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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2132/2016

ATA/629/2016 du 21.07.2016 sur JTAPI/704/2016 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2132/2016-MC ATA/629/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 juillet 2016

En section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Roxane Sheybani, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er juillet 2016 (JTAPI/704/2016)


EN FAIT

1. M. A______, né le ______ 1996 et originaire de Gambie, est titulaire d’une carte d’identité établie le 16 janvier 2015 par la commune italienne de résidence et valable jusqu’en 2025, ainsi que d’un passeport gambien valable jusqu’en 2020.

2. Le 16 janvier 2016, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public à une peine pécuniaire de nonante jours-amende pour infractions aux art. 19 al. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), avec sursis et délai d’épreuve durant trois ans. Il lui était reproché d’avoir, le 14 janvier 2014 – jour de son interpellation à la rue du B______ à Genève –, détenu 54 gr de marijuana, conditionnés en vingt-sept sachets de 2 gr, ainsi que quarante-cinq pilules d’ecstasy, tous destinés à la vente. Il lui était aussi reproché d’avoir, à une date indéterminée en octobre 2015, pénétré sur le territoire suisse sans être titulaire des autorisations nécessaires, sans disposer de moyens de subsistance et sans être porteur d’un passeport valable, puis d’y avoir séjourné dans ces conditions jusqu’au jour de son arrestation.

3. Par décision du 16 janvier 2016 également, le commissaire de police a ordonné la mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de quarante-neuf jours, en application de l’art. 76a al. 2 let. b et g LEtr (détention dans le cadre de la procédure Dublin).

4. Le 17 février 2016, M. A______ s'est vu notifier par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) une décision du 10 février 2016 de renvoi de Suisse vers « l’État Dublin » responsable, l’Italie, en application de l'art. 64a
al. 1 LEtr.

Le même jour, il a signé une déclaration de « renonciation irrévocable » à recourir contre cette décision.

5. Au début du mois de mars 2016, M. A______ a été refoulé à destination de Rome (Italie).

6. M. A______ est toutefois revenu dans le canton de Genève et a été condamné par des ordonnances pénales du Ministère public :

-          le 15 avril 2016, à une peine privative de liberté de soixante jours pour infractions aux art. 19 al. 1 LStup et 115 al. 1 let. b LEtr, pour, d’une part, s'être, le 14 avril 2016 vers 20h00, à la place des C______ à Genève, livré au trafic de stupéfiants en détenant vingt sachets de marijuana d'un poids total de 50,4 gr, ainsi qu'un montant de CHF 114.20, la police ayant en outre, la soirée en question, constaté que le prévenu prenait régulièrement contact avec des dealers de drogue opérant dans le secteur de l'Usine, et, d’autre part, avoir, entre le 17 janvier 2016, jour suivant sa précédente condamnation, et le
14 avril 2016, date de son interpellation, séjourné sur le territoire suisse alors qu'il était démuni des autorisations nécessaires ;

-          le 27 mai 2016, à une peine privative de liberté de soixante jours pour infraction à l’art. 19 al. 1 LStup et à une amende de CHF 300.- pour infraction à l’art. 19a ch. 1 LStup, pour, d’une part, s'être, le 26 mai 2016, vers 20h30, sur le chemin de D______ à Chêne-Bougeries (GE), livré au trafic de stupéfiants en détenant 38 gr de marijuana conditionnés en douze sachets, tous destinés à la vente, étant précisé qu'à la vue de la police, le prévenu avait pris la fuite et s'était débarrassé du sachet contenant la drogue en la jetant au sol, d’autre part, consommer des stupéfiants, soit de la marijuana ;

-          le 16 juin 2016, à une peine privative de liberté de nonante jours pour infractions aux art. 19 al. 1 LStup et 115 al. 1 let. b LEtr, pour, d’une part, avoir, le 15 juin 2016 vers 20h00, sur le Boulevard E______ à Genève, détenu trente-six sachets contenant au total 72 gr de marijuana conditionnée par paquets de trois sachets, destinés à être vendus sur le marché genevois, d’autre part, avoir, à Genève, du 28 mai 2016, lendemain de sa dernière arrestation, au 15 juin 2016, date de sa nouvelle interpellation, séjourné sur le territoire suisse alors qu'il ne disposait ni des autorisations nécessaires, ni de ressources financières suffisantes lui permettant d'assurer sa subsistance durant son séjour.

7. Par décision du 16 juin 2016 également, à 14h30, en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEtr, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans l’ensemble du canton de Genève pour une durée de douze mois.

8. Par courrier daté du 23 juin 2016, M. A______, sous la plume de son conseil, a formé opposition contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

9. Lors de l'audience du 1er juillet 2016 devant le TAPI, M. A______ a confirmé son opposition, au motif qu'il vivait à Genève, que sa situation s'y améliorait et qu'il y avait des amis, contrairement à l'Italie. Il savait qu'il n'avait pas le droit d'être à Genève. Il n’y était jamais venu avant janvier 2016. Quand il avait reçu son permis humanitaire en Italie, on lui avait dit de partir du camp de réfugiés où il était. Sa situation était critique dans ce pays. Il était également revenu à Genève après avoir été renvoyé à Rome en mars 2016 parce qu'il ne connaissait personne en Italie, contrairement à Genève. Il dormait dehors ou dans un lieu d'hébergement se situant vers une rivière à Genève.

Son nouveau conseil a produit l'opposition formée par l'une de ses consœurs contre l'ordonnance pénale du 27 mai 2016. À sa connaissance, il avait été fait opposition aux autres ordonnances pénales prononcées contre M. A______, ce que celui-ci a confirmé. L’intéressé a contesté s'être livré à du trafic de stupéfiants et a déclaré que tout ce qu'on avait retrouvé sur lui était destiné à sa consommation personnelle.

Le commissaire de police a sollicité la confirmation de la décision querellée et a produit une contravention du 11 novembre 2015, laquelle faisait état de ce que M. A______ avait été arrêté pour trafic de stupéfiants (vingt-deux sachets de marijuana pour un poids total de 52,2 gr). Il ressortait de la déclaration qu'il avait faite à la police le 14 janvier 2016 qu'il avait déclaré être à Genève depuis octobre 2015.

Par l’intermédiaire de son conseil, M. A______ a conclu, principalement, à l'annulation de l'interdiction de pénétrer en question et, subsidiairement, à la limitation du périmètre (quartier de la Jonction), pour une durée de six mois. L’avocate a notamment fait valoir que le centre de vie de son client se trouvait à Genève et que les conditions d’existence des réfugiés en Italie étaient notoirement inhumaines.

10. Par jugement du 1er juillet 2016, le TAPI a rejeté l'opposition formée par
M. A______ contre la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée (interdiction d'accès au canton de Genève) prise par le commissaire de police le 16 juin 2016 pour une durée de douze mois et l’a confirmée en tant que de besoin.

L'intéressé n'était titulaire d'aucune autorisation de séjour en Suisse, à savoir ni titulaire d'une autorisation de courte durée, ni d'une autorisation de séjour, ni d'une autorisation d'établissement. Même s'il contestait s'être déjà livré à un trafic de drogue, pour lequel il avait été condamné à cinq reprises entre novembre 2015 et juin 2016, exposant que la drogue que la police avait trouvée en sa possession était destinée à sa consommation personnelle – ce dont on pouvait clairement douter au vu des quantités retrouvées –, d'après la jurisprudence, le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifiait une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEtr, et de tels soupçons pouvaient découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation. Aussi, le fait que ces condamnations ne soient pas définitives n'était pas foncièrement déterminant, compte tenu de la jurisprudence claire du Tribunal fédéral. Malgré son renvoi en Italie,
M. A______ était revenu à Genève, manifestement dans l'intention de se livrer à des trafics sur ce territoire. Il existait dès lors des éléments suffisants pour considérer que son comportement constituait une menace pour la sécurité et l'ordre publics. En conséquence, les conditions posée par les art. 74 al. 1 let. a LEtr et 6 al. 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10) étaient remplies.

Sous l’angle de la proportionnalité, même si la durée requise de douze mois pouvait certes paraître longue au premier abord, il fallait rappeler que l’intéressé avait déjà été dernièrement refoulé de Genève, soit en mars 2016, et qu'il était revenu immédiatement après dans cette ville. Aussi, la durée de la mesure, prise pour douze mois, apparaissait tout à fait adéquate, étant encore souligné que l'intéressé n'avait aucun motif légitime pour résider dans le canton de Genève en tant qu'il avait un passeport gambien valable et un document d'identité valable en Italie. Ses nombreuses condamnations ne l'avaient par ailleurs pas dissuadé de continuer à se livrer au trafic de stupéfiants. Il apparaissait dès lors proportionné de lui interdire l'accès au canton et l'empêcher ainsi de se retrouver dans des secteurs clés du trafic de drogue à Genève. La mesure contestée paraissait ainsi adaptée à la nécessité de tenir M. A______ éloigné du canton pendant une durée qui ne soit pas trop faible, afin qu’il en comprenne les buts et les enjeux.

11. Par acte expédié le 11 juillet 2016 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre ce jugement, concluant, « avec suite de frais et dépens », préalablement à la restitution de l’effet suspensif, principalement à l’annulation dudit jugement et à la levée de l’interdiction de pénétrer dans le canton de Genève ordonnée à son encontre pour une durée de douze mois, subsidiairement à la réformation du jugement et à la limitation de l’interdiction de pénétrer dans un territoire déterminé au périmètre de la gare Cornavin – lieu de rendez-vous pour les toxicomanes – et pour une durée limitée à quatre mois.

En Italie, après son départ du camp de réfugiés sitôt que son statut de réfugié avait été reconnu, il n’avait plus bénéficié d’aucune aide étatique et avait dormi dans les parcs et dépendu de la charité des organisations et associations locales pour se nourrir. Ces conditions d’accueil avaient été dénoncées par la Cour européenne des droits de l’homme. Il avait tenté quelques temps de survivre en Italie, mais, face à la précarité de la situation, il s’était finalement résolu à rejoindre Genève où vivaient des proches et où sa maîtrise de l’anglais lui permettait de survivre. Même si ses conditions de vie n’étaient pas optimales, il pouvait y compter sur un réseau d’amis, avait pris l’habitude de dormir dans le même lieu d’hébergement tous les soirs et pouvait manger à sa faim. Son lieu d’hébergement constituait le cœur de sa vie affective et sociale, étant précisé qu’il n’avait plus aucun lien avec sa famille. Ce semblant de vie normale lui permettait de se reconstruire peu à peu.

Les soupçons de trafic de stupéfiants étant entièrement contestés, la probabilité que l’exécution de la mesure litigieuse, en le condamnant à la précarité de l’exil, le convainque de commettre les actes qu’elle tentait de prévenir était bien plus élevée que la probabilité qu’elle les empêche s’ils devaient être établis. Cette mesure impliquait par ailleurs pour lui des conséquences dramatiques sans qu’aucun intérêt public ou privé ne le justifie.

Étaient produites des oppositions contre les ordonnances pénales des
15 avril, 27 mai et 16 juin 2016, de même qu’une copie d’une carte de permis de séjour pour motifs humanitaires établie 21 mai 2015 par les autorités italiennes et valable jusqu’au 5 mai 2017.

12. Le 12 juillet 2016, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public à une peine pécuniaire de trente jours-amende pour infraction à l’art. 286 al. 1 et 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), de même qu’à une peine privative de liberté de soixante jours, pour infraction à
l’art. 119 al. 1 LEtr. En effet, d’une part, il avait, le même jour, aux alentours de 1h00, à la rue de F______ à Genève, empêché les agents de police de procéder au contrôle de son identité et à son interpellation en s’enfuyant en courant le long du quai des G______, avant d’être finalement interpelé à la place de H______. D’autre part, il avait, à tout le moins le 12 juillet 2016, pénétré sur le territoire genevois alors qu’il savait faire l’objet d’une interdiction d’entrée dans cette zone dûment notifiée le 16 juin 2016 et valable jusqu’au 16 juin 2017.

Le prévenu était célibataire et sans domicile fixe, se déclarait sans emploi ni revenu, et n’avait aucune attache avec la Suisse.

13. Dans sa réponse du 15 juillet 2016, le commissaire de police a fait siens les arguments et développements du TAPI et a conclu au rejet du recours.

Pour le surplus, M. A______ avait été arrêté le 12 juillet 2016 à Genève, faisait l’objet d’une audition Dublin et avait été placé en détention administrative pour une durée de sept semaines par décision du commissaire de police du
12 juillet 2016. L’examen de cette décision avait été sollicité par l’intéressé et était actuellement pendant devant le TAPI. Les recherches auprès du service des contraventions avaient permis d’établir que le recourant avait fait l’objet de contraventions les 11 novembre 2015 et 5 juin 2016 (pour détention intentionnelle et sans droit de marijuana).

14. Par lettre du 18 juillet 2016, le juge délégué a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

15. Pour le reste, les arguments des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 10 al. 1 LaLEtr ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Une procédure de mise en détention administrative en vue d’un renvoi vers l’Italie dans le cadre du règlement Dublin étant en cours, la question de savoir si l’interdiction litigieuse de pénétrer dans une région déterminée a encore un objet peut se poser.

Un tel objet demeure, quelle que soit l’issue de la procédure de détention administrative et même si le recourant est effectivement refoulé vers l’Italie, de sorte que le recours est recevable.

3. Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 12 juillet 2016 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

La chambre administrative est en outre compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 2ème phr. LaLEtr).

4. a. Aux termes de l'art. 74 al. 1 let. a LEtr, l’autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée si celui-ci n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation d’établissement et trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants. À teneur de l'al. 3, ces mesures peuvent faire l’objet d’un recours auprès d’une autorité judiciaire cantonale ; le recours n’a pas d’effet suspensif.

L'art. 6 al. 3 LaLEtr prévoit que l'étranger peut être contraint à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEtr, notamment suite à une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommage à la propriété ou pour une infraction à la LStup.

b. Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993, les étrangers dépourvus d’autorisation de séjour et d’établissement n’ont pas le droit à une liberté totale de mouvement. S’agissant d’une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l’étranger concerné, le seuil, pour l’ordonner, n’a pas été placé très haut ; il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l’ordre publics. Cette notion ne recouvre pas seulement un comportement délictueux, comme par exemple des menaces envers le directeur du foyer ou d'autres requérants d'asile. Il y a aussi trouble ou menace de la sécurité et de l'ordre publics si des indices concrets font soupçonner que des délits sont commis, par exemple dans le milieu de la drogue, s'il existe des contacts avec des extrémistes ou que, de manière générale, l'étranger enfreint grossièrement les règles tacites de la cohabitation sociale. Dès lors, il est aussi possible de sanctionner un comportement rétif ou asocial, mais sans pour autant s'attacher à des vétilles. Toutefois, la liberté individuelle, notamment la liberté de mouvement, ne peut être restreinte à un point tel que la mesure équivaudrait à une privation de liberté déguisée (FF 1994 I 325).

c. La mesure d'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé vise en particulier à combattre le trafic de stupéfiants, ainsi qu'à maintenir les requérants d'asile éloignés des scènes de la drogue (arrêts du Tribunal fédéral 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.2 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1).

De jurisprudence constante, constitue une menace pour les tiers et une grave mise en danger de leur vie ou de leur intégrité, la participation à un trafic de stupéfiants comme la cocaïne, compte tenu de la dangerosité de ce produit (ATA/142/2012 du 14 mars 2012 ; ATA/118/2011 du 16 février 2011 ; ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/185/2008 du 15 avril 2008).

Le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1
let. a LEtr ; en outre, de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3.1, et les arrêts cités). De plus, même si la simple présence en des lieux où se pratique le commerce de la drogue ne suffit pas à fonder un soupçon de menace à l'ordre et à la sécurité publics, tel est le cas lorsque la personne concernée est en contact répété avec le milieu de la drogue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_437/2009 précité consid. 2.1). Le Tribunal fédéral a du reste confirmé une telle mesure visant un recourant qui avait essentiellement été condamné pour de simples contraventions à la LStup (arrêt du Tribunal fédéral 6B_808/2011 précité).

5. a. En l'espèce, le recourant n'est titulaire d'aucune autorisation de séjour en Suisse, à savoir ni d'une autorisation de courte durée, ni d'une autorisation de séjour, ni d'une autorisation d'établissement.

L’intéressé déduit de l’art. 10 al. 1 LEtr, à teneur duquel tout étranger peut séjourner en Suisse sans exercer d’activité lucrative pendant trois mois sans autorisation, sauf si la durée fixée dans le visa est plus courte, qu’il réside légalement en Suisse jusqu’au 14 juillet 2016, y étant arrivé le 14 avril 2016 à la suite de son refoulement du début mars 2016. Ce faisant, il perd de vue que sa situation relève du droit d’asile et que le SEM a considéré dans sa décision que l’Italie était l’État responsable en la matière, en application du règlement Dublin. C’est du reste pour ce motif également que le commissaire de police a introduit le 12 juillet 2016 une procédure de détention administrative. À cet égard, il ne pouvait qu’être évident pour le recourant, à réception de la décision du SEM du
10 février 2016, que celle-ci impliquait qu’il ne revienne pas en Suisse à tout le moins dans un futur non lointain. L’intéressé a d’ailleurs reconnu devant le TAPI qu’il savait ne pas avoir le droit d'être à Genève. Par surabondance, selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. LEtr, l’étranger qui prévoit un séjour plus long que trois mois sans activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation ; il doit la solliciter avant son entrée en Suisse auprès de l’autorité compétente du lieu de résidence envisagé. Or, en l’occurrence, le recourant ne fonde sa présence sur le territoire suisse, plus précisément genevois, dont il prévoit la durée manifestement au-delà de trois mois, sur aucun droit.

b. En outre, depuis le mois de janvier 2016, l’intéressé a été condamné à quatre reprises par le Ministère public pour s’être livré à du trafic de drogue, plus précisément de marijuana et une fois d’ecstasy. Si ces condamnations ne sont apparemment pas définitives et si le recourant conteste s’adonner à du trafic de drogue en admettant n’avoir détenu de la marijuana et de l’ecstasy que pour sa propre consommation, il n’en demeure pas moins qu’elles constituent à tout le moins des soupçons concrets et suffisants pour qu’il soit considéré que le recourant trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics au sens de l’art. 74 al. 1 let. a LEtr. Sur ce dernier point, il ne saurait être entré en matière sur la remise en cause par l’intéressé de la jurisprudence du Tribunal fédéral dans son principe même.

c. La mesure querellée est donc fondée dans son principe.

6. Pour être conforme au principe de la proportionnalité énoncé à l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. -
RS 101), une restriction d'un droit fondamental, en l'espèce la liberté de mouvement, doit être apte à atteindre le but visé, ce qui ne peut être obtenu par une mesure moins incisive (nécessité). Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.1).

Le périmètre d'interdiction de pénétrer, qui peut même inclure l’ensemble du territoire d’une ville, doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles. Une telle mesure ne peut en outre pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 4 ; 2C_1142/2014 du 29 juin 2015 consid. 4.1 ; 2C_197/2013 précité consid. 4 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3).

Dans un cas relativement récent, la chambre de céans a considéré comme conforme au principe de la proportionnalité que l’étranger, qui résidait au Tessin et avait été interpellé à quatre reprises durant l’année 2015 dans le quartier des Pâquis à Genève alors qu’il était en possession de marijuana et qui, lors de sa dernière arrestation, avait une boulette de cocaïne dissimulée dans la bouche, se voie interdire de pénétrer sur le territoire du canton de Genève, pour une durée de six mois (ATA/579/2015 du 8 juin 2015). Dans un cas subséquent, où le principe même de l’interdiction de pénétrer sur l’ensemble du territoire du canton de Genève était admis, où l’exécution du renvoi de Suisse de l’étranger avait été ordonnée et son dossier attribué au canton de Zurich et où l’intéressé avait été condamné récemment plusieurs fois pour trafic de stupéfiants, la chambre administrative a confirmé la décision du commissaire de police lui interdisant de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois ; le législateur fédéral n’avait pas instauré de limites, supérieures ou inférieures, à la durée des interdictions territoriales et il appartenait dès lors à l’autorité d’apprécier de cas en cas la durée de la mesure, en tenant compte de l’ensemble des éléments pertinents du cas d’espèce et en procédant à une balance entre les intérêts en jeu, publics et privés (ATA/802/2015 du 7 août 2015).

7. Dans le cas présent, la situation du recourant présente des similarités avec celles qui ont fait l’objet des deux arrêts de la chambre de céans précités.

L’intéressé, par des actes réitérés trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics. Malgré son renvoi vers l’Italie début mars 2016, il est revenu dans le canton de Genève et semble avoir repris contact avec le milieu de la drogue, étant en outre interpellé en différents endroits du canton.

Par ailleurs, si le recourant conteste les infractions pénales, il ne semble pas nier que ses allégations en audience devant le TAPI – selon lesquelles il n’était jamais venu à Genève avant janvier 2016 – étaient manifestement mensongères compte tenu des pièces versées à la procédure attestant sa présence à Genève avant 2016.

Il n’a en outre nullement démontré avoir réellement des contacts sociaux ou des attaches dans le canton de Genève, se contentant de vagues allégations à ce sujet. Il est au surplus sans domicile connu si ce n’est son adresse officielle en Italie, et sans emploi ni revenus.

Comme l’a retenu le TAPI, il n’a aucun motif légitime pour résider dans le canton de Genève, ayant notamment un titre de séjour valable en Italie, en plus d’un passeport gambien.

Dans ces circonstances, une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève durant douze mois apparaît être une mesure adéquate, nécessaire et dans un rapport raisonnable avec le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public, en particulier la sécurité et l’ordre publics, lesquels priment en tout état de

cause l’intérêt privé du recourant y compris au regard de ses conditions de vie alléguées en Italie, si tant est que ces dernières puissent être prises en considération dans le présent cadre.

8. Vu ce qui précède, le recours, infondé, sera rejeté.

Cette issue au fond rend sans objet la requête de restitution de l’effet suspensif formée par le recourant.

Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant, qui succombe (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 juillet 2016 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er juillet 2016 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Roxane Sheybani, avocate du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :