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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2157/2010

ATA/134/2012 du 13.03.2012 ( MARPU ) , REJETE

Parties : KALLYSTA / GLANZMANN INFORMATIQUE S.A., CENTRALE COMMUNE D'ACHATS
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2157/2010-MARPU ATA/134/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 mars 2012

 

 

dans la cause

 

KALLYSTA S. à r. l.
représentée par Me Dominique Lecocq, avocat

contre

GLANZMANN INFORMATIQUE S.A., appelée en cause
représentée par Me Alain Steullet, avocat

et

CENTRALE COMMUNE D’ACHATS DE L’ÉTAT DE GENÈVE


EN FAIT

1. Dans le cadre du projet de renouvellement des laboratoires de langues des établissements d’enseignement secondaire, plusieurs logiciels, dont Edustar2 de Glanzmann Informatique S.A. (ci-après : Glanzmann) et Kallylang de Kallysta, société à responsabilité limitée française (ci-après : Kallysta) ont été testés entre 2008 et 2009 par des enseignants dans trois établissements scolaires à la demande du service écoles-médias (ci-après : SEM) du département de l'instruction publique, devenu depuis lors le département de l'instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP).

2. Le 2 avril 2009, les tests ont fait l’objet d’un rapport intermédiaire établi par un conseiller et formateur en systèmes d'informations pédagogiques. Il en ressortait les appréciations globales suivantes :

Kallylang était un laboratoire de langue complètement intégré sur Macintosh. Devenu opérationnel entre novembre 2008 et janvier 2009, il donnait satisfaction aux utilisateurs. Il était stable, fiable, facile à maîtriser et à utiliser ;

Edustar2 ne donnait pas satisfaction aux utilisateurs. Il présentait de nombreux problèmes. Il n'était ni stable ni fiable et il générait stress, déstabilisation, mécontentement et frustration chez les enseignants. Il devait être rendu stable et fiable et l'expérimentation devait être poursuivie durant l'année scolaire 2009-2010. Une nouvelle version, Multilab2, allait remplacer Edustar2. Elle était plus fiable et plus stable. Il fallait en évaluer la valeur ajoutée par rapport à la version précédente.

3. Par courriel du 21 octobre 2009 adressé au responsable du SEM, Kallysta a renouvelé une offre faite en 2007 et portant sur cent-vingt licences Kallylang à installer dans les établissements scolaires genevois pour un montant total de € 200'000.- HT. Chaque licence couvrait trente-deux postes au maximum et était dotée de l'option "Mise à jour mineure et majeure" pour une durée illimitée. L'offre était valable sans limite dans le temps, jusqu'à épuisement des cent-vingt licences. Le prix des six licences acquises et installées pour un montant de € 40'720.- HT venait en déduction de l'offre, de sorte qu'étaient disponibles cent-quatorze licences pour un montant de € 159'280.- HT.

4. Le même jour, le responsable du SEM a répondu au courriel précité. Dans le contexte actuel, soit l'absence de financement global et, en cas d'obtention de celui-ci, l'obligation légale de passer par un appel d'offres public, le SEM devait continuer à acquérir des licences isolées, dont le montant pourrait être déduit du montant forfaitaire proposé.

5. Le 15 mars 2010, la Centrale commune d’achats de l’Etat de Genève (ci-après : CCA) a publié dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : FAO) et le 17 mars 2010 dans le Journal officiel de l'Union européenne un appel d’offres en procédure ouverte sur le marché des fournitures portant sur l’acquisition d’un logiciel destiné à renouveler le fonctionnement des septante-quatre laboratoires de langues des établissements d’enseignement secondaire afin de remplacer le matériel existant. Aucun prix du marché estimé n’était formulé. Les conditions générales de participation étaient indiquées dans le dossier d’appel d’offres qui pouvait être obtenu auprès de la CCA.

6. L’appel d’offres était soumis à l’Accord sur les marchés publics du 15 avril 1994 (AMP - RS 0632.231.422), à l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05) et au règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01).

L'introduction précisait notamment que le logiciel devait pouvoir être installé sur le hardware existant, lequel ne faisait pas l'objet de l'appel d'offres. A la rentrée scolaire 2010, six classes environ devraient être équipées avec le logiciel recherché. Les autres salles de classe, soit une trentaine, comprenant chacune seize postes de travail (quinze postes « élève » et un poste « maître ») pour le cycle d'orientation et environ quarante-quatre, comprenant chacune vingt-six postes de travail (vingt-cinq postes élève et un poste maître) pour les établissements de l'enseignement post-obligatoire, seraient équipées avec ce logiciel entre janvier 2011 et août 2013. Toutefois, l'achat des licences relatives à l'exécution de cette seconde étape serait subordonné au vote par le Grand Conseil du projet de loi y relatif.

L’appel d’offres énonçait notamment :

les caractéristiques techniques du produit recherché (fonctionnalités, infrastructure, système d'exploitation, type de licence, format des fichiers utilisés et compatibilité) [ch. 2.1] ;

les prestations requises (installation, garantie, support et maintenance) [ch. 2.2] ;

l'exigence de formation des super-utilisateurs [ch. 2.3] ;

le contenu du prix qui devait en particulier comprendre un prix pour l'acquisition des licences qui seraient installées dans les classes pour la rentrée 2010 et un prix pour l'acquisition des licences relatives à l'utilisation du logiciel dans les classes où il serait déployé ultérieurement et de façon échelonnée, si le budget y relatif était voté. Il devait inclure la licence pour l'utilisation du logiciel et pour les prestations requises. Les soumissionnaires devaient en outre indiquer le prix du support et de la maintenance par année supplémentaire, après l'expiration du contrat de maintenance initial de cinq ans. Le prix de la formation devait être articulé séparément [ch. 3] ;

des indications concernant l'évaluation des offres. Celle-ci serait fondée sur l'analyse du descriptif du logiciel offert, sur le résultat de tests ainsi que les prestations proposées. La procédure d’évaluation était décrite dans les annexes 1 et 2 du document. L’autorité adjudicatrice évaluerait les fonctionnalités demandées en jouant des scénarios pédagogiques décrits dans l’annexe 2. Les tests auraient lieu dans les locaux du SEM où les soumissionnaires devraient installer leur logiciel respectif, celui-ci étant restitué à l'issue de l'opération.

Le marché serait attribué au soumissionnaire ayant déposé l’offre qui présentait le meilleur rapport qualité/prix, au regard des critères suivants, énoncés par ordre décroissant d’importance :

qualité de l’offre par rapport aux exigences du cahier des charges (logiciels et prestations proposées, résultats des tests, etc.) ;

prix de l’offre ;

qualité du soumissionnaire, notamment en matière de développement durable, selon les annexes 6 et 7.

Les variantes, les offres partielles et les offres communes n’étaient pas admises. En revanche, les soumissionnaires pouvaient faire appel à des sous-traitants pour autant qu’ils indiquent leur nom ainsi que la part de marché qui leur serait confiée et qu’ils prennent la responsabilité de leur travail envers la CCA.

Les offres complètes et répondant à toutes les exigences du dossier d'appel d'offres devaient parvenir à la CCA avant le 26 avril et 2010 à 12 heures. Diverses pièces attestant que les soumissionnaires étaient en règle vis-à-vis des autorités fiscales, respectaient les exigences en matière d’assurances sociales et de rémunération minimale, présentaient des garanties de solvabilité, de capacité techniques et organisationnelles et s’engageaient à respecter les principes du développement durable, étaient requises. Un émolument de CHF 100.- devait être acquitté.

Les soumissionnaires avaient la possibilité de poser des questions par télécopie. L'ensemble des questions et réponses ferait partie intégrante du dossier d'appel d'offres et devrait être pris en compte dans ces dernières.

Les soumissionnaires ne respectant pas les conditions définies dans les documents composant l'appel d'offres seraient éliminés.

7. Le 1er avril 2010, la CCA a transmis à tous les soumissionnaires un courrier contenant un récapitulatif des questions posées par certains d’entre eux à l’appel d’offres et les réponses de l'adjudicatrice.

L’une des interrogations des participants, consistait à savoir si les classes de laboratoires de langues comportaient un serveur par salle ou un serveur pour N salles et si le poste de l’enseignant était le serveur. L'adjudicatrice a répondu qu'il y avait un serveur pour N salles et, de plus, le poste de l’enseignant pouvait remplir cette fonction pendant l'utilisation du laboratoire de langues.

Les soumissionnaires ont demandé quelle était la capacité minimale des postes utilisateurs dans les salles de laboratoire de langues (CPU, mémoire, disque, réseaux). L'adjudicatrice a répondu qu'il s'agissait au minimum du matériel standard pédagogique 2009, en renvoyant au site ad hoc du SEM. A la même question concernant les serveurs dans les salles de laboratoire de langues, l'autorité adjudicatrice a indiqué qu'il n'y avait pas serveur dans ces salles mais uniquement le poste de l’enseignant qui était identique à ceux des élèves.

8. Le 23 avril 2010, la première soumission émanant de Glanzmann Informatique S.A. (ci-après : Glanzmann) a été réceptionnée. Le procès-verbal établi à cette occasion ne mentionnait pas d’heure de réception.

Six autres offres ont été déposées le 26 avril 2010 par les sociétés suivantes :

- Kallysta 10 h 17 ;

- Ageda à 10 h 30 ;

- Smile Suisse à 10 h 40 ;

- Blue Infinity à 11 h 15 ;

- Kyos à 11 h 45 ;

- Linalis à 11 h 50.

Le procès-verbal mentionnait les initiales de la personne qui avait réceptionné l’offre, mais ne comportait aucune indication de prix offert.

9. Le 27 avril 2010, les différents dossiers de soumission ont été ouverts et un procès-verbal d’ouverture établi pour chacune de ces opérations. Il comportait la mention de l'entité étatique représentée - CCA et SEM - ainsi que la signature de son représentant mais pas l'indication de son nom. Deux dossiers ont été éliminés à ce stade pour non respect de l'une ou l'autre des conditions. Tous, sauf Kallysta, comportaient une réserve relative au versement de l'émolument, qui devait encore être vérifié par l'autorité adjudicatrice.

Kallysta a proposé son logiciel Kallylang et Glanzmann un logiciel Multilab3-Vocalab3.

10. Après une première analyse de la conformité des offres reçues, cinq soumissionnaires ont finalement été retenus pour participer à la phase de tests annoncés dans le cahier des charges.

Le laboratoire de tests comprenait seize ordinateurs. Pour le domaine PC, il y avait douze HP8000 de 2010, deux HP7900 de 2009 et deux DellGX620 de 2006 pour les postes « élèves » et, à choix, un HP8000 de 2010 ou un HP7900 de 2009 pour le poste « maître ». Pour le domaine Macintosh, il y avait quatorze iMac 17'' Intel Dual Core de 2006, et deux iMac 20'' Intel Core 2 Duo de 2009 pour les postes « élèves » et un Imac 21.5'' Intel Core 2 Duo de 2010 pour le poste « maître ». A cet égard, Kallysta qui utilisait ce dernier domaine, a été informée en date du 30 avril 2010 par le technicien du SEM chargé de l'évaluation technique des caractéristiques du matériel utilisé pour les tests. Elle a alors attiré l'attention de ce dernier, par téléphone confirmé par courriel du 5 mai 2010, que la version actuelle du système d'exploitation sous lequel tournait son logiciel aurait du mal à fonctionner correctement sur les machines de 2006.

11. La phase d’évaluation s'est déroulée entre le 4 et le 25 mai 2010, les cinq logiciels testés étant désignés sous le nom de logiciels 1 à 5, sans mention de leur marque ou de référence à un soumissionnaire. Le compte-rendu donnait les résultats des tests d’évaluation pédagogique (évaluation ergonomique et d’efficience pédagogique) effectués par des enseignants et d’évaluation technique faits par le technicien du SEM sous la supervision du directeur de ce service. L'évaluation technique était basée sur la vérification des éléments figurant dans le cahier des charges de l'appel d'offres.

Les résultats de l'évaluation pédagogique étaient les suivants :

 

Logiciel 1

Logiciel 2

Logiciel 3

Logiciel 4

Logiciel 5

Ergonomie « en test »

3.33

5.33

5.92

4.42

4.29

Ergonomie « après »

3.67

5.58

6

4.63

5.17

Efficience pédagogique « en test »

5

5.5

6

4.17

4.21

Efficience pédagogique « après »

4

5.38

6

4.13

4.5

Moyenne

4

5.45

5.98

4.34

4.54

 

 

 

 

 

Les résultats de l'évaluation technique étaient les suivants :

Logiciel testé

Matériel

Fonctionnalités

Infrastructure

Compatibilité

Installation SAV

Note finale

Logiciel 1

6

5.25

5.25

1.5

5.25

5.10

Logiciel 2

6

4.45

5.25

6

6

5.52

Logiciel 3

6

5.76

6

5.25

6

5.70

Logiciel 4

6

4.74

6

3.75

6

4.95

Logiciel 5

6

4.50

6

3.75

6

4.88


Le logiciel de Kallysta était le n° 2. Dans les remarques et points particuliers, il était qualifié de performant. Néanmoins, il manquait un répertoire commun pour échanger les productions des élèves. Il était basé sur l'usage de deux outils distincts qui reposaient sur des logiques d'identification des utilisateurs différentes et entre lesquels l'enseignant devait constamment "jongler", ce qui n'était pas transparent, ni très aisé ou convivial. La pérennité de l'outil de gestion n'était pas garantie dans le cadre de l'appel d'offres.

Le logiciel de Glanzmann était le n° 3, jugé facile à appréhender, ayant une très bonne qualité sonore et fonctionnant de manière très stable. La topologie de la classe y était visible, ce qui facilitait la localisation des élèves par l'enseignant. Le produit était d'une utilisation souple. Il présentait une solution intégrée : un seul outil permettait de tout faire. Il avait été choisi à l'unanimité par les enseignants.

12. Par courrier recommandé du 4 juin 2010, distribué le 11 juin 2010, la CCA a informé Kallysta qu'après analyse des offres reçues et des résultats des tests, son offre avait été classée au deuxième rang et n’avait pas été retenue. Le marché avait été attribué à Glanzmann qui avait déposé l’offre économiquement la plus avantageuse au regard des critères d’adjudication définis. Les voie et délai de recours étaient mentionnés.

13. L'adjudication du marché a été publiée le 7 juin 2010 dans la FAO et sur la plateforme informatique SIMAP ainsi que le 8 juin 2010 dans le Journal officiel de l'Union européenne. Ces publications ne comportaient pas d'indication de prix et mentionnaient les voie et délai de recours avec un dies a quo au 15 mars 2010 (sic).

14. Le 11 juin 2010, Kallysta a sollicité de la CCA des renseignements sur la valeur de l’adjudication ou de l’offre la plus élevée et la plus basse qui avaient été formulées. Elle voulait en outre consulter le procès-verbal d’ouverture des offres et obtenir des informations sur les motifs pour lesquels son offre n'avait pas été retenue ainsi que sur les caractéristiques et avantages de l'offre de Glanzmann. Elle demandait enfin la communication de la décision d'accepter l'offre de Glanzmann, dès lors que cette société avait déjà conclu des contrats de prestation en lien avec l'objet de l'appel d'offre avec l'adjudicateur et que ce dernier devait indiquer dans les documents d'appel d'offres si ce prestataire pouvait en présenter une et pour quels motifs.

15. Par télécopie du 15 juin 2010, Kallysta a confirmé, à la suite d’un entretien téléphonique, le principe d’une réunion dans les locaux de la CCA le 16 juin 2010. Elle attirait l'attention de ses interlocuteurs sur le fait que les discussions et documents échangés durant cette réunion seraient consignés par écrit et annexés dans un procès-verbal. Celui-ci serait tenu lors de la réunion et par la suite adressé à la CCA afin d’être contresigné. Si cette dernière refusait de le faire, Kallysta serait en droit de considérer les propos et les documents échangés comme "n’ayant pas eu lieu" et, ainsi, qu’elle n’aurait pas reçu de réponses correspondant à ses demandes exprimées dans son courrier précité du 11 juin 2010. La CCA devait faire parvenir à Kallysta son aval sur ce qui venait d’être exposé.

16. Le même jour, la CCA répondu avoir pris note de l'accord de Kallysta pour participer à la réunion proposée. Ce rendez-vous avait pour but de donner de plus amples informations sur la classification de son offre et, par conséquent, sur les motivations de la décision du 4 juin 2010.

17. Le 16 juin 2010, se référant à la réunion du même jour, la CCA a écrit à Kallysta. Elle lui confirmait que Glanzmann fournissait en fait elle-même le logiciel proposé effectuait l’ensemble des prestations requises dans l’appel d’offres. L’adjudicataire revendait un produit développé par une société tierce qui était a considéré comme un fournisseur. Il ne s’agissait pas d’un cas de sous-traitance. Dès lors, Glanzmann n'avait pas à transmettre de pièces au titre de conditions de participation pour ce fournisseur.

18. Le 18 juin 2010, Kallysta a transmis à la CCA un procès-verbal sans signature de la réunion du 16 juin 2010, établi sur papier en-tête de son avocat. Le contenu de ce document sera détaillé ultérieurement en tant que besoin.

19. Le 21 juin 2010, la CCA a répondu à Kallysta. Elle s’était réunie avec cette dernière le 16 juin 2010 et à cette occasion, elle avait développé oralement et de manière approfondie les motivations de sa décision du 4 juin 2010, constatant que l’offre de Kallysta arrivait au deuxième rang. Un tableau récapitulant les notes obtenues par l’offre de Kallysta suite à son évaluation lui avait été remis, de même que le détail des prix de l’offre de Glanzmann et, toutes explications utiles concernant les motifs de l’adjudication du marché à Glanzmann avaient été données. Il n’avait jamais été convenu qu’un procès-verbal de la séance du 16 juin serait dressé. Dès lors, le document en question était un document interne à l’étude d’avocats mandatée par Kallysta et elle n’entendait pas se prononcer sur le contenu de celui-ci, ni l'approuver ou le signer.

20. Le 21 juin 2010, Kallysta a interjeté recours auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 4 juin 2010 qu’elle avait reçue le 11 juin 2010 à son adresse en France.

L'offre de Glanzmann devait être écartée. La décision d’adjudication devait également être annulée, après constatation de son illicéité. La cause devait être renvoyée à la CCA principalement pour nouvelles décisions sur la recevabilité de l'offre de Glanzmann et sur l'adjudication du marché. Subsidiairement, l'offre de Glanzmann devait être déclarée irrecevable et le marché lui être adjugé.

Préalablement, l’effet suspensif devait être restitué au recours. La CCA devait produire l’ensemble des documents d’appréciation de l’offre de Glanzmann et de celles des autres soumissionnaires.

La décision de retenir l'offre de Glanzmann et la décision d'adjudication étaient nulles car elles violaient les principes généraux du droit des marchés publics.

Les procès-verbaux d'ouverture des offres ne mentionnaient pas le nom des personnes présentes, ni les dates de réception ni le prix des offres. L'autorité adjudicatrice n'avait pas indiqué durant l'appel d'offres si un prestataire ayant déjà effectué une prestation préalable en lien avec le marché à adjuger - ce qui était le cas de Glanzmann, cocontractant du SEM pour la fourniture de logiciels de laboratoires de langues au titre des tests effectués entre 2007 et 2009 - pouvait présenter une offre et pour quels motifs. Par ailleurs, l'offre de Glanzmann pour la maintenance annuelle dès la sixième année de fonctionnement, qui équivalait à CHF 129, 60 par classe et par an, apparaissait anormalement basse et aurait dû faire l'objet d'une demande d'information de la part du SEM. Enfin, la publication et la notification de la décision d'adjudication étaient irrégulières. Elles ne mentionnaient pas la valeur de l'adjudication ni, à défaut, les offres respectivement la plus élevée et la plus basse, étant précisé que le prix d'achat du logiciel proposé par l'adjudicataire était deux fois et demi plus élevé que celui du logiciel Kallylang. Elles comportaient une indication erronée du délai de recours, qui était celui courant pour l'appel d'offres.

L'adjudicataire ne respectait pas les conditions générales de l'appel d'offres, ainsi que cela ressortait du procès-verbal d'ouverture de son offre. Il n'avait en outre pas déclaré l'existence d'un sous-traitant, à savoir la société Edu4, qui fabriquait le logiciel proposé par Glanzmann. L'adjudicateur n'avait pas attribué le marché à l'offre économiquement la plus avantageuse. A cet égard, il n'avait indiqué aucun élément concernant la pondération des critères d'adjudication dans l'appel d'offres, se contentant de les énumérer en ordre d'importance décroissante. Or, Kallysta avait appris lors de la réunion du 16 juin 2012 que le premier critère, soit la qualité, faisait l'objet d'une pondération de 70%. Cet élément, qui en faisait un critère quasi exclusif, ne pouvait être connu d'aucun candidat qui devait rechercher légitimement à soumettre une offre présentant le meilleur rapport qualité-prix. A supposer que cette pondération soit licite, elle aurait dû être indiquée expressément dans l'appel d'offres, l'information y figurant étant insuffisante, de sorte que la procédure d'évaluation était privée de toute transparence. Au vu des informations communiquées le 16 juin 2010, si l'offre de Glanzmann était du point de vue qualitatif la plus avantageuse, la sienne répondait indubitablement plus largement aux exigences de l'offre économiquement la plus avantageuse. Par ailleurs, le principe d'impartialité n'avait pas été respecté car le technicien du SEM qui avait participé aux tests d'évaluation et à l'exécution de l'évaluation technique des logiciels proposés par les soumissionnaires avait ainsi participé à l'organisation de l'appel d'offres et à la préparation de la décision d'adjudication. Or, ce technicien apparaissait sur le site internet du SEM comme la personne responsable de la résolution des problèmes techniques en relation avec l'utilisation du logiciel Edu4, en collaboration avec la société fournissant ce logiciel, soit Glanzmann. Le logiciel Edu4 correspondait à celui qui avait été développé sous le nom d'Edustar2 lors des tests de 2007-2009 et qui avait été proposé sous un autre nom par l’adjudicataire dans sa soumission. Ainsi, le technicien du SEM avait travaillé antérieurement en étroite collaboration avec Glanzmann et connaissait en détail son logiciel. Il ne pouvait donc être impartial. En outre, toujours le 16 juin 2012, le SEM avait justifié la note négative de l'évaluation technique du logiciel Kallylang, qui utilisait le système d'exploitation Apple MacOs, par le lien existant avec le logiciel QuickTime pour la lecture des fichiers audio, ajoutant que ce dernier ne constituait pas un logiciel standard du marché et que son évolution ne dépendait pas de Kallysta. Toutefois, le logiciel de l'adjudicataire utilisait pour la lecture des fichiers audio le programme Windows Media Player, dont l'évolution ne dépendait pas d'elle non plus et qui ne constituait un standard du marché que pour les utilisateurs de PC fonctionnant avec le système d'exploitation Microsoft Windows. En réalité, le reproche adressé à Kallysta revenait à avoir présenté une offre impliquant l'utilisation de Mac OS, ce qui violait les principes de non-discrimination et d'égalité de traitement. Ce dernier principe avait également été violé lorsque l’autorité adjudicatrice lui avait reproché d'avoir considéré le poste du maître comme un serveur, prétendant à tort que cela n'était pas conforme à l'appel d'offres. Or, la liste des questions-réponses communiquée le 1er avril 2010, qui faisait partie intégrante de l'appel d'offres, mentionnait cette possibilité.

21. Le 24 juin 2010, la chambre administrative a ordonné l’appel en cause de Glanzmann et a invité les parties à se déterminer jusqu'au 12 juillet 2010 sur la demande de restitution d'effet suspensif au recours et jusqu'au 30 juillet 2010 sur le fond.

22. En date du 9 juillet 2010, Glanzmann a renoncé à se déterminer sur la demande de restitution de l’effet suspensif.

23. Le 12 juillet 2010, la CCA a conclu au rejet de demande de restitution de l’effet suspensif, en anticipant largement sa réponse au fond dans son argumentation.

Une telle décision porterait atteinte à la qualité de l’enseignement des langues et aux intérêts financiers de l’Etat, la durée de l'offre de l'adjudicataire étant limitée à six mois. Le logiciel choisi devait être installé dans les six premières classes avant la rentrée scolaire 2010 l'ancien matériel, en partie hors d'usage, ayant été démonté. Le recours de Kallysta était dépourvu de toute chance de succès et cette dernière ne pouvait se prévaloir d’aucun intérêt privé prépondérant pour bloquer l’exécution du marché.

La procédure d’appel d’offre s’était déroulée conformément à la règlementation sur les marchés publics.

La rédaction des documents d'appel d'offres et l'exécution de tests avaient été effectuées sans aide extérieure. Dès lors, la question de l'acceptation d'un éventuel soumissionnaire impliqué antérieurement ne se posait pas. Le fait que tant Glanzmann que Kallysta avaient fourni des logiciels dans le cadre de tests effectués entre 2007 et 2009 n’en faisaient pas pour autant des soumissionnaires pré-impliqués. Elle n’avait donc aucune raison d’indiquer dans l'appel d'offres si le prestataire qui avait effectué une prestation préalable en lien avec le marché pouvait présenter une offre.

La réception des offres avait fait l’objet d’un procès-verbal de réception proprement dite, mentionnant l’heure d’arrivée de chaque offre, et d’un autre procès-verbal d’ouverture. Les personnes présentes étaient mentionnées soit par leur signature, soit par leurs initiales et l’indication du service auquel elles étaient rattachées. L'offre de l'adjudicataire répondait à toutes les exigences de forme, le seul point à vérifier étant le paiement de l'émolument, qui s'était avéré avoir été réglé en temps utile. Vu la complexité de la structure du prix déterminant - soit sept prix subdivisés en trois catégories dont les notes faisaient l’objet d’une moyenne pondérée - ledit prix ne pouvait être indiqué de manière significative dans ces procès-verbaux.

Chaque soumissionnaire avait calculé ses prix de manière différente, certains, comme Kallysta, ayant proposé un prix très bas pour les licences et la maintenance pendant les cinq premières années, compensé par un prix de maintenance plus élevé pour les années suivantes, tandis que d'autres, telle Glanzmann, avaient proposé un prix de licence et de maintenance plus élevé pour les premiers cinq ans avec un prix de maintenance ultérieur bas. Toutes les offres étaient conformes à une pratique commerciale normale. Il avait donc été inutile de solliciter des explications au titre d'offre anormalement basse.

Trois critères avec des taux de pondération différents avaient été pris en considération pour évaluer les offres : la qualité de l’offre (70%), le prix (20%) et la qualité du soumissionnaire, notamment en matière de développement durable (10%). La qualité de l’offre était divisée en un critère pédagogique (70%) et un critère technique (30%). Pour apprécier le critère du prix, la CCA avait tenu compte du prix de l’installation du logiciel (65%), de la maintenance annuelle dès la 6ème année (30%) et de la formation nécessaire pour la totalité du projet (5%). Au vu de ces différentes composantes, il n’avait pas été possible de publier le prix de manière significative pour le lecteur, ce qui avait été expliqué à Kallysta lors de la réunion du 16 juin.

La CCA disposait d’un large pouvoir de décision quant au choix des critères d’adjudication et de leur pondération. Cette dernière ne devait pas nécessairement figurer dans l’appel d’offres. L’offre économiquement la plus avantageuse n'était pas obligatoirement celle dont le prix était le plus bas mais celle dont le rapport qualité/prix était le meilleur au regard des critères d'adjudication retenus. Dans le cas particulier, s'agissant d'un outil destiné à être utilisé de nombreuses années dans les écoles secondaires, le critère de choix le plus important était la qualité du logiciel au niveau pédagogique.

Le logiciel Multilab 3-Vocalab3 proposé par Glanzmann avait obtenu une meilleure note pour ce critère que le logiciel de Kallysta. Les enseignants qui avaient procédé aux tests pédagogiques n'avaient trouvé aucun point négatif pour Edu4. En revanche, Kallylang était composé de deux outils distincts, ce qui en rendait l'utilisation complexe et malaisée.

Au niveau technique, la note du logiciel de Kallysta avait été influencée par le fait qu'en cas d'exportation des données vers un poste privé pour du travail à domicile, le produit de cette dernière présentait la contrainte de ne pouvoir fonctionner que si l'outil QuickTime était installé sur le poste privé. Le dossier d'appel d'offres exigeait pourtant que les données exportées puissent être utilisées sans traitement particulier. L'outil Media Player n'était en revanche pas nécessaire à l'exportation des données dans la solution proposée par Glanzmann. En outre, le logiciel Kallylang ne comportait pas de système de sauvegarde automatique sur un serveur, contrairement à ce qui résultait du cahier des charges de l'appel d'offres.

Pour l'évaluation de la qualité de l'entreprise en matière de développement durable, qui comportait une composante environnementale et une composante sociale, Kallysta n'avait pas reçu de point pour la seconde car elle n'avait pas signé de code de conduite, de charte éthique ou de document équivalent relatif à ses fournisseurs.

Les logiciels proposés par les soumissionnaires avaient été testés sur des machines de 2006, 2009 et 2010 en fonction de la disponibilité du matériel. Cette information n’était pas connue au moment de la rédaction de l’appel d’offres, mais avait été communiquée à chaque soumissionnaire par avance. Les tests de Kallysta s'étaient déroulés sans encombre.

Le cahier des charges du technicien qui avait procédé aux tests comportait notamment le conseil en matière d'équipement audiovisuel et l'évaluation d'équipements nouveaux en vue de leur utilisation dans les écoles. A ce titre, il intervenait pour tous types de problèmes et quel que soit le produit utilisé. Il avait des contacts avec toutes les sociétés travaillant avec l'Etat dans le domaine des laboratoires de langues. Cela ne le rendait pas partial dans la gestion des tests liés à l'appel d'offre, dont le protocole excluait quasiment au demeurant la subjectivité de l'appréciateur.

Le contrat serait exécuté par Glanzmann et non par Edu4. Glanzmann allait accorder à l'autorité adjudicatrice des licences pour l’utilisation du logiciel conçu par une société tierce qui n’était pas son sous-traitant mais un fabricant de logiciels. Si ce dernier devait tomber en faillite, Glanzmann conserverait les droits sur le logiciel.

La mention erronée du dies a quo du délai de recours indiquée dans les publications officielles pouvait facilement être décelée par tout lecteur attentif et par le conseil de Kallysta. Les décisions notifiées aux soumissionnaires indiquaient les dates exactes. Cette légère informalité avait été sans conséquence sur la validité de la publication et Kallysta n’en n’avait subi aucun préjudice.

Les indications susmentionnées relatives à la valeur de l'offre adjugée et les composantes du prix, aux procès-verbaux de réception et d'ouverture des offres, à la question de l'acceptation d'un éventuel soumissionnaire pré-impliqué, aux motifs de l'adjudication à Glanzmann et au classement de l'offre de Kallysta avaient été données à cette dernière, accompagnées de documents, lors de la réunion du 16 juin 2010.

24. En date du 16 juillet 2010, Glanzmann a conclu à la confirmation de la décision d’adjudication du 4 juin 2010.

Le dossier d'offre expédié le 22 avril 2010 à la CCA était complet. Il ressortait des mentions sur le procès-verbal d'ouverture que l'autorité adjudicatrice réservait la vérification du paiement de l'émolument, intervenu en temps utile.

Le prix des offres, les dates de réception ainsi que le nom des personnes présentes étaient facilement constatables dans les offres elles-mêmes et dans le dossier. La règle selon laquelle ces éléments devaient figurer sur le procès-verbal était une règle d’ordre et son non-respect ne saurait remettre en cause l’adjudication.

L'offre économiquement la plus avantageuse n'était pas obligatoirement celle dont le prix était le plus bas. Différents critères autre que le prix pouvaient entrer en considération et des facteurs de pondération pouvaient être utilisés. L’adjudicateur pouvait lui-même fixer le mode de pondération des différents critères sous réserve d’un abus du pouvoir d’appréciation. Une pondération du prix de 20% était acceptable. L’appel d’offres avait énoncé les critères retenus par ordre d'importance décroissant. La communication préalable de la pondération des critères n’était pas obligatoire.

Le logiciel Kallylang proposé dans le cadre de l’appel d’offres était le même que celui qui avait été utilisé durant la phase d’expérimentation. Les différences entre le logiciel Multilab3-Vocalab3 objet de l’adjudication et le logiciel utilisé durant la phase d’expérimentation étaient importantes.

La personne en charge de l’évaluation technique était responsable de tous les laboratoires de langues du canton et intervenait sur tous les logiciels utilisés dans le cadre de l’enseignement secondaire. Elle ne connaissait pas le nouveau logiciel Multilab3-Vocalab3, objet de l’adjudication étant donné qu’il n’avait jamais été utilisé.

Ce logiciel, à l'instar de Kallylang, avait été testé sur du matériel ancien.

Glanzmann n’avait recours à aucun sous-traitant, raison pour laquelle elle n’avait pas déclaré leur existence. La relation entre Glanzmann et le fabricant du logiciel relevait du contrat de vente. Glanzmann vendait le logiciel Multilab3-Vocalab3 en Suisse romande selon un contrat de distribution et était en mesure d’assurer la maintenance de ce logiciel. Au moment où elle avait déposé sa soumission, elle était déjà en possession du produit qu'elle entendait livrer. Cela étant, Kallysta n’avait pas fourni d'indication sur le développement de ses propres logiciels, alors que Monsieur Sheen Vempeny, domicilié en Inde, se présentait sur Internet comme "Mac Developer at Kallysta".

Le prix de la maintenance était réaliste. Il ne concernait pas le prix de la maintenance durant les cinq ans après la livraison des logiciels, inclus dans le prix de ces derniers, mais uniquement les interventions au-delà de cette période. Un logiciel de cet âge était quasi exempt d'erreurs, les corrections à apporter étant dues principalement aux mises à jour du système d'exploitation. Les logiciels étant vendus à large échelle, leurs coûts de maintenance étaient réduits d’autant.

25. En date du 26 juillet 2010, la présidente de la juridiction de céans a refusé de restituer l’effet suspensif au recours (ATA/491/2010).

L’installation des logiciels de langues devait intervenir avant la rentrée scolaire 2010. Un retard perturberait l’ensemble de l’organisation scolaire. Les élèves devaient pouvoir bénéficier d’un enseignement de qualité. L’intérêt public était supérieur à l’intérêt privé de Kallysta, qui consistait à se voir attribuer le marché.

Les chances de succès du recours étaient incertaines. Certains griefs de Kallysta résultaient de ses propres conjectures et n’étaient fondées sur aucun document précis ou déterminant. D'autres, de nature formelle, n'avaient entraîné aucun préjudice pour elle.

A ce stade de la procédure, Kallysta contestait la façon dont elle et Glanzmann avaient été évaluées sans démontrer d'entrée de cause à quoi pouvait conduire cette contestation, le marché n’était pas attribué à sa concurrente.

26. Le 30 juillet 2010, la CCA a conclu à la confirmation de la décision d’adjudication en faveur de Glanzmann, en se référant pour l'essentiel à son écriture du 12 juillet 2010.

Kallysta aurait dû faire valoir ses griefs concernant l’appel d’offres dès réception de ce dernier, et non attendre la décision finale d’adjudication.

Les règles de procédure concernant la forme et le contenu des procès-verbaux d’ouverture des offres étaient des règles d’ordre dont l'éventuelle violation ne pouvait entraîner l'annulation de la décision d’adjudication.

Les logiciels qui avaient été testés entre 2007 et 2009 n’étaient pas les mêmes que ceux qui avaient été présentés dans le cadre de l’appel d’offres. Les tests effectués durant la phase d’expérimentation visaient uniquement à analyser les logiciels sur le plan technique et pédagogique. Le rapport établi à l’issue de ces tests était intermédiaire. Durant les tests relatifs à l’appel d’offre la CCA avait aussi tenu compte des aspects financiers et de la formation des utilisateurs.

L’aspect technique des offres avait été évalué par un technicien dont c'était la fonction selon un protocole précis sans appréciation subjective. Son travail avait été effectué sous le contrôle du directeur adjoint du SEM, qui avait rédigé le rapport général sur les tests. Les connaissances du technicien du logiciel Edustar2 dans le cadre de la phase d’expérimentation ne portaient aucune atteinte à son impartialité lors des tests du logiciel Muiltlab3-Vocalab3.

Kallysta avait rédigé le procès-verbal de la réunion du 16 juin 2010 de sa propre initiative, sans l’accord de la CCA. Ce document n’avait aucune force probante.

27. Le 30 juillet 2010 également, Kallysta a sollicité l’autorisation de répliquer, ce qu’elle a obtenu pour le 31 août 2010.

28. Dans le délai fixé, Kallysta a persisté dans ses conclusions, le contrat éventuellement signé entre la CCA et Glanzmann devait être annulé et déclaré illicite.

Elle reprenait en substance l’argumentation présentée dans le cadre de son recours.

Si la force probante du procès-verbal qu’elle avait dressé lors de la réunion du 16 juin 2010 était contestée, elle serait alors en droit de considérer qu'elle n'avait pas reçu toutes les réponses aux questions posées dans son courrier du 11 juin 2010.

Il était douteux que le logiciel Multilab3-Vocalab3, à supposer qu'il existe puisqu'il n'apparaissait pas sur le site internet du fabricant, ne soit pas similaire au logiciel mis à disposition par Glanzmann pour la période d'expérimentation 2007-2009.

Lors des tests effectués dans le cadre de l’appel d’offre, Kallysta avait plus de machines obsolètes que Glanzmann, ce qui avait gêné les tests de son logiciel.

Le fait que la CCA n’avait pas précisé quel système d’exploitation devait être utilisé dans son offre démontrait la mauvaise rédaction et l’incohérence du dossier. En considérant que l’offre de Kallysta ne comportait pas de système de sauvegarde automatique alors qu’elle disposait d’un tel système sur le poste de chaque maître, la CCA avait violé l’appel d’offres.

M. Vempeny travaillait directement pour Kallysta en qualité de développeur de nouveau projet en relation avec l'utilisation de Macintosh. Cela n'en faisait pas le détenteur des sources des logiciels développés ensuite par Kallysta. Sa situation n'était pas comparable à celle d'un sous-traitant.

Les exigences de l'adjudicatrice en matière de développement durable n'étaient pas adaptées à sa situation de conceptrice et fabricante de ses propres logiciels, puisqu’elle ne disposait d'aucun fournisseur ou sous-traitant. Elle devait dès lors être considérée comme ayant respecté ces exigences.

Chaque appel d’offre contenait plusieurs composantes de prix. Ceci ne justifiait toutefois pas l’absence d’indication à ce sujet sur les publications et les notifications. La CCA avait violé son pouvoir d’appréciation en adoptant une pondération limitant l’importance du critère du prix. Le manque d’indications relatives au prix de l’offre de Glanzmann permettait de penser que celui-ci avait été modifié en cours de procédure. Le prix de maintenance avancé par Glanzmann était irréaliste. La CCA aurait dû exiger des justifications à ce sujet. Les activités relatives aux correctifs et aux mises à jour seront assurées par Edu4, le sous-traitant de Glanzmann.

Même si la CCA avait conclu le contrat avec Glanzmann, elle n’était pas en mesure de l’exécuter, vu qu’il ne serait pas possible de déployer le dispositif prévu par le projet de loi avant 2012.

La décision de sélection de Glanzmann devait donc être annulée et l’offre adjugée à Kallysta, qui avait obtenu la deuxième meilleure note globale.

29. Le 24 septembre 2010, la CCA a informé la chambre administrative qu’elle avait conclu le contrat de licence et de maintenance concernant le logiciel Multilab3/Vocalab3 avec Glanzmann par passation de commandes le 23 août 2010.

30. Le 5 octobre 2010, le juge délégué a transmis cette information à Kallysta en lui demandant si elle maintenait son recours et, dans l'affirmative, de chiffrer, justificatifs à l'appui, ses prétentions en réparation du dommage allégué.

31. Le 15 octobre 2010, la CCA a dupliqué.

Le logiciel Multilab3-Vocalab3 proposé par Glanzmann comportait des différences significatives par rapports aux précédents logiciels proposés par cette société.

Les expérimentations faites entre 2007 et 2009 étaient différentes des tests effectués dans le cadre de l’appel d’offres. Ces derniers portaient sur les logiciels et non sur le matériel qui les faisait fonctionner. Le type et l’année de fabrication des machines utilisées n’influençaient pas le résultat des tests.

Selon le contrat de distribution conclu entre le fabricant du logiciel Multilab3-Vocalab3 et Glanzmann, cette dernière avait le droit de vendre les produits de celui-ci en Suisse romande. La CCA avait conclu un contrat de licence, de vente et de maintenance avec Glanzmann portant sur la licence d’utilisation du logiciel en question et de ses mises à jour ultérieures. Glanzmann prendrait les mesures utiles pour assurer ses obligations contractuelles vis-à-vis de la CCA.

La CCA avait passé les premières commandes de licence sur le logiciel Multilab3-Vocalab3 pour des bâtiments d’enseignement nouvellement aménagés. Les autres commandes seraient exécutées dès l’approbation des budgets par le Grand Conseil.

Le cahier des charges de l’appel d’offre était clair et compréhensible. L’offre de Kallysta ne correspondait pas aux exigences indiquées.

Les notes avaient été attribuées en fonction de la qualité des produits offerts. La notation appartenait au strict pouvoir d’appréciation de la CCA et était soustraite au pouvoir d’appréciation de la chambre administrative. Kallysta n’avait pas prouvé d’abus du pouvoir d’appréciation. Suite à la conclusion du contrat entre la CCA et Glanzmann, la mission de la chambre administrative consistait à statuer sur le caractère licite de la décision.

32. En date du 18 octobre 2010, Glanzmann a persisté dans son argumentation et ses conclusions.

Le logiciel Multilab3-Vocalab3 objet de l’adjudication était un nouveau logiciel et non une simple évolution des logiciels précédents. Le fabricant n’avait pas encore fait de publicité pour ce logiciel afin d’éviter de dévoiler à ses concurrents ses produits avant que ceux-ci soient opérationnels sur plusieurs sites. Le prix de la maintenance à partir de la sixième année correspondait à une moyenne de CHF 130.- /heure par classe, étant précisé qu'une intervention bénéficierait à plusieurs classes.

S'agissant de M. Vempeny, soit il était employé de Kallysta et alors il n'avait pas été mentionnée comme il aurait dû l'être dans l'offre de celle-ci. Soit il travaillait comme mandataire externe et il avait le statut de sous-traitant, non annoncé par l'intéressée.

33. Le 29 octobre 2010, répondant à la demande du juge délégué du 5 octobre 2010, Kallysta a indiqué persister dans son recours.

En réalité, la CCA n'avait acheté que six licences pour six classes. Elle ne pouvait acquérir les septante-quatre autres licences tant que le Grand Conseil n'avait pas voté le projet de loi y relatif. Les conclusions du recours demeuraient donc d'actualité pour celles-ci.

Quant au dommage subi, il ne pourrait être évalué en totalité qu'une fois la décision rendue au fond. Ses droits devaient être réservés à cet égard. Provisoirement, ce dommage était estimé à CHF 61'517,39.

34. Le 23 novembre 2010, la chambre administrative a renvoyé à Kallysta une écriture spontanée du 17 novembre 2010.

35. Le 29 novembre 2010, la CCA s'est déterminée sur l'argumentation de Kallysta du 29 octobre 2010.

Elle avait précisé dans l’appel d’offres que six laboratoires seraient équipés pour la rentrée scolaire 2010 et que les autres seraient installés ultérieurement pour autant que le Grand Conseil alloue les crédits nécessaires.

La confirmation de la commande par la CCA à Glanzmann constituait un contrat portant sur l’ensemble des logiciels. Son exécution serait échelonnée dans le temps. Il était erroné de considérer que chaque livraison constituait un contrat en soi.

Si la décision d’adjudication devait être déclarée illicite, les dommages-intérêts accordés à Kallysta se limiteraient aux dépenses de procédure. Les prétentions de Kallysta étaient irréalistes.

36. Le 30 novembre 2010, Glanzmann a renoncé à prendre position sur le courrier de Kallysta du 29 octobre 2010.

37. Le 8 décembre 2010, la chambre administrative a indiqué aux parties que l’instruction de la cause était terminée, et accordé un délai à Kallysta pour formuler toute requête complémentaire. Passé cette date, la cause serait gardée à juger en l’état du dossier.

38. Le 10 janvier 2011, Kallysta a présenté ses observations.

La conclusion des contrats par la CCA était intervenue alors que la présente procédure était pendante.

La pratique de ne pas attribuer le marché à l’offre économiquement la plus avantageuse était contraire au droit des marchés publics, à l’intérêt des finances publiques et décourageait les partenaires existants et potentiels de l’Etat de Genève.

39. Le 12 janvier 2011, la CCA a sollicité l’octroi d’un délai pour se déterminer.

40. En date du 13 janvier 2011 la chambre administrative a refusé d’accorder un délai supplémentaire à la CCA. La chambre de céans disposait de suffisamment d’éléments pour statuer.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative de la Cour de justice, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

2. Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

3. Dès lors qu’il concerne des prestations de services et qu’il a une valeur estimée supérieure à CHF 383’000.-, valeur-seuil applicable à la date de l’appel d’offres, le marché public offert est soumis à l’Accord GATT/OMC du 15 avril 1994 sur les marchés publics (AMP - RS 0632.231.422), l’AIMP, à la loi autorisant le Conseil d’Etat à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP - L 6 05.0) ainsi qu’au RMP.

4. a. Une décision d’adjudication peut faire l’objet d’un recours (art. 15 al. 1bis AIMP ; art. 55 let. e RMP). L’adjudicataire évincé a qualité pour recourir contre une décision d’adjudication, dès lors qu’il est touché personnellement et directement par cette décision (art. 60 let. a LPA).

b. Outre la décision d'adjudication, est également sujette à recours l'appel d'offres (art. 15 al. 1bis let a AIMP).

Conformément à la jurisprudence, les griefs sur ce point ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d’un recours dirigé contre la décision d’adjudication (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.47/2004 du 6 avril 2004 ; ATA/677/2005 du 12 octobre 2005). Le Tribunal fédéral a en outre déjà jugé qu’il était admissible d’exiger des candidats qu’ils contestent immédiatement les documents d’appels d’offres prétendument incomplets ou entachés d’autres vices de forme lors de la procédure d’appel d’offres déjà et non dans le cadre d’un recours dirigé contre la décision d’adjudication (cf. ATF 130 I 241 consid 4.2 ; 129 I 313 consid. 6.2 ; 125 I 203).

5. Selon l’art. 18 al. 2 AIMP, lorsque le contrat est déjà conclu l’autorité qui admet le recours ne peut que constater le caractère illicite de la décision. Dans une telle situation, une issue favorable dudit recours ouvre le droit à une indemnisation pour le soumissionnaire lésé (ATF 125 II 86, consid. 5 b p. 96).

En tant que soumissionnaire évincée, la recourante conserve également un intérêt actuel à recourir contre la décision d’adjudication au sens de l’art. 60 let. b LPA (ATA/681/2010 du 5 octobre 2010).

6. Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, à l’exception du grief d’inopportunité (art. 16 al. 1 et 2 AIMP ; art. 61 al. 1 et 2 LPA).

7. Selon les art. 15 al. 1 et 2 AIMP, 3 al. 1 L-AIMP et 56 RMP, le recours est adressé à la chambre administrative dans les 10 jours dès la notification de la décision.

a. La décision d'adjudication querellée a été distribuée à la recourante le 11 juin 2010.

Interjeté le 21 juin 2010 devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable de ce point de vue.

b. L'appel d'offres a été publié le 15 mars 2010. Le délai de recours contre ce dernier venait à échéance le 25 mars 2010.

En tant qu'elle fait grief à l'intimée de ne pas avoir mentionné dans l'appel d'offres la pondération des critères d'évaluation, ni indiqué dans quelle mesure et pour quels motifs un prestataire ayant effectué une prestation préalable en lien avec le marché à adjuger pouvait présenter une offre, la recourante a agi tardivement, son recours étant dès lors irrecevable sur ce point.

Il en va de même des critiques adressées quant aux exigences en matière de développement durable, la recourante ne s'étant plainte qu'au stade du recours de ce qu'elles n'auraient pas été adaptées à sa situation.

8. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C.58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A.15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C.424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C.514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

En l’espèce, la recourante a demandé à ce que l'intimée soit invitée à produire les dossiers des offres et des évaluations de l'appelée en cause et des autres soumissionnaires retenus. L’adjudicataire sollicite quant à elle que la recourante produise le contrat de travail et des attestations d’assurances sociales françaises relatives à son développeur de nouveaux projets. Ces documents n’étant pas pertinents quant à l’issue du litige, la chambre administrative renoncera à en requérir l'apport.

9. La recourante se plaint de l’indication erronée du dies a quo du délai de recours contre l’adjudication dans les publications officielles.

Dites publications des 7 et 8 juin 2010 indiquent que le délai de recours court dès le 15 mars 2010, ce qui est manifestement erroné, de sorte que la notification est irrégulière. Aux termes de l’art. 47 LPA, une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties.

En l’espèce, la recourante, à laquelle une décision formelle comportant l'indication exacte des voies et délai de recours a été par ailleurs notifiée, a en tout état pu s’adresser en temps utile à l’autorité compétente, de sorte qu’elle n’a subi aucun préjudice en raison de cette informalité. Ce grief doit par conséquent être rejeté.

10. Selon l'art. 52 al. 2 RMP, si la décision d'adjudication a été notifiée par courrier, l'autorité adjudicatrice fait paraître, dans la FAO, 72 jours au plus tard après la notification de l'adjudication, un avis d'adjudication indiquant :

a) le nom et l'adresse de l'autorité adjudicatrice ;

b) le type de procédure ;

c) l'objet et l'importance du marché ;

d) le nom et l'adresse de l'adjudicataire ;

e) le montant de l'adjudication ou le montant de l'offre la plus élevée et la plus basse dont il a été tenu compte dans la procédure d'adjudication ;

f) la date de l'adjudication.

Cette disposition reprend la substance de l'art. 18 al. 1 AMP.

En l'espèce, l'intimée n'a pas indiqué dans la publication le montant de l'adjudication ou ceux de l'offre la plus élevée et la plus basse, sans la moindre mention explicative à cet égard. La publication n'est ainsi, de ce point de vue, pas conforme aux exigences susmentionnées. A rigueur de texte, ces dernières se rapportent toutefois à un avis d'adjudication, qui peut intervenir plus de deux mois après la notification de la décision d'adjudication et à cette dernière elle-même. En tant que soumissionnaire écartée, la recourante a reçu notification de la décision d'adjudication et a pu faire valoir ses droits en temps utile. En particulier, elle a pu obtenir les indications relatives à la valeur de l'adjudication et n'a subi aucune atteinte à ses intérêts juridiques ou économiques du fait que la publication de l'avis en cause était incomplet. Ses griefs ne peuvent ainsi qu'être écartés.

11. Le marché porte sur l’acquisition d’un logiciel destiné à équiper les laboratoires de langues de l’enseignement secondaire, et il ressort de l’appel d’offre que l’équipement des salles de classe se fera de manière échelonnée entre la rentrée scolaire 2010 et la fin de l’année scolaire 2013, l’achat des licences dès janvier 2011 pour son exécution étant subordonné au vote du projet de loi y relatif par le Grand Conseil.

Le fait que le marché soit échelonné pour des raisons de contrainte budgétaire n’emporte pas que chaque acte d’exécution doive être considéré comme marché distinct. Une telle solution reviendrait à scinder a posteriori artificiellement un marché, avec le risque que l'on doive constater que tout ou partie des tranches aurait dû échapper, en raison de son montant, à la réglementation en matière de marchés publics.

12. La législation en matière de marchés publics est fondée sur les principes énoncés à l’art. 1 AIMP. Il s’agit notamment d’assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires, de garantir l’égalité de traitement à l’ensemble de ceux-ci, l’impartialité de l’adjudication ainsi que la transparence des marchés publics et, finalement, de permettre une utilisation parcimonieuse des deniers publics.

En particulier, le respect de l’égalité de traitement entre soumissionnaires (art. 1 al. 2 let. b et 11 let. a AIMP ; art. 16 RMP) oblige l’autorité adjudicatrice à traiter de manière égale les soumissionnaires pendant tout le déroulement formel de la procédure (ATA/884/2004 du 26 octobre 2004 ; J.-B. ZUFFEREY / C. MAILLARD / N. MICHEL, Droit des marchés publics, 2002, p. 109 ; B. BOVAY, La non discrimination en droit des marchés publics in RDAF 2004, p. 241). La chambre administrative a déjà eu l’occasion de rappeler le caractère formaliste du droit des marchés publics qu’impose le respect de ce principe (ATA/150/2009 du 14 mars 2009 ; ATA/10/2009 du 13 janvier 2009).

13. Selon l’art. 19 RMP, les personnes appelées à préparer ou à rendre une décision en matière de marchés publics doivent se récuser aux conditions de l’art. 15 LPA.

a. Dans sa teneur en vigueur au moment des faits, l'al. 2 de cette disposition prévoyait que les membres des autorités administratives appelés à rendre ou à préparer une décision devaient se récuser :

a) s'ils ont un intérêt personnel dans l'affaire ;

b) s'ils sont parents ou alliés d'une partie en ligne directe ou jusqu'au quatrième degré inclusivement, en ligne collatérale ou s'ils sont unis par mariage, fiançailles, partenariat enregistré, ou mènent de fait une vie de couple avec elle ;

c) s'ils représentent une partie ou ont agi pour une partie dans la même affaire ;

d) s'il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité.

La demande de récusation doit être présentée sans délai à l'autorité (art. 15 al. 3 aLPA).

b. Les principes dégagés par la jurisprudence relative à la récusation des juges sont pertinents mutatis mutandis pour les membres des autorités administratives quand bien même l’admission de causes de récusation concernant ces derniers doit être envisagée de manière plus restrictive (ATF 137 II 431 consid. 5.2). La garantie d'impartialité tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer la décision en faveur ou au détriment d’une partie. Elle n’impose pas la récusation seulement lorsqu’une prévention effective est établie, car les dispositions internes d'un individu ne peuvent guère être prouvées ; il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération (ATF 131 I 24 consid. 1.1 p. 25 ; 128 V 82 consid. 2a p. 84 ; 127 I 196 consid. 2b p. 198 ; 126 I 168 consid. 2a p. 169 et la jurisprudence citée dans ces arrêts). La récusation doit demeurer l’exception (ATF 116 Ia 14 consid. 4 p. 19). Un risque de prévention ne doit dès lors pas être admis trop facilement, mais doit se justifier par des motifs particulièrement importants (ATF 122 II 471 consid. 3b p. 477 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.267/2006 du 17 juillet 2006 consid. 2.1). L’administré doit, selon le principe de la bonne foi, dénoncer rapidement une cause de récusation (ATF 136 I 207 consid. 3.4 et les références citées).

c. Appliquée en matière de marché public, l’obligation de se récuser concerne non seulement celui qui rend lui-même la décision ou qui y prend part, mais aussi toutes les personnes qui contribuent à l’élaborer (J.-B. ZUFFEREY, P. GAUCH, P. TERCIER, op. cit, p. 262-263).

En l’espèce, le technicien du SEM qui a procédé à l’évaluation technique des logiciels, selon un protocole précis, n'a fait que remplir son cahier des charges. Ses fonctions consistant, entre autres, à tester les équipements audiovisuels et à en assurer la maintenance en collaboration avec les partenaires externes, dont les fournisseurs et fabricants, il est normal qu'il ait des contacts avec ces derniers. La recourante, qui n'ignorait pas quelle était la fonction de l'intéressé, a eu des contacts avec celui-ci fin avril-début mai 2010 dans le cadre de la préparation des tests d'évaluation des logiciels en concurrence. C'est donc au plus tard à cette période qu'elle a su qu'il était impliqué dans l'évaluation. Toutefois, elle n'a émis aucune objection à sa participation. Faute d'avoir réagi sans délai, comme l'exige l'art. 15 al. 3 LPA, elle ne peut plus se prévaloir de la récusation dans le cadre d'un recours déposé le 12 juin 2010. Son grief est ainsi irrecevable.

14. Dans le cadre d'une procédure ouverte, un procès-verbal est établi à l'ouverture des offres. Il contient notamment le nom des personnes présentes, le nom des soumissionnaires, les dates de réception et les prix des offres (art. 38 al. 2 RMP).

En l'espèce, un procès-verbal de réception et un procès-verbal d'ouverture des offres ont été établis. Le premier mentionne les dates et heures auxquelles les dossiers d'offres sont parvenus en mains de l'adjudicatrice. Le second indique le nom des soumissionnaires. Il comporte l'indication des entités présentes et la signature de leurs représentants respectifs, de sorte que les personnes présentes sont identifiables, même s'il eût été plus expédient de mentionner de manière claire leurs patronymes.

En revanche, aucun de ces documents ne mentionne d'indication de prix. Cette absence n'a été relevée par aucun soumissionnaire présent, en particulier pas par la recourante. L'intimée explique que cela n'aurait eu aucune signification, en raison de la complexité de la structure du prix, ce dernier ayant plusieurs composantes faisant l'objet d'une pondération. Au stade de l'ouverture des offres, cette explication peut être acceptée, puisque ce n'est pas à ce moment qu'intervient l'appréciation du prix. En outre, les concurrents ont la possibilité d'obtenir ultérieurement les précisions qu'ils souhaiteraient à cet égard. C'est d'ailleurs ce qu'a fait la recourante, qui n'allègue pas avoir subi un préjudice du fait de l'absence de mention du prix dans ce procès-verbal. Elle ne prétend pas en particulier qu'il y aurait eu une modification du prix proposé par l'appelée en cause entre l'ouverture des offres et l'adjudication. Cette irrégularité est donc sans conséquence.

15. En procédure ouverte, les offres sont évaluées en fonction des critères d’aptitude et des critères d’adjudication (art. 12 RMP) qui doivent être objectifs, vérifiables et pertinents (art. 24 RMP) et qui doivent figurer dans les documents d’appel d’offres (art. 27 let. f RMP). Pour les critères d’aptitude, l’autorité adjudicatrice peut exiger des soumissionnaires des justificatifs attestant leurs capacités sur les plans financier, économique, technique et organisationnel (art. 33 RMP).

16. Le soumissionnaire dont l’offre est incomplète ou non-conforme aux exigences ou au cahier des charges est exclu du marché (art. 42 RMP).

Lors de l'ouverture des offres, la CCA a mentionné pour Glanzmann, comme pour d'autres soumissionnaires, une réserve relative au versement de l'émolument. Celui-ci ayant été versé en temps utile, le dossier était formellement complet.

17. L’art. 35 RMP prévoit que les soumissionnaires doivent indiquer, lors de la remise de leur offre, le type et la part des prestations qui seront sous-traitées, ainsi que le nom et le domicile ou le siège de leurs sous-traitants (al. 1). Tout sous-traitant doit satisfaire à l’ensemble des dispositions du présent règlement (al. 2).

Le contrat de sous-traitance est celui par lequel une partie s’engage à l’égard d’une autre à effectuer tout ou partie de la prestation de l’ouvrage que celle-ci s’est engagée à réaliser pour un maître (P. TERCIER, Les contrats spéciaux, 2009, p. 622).

En l'espèce, l’appelée en cause a conclu un contrat de distribution avec le fabricant du logiciel Multilab3-Vocalab3. C'est en revanche elle seule qui va exécuter le marché adjugé. L’intimée a conclu un contrat de licence, de vente et de maintenance sur l’utilisation dudit logiciel avec l’appelée en cause. Le fabricant du logiciel n'interviendra à aucun moment dans cette relation et ne fournira en lieu et place de l'appelée en cause aucune des prestations que cette dernière s'est engagée à exécuter pour l'intimée. Il n'y a donc pas de relation de sous-traitance entre l'appelée en cause et le fabricant du logiciel, de sorte qu'aucune indication à cet égard n’avait à figurer dans l'offre de Glanzmann.

18. En présence d'une offre paraissant anormalement basse, l'autorité adjudicatrice doit demander au soumissionnaire de justifier ses prix (art. 41 RMP).

La recourante estime que l'offre de l'intimée pour la maintenance dès la sixième année paraissait anormalement basse. A cet égard, l'autorité adjudicatrice a expliqué, sans être contredite, que les soumissionnaires avaient établis leurs prix de manière différente, les uns ayant offert un prix très bas pour les licences et la maintenance pendant les cinq premières années, compensé par un prix de maintenance plus élevé pour les années suivantes, les autres proposant l'inverse. L'appelée en cause a quant à elle indiqué que son prix de maintenance au-delà des cinq premières années était dû au fait que les interventions devenaient peu coûteuses sur des logiciels de cet âge vendus à large échelle. La recourante, qui elle-même n'a pas hésité en octobre 2009 à formuler une proposition de vente de licences où les six premières déjà installées avaient été vendues à un prix moyen quatre fois supérieur aux cent-quatorze suivantes, n'apporte aucune démonstration qu'une partie de l'offre de l'adjudicataire aurait dû être considérée comme anormalement basse et entraîner l'obligation pour l'intimée de demander une justification.

19. Selon l’art. 43 RMP, l’évaluation est faite selon les critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché, énumérés dans l’avis d’appel d’offres (al.1). Le résultat de l’évaluation des offres fait l’objet d’un tableau comparatif. Aux termes de l’art. 43 al. 3 RMP, le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement. Selon l'art. 43 al. 4 RMP, l’adjudication de biens largement standardisés peut intervenir selon le critère du prix le plus bas.

Ainsi, en dehors de l’hypothèse du marché portant sur des biens largement standardisés, non applicable en l'espèce, le prix est un critère d’adjudication parmi d’autres. Il en découle premièrement que ce n’est pas nécessairement l’offre la meilleur marché qui obtiendra l’adjudication. Deuxièmement, chacun des critères doit faire l’objet d’une appréciation, en principe sous forme de notation, l’adjudication étant prononcée en faveur de l’offre qui aura obtenu le plus grand nombre de points (ATA/681/2010 du 5 octobre 2010 ; D. ESSEIVA, note ad S10-S13 in DC 2/2002, p. 76 ; P. MOOR, op. cit., p. 423).

Au demeurant, l’autorité adjudicatrice est libre de choisir la méthode qu’elle entend utiliser pour noter les offres qui lui sont soumises. La loi ne lui impose aucune méthode de notation particulière. Le choix de la méthode de notation relève ainsi du pouvoir d’appréciation de l’autorité adjudicatrice, sous réserve d’abus ou d’excès du pouvoir d’appréciation (Arrêt du Tribunal fédéral 2P/172/2002 du 10 mars 2003 consid. 3.2 ; ATA/201/2001 du 24 avril 2001 consid. 9 ; D. ESSEIVA, note ad S12 in DC 2/2003, p. 62). L’opportunité du choix de la méthode de notation ne peut être revue par l’autorité de recours (cf. art. 16 al. 2 AIMP). De surcroît, aucune norme n’impose à l’autorité adjudicatrice de faire connaître à l’avance la méthode de notation qu’elle utilisera (Arrêt du Tribunal fédéral 2P/172/2002 du 10 mars 2003 consid. 2.3 ; Arrêt du Tribunal administratif vaudois du 26 janvier 2000 in DC 2/2001, p. 67 et note de D. ESSEIVA/O. RODONDI, Les critères d’aptitude et les critères d’adjudication dans les procédures de marchés publics, RDAF 2001, I p. 406).

S'agissant du prix en particulier, la notation s’effectue en fonction de règles qui définissent la manière de transformer des informations formulées en francs (le prix) en note (cf. D. ESSEIVA, note ad S10-S13 in DC 2/2002, p. 76). La pratique démontre qu’il existe une multitude de méthodes de notation qui permettent d’arriver à des résultats très différents, d’où un risque de manipulations de la part de l’adjudicateur (cf. D. ESSEIVA, L’évolution du droit des marchés publics de construction, 2002, p. 9 s.). Sachant que toutes les méthodes de notation présentent un aspect critiquable, l’autorité de recours n’interviendra que dans la mesure où la méthode retenue est arbitraire.

20. En l’espèce, les critères et leurs taux de pondération précis ont été transmis à Kallysta lors de la réunion du 16 juin 2010. Eu égard aux caractéristiques de l'objet du marché, l'autorité adjudicatrice a fortement mis l'accent sur les aspects qualitatifs pédagogiques du logiciel. Un tel choix pour du matériel destiné à équiper pour plusieurs années les laboratoires de langues des établissements scolaires n'est pas critiquable.

a. La recourante ne conteste pas le résultat de l'évaluation pédagogique, dont le logiciel Mulitlab3-Vocalab3 est sorti premier, faisant l'unanimité auprès des enseignants testeurs. Elle n'apporte pas d'éléments permettant de retenir que les critères de l'évaluation technique ne seraient pas pertinents.

Elle se plaint toutefois qu'elle aurait été pénalisée à tort pour avoir proposé une solution dans laquelle le serveur était le poste du professeur. Or, il ressort de la liste des questions et réponses que cette solution n'était pas celle voulue par l'adjudicatrice. Cette dernière a en effet clairement indiqué qu'il y avait un serveur pour N classes, avec la précision qu'en plus le poste du professeur pouvait remplir cette fonction pendant l'utilisation du laboratoire de langues. Cela signifie que le poste du professeur n'est pas le serveur mais peut venir doubler le serveur extérieur existant. La solution proposée par la recourante ne satisfaisait ainsi pas pleinement les exigences du cahier des charges.

L’intéressée prétend aussi qu'on lui reproche à tort de proposer un logiciel qui impose l'installation de QuickTime pour pouvoir traiter les données exportées, le cahier des charges n'étant pas clair sur ce point. Si elle avait des doutes à ce sujet, il lui appartenait de demander des clarifications, ce qu'elle n'a pas fait. Par ailleurs, elle ne conteste pas l'affirmation de l'intimée selon laquelle Media Player, auquel la recourante compare QuickTime, n'était pas nécessaire au fonctionnement de l'exportation de données. Ainsi, sa solution ne remplissant pas le cahier des charges de l'appel d'offres sur ce point également, ses griefs ne sont pas fondés.

b. Pour apprécier le prix, l’intimée a tenu compte d’un ensemble de facteurs, tels que le prix de l’installation du logiciel, du prix de maintenance et de la formation nécessaire, dont la recourante ne remet pas en cause la pertinence. Confondant l’offre "meilleur marché" et "économiquement la plus avantageuse", elle se contente de contester la pondération retenue par l'intimée et de vouloir s’y substituer la sienne, ce qui relève en tout état de l'opportunité, laquelle ne peut être examinée par la chambre de céans (art. 61 al. 2 LPA).

21. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté dans la mesure où il est recevable.

Un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la recourante. Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à l’appelée en cause, à la charge de la recourante (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette dans la mesure où`il est recevable le recours interjeté le 21 juin 2010 par Kallysta S. à r.l. contre la décision du 4 juin 2010 de la Centrale commune d’achats de l’Etat de Genève;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de Kallysta S. à r.l. ;

alloue à Glanzmann Informatique S.A. une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à la charge de Kallysta S. à r.l. ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dominique Lecocq, avocat de la recourante, à Me Alain Steullet, avocat de l’appelée en cause, ainsi qu’à la Centrale commune d’achats de l’Etat de Genève.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray et M. Verniory, juges

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :