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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4453/2009

ATA/340/2010 du 18.05.2010 ( MARPU ) , IRRECEVABLE

Parties : PLOJOUX & VOELLINGER ARCHITECTES SNC / COMMUNE DE PREGNY-CHAMBESY
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4453/2009-MARPU ATA/340/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 18 mai 2010

 

dans la cause

 

PLOJOUX & VOELLINGER ARCHITECTES SNC
représentés par Me Diane Schasca, avocate

contre

COMMUNE DE PREGNY-CHAMBÉSY
représentée par Me Jean-Marc Siegrist, avocat


 

 


EN FAIT

1. Par publication dans la Feuille d’avis officielle du canton de Genève (ci-après : FAO), la commune de Pregny-Chambésy (ci-après : la commune), en qualité d’organisateur et de maître de l’ouvrage, a lancé un concours d’architecture à un degré ayant pour but le choix d’un projet pour la construction d’un bâtiment communal polyvalent, de salles de société ainsi que l’aménagement du périmètre.

Selon les dispositions du programme du concours, il s’agissait d’un concours de projets d’architecture en procédure ouverte, tel que défini par les art. 3 et 6 du règlement SIA 142, éd. 1998 (art. 2).

La participation au concours impliquait notamment l’acceptation des prescriptions fédérales et cantonales en matière de marchés publics, dont l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), le règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01) et de toutes les dispositions légales applicables à Genève en matière de construction (art. 3).

Le jury disposait d’une somme globale de CHF 100'000.- HT pour l’attribution de cinq prix et de mentions éventuelles. Un projet mentionné au premier rang pouvait être recommandé pour la poursuite des études, pour autant que la décision soit prise à l’unanimité du jury (art. 5).

La commune avait l’intention de confier les mandats complets des prestations ordinaires d’architectes à l’auteur du projet recommandé par le jury, sous réserve de l’acceptation des crédits d’études et de construction, des autorisations de construire, d’un référendum et des demandes de modifications qui pourraient être demandées par l’autorité adjudicatrice. Les modalités précises du mandat seraient définies au moment de l’attribution (art. 6). La décision de la commune concernant l’attribution du mandat était susceptible de recours au Tribunal administratif dans les dix jours à compter de sa notification, conformément l’art. 45 RMP (art. 7). Les critères d’appréciation du jury étaient l’insertion dans le site et le rapport de la nouvelle construction avec le contexte bâti, naturel et paysager ; la qualité architecturale de la proposition, le respect du programme et la fonctionnalité ; l’aspect économique du projet (art. 8). Le jury était présidé par un architecte et composé du maire de la commune, de quatre autres architectes, de trois conseillers municipaux et d’un expert en la personne du directeur de la direction des autorisations du DCTI (art. 9). Les participants au concours devaient respecter diverses prescriptions concernant le terrain, la végétation, les bâtiments existants, le concept génétique, le concept de développement durable et les aménagements extérieurs (accès, circulation piétons et véhicules, parkings ; art. 22-27), et futur bâtiment polyvalent (art. 30).

2. A la date limite de reddition prévue le 9 novembre 2009, soixante-huit projets ont été réunis, tous anonymes comme exigé. L’un d’entre-eux a été retiré avant que le jury ne procède à leur examen.

3. Le jury s’est réuni les 17, 18 et 19 novembre 2009. Son appréciation s’est faite par tours éliminatoires. Au premier tour, il a examiné les projets sous l’angle de l’organisation générale du site proposée et de la cohérence avec les propositions architecturales. Il a pris en compte la qualité du plan de masse et le type d’espaces extérieurs qu’il générait, de même que la pertinence globale du parti architectural. A l’issue de ce premier tour, à l’unanimité, il a éliminé vingt-sept projets, dont le no 37 « Ave Marius ».

Au second tour, le jury s’est penché plus précisément sur l’organisation du programme et a affiné son analyse sur la volumétrie. A la majorité, il a éliminé vingt-huit projets supplémentaires.

Au troisième tour, le jury s’est attaché au fonctionnement, à la faisabilité technique et à l’économique du projet. Sur cette base, à la majorité, il a encore éliminé six projets.

Après ce troisième tour, le jury a fait un nouveau tour complet des projets éliminés et a décidé de n’en repêcher aucun.

Les six projets restant ont été examinés par l’expert du point de vue de leur conformité à la réglementation applicable à la zone 4B protégée au sens des art. 19, 28 et 29 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) et 105 à 107 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), le terrain concerné s’y trouvant situé. Cinq des six projets ne posaient pas de problèmes majeurs et demanderaient des ajustements de distance aux limites. Ils pouvaient obtenir un prix. Le dernier, soit le projet 8 « Joséphine » posait quant à lui un problème de distance et devait recevoir une mention.

Finalement, le jury avait repassé en revue les six projets retenus pour l’attribution des prix. A l’unanimité, il avait considéré que le plus pertinent était le projet 8 Joséphine, qui obtenait une mention. A la majorité, les cinq autres projets étaient classés comme suit :

2e rang : 1er prix projet 55 « Autour de la Table »

3e rang : 2e prix projet 53 « Feather Mass »

4e rang : 3e prix projet 26 « Du Jaune au Bleu »

5e rang : 4e prix projet 34 « Kairn »

6e rang : 5e prix projet 10 « Tangram »

4. Le résultat du concours a été publié dans la FAO, sous encart publicitaire, le 30 novembre 2009.

5. Par acte du 10 décembre 2009, Plojoux et Voellinger architectes SNC (ci-après : Plojoux et Voellliger), participants au concours avec le projet no 37 « Ave Marius », ont recouru auprès du Tribunal administratif, concluant à l’annulation du concours, du rapport du jury et à ce que ce dernier soit invité à reprendre l’examen des projets ex tunc et à rendre un nouveau rapport et un nouveau résultat « dans le sens du (…) recours ». Ils concluent subsidiairement à ce que le Tribunal administratif constate que le résultat du concours liait l’organisateur de ce dernier, que soient exclus du concours les projets nos 8, 26, 34 et 10 et que le jury procède à un nouveau classement. Préalablement, ils sollicitent la restitution de l’effet suspensif au recours.

Les projets nos 66, 55, 26, 10 et 34 ne respectaient pas certaines exigences du programme en matière de respect de distances entre bâtiments, d’aménagements souhaités ou encore de respect des normes de la zone 4B protégée.

6. Le 18 janvier 2010, les architectes ont complété leur écriture dans le délai accordé par le juge délégué. Ils ont repris leurs conclusions.

7. Le 29 janvier 2010, la commune s’est déterminée sur la demande de restitution de l’effet suspensif au recours, s’en remettant à l’appréciation du tribunal de céans dans la mesure où aucun contrat d’architecte n’avait encore été conclu.

8. Le 3 mars 2010, la commune s’est opposée au recours. Elle a conclu à son irrecevabilité, le jury n’étant pas une autorité investie par la loi du pouvoir de puissance publique. La détermination du jury était un avis interne adressé à l’organisateur n’ayant pas de conséquence juridique directe et obligation pour les participants. Il ne s’agissait pas d’une décision sujette à recours. Subsidiairement, le recours devait être rejeté, le jury ayant apprécié correctement.

9. Le 4 mars 2010, les parties on été avisées que la cause était gardée à juger.

10. Le 15 mars 2010, Plojoux et Voelllinger ont sollicité la tenue d’une audience de comparution personnelle et l’audition de l’expert du jury.

EN DROIT

1. Au sens de l’art. 4 al. 1er de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021), ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l’adoption n’ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (Arrêt du Tribunal fédéral 1C.408/2008 du 16 juillet 2009 consid. 2 ; ATA/311/2009 du 23 juin 2009 consid. 4 ; ATA/42/2007 du 30 janvier 2007 consid. 4 ; ATA/602/2006 du 14 novembre 2006 consid. 3 ; ATA/836/2005 du 6 décembre 2005 consid. 2 ; P. MOOR, Droit administratif, Vol. 2, Berne 2002, p. 214, n. 2.2.3.3 ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 334-344). Ces dernières peuvent constituer des cas limites et revêtir la qualité de décisions susceptibles de recours, lorsqu’elles apparaissent comme des sanctions conditionnant ultérieurement l’adoption d’une mesure plus restrictive à l’égard du destinataire. Lorsque la mise en demeure ou l’avertissement ne possède pas un tel caractère, il n’est pas sujet à recours (ATA/644/2002 du 5 novembre 2002 consid. 3b ; ATA/241/2000 du 11 avril 2000 consid. 4 ; A. KÖLZ/ I. HÄNER, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd., Zurich 1998, p. 181; F. GYGI Bundesverwaltungsrechtspflege, Berne 1983, p. 136).

Il y a ainsi lieu de distinguer l’attribution des prix de la recommandation, cela sans qu’il soit nécessaire de trancher en l’espèce la question de savoir jusqu’à quel point le jury doit être considéré comme délégataire de la puissance publique.

2. La recommandation du jury en faveur d’un projet s’adresse à la seule autorité adjudicatrice, - en l’espèce la commune -, à l’exclusion des participants aux concours, qui ne peuvent en tirer aucun droit ou obligation (J. DUBEY, Le concours en droit des marchés publics, Zurich, Bâle et Genève 2005, p. 355). Comparable à un préavis, c’est un acte interne, préalable à la décision qui sera prise ultérieurement. Ce n’est donc pas une décision au sens de l’art. 4 LPA, de sorte que le recours est irrecevable sur ce point.

3. Selon une partie de la doctrine, l’attribution d’un prix par le jury est en revanche une détermination considérée comme une décision qui doit être notifiée soit individuellement soit par voie édictale par autorité adjudicatrice, lorsqu’elle équivaut à l’attribution du marché (J. DUBEY, op. cit., p. 356). In casu, tel n’est pas le cas. D’une part l’attribution du marché doit faire l’objet d’une décision propre, seule sujette à recours selon l’art. 7 du programme du concours. D’autre part, l’attribution du marché au vainqueur du concours n’est pas automatique, plusieurs réserves liées au respect des procédures de décision démocratiques et au droit cantonal étant prévues par le même programme.

Ainsi, la commune a annoncé le résultat du concours dans la FAO, mais sous simple encart publicitaire, dès lors que cela ne constitue pas une décision attaquable. Pour ce motif déjà, le recours n’est pas recevable.

4. En outre, les recourants se plaignent de l’attribution de prix à cinq concurrents, dont les projets ne seraient pas conformes aux dispositions légales en matière de constructions ou aux exigences du programme, voire remettent en cause l’appréciation du jury sur l’un ou l’autre d’entre eux.

En revanche, ils ne remettent pas en cause la procédure d’élimination en trois tours choisie par le jury, ni les critères retenus par ce dernier à chaque tour. Ils ne formulent pas davantage de griefs du fait de leur élimination au premier tour déjà. Dès lors, le fait de parvenir à obtenir l’élimination de cinq des six projets primés ne leur permettrait pas d’avoir la moindre chance d’obtenir un prix, puisque trente-quatre projets, éliminés au deuxième tour, ont obtenu un meilleur classement que le leur.

Or, selon la jurisprudence, le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué – qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait – doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération. En application de ces principes, le recours d’un particulier ou d'une association, formé dans l’intérêt de la loi ou d’un tiers, est irrecevable (ATF 134 II 120 consid. 2 p. 122 ; ATF 131 II 587 consid. 2.1 p. 588 s. ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; 120 Ib 48 consid. 1 p. 49 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1A.133/2006 du 4 octobre 2006 consid. 2.1 ; ATA/402/2009 du 25 août 2009 ; ATA/399/2009 du 25 août 2009 ; ATA/13/2009 du 13 janvier 2009 et les arrêts cités). Ces exigences ont été posées de manière à empêcher l’action populaire. Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 134 II 120 consid. 2 p. 122 ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009 consid. 3b ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 consid. 3 et références citées). Un intérêt purement théorique à la solution d'un problème est de même insuffisant. Le recours est ainsi irrecevable à cet égard également.

5. Au vu de ce qui précède, le recours est irrecevable. La demande de restitution d’effet suspensif n’a plus d’objet. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants pris conjointement et solidairement. Une indemnité de CHF 1'000.- sera allouée à la commune, à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevable le recours interjeté le 10 décembre 2009 par Plojoux & Voellinger Architectes SNC contre le résultat du concours publié dans la FAO du 30 novembre 2009 par la commune de Pregny-Chambésy ;

met à la charge de Plojoux & Voellinger Architectes SNC, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue une indemnité de CHF 1'000.- à la commune de Pregny-Chambésy, à la charge de Plojoux & Voellinger Architectes SNC, pris conjointement et solidairement ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 et suivants LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi 

communique le présent arrêt à Me Diane Schasca, avocate des recourants ainsi qu'à Me Jean-Marc Siegrist, avocat de la commune de Pregny-Chambésy.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, et Junod, M. Dumartheray, juges, M. Torello, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste  adj. :

 

 

F. Glauser

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :