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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/40/2017

ATA/594/2017 du 23.05.2017 ( PRISON ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ; DÉTENTION(INCARCÉRATION) ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; INTÉRÊT ACTUEL ; MESURE DISCIPLINAIRE ; MISE EN LIBERTÉ DÉFINITIVE
Normes : LPA.60.al1.letb
Résumé : Irrecevabilité du recours d'un ancien détenu contre une mesure disciplinaire, en raison de l'absence d'intérêt actuel suite à la libération du recourant pendant la procédure.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/40/2017-PRISON ATA/594/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 mai 2017

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ÉTABLISSEMENT FERMÉ LA BRENAZ



EN FAIT

1. Du 19 mars 2016 au 2 mars 2017, Monsieur A______ a été incarcéré au sein de l’établissement fermé La Brenaz (ci-après : l’établissement).

2. Les 22 et 23 décembre 2016, M. A______ a fait l'objet de deux sanctions journalières pour refus de travailler, à savoir la « suppression complète de toutes les activités communes (loisirs et repas) » du 22 décembre 2016 à 08h00 au 23 décembre 2016 à 08h00 et du 23 décembre 2016 à 08h00 au 24 décembre 2016 à 08h00. La promenade quotidienne d'une durée d'une heure avec la possibilité de téléphoner avait été maintenue.

Il était mentionné que l'intéressé avait été entendu oralement les 22 et 23 décembre 2016 à 08h00 par un agent de détention.

3. Les sanctions avaient été signifiées le 22 décembre 2016 à 08h00 et le 23 décembre 2016 à 11h30 par un agent de détention. Elles étaient signées par des surveillants sous-chefs de l'établissement. Le détenu avais refusé de signer.

Deux rapports ont été établis les jours mêmes par des agents. Ils détaillaient brièvement les faits.

4. Par acte posté le 4 janvier 2017 à l'attention du greffe de la Cour de justice et transmis par ce dernier à la chambre administrative de la Cour de justice (ci- après : la chambre administrative), M. A______ a interjeté recours contre les sanctions précitées. Préalablement, il a conclu à l'audition du gardien sous-chef M. B______, ainsi qu'à celle de deux témoins, à savoir des personnes détenues au sein l'établissement. Principalement, il a conclu à la nullité des décisions en question, subsidiairement à leur annulabilité.

Son droit d'être entendu avait été violé, raison pour laquelle les sanctions devaient être déclarées nulles, subsidiairement annulées. Par ailleurs, il n'avait pas violé les règles de conduite applicables au sein de l'établissement.

Les décisions querellées disposaient que le droit d'être entendu avait été octroyé à l''intéressé les 23 et 24 décembre 2016 à 08h00, or, c'était précisément à cette heure-là que s'étaient déroulés les faits ayant donné lieu aux sanctions disciplinaires.

5. Par réponse du 23 février 2017, l'établissement a conclu au rejet du recours.

Les décisions de sanction des 22 et 23 décembre 2016 avaient été signées par des surveillants sous-chefs et contresignées par le directeur de l'établissement. Ce dernier étant absent au moment du déroulement des faits, les surveillants sous-chefs avaient attendu son retour afin de lui soumettre les décisions pour signature.

Concernant la violation du droit d'être entendu, l'établissement indiquait que le détenu avait été entendu oralement lors de la notification des sanctions et que les motifs de ces dernières lui avaient été exposés à ce moment.

Il existait un intérêt public à punir de tels comportements. Les sanctions litigieuses étaient proportionnées.

6. M. A______ est sorti de prison le 2 mars 2017.

7. Par réplique du 30 mars 2017, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Les sanctions avaient été signées par les surveillants sous-chefs. Le directeur de l'établissement, étant absent pour cause de vacances, avait posé sa signature seulement le 4 janvier 2017, ce qui constituait un vice de forme, raison pour laquelle les décisions devaient être déclarées irrecevables.

8. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 consid. 5.2 ; 1C_495/2014 du 23 février 2015 ; ATA/308/2016 du 12 avril 2016 ; Jacques DUBEY/ Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 734 n. 2084 ; Pierre MOOR/ Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 748 n. 5.7.2.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 449 n. 1367). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1) ; si l’intérêt s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 ; ATA/322/2016 du 19 avril 2016 ; ATA/308/2016 du 12 avril 2016).

d. Il est toutefois exceptionnellement renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 140 IV 74 consid. 1.3 ; 139 I 206 consid. 1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 consid. 5.2 ; 1C_477/2012 du 27 mars 2013 consid. 2.3 ; ATA/236/2014 du 8 avril 2014 ; ATA/716/2013 du 29 octobre 2013 ; Jacques DUBEY/ Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., p. 734 n. 2086 ; François BELLANGER, La qualité pour recourir, in François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Le contentieux administratif, 2013, p. 121) ou lorsqu’une décision n’est pas susceptible de se renouveler mais que les intérêts des recourants sont particulièrement touchés avec des effets qui vont perdurer (ATF 136 II 101 ; 135 I 79). Cela étant, l’obligation d’entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l’absence d’un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de recours non prévue par le droit cantonal (ATF 135 I 79 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3).

e. Concernant le placement d'un prisonnier en cellule forte ou aux arrêts disciplinaires, compte tenu de la brièveté de la sanction, lorsque le recourant est encore en détention au moment du prononcé de l'arrêt, la chambre administrative fait en principe abstraction de l'exigence de l'intérêt actuel, faute de quoi un telle mesure échapperait systématiquement à son contrôle (ATA/29/2017 du 17 janvier 2017 consid. 2d ; ATA/118/2015 du 27 janvier 2015 consid. 2c ; ATA/510/2014 du 1er juillet 2014 consid. 3b).

En l'espèce, alors qu'il était détenu à l'établissement, le recourant a fait l'objet de deux sanctions disciplinaires d'une durée d'un jour chacune, lesquelles ont pris effet dès leur prononcé, à savoir les 22 et 23 décembre 2016. Ces sanctions ont été exécutées immédiatement.

Le recourant a été remis en liberté le 2 mars 2017. Aucun élément du dossier ne laisse à penser qu'il est susceptible d'être incarcéré à nouveau à l'établissement, et par conséquent d'y être encore une fois sanctionné disciplinairement.

3. Il n'y a dès lors aucune raison de passer outre l'exigence de l'intérêt actuel (ATA/29/2017 précité consid. 3b ; ATA/732/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4b; ATA/541/2010 du 4 août 2010, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1B_295/2010 du 14 septembre 2010).

4. Il en résulte que le recours est irrecevable.

5. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03) et, vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 4 janvier 2017 par Monsieur A______ contre les décisions de l'établissement fermé La Brenaz des 22 et 23 décembre 2016 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'établissement fermé La Brenaz.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

A. Piguet Maystre

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :