielle.

Le 30 janvier 2006, le DCTI a délivré l’autorisation complémentaire requise qui a été publiée dans la Feuille d’avis officielle du 3 février 2006.

5. Le 6 mars 2006, la fédération des associations de quartiers et d’habitants (ci-après : FAQH) a recouru auprès de la Commission cantonale de recours en matière de construction (ci-après : CCRMC), contre l’autorisation complémentaire et contre le courrier du Conseil d’Etat du 23 novembre 2005, en concluant à leur annulation. Le recours était signé par Monsieur Yves Jeanmairet. Aucune pièce n’était jointe au recours.

La FAQH exposait que s’agissant de sa qualité pour agir, conformément à l’article 3 de ses statuts, elle avait pour but de promouvoir un cadre de vie de qualité dans les quartiers et les sites bâtis ainsi qu’un aménagement du territoire respectueux de la législation applicable en la matière.

Elle s’efforcait de prévenir les atteintes apportées à ce cadre de vie en entreprenant notamment les démarches suivantes :

" - adopter une plate-forme précisant ses objectifs;

- proposer à cet effet des solutions et solliciter des mesures d’aménagement ou de protection de la part des autorités;

- veiller au respect de la législation en matière de protection de l’environnement, d’aménagement du territoire, de protection des locataires, de la législation applicable aux constructions (notamment la loi sur les constructions et les installations diverses, la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation, les plans d’utilisation du sol, la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites);

- recourir, le cas échéant, contre des décisions, notamment des autorisations de construire, démolir ou de transformer et les décisions portant sur l’adoption de plans d’affectation du sol pouvant porter atteinte à leur cadre de vie ou aux droits des locataires;

- défendre, par toutes voies de droit utiles, les droits et intérêts des membres dans le cadre des buts des présents statuts, en agissant notamment au nom et pour le compte de personnes dont les intérêts personnels sont touchés par des décisions qui portent atteinte à leur cadre de vie ou qui les empêchent de faire valoir leurs droits personnels dans ces domaines, en faisant le cas échéant valoir leurs droits constitutionnels devant les juridictions compétentes".

6. Par envoi postal du 8 mars 2006, la FAQH a fait parvenir des pièces à la CCRMC, dont notamment ses statuts.

7. Par réponse reçue par la CCRMC le 25 avril 2006, les sociétés Zschokke se sont exprimées. Le 16 décembre 2005, la fondation de placement "Swisscanto Anlagestiftung" était devenue propriétaire de la parcelle. Le recours était infondé et sur le plan formel, il était irrecevable à plus d’un titre : il était tardif et les pièces envoyées le 8 mars 2006 l’étaient aussi. En tant qu’il concernait le courrier du Conseil d’Etat du 23 novembre 2005, il était irrecevable car ce dernier n’était pas une décision susceptible de recours et finalement, la FAQH n’avait pas la qualité pour recourir contre l’autorisation complémentaire au sens de l’article 60 lettre b et e de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Elle n’était pas touchée directement par la décision. Elle n’avait apporté aucune preuve de son existence et n’était pas une association d’importance cantonale. Le comité, selon les nouveaux statuts de l’association, n’était soumis à aucun contrôle de la part de ses membres et pouvait décider du dépôt d’un éventuel recours. Elle n’avait produit aucune indication permettant de contrôler les autres conditions qui permettraient de fonder sa qualité pour agir.

8. Par courrier du 3 mai 2006, toujours par la plume de M. Jeanmairet, président, la FAQH a demandé que la CCRMC statue préliminairement sur la question de la qualité de partie des entreprises Zschokke au moment de la délivrance de l’autorisation complémentaire, Zschokke entreprise générale S.A. n’étant plus propriétaire de la parcelle. Elle informait la CCRMC qu’elle serait dorénavant représentée par avocat.

9. Le 5 mai 2006, la CCRMC a procédé à l’audition de parties. L’avocat représentant la FAQH a indiqué que celle-ci considérait être une association d’importance cantonale. Il ne pouvait dire combien de membres elle comptait, ni qui ils étaient, ni encore qui étaient les six membres du comité. La décision de recourir avait été prise par circulation téléphonique. Il tenait ces renseignements de M. Yves Jeanmairet qui était le président de l’association. Il ne savait pas par quelle décision sociale la présidence avait été désignée. Il ignorait quand avait eu lieu la dernière assemblée générale de l’association. Le recours avait été déposé parce que l’affectation proposée ne respectait pas celle de la zone.

Le DCTI a indiqué que les travaux faisant l’objet de l’autorisation complémentaire ne changeaient pas l’affectation du bâtiment. Il considérait qu’ils étaient conformes à celle-ci.

Suite à quoi, la CCRMC a ordonné le dépôt des dossiers.

10. Le 5 mai 2006 également, la société RI Realim S.A. (ci-après : Realim), de siège à Genève, a demandé à intervenir dans la procédure en concluant à l’annulation de l’autorisation complémentaire et de la décision du Conseil d’Etat du 23 novembre 2005 accordant un changement d’affectation du bâtiment.

En substance, elle exposait être propriétaire de plusieurs immeubles bâtis ou à bâtir sur des parcelles englobées dans un plan localisé de quartier prévoyant une affectation aux activités du secteur tertiaire dans la commune de Vernier. Deux sociétés rachetées par le groupe Procter & Gamble louaient des locaux dans l’un de ces immeubles. Des pourparlers avaient eu lieu avec Procter & Gamble en vue de l’implantation de son centre administratif dans l’un des immeubles à construire. Suite à la décision litigieuse, elle perdait un locataire potentiel et certainement aussi ses locataires actuels. Le changement d’affectation décidé par le Conseil d’Etat était contraire à la procédure prévue et lui causait un dommage financier important.

11. Le 23 mai 2006, la FAQH a indiqué à la CCRMC qu’elle n’avait aucune observation à formuler sur l’intervention de Realim.

12. Le 30 mai 2006, la FAQH a fait parvenir à la CCRMC la liste des associations membres de la FAQH au 31 mai 2006, en attirant l’attention sur le fait que l’association genevoise de défense des locataires (ASLOCA) et l’association des riverains d’antennes de téléphonie mobile (ARIA) avaient toutes deux des membres dans la plupart des communes du canton.

13. Dans leurs écritures produites le 2 juin 2006, les entreprises Zschokke concluaient à l’irrecevabilité de l’intervention faite par Realim en raison d’un défaut de qualité pour recourir.

14. En date du 22 juin 2006, Zschokke entreprise générale S.A. a transféré ses activités d’entreprise générale à Implenia entreprise générale S.A., simultanément, elle a changé sa raison sociale en Implenia real estate S.A. (ci-après : Implenia). Le 30 juin 2006, Implenia a absorbé par fusion Zschokke developpement S.A. qui a été radiée du registre du commerce. En date du 15 septembre 2006, Implenia a transféré son siège de Genève à Wallisellen, dans le canton de Zurich.

15. Par décision du 8 septembre 2006, la CCRMC a déclaré irrecevable le recours formé par la FAQH contre l’autorisation complémentaire de construire DD 98’541/2 ainsi que l’intervention de Realim.

La CCRMC n’était pas compétente pour examiner si la lettre du Conseil d’Etat constituait une décision au sens de l’article 4 LPA.

La FAQH n’avait pas établi sa qualité pour recourir au sens de l’article 145 alinéa 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Elle n’avait pas la qualité d’association active depuis plus de trois ans au sens de l’article 145 alinéa 3 LCI, vu la date d’adoption de ses nouveaux statuts. La liste des associations membres n’ayant été déposée qu’après la date fixée pour le dépôt des dossiers, elle n’avait ainsi pas prouvé le caractère d’association d’importance cantonale. Aucune explication n’avait été donnée, ni lors de l’audience de comparution personnelle des parties à propos de son organisation, de la manière dont la décision de recourir avait été prise et à propos de sa vie associative en général alors que la recourante savait, notamment par l’arrêt du Tribunal administratif du 5 novembre 2002, que toute indication utile quant à sa qualité pour agir devait être produite dans le délai de recours ou à défaut dans les délais fixés.

L’irrecevabilité du recours entraînait celle de l’intervention sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner son bien-fondé.

16. Le 23 octobre 2006, la FAQH a recouru contre la décision de la CCRMC auprès du Tribunal administratif en concluant à son annulation ainsi qu’à celle de l’autorisation de construire complémentaire N° DD 98’541/2 et de la décision du Conseil d’Etat du 23 novembre 2005 sur la base de laquelle l’autorisation précitée avait été délivrée.

Sa qualité pour agir devait être reconnue. Le fait d’adopter des nouveaux statuts le 27 avril 2004 n’avait pas pour effet de remettre en cause l’existence d’une association qui existait depuis le 24 juin 1980. Aucune dissolution de l’association n’avait eu lieu. La loi n’exigeait pas qu’une disposition statutaire existe depuis plus de trois ans, mais bien que l’association soit active depuis plus de trois ans. D’ailleurs, l’ancienne teneur des statuts se référait déjà expressément à des projets d’urbanisme et implicitement à l’aménagement du territoire. Les buts avaient été précisés et non pas élargis dans les statuts adoptés le 27 avril 2004.

De plus, le caractère d’importance cantonale était devenu indiscutable du fait de l’adhésion de l’ASLOCA. Bien qu’elle soit une association faîtière, elle avait également des membres individuels. Elle était organisée de manière similaire au "rassemblement en faveur d’une politique sociale du logement", association dont l’importance cantonale au sens de la législation avait été admise.

Quant à son activité, elle était réelle. Elle avait, notamment, lancé, avec trois autres organisations, l’initiative sur la sauvegarde et le renforcement des droits des locataires. Elle avait participé à l’initiative pour l’affectation d’une partie de l’or de la Banque nationale suisse à la construction de logements. Elle avait lancé avec la Société d’art public le référendum contre la loi sur la surélévation des immeubles.

Elle était la seule association d’importance cantonale reconnue en matière d’aménagement du territoire. Le litige portait sur le respect d’un plan d’affectation du sol relevant de l’aménagement du territoire auquel s’appliquaient les statuts de la FAQH et qui relevait de ses propres intérêts.

La FAQH a également exposé ses arguments au fond qui seront repris dans la mesure nécessaire dans la partie en droit.

17. Le 24 novembre 2006, Realim a appuyé les conclusions prises par la FAQH.

18. Le 24 novembre 2006, Implenia a répondu au recours.

C’était à juste titre que la qualité pour agir de la FAQH avait été niée par la CCRMC. L’association était dirigée par un comité fantôme et non par une assemblée générale contrairement à l’exigence posée par le Tribunal administratif dans sa jurisprudence. La FAQH n’avait donné qu’une information lacunaire sur son organisation en produisant uniquement une liste de membres, non signée, selon laquelle elle aurait vingt membres, toutes des associations. Aucune indication n’avait été donnée sur la date d’adhésion de ces membres et sur la date du paiement des cotisations. La FAQH n’avait pas prouvé la réalité de l’existence de ces membres ou de leur implication dans la vie de l’association. A ceci, s’ajoutait que la FAQH n’était pas une association d’importance cantonale. Les associations membres regroupaient des habitants des quartiers situés en ville de Genève, à l’exception des communes de Chêne-Bourg, Grand-Saconnex et Vernier et notamment aucun membre à Lancy.

Implenia reprenait également les arguments déjà avancés devant la CCRMC.

19. Le 24 novembre 2006, le département a fait part de ses observations. La FAQH n’avait pas apporté la preuve que la décision de recourir avait été prise par l’organe social compétent. Son recours était irrecevable pour cette raison déjà. Cette preuve n’avait d’ailleurs pas été apportée depuis lors.

20. Le 10 janvier 2007, le greffe du Tribunal administratif a informé les parties que l’affaire était gardée à juger.

21. Le 15 février 2007, Implenia a informé le Tribunal administratif qu’une nouvelle autorisation de construire complémentaire avait été délivrée le 8 décembre 2006 et n’avait fait l’objet d’aucun recours. Les travaux visés par cette autorisation étant liés à celle qui était litigieuse, l’absence de recours démontrait que le recours pendant était devenu sans objet.

22. Le 27 février 2007, le département a indiqué ne pas se rallier à la position d’Implenia. Le recours interjeté contre l’autorisation de construire litigieuse gardait toute sa portée.

23. Le 1er mars 2007, Realim a également soutenu que l’absence de recours contre la nouvelle autorisation de construire complémentaire ne saurait emporter caducité du recours. Par ailleurs, l’affaire ayant été gardée à juger, les écritures du 15 février 2007 devaient être écartées des débats.

24. Le 7 mars 2007, la FAQH a exposé que la nouvelle autorisation de construire complémentaire du 8 décembre 2006 ne portait pas sur la modification de l’affectation du bâtiment en cause, mais seulement sur des modifications de peu d’importance de l’intérieur du bâtiment.

 

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a LPA).

2. Implenia soutient que le recours déposé par la FAQH contre la décision de la CCRMC du 8 septembre 2006 est devenu sans objet du fait de l’absence de recours contre une autorisation de construire complémentaire postérieure à celle concernée par le présent recours.

Outre que cette question n’a été soulevée qu’après la fin de l’instruction, l’absence de recours contre une autre autorisation de construire ne peut avoir pour effet de rendre le présent recours sans objet. En l’espèce, les deux autorisations de construire complémentaires, dont une seule est litigieuse, ne portent pas sur les mêmes questions concernant l’aménagement du bâtiment, la seconde ne rendant pas caduque la première. Le recours n’est donc pas devenu sans objet.

3. Le recours porte sur la question de la qualité pour recourir de la FAQH contre la décision d’autorisation de construire complémentaire du 30 janvier 2006. La CCRMC a estimé que la FAQH n’avait pas établi qu’elle remplissait les conditions pour se voir reconnaître la qualité pour recourir en n’ayant pas produit les indications utiles dans le délai de recours ou dans les délais fixés.

A cet égard, il convient de relever que la recourante a produit spontanément ses statuts avant le dépôt des dossiers. Elle a donné des explications succinctes sur la prise de décision lors de l’audience de comparution personnelle et a produit, tardivement, une liste de ses membres dans le but de démontrer son importance cantonale. La CCRMC ne lui a demandé aucune pièce complémentaire.

a. A teneur de l’article 145 alinéa 3 LCI, les associations d’importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites ont qualité pour recourir.

La FAQH a vu sa qualité pour recourir reconnue à plusieurs reprises par le Tribunal administratif (ATA/614/2006 du 21 novembre 2006 ; ATA/251/2004 du 23 mars 2004). Dans ce dernier arrêt, le tribunal de céans a procédé à un examen approfondi de la question.

b. La qualité pour agir d’une association ne saurait être appréciée une fois pour toutes. Il convient notamment de vérifier, périodiquement au moins, si les conditions d’existence des associations sont réalisées, si les buts statutaires sont en rapport avec la cause litigieuse et si la décision d’ester en justice a bien été prise par l’organe compétent (ATA/251/2004 du 23 mars 2004).

En l’espèce, les statuts de l’association ayant été modifiés, il se justifie de procéder à un nouvel examen de la qualité pour agir de la FAQH, malgré celui auquel a procédé le tribunal de céans dans son arrêt du 23 mars 2004 déjà cité, confirmé par l’arrêt du 21 novembre 2006, également cité.

c. Le Tribunal administratif lui a déjà reconnu plus de trois ans d’existence et d’activité au sens des articles 35 alinéa 3 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) et 17 de la loi d’application de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 20 octobre 1997 (LALPE - K 1 70) dont les teneurs sont les mêmes que celle de l’article 143 alinéa 3 LCI (ATA/251/2004 précité). Il avait été jugé que les modifications statutaires qui avaient été apportées en 2002, n’avaient pas touché les buts de l’association.

En l’espèce, s’agissant des buts de l’association, ceux de participer "à l’amélioration de la qualité de vie dans les quartiers de l’ensemble des communes du canton de Genève" et de "s’opposer à des projets de loi contraires à ses buts" avaient été retenus comme conformes aux exigences pour fonder une qualité pour recourir. Ils ont été précisés dans les nouveaux statuts. L’article 3 des statuts actuels de la FAQH indique qu’elle a pour but "de promouvoir un cadre de vie de qualité dans les quartiers et les sites bâtis ainsi qu’un aménagement du territoire respectueux de la législation applicable en la matière".

En conséquence, les buts de l’association n’ont pas été modifiés et une existence de plus de trois ans doit lui être reconnue.

d. Quant à son activité, la FAQH est membre de la commission cantonale de protection contre le bruit selon le règlement instituant ladite commission (K 1 70.11) du 20 août 2002. Elle a participé au lancement de plusieurs initiatives et a lancé avec une autre association, le 10 mars 2006, un référendum contre la loi sur la surélévation des immeubles. Elle a déposé plusieurs recours auprès du tribunal de céans, dont le dernier en date a donné lieu à l’arrêt du 21 novembre 2006 précité.

Il résulte de ce qui précède que la FAQH a incontestablement toujours une activité. Elle répond ainsi aux exigences des trois ans d’existence et d’activité requises par l’article 145 alinéa 3 LCI.

e. S’agissant du champ d’activité statutaire, il ne fait pas de doute qu’il est bien en rapport avec la cause litigieuse s’agissant d’examiner la conformité d’une autorisation de construire complémentaire avec un plan localisé de quartier. Dans les arrêts susmentionnés, statuant sur la recevabilité d’un recours interjeté contre des plans d’affectations spéciaux, soit des plans d’attribution des degrés de sensibilité au bruit, le tribunal de céans a examiné les statuts de l’association et conclu qu’elle se vouait, par pur idéal, à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire et à la protection de l’environnement au sens des dispositions précitées.

f. Il convient encore de vérifier si la décision de recourir a été prise par l’organe compétent.

A cet égard, le mandataire de l’association, entendu par la CCRMC, a indiqué que le recours initial avait été rédigé et signé par le président de l’association. La décision de recourir avait été prise par le comité de six membres, par "circulation téléphonique".

A teneur de l’article 8 des statuts de la FAQH, l’association est dotée d’un comité formé de 5 à 15 membres (...). Il décide de son organisation (...) en désignant notamment ceux d’entres-eux qui sont habilités à représenter l’association. Il est habilité à (...) engager l’association dans toute procédure de recours qu’il décide d’interjeter contre (...) une autorisation de construire, (...).

Le comité est élu par l’assemblée générale, réunie en assemblée ordinaire (art. 7 des statuts de la FAQH).

L’organisation structurelle de l’association déjà reconnue sous l’empire de ses anciens statuts, est confirmée en l’espèce et la décision de recourir a été prise conformément aux statuts.

En conséquence, la qualité pour recourir de la FAQH doit être reconnue et c’est à tort que la CCRMC la lui a déniée. Le recours sera admis sur ce point sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la recourante peut être considérée comme une association d’importance cantonale, l’une des conditions alternatives de l’article 145 alinéa 3 LCI étant remplie.

4. Le recours porte également sur la question de l’irrecevabilité du recours de la FAQH contre la lettre du Conseil d’Etat du 23 novembre 2005, prononcée par la CCRMC.

5. Le courrier du Conseil d’Etat du 23 novembre 2005, adressé au directeur de la société intéressée par l’installation de ses activités dans le bâtiment à construire, indique que l’implantation de la société dans le nouvel immeuble est compatible avec les dispositions légales et réglementaires régissant la zone industrielle.

Selon la recourante, il s’agirait d’une décision au sens de l’article 4 LPA consacrant un changement d’affectation du bâtiment. La CCRMC s’est déclarée incompétente pour connaître d’un recours contre un acte émanant du Conseil d’Etat. Elle a laissé ouverte la question de la qualification de l’acte.

a. Le courrier du Conseil d’Etat est postérieur à la requête ayant donné lieu à l’autorisation de construire complémentaire litigieuse. Il est adressé à Procter & Gamble qui souhaite installer une partie de ses activités dans le bâtiment devant être aménagé afin de les accueillir. Il figure au dossier d’autorisation du DCTI.

b. Le Grand Conseil peut délimiter des périmètres de développement, dits zones de développement, dont il fixe le régime d’affectation. A l’intérieur de ces périmètres, la délivrance d’autorisations de construire selon les normes d’une zone de développement est subordonnée, sous réserve des demandes portant sur des objets de peu d’importance ou provisoires, à l’approbation préalable par le Conseil d’Etat d’un plan localisé de quartier (art. 2 al. 1 let. a de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 - LGZD - L 1 35). La procédure d’adoption d’un PLQ prévoit notamment sa soumission à une enquête publique (art. 6 al. 1 LGZD). Le DCTI est compétent pour délivrer les autorisations de construire principales ou complémentaires (art. 2 LCI et 10A du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 - RALCI - L 5 05 01) et pour contrôler la conformité des requêtes en autorisation de construire avec les plans localisés de quartier (art. 3 al. 4 LGZD).

Au vu de ce qui précède, il est indéniable que le Conseil d’Etat n’est pas l’autorité compétente pour attester de la conformité de l’implantation d’une société dans un bâtiment et donc des activités qu’elle entend y développer, avec les dispositions légales et réglementaires régissant une zone de construction.

c. Dès lors, si l’acte litigieux devait être qualifié de décision, se poserait notamment la question de sa nullité en raison de l’incompétence de l’autorité dont il émane (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.474/2006 du 11 décembre 2006 et les références citées ; P. MOOR, Droit administratif, Berne, 1991, p. 313 ss ; B. KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle, 1991, p. 220 no 968 et p. 262 no 1220).

En effet, la nullité d’une décision doit être constatée par l’autorité et cela en tout temps, même si l’administré n’a pas la qualité pour agir et n’a respecté aucun délai, voire même d’office (A. GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel, 1984, p. 418 et les références citées ; B. KNAPP, op. cit. p. 259, no 1193).

Il découle de ce qui précède que la CCRMC se devait d’examiner la qualification de l’acte litigieux et, cas échéant, examiner les conditions d’une éventuelle nullité. En conséquence, le recours est admis sur ce point également.

6. Le recours est admis et le dossier est renvoyé à la CCRMC pour décision sur le fond ainsi que sur la recevabilité de l’intervention de Realim.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à charge d’Implenia et du DCTI uniquement, Realim ayant appuyé les conclusions de la recourante (art. 87 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à la recourante à charge de Realim et de l’Etat de Genève.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 octobre 2006 par la fédération des associations de quartiers et d’habitants contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 8 septembre 2006 ;

au fond :

l’admet;

renvoie le dossier à la commission cantonale de recours en matière de constructions pour nouvelle décision ;

met à la charge d’Implenia real estate S.A. et du département des constructions et des technologies de l’information, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue une indemnité de CHF 2'000.- à la fédération des associations de quartiers et habitants à charge d’Implenia real estate S.A. et de l’Etat de Genève, pris conjointement et solidairement ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Bayenet, avocat de la recourante, à Me François Bellanger, avocat d’Implenia S.A. et à Me Jacques Gautier, avocat de RI Realim S.A. ainsi qu’à la commission cantonale de recours en matière de constructions et au département des constructions et des technologies de l’information.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, M. Thélin, Mme Junod, juges, M. Torello, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste a.i. :

 

 

P. Pensa

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :