Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3393/2014

ATA/559/2015 du 02.06.2015 ( PROF ) , REJETE

Recours TF déposé le 10.07.2015, rendu le 02.11.2015, REJETE, 2C_587/15
Descripteurs : CONFLIT D'INTÉRÊTS ; AVOCAT ; AVOCAT; SECRET PROFESSIONNEL ; INDÉPENDANCE DE L'AVOCAT ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : LLCA.12.letc ; LLCA.25 ; LLCA.12.leta ; LLCA.12.letb ; LLCA.13 ; LPav.43.al3 ; LPav.42.al2 ; LPav.12.al1 ; Cst.29.al2 ; CEDH.6
Résumé : Confirmation de l'interdiction, prononcée à l'égard d'un avocat provenant de l'Union européenne, de représenter sa cliente actuelle dans une procédure pénale ouverte sur demande du mari de celle-ci et ancien client du recourant, dans le cadre d'un contexte familial conflictuel. Risque concret, bien que non matérialisé, de conflit d'intérêt entre les intérêts de l'ancien client et ceux de la cliente actuelle du recourant, en raison de la nécessité de garantir, d'une part, le secret professionnel dû par l'avocat à son ancien client, aujourd'hui défunt, et, d'autre part, l'indépendance de l'avocat vis-à-vis de sa nouvelle cliente.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3393/2014-PROF ATA/559/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 juin 2015

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Marie-Claude de Rham-Casthelaz, avocate

contre

COMMISSION DU BARREAU



EN FAIT

1) Feu Monsieur B______, né le ______1937 et décédé le ______ 2012, est devenu veuf de sa première épouse, Madame C______, en avril 2005. Le 16 février 2008, il a épousé, dans le canton de Genève, sous le régime de la séparation de biens, Madame D______ née le ______1965. Ils se sont séparés le 12 juin 2012.

Feu M. B______ n’avait pas d’enfants, mais une sœur, feu Madame E______, décédée fin 2011. Il était copropriétaire, avec les enfants de feu sa première épouse, d’une maison à ______ et d’une autre en France.

2) Me A______ est avocat au barreau de Marseille. Il a été le conseil de M. B______ entre 1985 et 2001 et entre août 2006 et le 21 juin 2010. Le 13 mars 2007, ce dernier a signé une procuration à Genève, donnant mandat à Me A______ de le représenter dans deux contentieux. L’un concernait l’affaire « Compagnie F______ » et l’autre la « Succession de Madame C______ ». Cette signature avait été légalisée devant un notaire genevois.

Le 26 mai 2008, M. B______ a également signé une procuration donnant à Me A______ le pouvoir de signer tous documents relatifs à sa prise d’intérêts dans la société Sàrl G______, sise à Marseille.

3) Par courrier du 15 juillet 2009, Me A______ a informé la nièce de son mandant, Madame H______, du fait que M. B______ lui avait donné, le 5 juillet 2008, un pouvoir général de s’occuper de l’ensemble de ses affaires, notamment afin de récupérer des créances, mais sans pouvoir de disposition.

Me A______ avait suggéré à Mme D______ de faire nommer un curateur ou un tuteur à M. B______ en raison de la détérioration de la santé et de la capacité de discernement de celui-ci. Cette dernière avait préparé un dossier en ce sens. Comme il savait que Mme E______ craignait que cette démarche ait un effet négatif sur la santé de son frère, Me A______ proposait d’y recourir en toute dernière extrémité. Afin de recevoir conseil et aval, il proposait la création d’un conseil de famille informel réunissant Mme H______, les parents de celle-ci, Mme D______ et toute autre personne de leur choix. Ledit conseil aurait pour attribution d’être informé des procédures en cours concernant M. B______, de conseiller Me A______ sur les actes d’administration à effectuer, et d’autoriser ce dernier à initier toute procédure utile au recouvrement des sommes dues à son oncle ou à la sauvegarde des intérêts de ce dernier ainsi qu’à transiger ou effectuer tout acte de disposition nécessaire.

4) Par courrier du 23 octobre 2009, Me A______ a rappelé au père de Mme H______ l’absence de procuration pour s’occuper des affaires non mentionnées dans la procuration notariée du 13 mars 2007. Il lui a mentionné à nouveau les difficultés auxquelles il était confronté pour assurer la bonne fin des procédures qui lui avaient été confiées, ainsi que pour « administrer au jour le jour l’intendance [de M. B______] et, pour cela, négocier avec le seul banquier qui le suiv[ait] à savoir la banque______, pallier les conséquences d’actes irréfléchis de sa part (émission de chèques sans provision tirés sur la X______ en juillet/août 2008 et plus récemment sur un compte clôturé à la Y______) ».

Il lui proposait de formaliser un projet de mandat en présence d’un membre de la famille E______. Dans l’hypothèse où M. B______ s’y opposerait, il invitait Mme H______, dans l’intérêt de ce dernier, à « arrêter toutes mesures utiles pour assurer l’administration de ses affaires au quotidien et notamment envisager la mise sous curatelle ou sous tutelle que son état de santé exige[ait] ».

5) Par courrier du 10 décembre 2009, Me A______ a transmis à Mme H______ « divers documents faisant le point des procédures en cours et des relations avec la banque ______ ». Il l’informait de la situation de certaines affaires et de la nécessité d’obtenir le mandat général de M. B______. Le 23 décembre 2009, il lui a envoyé d’autres documents relatifs aux affaires traitées pour M. B______.

6) Par testament olographe du 16 mars 2010, M. B______ a révoqué le testament olographe du 15 janvier 2008 instituant Mme D______ comme unique héritière, et déclaré léguer la quotité disponible de ses biens à sa nièce, Mme H______.

7) Le 19 mai 2010, M. B______ a déposé une requête en divorce contre Mme D______ devant une juridiction française. Cette procédure, dans laquelle Me A______ ne le représentait pas, a été rayée du rôle le 16 octobre 2012, suite au décès du requérant.

8) Le 18 juin 2010, Me A______ a sollicité l’instauration d’une mesure tutélaire en faveur de M. B______, auprès du Procureur général genevois qui l’a transmise à l’autorité compétente. Il expliquait avoir reçu, le 13 mars 2007 devant notaire, une « procuration très générale ». Le 19 juillet 2010, le Tribunal tutélaire genevois n’y a pas donné suite, faute de domicile de M. B______ à Genève.

9) Par courrier du 21 juin 2010, M. B______ a révoqué tous les mandats confiés à Me A______ et lui a demandé de ne plus s’occuper « de [s]es affaires quelles qu’elles soient ». Il l’a invité à utiliser la voie légale pour le règlement de ses éventuels honoraires. Sa signature avait été certifiée devant un notaire français.

10) Le 5 juillet 2010, Mme D______ a déposé plainte pénale auprès des autorités françaises contre inconnu pour abus de faiblesse sur M. B______. Cette procédure a été classée sans suite en janvier 2011. Sur appel du 15 avril 2013 de Mme D______, la juridiction française compétente a ordonné, le 11 juin 2013, l’audition de Mme H______ ayant eu lieu en mai 2014.

11) Sur demande du 22 septembre 2010 de Mme D______, la juridiction française compétente a, par ordonnance du 11 octobre 2010, placé M. B______ sous protection de justice.

12) Le 14 octobre 2010, M. B______ a signé, en France, une procuration donnant mandat à Maître J______, avocat genevois, de rédiger et de déposer une plainte pénale à l’encontre de Mme D______. Cette procuration a été envoyée, par fax du 3 février 2011, par Mme H______, qui demandait que la plainte soit également déposée pour vol.

13) Par jugement du 20 janvier 2011, la juridiction française compétente a placé M. B______ sous curatelle renforcée, fixé la durée de la mesure à 60 mois et désigné Mme H______, conformément au souhait exprimé par M. B______ lors de son audition, en qualité de curatrice pour l’assister et le contrôler dans la gestion de ses biens. L’exercice de la protection de sa personne relevait de son libre arbitre ou devait faire l’objet d’une autorisation préalable du juge français des tutelles. Cette décision était déclarée exécutoire, en raison de l’urgence.

Ce jugement a été contesté par Mme D______ devant la juridiction française d’appel. Cette autorité a désigné, le 9 février 2011, un médecin pour examiner M. B______ et se déterminer sur le choix d’une mesure de protection. Ledit médecin a, le 8 mars 2011, proposé la curatelle renforcée. Mme D______ a conclu le 21 mars 2011 au prononcé d’une mise sous tutelle.

14) Suite à la révocation de son mandat, Me A______ a fait procéder, par demande du 20 janvier 2011, à la taxation de ses honoraires suivant la procédure légale. Après avoir contesté la décision du Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Marseille, il a obtenu gain de cause en seconde instance le 17 octobre 2012. Le montant des honoraires dus par M. B______ à Me A______, pour la période d’août 2006 à juillet 2010, a été arrêté à EUR 755'723,96 sous déduction de la provision déjà versée. Cette décision est devenue définitive suite à l’ordonnance de déchéance du 1er août 2013 de la juridiction française compétente.

15) Le 18 février 2011, M. B______ a déposé, par l’intermédiaire de Me J______, une plainte pénale, à l’encontre de Mme D______, pour appropriation illégitime, abus de confiance, vol et recel. La procédure pénale P/1______ a alors été ouverte par le Ministère public de Genève. M. B______ s’est constitué partie civile.

Mme D______ était accusée de s’être appropriée des objets de valeur estimés à plus de CHF 62'000.-, qui se trouvaient dans la maison de ______, ainsi que deux véhicules. Elle était également accusée d’avoir soustrait une somme supérieure à EUR 400'000.- sur les comptes bancaires de son mari, notamment en falsifiant les signatures sur les chèques. L’avocat, représentant M. B______ dans le cadre de la procédure en divorce contre Mme D______, avait transmis à Me J______ quatre tableaux indiquant des transferts d’argent des comptes bancaires de M. B______, dont trois concernaient la banque « ______ », en faveur de Mme D______ pour une période située entre le 7 mars 2008 et le 29 avril 2010.

16) Le 13 juin 2012, M. B______ a adressé un courrier au juge français des tutelles pour se plaindre des agissements de sa curatrice. Celle-ci estimait ses dépenses exagérées. Il lui demandait d’intervenir auprès de sa curatrice pour qu’elle cesse de lui bloquer ses versements et sollicitait la désignation d’un autre curateur qui n’ait pas d’intérêt sur son héritage.

17) Suite au décès de feu M. B______ survenu le ______ 2012, le Ministère public genevois a mis, le 27 septembre 2012, Mme D______ en prévention des chefs d’appropriation illégitime, d’abus de confiance, de vol, d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur et de faux dans les titres, pour des faits commis au préjudice du défunt entre septembre 2008 et fin 2010.

18) Mme D______ s’est opposée, le 2 novembre 2012, à la délivrance du certificat d’héritier car elle contestait la validité du testament du 16 mars 2010, et sollicitait un bénéfice d’inventaire. L’administration d’office de la succession de feu M. B______ et la nomination d’un administrateur d’office ont été prononcées le
19 novembre 2012 par la Justice de paix genevoise. Mme D______ a déposé, en mai 2013 devant la juridiction française, puis en août 2013 devant la juridiction genevoise, une demande en annulation du testament du 16 mars 2010 à l’encontre de Mme H______.

19) Le 21 mai 2013, Me A______ s’est constitué pour la défense des intérêts de Mme D______, dans la procédure pénale P/1______, aux côtés de Maître L______, avocate inscrite au registre des avocats du barreau de Genève, à la place des deux précédents avocats, genevois et français, après que Mme D______ ait, à plusieurs reprises, demandé en vain le classement de la procédure pénale en raison du décès de son époux.

20) Par ordonnance du 29 juillet 2013, le Ministère public a ordonné la suspension de l’instruction de la procédure pénale jusqu’à droit jugé dans l’ensemble des procédures civiles pendantes en France et/ou en Suisse, en lien avec la succession de feu M. B______. Mme D______ a formé recours contre cette ordonnance, qui retarderait de manière injustifiée l’issue de la procédure pénale. Mme H______, plaignante dans la procédure pénale, concluait à la confirmation de ladite ordonnance.

Par arrêt du 17 octobre 2013 (ACPR/2______), la chambre pénale de recours de la Cour de justice a annulé ladite ordonnance et invité le Ministère public à reprendre l’instruction de la procédure pénale.

21) Saisi le 14 avril 2013 par Mme D______, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats genevois a, le 28 août 2013, répondu à cette dernière ainsi qu’à Mes A______ et J______, qu’elle ne pouvait pas demander que ce dernier cesse de représenter les intérêts de Mme H______. Le fait qu’il défende les intérêts de cette dernière alors qu’il avait auparavant défendu les intérêts de feu M. B______, ne constituait pas, dans le cas concret, un conflit d’intérêts.

22) Dans ses démarches tendant à la nomination d’un avocat d’office qu’elle avait initiées au début de la procédure en 2011, Mme D______ a demandé, le 28 octobre 2013 que Me A______ soit désigné son avocat d’office. Celui-ci avait accepté de l’assister à titre gratuit et faisait élection de domicile en l’étude genevoise de Me K______, qui avait aussi accepté de la défendre et qui devait recevoir l’indemnisation.

Par courrier du 13 novembre 2013, Me A______ confirmait avoir accepté de défendre Mme D______ sans être rémunéré. Cette dernière bénéficiait de l’assistance juridictionnelle en France pour les dossiers dont il s’occupait et était la nièce d’un de ses amis d’enfance à qui il rendait service.

Par ordonnance du 20 novembre 2013, le Ministère public genevois a refusé la nomination d’un avocat d’office, au motif que Me A______ agissait à titre bénévole et comme avocat de choix de Mme D______, que celle-ci avait également choisi Me K______et qu’elle disposait de moyens financiers largement suffisants. Le recours formé par Mme D______ contre cette ordonnance a été rejeté par arrêt du 8 janvier 2014 de la chambre pénale de recours de la Cour de justice (ACPR/3______).

23) Lors de l’audience du 11 février 2014 devant le Procureur général du canton de Genève, Me A______ a assisté Mme D______. Me J______ assistait Mme H______.

Sur la base de la requête du 2 juillet 2010 adressée par Mme D______ au Tribunal tutélaire de Genève, le Procureur général a constaté l’existence d’un conflit d’intérêts en la personne de Me A______, qui avait assumé des mandats pour feu M  B______, notamment pendant la période pénale en cause. Selon la requête précitée, feu M. B______ avait donné à Me A______ « une procuration générale en mars 2007 afin qu’il le représente et serve au mieux ses intérêts ». Me A______ l’avait assisté « dans différents contentieux ». Ces termes étaient ainsi mis en évidence dans le procès-verbal de ladite audience.

24) Sur invitation du Procureur, Me A______ a contesté, le 19 février 2014, l’existence d’un conflit d’intérêt. Il avait été pendant 25 ans « le conseil et le confident » de feu M. B______, et ce jusqu’au 21 juin 2010.

25) Le 28 février 2014, Mme H______, par l’intermédiaire de Me J______, a conclu à l’existence d’un conflit d’intérêts et s’est opposée à la présence de Me A______ lors des audiences suivantes.

26) Par ordonnance du 21 mars 2014, le Ministère public genevois a fait interdiction à Me A______ de procéder dans le cadre de la procédure pénale P/1______, d’y assister ou représenter Mme D______. L’intéressé avait admis avoir conseillé feu M. B______ pendant 25 ans, notamment dans des affaires familiales, et avoir été son confident pendant cette période. Il avait perçu la somme d’environ EUR 755'000.- de feu M. B______ pour le mandat exercé de 2006 à 2010. L’ordonnance précitée a été annulée par arrêt de la chambre pénale de recours de la Cour de justice du 23 mai 2014 (ACPR/4______), au motif que la commission du barreau possédait la compétence exclusive d’interdire à un avocat de représenter une partie.

27) Par fax et courrier recommandé du 27 août 2014, le Ministère public a demandé à la commission du barreau d’interdire à Me A______ d’assister et/ou représenter Mme D______ dans le cadre de la procédure pénale P/1______ en raison d’un conflit d’intérêts. Me A______ avait bénéficié d’une procuration générale de la part de feu M. B______ entre mars 2007 et le 21 juin 2010, à savoir pendant la période pénale mettant en cause Mme D______. Il avait été le conseil et le confident de feu M. B______ durant presque trente ans. Il avait ainsi eu connaissance d’une quantité d’informations personnelles du défunt qu’il mettait désormais à disposition d’une partie adverse.

28) Le 29 août 2014, Me A______ a contesté l’existence d’un conflit d’intérêts l’empêchant d’assister Mme D______ dans le cadre de la procédure pénale P/1______.

29) Après avoir pris connaissance des pièces sollicitées par fax du 28 août 2014 auprès de la commission du barreau, Me A______ a complété, le 2 septembre 2014, ses observations. Il contestait les allégations faites par Me J______ dans son écriture du 28 février 2014 adressée au Procureur chargé de la procédure pénale. Il n’avait pas « discrètement » conseillé Mme D______ dans le cadre de la procédure de divorce l’opposant à feu M. B______. Il énumérait les avocats, suisses et français, qui avaient défendu les intérêts de celle-ci dans le cadre de la procédure en divorce, de la procédure pénale française pour abus frauduleux de faiblesse et de la procédure pénale genevoise P/1______.

30) Par courrier du 5 septembre 2014, Madame D______ s’est spontanément adressée à la commission du barreau, confirmant que Me A______ lui avait proposé de la défendre gratuitement.

31) Par décision du 16 septembre 2014, le bureau de la commission du barreau (ci-après : le bureau) a fait injonction, avec effet immédiat, à Me A______ de cesser de représenter les intérêts de Mme D______ dans le cadre de la procédure pénale P/1______ en raison d’un risque concret de conflit d’intérêts.

Suite à une plainte pénale déposée, en février 2011, par feu M. B______ à l’encontre de Mme D______, cette dernière avait été prévenue dans le cadre de la procédure pénale précitée pour des faits commis entre 2008 et 2010. Me A______ s’était constitué pour la défense des intérêts de
Mme D______, alors qu’entre 2008 et 2010, il avait été, pendant plus de 25 ans et jusqu’à fin juin 2010, le conseil de feu M. B______, dont il apparaissait être très proche et confident. En raison de son activité de conseil en faveur de feu M. B______, Me A______ était susceptible de connaître des informations obtenues de son ancien client, qui pourraient être utiles à la défense des intérêts de sa cliente. Or, compte tenu de son obligation de secret, il devrait les lui taire, alors qu’il pourrait, et devrait même en raison de son obligation de diligence envers sa cliente, les utiliser pour la défense de celle-ci dans la procédure pénale susmentionnée. Dans la mesure où celle-ci avait été initiée par une plainte pénale de son ancien client, Me A______ ne saurait être à la fois conseil de feu le dénonciateur et de la dénoncée.

L’existence d’une procédure pénale en cours d’instruction justifiait la prise d’une décision rapide sur la question de la capacité de postuler de Me A______ devant le Ministère public, de sorte que le bureau était compétent pour se prononcer sur la demande du Procureur. L’intéressé était informé que la décision du bureau pouvait, à sa demande, être soumise à la commission plénière.

32) Sur demande de l’intéressé du 22 septembre 2014, l’injonction du
16 septembre 2014 a été soumise à la commission plénière. Par décision du 14 octobre 2014, la commission du barreau a informé Me A______ avoir confirmé, lors de sa séance du 13 octobre 2014, la décision du bureau du 16 septembre 2014.

33) Le 7 novembre 2014, Me A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation et à celle du bureau du 16  septembre 2014, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de CHF 1'000.- pour les frais résultant de la présente procédure. Il n’existait pas un risque concret de conflit d’intérêt, mais seulement un risque abstrait.

Après avoir exposé sa version des faits relatifs à la rencontre de feu M. B______ et de Mme D______, à leur mariage et aux relations de cette dernière avec la famille de son ancien client, il expliquait avoir été l’avocat de feu M. B______ de 1985 au 21 juin 2010, avec une interruption entre 2001 et 2006. En août 2006, feu M. B______ lui avait demandé de l’assister dans le cadre de procédures l’opposant aux enfants de sa première épouse, décédée en avril 2005, et à d’autres personnes. Ces contentieux n’avaient aucun rapport avec la procédure pénale en cause. Profitant de son état psychique fortement dégradé, Mme E______ et Mme H______ avaient fait signer, le 21 juin 2010, à ce dernier un courrier qui révoquait sa procuration du 13 mars 2007 et qui le renvoyait à la procédure en contestation d’honoraires pour le règlement de ceux-ci. Il n’avait depuis jamais revu feu M. B______.

Il invoquait une violation de l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), et en particulier du droit de se défendre conformément à l’art. 6 § 3 let. c CEDH, parce qu’il n’avait pas été entendu oralement par la commission du barreau, ce qui l’avait empêché de dissiper des incertitudes concernant les documents écrits, notamment au sujet de la procuration du 13 mars 2007, alors qu’un manquement à une règle déontologique lui était reproché. Il se plaignait aussi d’une constatation inexacte des faits. Comme cela résultait de la procuration précitée et contrairement aux avis du Procureur et de la commission du barreau, feu M. B______ ne lui avait pas donné un mandat général, mais un mandat strictement limité au suivi de quelques contentieux, qui n’avaient aucun lien avec la procédure pénale en cause.

Feu M. B______ n’était pas concrètement la personne à l’origine de la plainte pénale déposée le 18 février 2011 à l’encontre de Mme D______. Il ne pouvait dès lors être considéré comme le « dénonciateur » des faits reprochés à Mme D______. En effet, feu M. B______ n’avait ni signé ladite plainte, ni n’en avait connu sa teneur selon des témoignages déposés devant les autorités françaises. Il avait été privé de son entendement depuis fin 2008, ce qui avait été confirmé par décisions de justice le 11 octobre 2010, puis le 10 janvier 2011 en France. Un médecin avait attesté de son incapacité à prendre des décisions personnelles le 8 mars 2011, quelques jours après le dépôt de la plainte pénale. La procuration datée du 14 octobre 2010 et donnée à Me J______ pour déposer ladite plainte ne contenait aucun élément sur les motifs à l’origine de celle-ci. Cet avocat avait rédigé ladite plainte sur instruction de la seule curatrice de feu M. B______, sa nièce, Mme H______, et sur la base d’attestations mensongères. L’autorité intimée n’avait pas pris en compte le fait que feu M. B______ avait été diminué dans ses capacités psychiques dès septembre 2008. Ce dernier était, vu la dégradation de son état psychique, incapable de lui livrer la moindre confidence entre fin 2008 et le 21 juin 2010.

Les contentieux mentionnés dans la procuration du 13 mars 2007 ne lui avaient pas permis d’acquérir des connaissances ou des confidences qu’il aurait pu mettre au service de Mme D______. Au moment du dépôt de la plainte le 18 février 2011, il n’était ni le conseil de feu M. B______, ni celui de Mme D______. Il ignorait tout des contentieux ayant opposé, non pas feu M. B______ à Mme D______, mais celle-ci à la nièce de ce dernier, qui était intéressée à hériter la totalité des biens de son ancien client. Le recourant n’avait pas assisté Mme D______ dans la procédure de divorce, initiée le 17 mars 2010 par feu M. B______, par le biais d’un autre avocat, et à l’instigation de Mmes E______ et H______. Il avait accepté d’assister Mme D______ le 21 mai 2013, soit huit mois après le décès de feu M. B______. Il avait repris contact avec Mme D______ en novembre 2012 lorsque celle-ci lui avait appris le décès de son ancien client et lui avait demandé de l’assister dans le contentieux ayant opposé ce dernier aux héritiers de sa première épouse et dans celui opposant Mme D______ à la curatrice de feu son mari, Mme H______. Celle-ci avait profité de la faiblesse d’esprit de feu M. B______ et l’avait persuadé, le 16 mars 2010, de rédiger un testament en sa faveur, ainsi que d’annuler celui consenti à Mme D______ lors de leur mariage.

Il n’existait ainsi pas de conflit d’intérêts entre ceux de feu M. B______ et ceux de Mme D______. Ni le Procureur, ni la commission du barreau n’avaient démontré que les connaissances acquises par le recourant dans les causes mentionnées dans la procuration du 13 mars 2007 auraient été de nature à favoriser la défense de Mme D______ dans la procédure pénale en cause. L’empêcher de défendre les intérêts de Mme D______ reviendrait à permettre de manière générale à une partie adverse de faire obstacle au libre choix de l’avocat de la partie opposée au seul motif qu’il avait été l’avocat de feu M. B______. De plus, en tant que veuve non divorcée, Mme D______ avait le droit d’être informée des procédures qu’il avait traitées pour le compte de feu M. B______ en vertu de la procuration du 13 mars 2007. Entre janvier et septembre 2008, moment où son ancien client avait souffert des premières atteintes de la tumeur cérébrale, il y avait lieu de considérer que feu M. B______ n’avait aucun secret pour son épouse, notamment au sujet de ses affaires. Par ailleurs, la commission du barreau omettait le fait que le prétendu conflit d’intérêts, objet de la présente procédure, n’avait pas été invoqué par Mme H______ ni par Me J______, mais par le Procureur. Cette dernière n’avait pas soulevé ce grief devant les autorités françaises compétentes.

34) Le 9 décembre 2014, la commission du barreau a persisté dans les termes de sa décision du 14 octobre 2014 et transmis son dossier à la chambre de céans. Elle n’avait pas procédé à l’audition orale du recourant vu ses déterminations suffisamment complètes et documentées. Dans sa détermination du 19 février 2014, l’intéressé indiquait expressément avoir été pendant 25 ans le conseil et le confident de feu M. B______, ce qui témoignait de larges connaissances qu’il avait pu acquérir de son mandant pendant ces années.

35) Par fax et courrier du 17 décembre 2014, le recourant a maintenu sa position.

Il fondait son droit à une audition orale sur le droit français et sur le risque de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à son encontre en France en cas de confirmation de l’existence d’un conflit d’intérêts.

Il n’avait pas connaissance des contentieux postérieurs à la fin de son mandat, notamment de celui opposant feu M. B______ à Mme D______. De plus, il ressortait du dossier pénal que ce dernier ne considérait pas l’avocat, choisi en septembre 2010 par Mme H______ pour défendre ses intérêts en Suisse, comme son propre avocat mais comme celui de sa nièce. Le différend opposant Mme D______ à Mme H______ était de nature strictement successorale. La plainte pénale aboutissant à la procédure pénale en cause n’était qu’un des faits d’abus frauduleux de faiblesse commis par Mme H______ afin de convaincre les juges français chargés de la procédure en divorce de l’indignité de Mme D______ et de prononcer la séparation de celle-ci avec son oncle. Après avoir appris le décès de son ancien client et le fait que ce dernier avait demandé, en juin 2012, au juge français des tutelles de remplacer Mme H______ par une personne n’ayant pas de droit sur son héritage, il avait considéré de son devoir moral envers son ami et ancien client d’accepter d’assister sa veuve à rétablir son honneur et ses droits. En outre, il résultait de l’audition d’un neveu de son ancien client, Monsieur I______, devant la police française le 29 décembre 2010, que feu M. B______ n’avait pas voulu déposer plainte pénale contre son épouse.

36) Le 15 janvier 2015, le juge délégué a informé les parties du versement à la procédure de l’arrêt de la chambre pénale de recours de la Cour de justice n°ACPR/3______ du 8 janvier 2014.

37) Sur demande du juge délégué du 15 janvier 2015, le recourant a transmis, le 23 janvier 2015, diverses pièces relatives à la procédure en fixation d’honoraires devant les autorités françaises et sa lettre du 13 novembre 2013 destinée au Ministère public genevois. À partir du moment où il avait constaté que feu M. B______ n’était plus en état de comprendre ses rapports et de répondre à ses questions, il avait informé Mme E______, Mme H______ et Mme D______ de l’évolution des contentieux afin d’obtenir leurs conseils et leurs assentiments.

38) Le 30 janvier 2015, un délai a été accordé aux parties pour solliciter d’autres actes d’instruction.

39) Le 3 février 2015, la commission du barreau n’a pas requis de mesures d’instruction. Le recourant ne s’est pas manifesté.

40) Sur quoi, la cause a été gardée à juger par courrier du 17 février 2015.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente par le destinataire de la décision contestée empêchant ce dernier de représenter une cliente dans le cadre d’une procédure pénale toujours en cours, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et art. 60 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant se plaint de ne pas avoir été entendu oralement par la commission du barreau, ce qui conduirait à une violation de l’art. 6 CEDH et en particulier de l’art. 6 § 3 let. c CEDH.

a. En ce qui concerne le droit conféré par l’art. 6 § 3 let. c CEDH, il n’est in casu pas en cause, car seul l’accusé, à savoir en l’espèce la cliente du recourant, en est titulaire (ATF 130 I 65, 67 c. 3.2). S’agissant du droit à une audition orale fondée sur l’art. 6 § 1 CEDH, le recourant ne peut s’en prévaloir devant la commission du barreau, dans la mesure où cette dernière n’est pas une juridiction mais une autorité administrative (art. 1 a contrario LOJ ; art. 14 de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 - LLCA - RS 935.61 ; art. 14 ss de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 - LPAv - E 6 10 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Vol. II, Les droits fondamentaux, 3ème éd., 2013, p. 662 n. 1480 ; Nicolas WISARD, Les autorités administratives indépendantes cantonales in François BELLANGER, Thierry TANQUEREL (éd) Les autorités administratives indépendantes 2011, p. 118 s ; François BOHNET / Vincent MARTENET, Droit de la profession d’avocat, 2009, p. 805 n. 1971).

b. Quant à l’absence d’audition orale devant la commission du barreau, il y a lieu de rappeler que l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), garantissant le droit d’être entendu en procédure administrative, n’implique pas une audition personnelle de l’administré, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause. Le droit de faire administrer des preuves suppose notamment que le moyen de preuve proposé soit nécessaire pour constater un fait pertinent à prouver. Par ailleurs, cette garantie constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3). En droit cantonal genevois, il n’existe pas non plus de droit à une audition orale, sauf dispositions légales contraires qui n’existent in casu pas (art. 41 LPA).

En l’espèce, la commission du barreau était en droit de renoncer à une audition personnelle du recourant, dans la mesure où ce dernier avait pu exprimer sa position et développer ses arguments, à deux reprises, dans ses écritures des 29 août et 2 septembre 2014. Les incertitudes concernant les documents écrits, en particulier le mandat contenu dans la procuration du 13 mars 2007, invoquées par le recourant, pouvaient être levées dans le cadre de ces deux écritures, sans qu’une audition orale ne soit nécessaire. Par conséquent, la commission du barreau n’a pas violé le droit d’être entendu du recourant en renonçant à l’entendre personnellement. Ce grief doit donc être écarté.

3) Quant au grief relatif à la constatation inexacte des faits par le Procureur et la commission du barreau, il ne peut être retenu pour les raisons suivantes. Bien que la procuration du 13 mars 2007 se limite à deux affaires déterminées, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des courriers de Me A______ des 15 juillet 2009 et 23 octobre 2009, que ce dernier avait également reçu de feu M. B______, en juillet 2008, un mandat général de s’occuper de ses affaires, en particulier afin de récupérer des créances. Malgré l’absence de procuration relative audit mandat, le courrier du 23 octobre 2009 et ceux des 10 et 23 décembre 2009 démontrent que le recourant veillait à sauvegarder les intérêts de son ancien client et qu’il cherchait, sans succès, à formaliser ledit mandat auprès de la famille de ce dernier.

4) La chambre pénale de recours de la Cour de justice dans son arrêt du 23 mai 2014 (ACPR/4______) a estimé que la commission du barreau était l’autorité compétente pour vérifier si Me A______ respecte les règles professionnelles applicables dans le canton de Genève et, le cas échéant, lui interdire de représenter les intérêts de Mme D______ devant le Ministère public de Genève dans la procédure pénale P/1______.

En effet, avocat au barreau de Marseille, le recourant est autorisé à pratiquer la représentation en justice en Suisse aux conditions posées par la LLCA. Il est en particulier soumis aux règles professionnelles prévues à l’art. 12 LLCA, sous réserve de deux exceptions non pertinentes en l’espèce (art. 25 LLCA). Bien que cela ne ressorte pas de l’art. 25 LLCA, l’avocat provenant de l’Union européenne est également soumis au secret professionnel prévu à l’art. 13 LLCA (Hans NATER / Gaudenz G. ZINDEL in Walter FELLMANN / Gaudenz G. ZINDEL [éd.], Kommentar zum Anwaltsgesetz, Bundesgesetz über die Freizügigkeit der Anwältinnen und Anwälte, 2011, ad art. 13 n. 31 ; Pascal MAURER / Jean-Pierre GROSS in Michel VALTICOS / Christian M. REISER / Benoît CHAPPUIS [éd.], Loi sur les avocats, Commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats, 2010, ad art. 13 n. 75 ss ; François BOHNET / Vincent MARTENET, op. cit., p. 361 n. 830).

Selon l’art. 14 LPAv, la commission du barreau exerce les compétences dévolues à l’autorité de surveillance des avocats par la LLCA, ainsi que celles qui lui sont attribuées par le droit cantonal. Elle est en particulier l’autorité de surveillance des avocats d’un autre barreau autorisés à assister ou représenter une partie devant les tribunaux genevois, pour l’activité qu’ils exercent sur le territoire du canton (art. 42 al. 2 LPav). La commission du barreau statue sur tout manquement aux devoirs professionnels et peut, si un tel manquement est constaté et suivant la gravité du cas, prononcer les sanctions énoncées à l’art. 17 LLCA (art. 43 al. 1 LPAv). Elle peut aussi prononcer des injonctions propres à imposer à l'avocat le respect des règles professionnelles. En cas d’urgence, le bureau de la commission du barreau est compétent pour prononcer des mesures provisionnelles ; l’avocat faisant l'objet d'une injonction prononcée par le bureau peut demander que la mesure soit soumise à la commission plénière. Dans ce dernier cas, les membres du bureau participent également à la délibération (art. 43 al. 3 LPav).

En l’espèce, cette procédure a été correctement appliquée. L’injonction litigieuse trouve son fondement légal à l’art. 43 al. 3 phr. 1 LPav. Elle ne constitue pas, selon le Tribunal fédéral, une mesure disciplinaire au sens de l’art. 17 LLCA, mais relève du contrôle du pouvoir de postuler de l’avocat (ATF 138 II 162 consid. 2.5.1).

5) Il convient d’examiner si Me A______ se trouve confronté à un conflit d’intérêts dans le cadre de la procédure pénale P/1______. Celle-ci oppose son ancien client, feu M. B______, à son actuelle cliente, Mme D______, seconde épouse du défunt. Elle a été ouverte devant le Procureur genevois, sur plainte déposée le 18 février 2011 par Me J______, au nom et pour le compte de M. B______, sur demande de la curatrice et nièce de celui-ci.

a. Selon l’art. 12 LLCA, l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence (let. a), exerce son activité professionnelle en toute indépendance (let. b) et évite tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé (let. c).

En vertu de l’art. 13 LLCA, l'avocat est soumis au secret professionnel pour toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l'exercice de sa profession; cette obligation n'est pas limitée dans le temps et est applicable à l'égard des tiers. Le fait d'être délié du secret professionnel n'oblige pas l'avocat à divulguer des faits qui lui ont été confiés. Cette obligation est rappelée à l’art. 12 al. 1 LPAv.

b. L'obligation de renoncer à représenter un mandant en cas de conflit d'intérêts est une règle cardinale de la profession d'avocat (ATF 138 II 162 consid. 2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_967/2014 du 27 mars 2015 consid. 3.3.2 ; 2C_889/2008 du 21 juillet 2009 consid. 3.1.3). Elle découle de l’obligation d’indépendance ancrée à l’art. 12 let. b LLCA, de l’obligation de fidélité et du devoir de diligence de l’avocat (arrêts du Tribunal fédéral 2A.293/2003 du 9 mars 2004 consid. 2 ; 1A.223/2002 du 18 mars 2003 consid. 5.2 ; François BOHNET / Vincent MARTENET, op. cit., p. 576 n. 1395). Elle est en lien avec la clause générale de l'art. 12 let. a LLCA (ATF 134 II 108 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_967/2014 précité consid. 3.3.2 ; 2C_688/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1). Elle permet également à l’avocat de sauvegarder son secret professionnel (arrêt du Tribunal fédéral 2A.310/2006 du 21 novembre 2006 consid. 6.2 ; François BOHNET / Vincent MARTENET, op. cit., p. 576 n. 1395).

Le Tribunal fédéral a souvent rappelé que l'avocat a notamment le devoir d'éviter la double représentation, c'est-à-dire le cas où il serait amené à défendre les intérêts opposés de deux parties à la fois, car il n'est alors plus en mesure de respecter pleinement son obligation de fidélité et son devoir de diligence envers chacun de ses clients (ATF 135 II 145 consid. 9.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_358/2014 du 12 décembre 2014 consid. 3.1 et les références citées ; 2C_26/2009 du 18 juin 2009 consid. 3.1). Il y a violation de l'art. 12 let. c LLCA lorsqu'il existe un lien entre deux procédures et que l'avocat représente dans celles-ci des clients dont les intérêts ne sont pas identiques. Il importe peu en principe que la première des procédures soit déjà terminée ou encore pendante, dès lors que le devoir de fidélité de l'avocat n'est pas limité dans le temps (ATF 134 II 108 consid. 3).

c. Il y a conflit d'intérêts au sens de l'art. 12 let. c LLCA dès que survient la possibilité d'utiliser, consciemment ou non, dans un nouveau mandat les connaissances acquises antérieurement sous couvert du secret professionnel, dans l'exercice d'un premier mandat. Il faut éviter toute situation potentiellement susceptible d'entraîner un tel conflit d'intérêts. Un risque purement abstrait ne suffit pas. Le risque de conflit d'intérêts doit être concret (arrêts du Tribunal fédéral 5A_967/2014 du 27 mars 2015 consid. 3.3.2 ; 2C_885/2010 du 22 février 2011 consid. 3.1).

L'exigence du caractère concret du conflit d'intérêts implique l'examen du risque dans le cas d'espèce, par opposition à un raisonnement dans l'abstrait reposant sur des critères purement théoriques. En revanche, en présence d'éléments concrets qui révèlent un risque de conflit d'intérêts, il importe peu que ce risque se soit finalement matérialisé ou non. Comme le souligne expressément la jurisprudence, le fait qu'il y ait potentiellement un risque de conflit d'intérêts en raison des circonstances de l'espèce suffit (arrêts du Tribunal fédéral 2C_885/2010 précité consid. 3.3 ; 2C_688/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1). En outre, au stade de la détermination d'une situation de conflit d'intérêts, il est décisif d'établir si les connaissances acquises dans le cadre d'un mandat peuvent s'avérer préjudiciables à l'exercice d'un autre mandat, sans qu’il importe de savoir, sur le plan procédural, quelle partie doit apporter la preuve des faits pertinents (arrêt du Tribunal fédéral 2C_885/2010 précité consid. 3.3).

d. Le secret professionnel porte sur tout fait revêtant la qualité de secret. Il s’étend aux secrets proprement dits mais également à tout ce que l’avocat apprend, surprend, connaît, devine et même déduit dans l’exercice de sa profession (Pascal MAURER / Jean-Pierre GROSS, in Michel VALTICOS / Christian M. REISER / Benoît CHAPPUIS [éd.], Loi sur les avocats, Commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats, 2010, ad art. 13 n. 207). Le secret a une composante objective ; est secret tout fait qui n’est pas connu de tous ou accessible à tous. Il a également une composante subjective ; il s’agit de tout fait que le client souhaite maintenir secret, qu’il soit vrai ou faux, d’importance ou non. Il peut se révéler délicat pour l’avocat de déterminer si les faits doivent être tenus secrets ou non. En cas de doute, l’avocat doit s’abstenir de toute révélation. Il lui revient de requérir des instructions de son client (François BOHNET / Vincent MARTENET, op. cit., p. 755 ss, n. 1834 et 1839). Une partie de la doctrine considère que les quatre conditions suivantes doivent être réunies pour parler de secret. Le secret ne doit pas être connu du public, il ne doit pas être accessible à tous, le détenteur a un intérêt à le taire et veut effectivement que le secret soit gardé (Pascal MAURER / Jean-Pierre GROSS, op. cit., ad art. 13 n. 209 ; Bernard CORBOZ, Le secret professionnel de l’avocat selon l’art. 321 CP in SJ 1993 p. 77, p. 83 ss).

Le secret protège la relation de confiance entre l’avocat et son client (ATF 117 Ia 341 ; François BOHNET / Vincent MARTENET, op. cit., p. 761 n. 1855). Le secret survit au client lui-même puisqu’il demeure malgré sa mort (Pascal MAURER / Jean-Pierre GROSS, op. cit., ad art. 13 n. 288). Selon le Tribunal fédéral, le secret professionnel est opposable aux héritiers du client ; il fait échec à l’action en reddition de compte fondée sur l’art. 400 al. 1 CO, lorsque celle-ci est intentée par les héritiers du client et qu’elle porte sur des renseignements que l’avocat recherché avait recueillis dans son activité professionnelle spécifique (ATF 135 III 597 consid. 3.4). Les héritiers ne jouissent d’aucune prérogative particulière s’agissant d’un éventuel consentement. L’avocat qui voudrait révéler des faits relevant du secret professionnel dû à son défunt client devrait donc saisir l’autorité de surveillance compétente et la convaincre d’un intérêt prépondérant à la révélation (Pascal MAURER / Jean-Pierre GROSS, op. cit., ad art. 13 n. 385 ; François BOHNET / Vincent MARTENET, op. cit., p. 782 n. 1919). Il faut retenir que l’avocat peut informer de manière détaillée les héritiers sur les procès en cours, sur la base d’une levée implicite du client décédé depuis. Doivent être réservés les éléments que le client n’aurait manifestement pas souhaité voir révéler à ses héritiers (François BOHNET / Vincent MARTENET, op. cit., p. 783 n. 1921).

e. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’obligation de secret et le devoir de fidélité interdisent à l'avocat d'accepter un mandat contre un ancien client, lorsqu'il existe une relation étroite entre les deux mandats. L'interdiction de plaider contre un ancien client prévaut dès l'instant où la possibilité existe que des connaissances acquises à la faveur de l'ancien mandat puissent être utilisées dans l'exercice du nouveau. Cette situation légitime une limitation du droit au libre choix de l'avocat et à la liberté d'exercice de la profession (arrêt du Tribunal fédéral 1B_7/2009 du 16 mars 2009 consid. 5.5 = SJ 2009 I 386, 388 consid. 5.5).

Il n’existe pas d’interdiction de principe d’agir contre un ancien client. Toutefois, l’interdiction d’utiliser les informations obtenues à l’occasion du précédent mandat peut impliquer le devoir de renoncer à un dossier contre un ancien mandant. L’art. 13 du Code suisse de déontologie du 10 juin 2005 prévoit que l’avocat n’accepte pas un nouveau mandat si le secret des informations données par un ancien client risque d’être violé ou lorsque la connaissance des affaires d’un précédent client pourrait porter préjudice à ce dernier. Une obligation similaire est posée à l’art. 3.2.3. du Code de déontologie des avocats européens du 28 octobre 1988. Il convient de déterminer si les connaissances acquises par rapport à l’ancien mandat sont nécessaires ou utiles dans le cadre du nouveau mandat. Il faut être particulièrement attentif lorsque l’avocat occupait la position d’un avocat de confiance (François BOHNET / Vincent MARTENET, op. cit., p. 589 n. 1439 s.).

Avant d’accepter un mandat contre un ancien client, l’avocat devra apprécier différents critères, tels que la nature, l’importance et la durée de l’ancien mandat, les connaissances acquises par l’avocat sur son ancien client, le temps qui s’est écoulé entre les deux causes ainsi que l’existence d’un lien de connexité entre celles-ci. Plus le nouveau mandat se situe dans un laps de temps relativement proche du précédent et s’inscrit dans un complexe de faits identique, et plus le client pourra considérer que la constitution de son ancien avocat à son encontre revêt un caractère choquant et qu’il en résulte une situation de conflit d’intérêts. Le lien de connexité entre les deux mandats s’appréciera surtout au vu des connaissances que l’avocat aura pu recueillir durant son précédent mandat, lesquelles demeurent couvertes par le secret professionnel. Un avocat ne peut accepter un nouveau mandat que s’il est exclu qu’il puisse faire valoir ou doive faire état de circonstances qu’il a apprises dans le cadre d’un précédent mandat, et il suffit que se présente l’éventualité d’une utilisation d’informations couvertes par le secret pour que l’avocat soit contraint d’y renoncer (Michel VALTICOS in Michel VALTICOS / Christian M. REISER / Benoît CHAPPUIS [éd.], Loi sur les avocats, Commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats, 2010, ad art. 12 n. 175 et 177).

f. Quant à l’indépendance, autre principe essentiel de la profession d’avocat (ATF 123 I 193 consid. 4a et 4b), elle doit aussi être garantie à l’égard du client. Celui qui s’adresse à un avocat doit escompter que celui-ci est libre de tout lien, de quelque nature que ce soit à l’égard de qui que ce soit, qui pourrait restreindre sa capacité de défendre les intérêts de son client, dans l’accomplissement du mandat que ce dernier lui a confié (arrêt du Tribunal fédéral 2A.293/2003 précité consid. 3).

Si un conflit d'intérêts surgit, il appartient à l'avocat de mettre fin au(x) mandat(s), quand bien même la ou les parties auraient exprimé leur consentement à la poursuite de la représentation. Hormis les cas où le conflit d'intérêts est dénoncé par les clients ou les anciens mandants de l'avocat, la constatation du conflit peut être soulevée par une autorité judiciaire ou par les autorités disciplinaires (ATF 138 II 162 consid. 2.5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_149/2013 précité consid. 2.4.2 ; Michel VALTICOS, op. cit., ad art. 12 n. 184 ss).

g. Les règles professionnelles susmentionnées visent avant tout à protéger les intérêts des clients de l'avocat, en leur garantissant une défense exempte de conflit d'intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 1B_420/2011 du 21 novembre 2011 consid. 1.2.2). Elles tendent également à garantir la bonne marche du procès, notamment en s'assurant qu'aucun avocat ne soit restreint dans sa capacité de défendre l'un de ses clients - notamment en cas de défense multiple -, respectivement en évitant qu'un mandataire puisse utiliser les connaissances d'une partie adverse acquises lors d'un mandat antérieur au détriment de celle-ci (arrêts du Tribunal fédéral 1B_358/2014 précité consid. 3.1 ; 1B_376/2013 du 18 novembre 2013 consid. 3).

Les obligations d’indépendance et de fidélité ainsi que le devoir d’éviter les conflits d’intérêts et celui de diligence envers le mandant survivent à la fin du rapport contractuel de sorte que l’avocat doit respecter son devoir d’éviter tout conflit d’intérêts également lorsqu’il accepte un mandat contre un ancien client. Ce n’est qu’à ces conditions que sont respectés les buts de la loi sur les avocats qui tend, notamment, à protéger la confiance du public en la profession d’avocat et à garantir la sauvegarde du secret professionnel (arrêt du Tribunal fédéral 2C_26/2009 du 18 juin 2009 consid. 3.1).

h. En l’espèce, la position du recourant devant le Procureur général du canton de Genève est délicate en raison des circonstances concrètes dans lesquelles il intervient. Avocat de confiance du défunt entre 1985 et 2001 ainsi qu’entre 2006 et le 21 juin 2010, il était jusqu’à cette date au bénéfice d’une procuration notariée du 13 mars 2007 destinée à préserver ses intérêts patrimoniaux dans deux affaires déterminées. Il a également reçu, le 5 juillet 2008, de manière informelle, de la part de son ancien client, un mandat général afin de s’occuper de l’ensemble de ses affaires, et notamment de récupérer ses créances. Ses tentatives, auprès de la nièce de son ancien client et du père de celle-ci, pour formaliser ce mandat entre octobre et décembre 2009 sont restées vaines, tandis qu’il observait une détérioration de l’état de santé de son client, alors âgé de 72 ans, qui diminuait sa capacité de discernement. Il a, en juin 2010, à la veille de la révocation de l’ensemble de ses mandats, sollicité, auprès des autorités genevoises, l’instauration d’une mesure tutélaire en faveur de son ancien client. Malgré l’absence de procuration relative au mandat général donné en juillet 2008, les courriers des 10 et 23 décembre 2009 démontrent que le recourant a néanmoins veillé à sauvegarder les intérêts patrimoniaux de feu M. B______ jusqu’à la révocation de tous ses mandats survenue en juin 2010. Pour le travail effectué entre août 2006 et juillet 2010, il a perçu, après les avoir réclamés en justice, des honoraires s’élevant à un montant d’environ EUR 755'000.-.

En mai 2013, soit trois ans après la révocation de son mandat et huit mois après le décès de son ancien client, le recourant souhaite intervenir dans une procédure pénale en tant qu’avocat de la partie accusée d’avoir porté atteinte au patrimoine de son ancien client, notamment par des prélèvements prétendument indus sur les comptes bancaires de ce dernier, entre mars 2008 et avril 2010. La prévenue n’est pas un tiers quelconque ; il s’agit de la seconde épouse et héritière de son ancien client, dont ce dernier s’est séparé quelques mois avant son décès, ainsi que de la nièce d’un de ses amis d’enfance. La procédure pénale en cause s’inscrit dans un contexte familial conflictuel. Essentiellement d’ordre successoral, ce conflit oppose l’épouse de son ancien client à la nièce, curatrice et héritière contestée de ce dernier. Il a pour toile de fond la détérioration de la capacité de discernement du défunt en raison de son âge avancé, et les conséquences de celle-ci sur la validité des actes de ce dernier, notamment sur la réelle volonté du défunt de révoquer le testament de janvier 2008 en faveur de sa seconde épouse au profit de sa nièce, de divorcer de celle-là en mai 2010 et d’accuser cette dernière d’atteinte à son patrimoine en février 2011. Les deux parties actuellement opposées devant le Procureur général du canton de Genève avaient, du vivant de M. B______, déjà des avis divergents sur le choix de mesures de protection à prendre en faveur de celui-ci.

La détermination d’un éventuel conflit d’intérêts en la personne du recourant doit s’effectuer au vu des circonstances du cas d’espèce. Bien que formellement ouverte par l’ancien client, la procédure pénale débute à une période où ce dernier est sous curatelle renforcée en raison d’une diminution de sa capacité de discernement due à son âge avancé. À cette époque, la curatrice, et héritière contestée, de son ancien client doit assister celui-ci et le contrôler dans la gestion de ses biens. En transmettant la procuration à Me J______ et en lui enjoignant d’étendre la plainte pénale à l’infraction pour vol, la nièce et curatrice de M. B______ joue un rôle actif dans le dépôt de la plainte pénale à l’encontre de Mme D______. L’intervention de la nièce et l’affaiblissement de la capacité de discernement de M. B______ constituent des circonstances susceptibles d’atténuer, sous l’angle de la relation de confiance envers son ancien client et en raison des circonstances particulières du présent cas, le caractère contradictoire des intérêts de son ancien client face à ceux de sa cliente actuelle. En effet, la situation aurait pu ne pas se produire si son ancien client avait pu pleinement disposer de ses facultés intellectuelles. Il n’est pas sûr, en raison du conflit essentiellement motivé par des considérations successorales, que le défunt aurait alors accusé sa seconde épouse d’avoir indûment bénéficié d’une importante partie de son patrimoine. Toutefois, la défense des intérêts de Mme D______ consiste à démontrer qu’elle n’a pas indûment prélevé la somme de EUR 400'000.- sur les comptes bancaires de feu M. B______. La défense de cette position dans le cadre de la procédure pénale P/1______, place le recourant dans un conflit d’intérêts par rapport à son premier mandat en faveur du défunt, en particulier au vu de la situation conflictuelle actuelle.

La question est également délicate du point de vue du secret professionnel. En effet, l’épouse de l’ancien client du recourant est suspectée d’avoir indûment prélevé une importante somme d’argent sur les comptes bancaires de son mari entre mars 2008 et avril 2010. Cette période coïncide avec celle où le recourant avait reçu, bien que de manière informelle, le mandat général du défunt de s’occuper de toutes ses affaires, notamment de recouvrer les créances, et pour laquelle il avait perçu des honoraires élevés. Le recourant est ainsi, pour cette période, tenu au secret professionnel sur tous les faits parvenus à sa connaissance dans le cadre de la défense des intérêts patrimoniaux de son ancien client, notamment sur les actes, réfléchis ou non, de gestion patrimoniale pris par ce dernier et sur les raisons, objectivement fondées ou non, de ces actes. Par ailleurs, le mandat général donné au recourant s’inscrit dans le cadre d’une relation étroite de confiance avec son ancien client. Bien qu’interrompue entre 2001 et 2006, cette relation a perduré pendant plus de quinze ans. La durée et la nature de cette relation de confiance peuvent, selon toute vraisemblance, avoir donné lieu à des échanges sur des questions personnelles concernant le défunt, notamment en ce qui concernait son second mariage avec la nièce d’un ami d’enfance du recourant. Les écritures de ce dernier témoignent en effet d’une relation d’amitié avec son ancien client. L’intéressé relate dans son recours la rencontre de son ancien client avec sa seconde épouse, leur mariage et les relations de celle-ci avec sa belle-famille. N’étant actuellement plus en vie, le défunt ne peut pas délier le recourant de son obligation de garder le secret sur tous les faits appris dans le cadre de son mandat et susceptibles d’être pertinents pour la défense des intérêts de sa cliente actuelle.

En raison du lien particulièrement étroit entre le recourant et le défunt, et vu la connexité, pendant la période pénale en cause, entre le volet essentiellement patrimonial du mandat en faveur de son ancien client et les infractions à l’encontre du patrimoine de ce dernier reprochées à sa cliente actuelle dans le cadre de la procédure pénale P/1______, on ne peut exclure que le recourant ne doive pas, à un quelconque moment de la procédure, faire état de circonstances dont il a eu connaissance dans le cadre du mandat en faveur de son ancien client. Bien qu’il s’agisse d’un risque, qui ne s’est pas encore réalisé et qui peut ne pas se concrétiser, ce risque existe néanmoins potentiellement en raison des circonstances particulières du présent cas. Le fait que le recourant défende les intérêts d’une héritière de son ancien client ne le délie pas, en droit suisse, de son obligation de demeurer tenu au secret professionnel à l’égard du défunt, qui ne peut plus le délier de celle-ci. Par conséquent, il existe potentiellement un risque concret, bien que non matérialisé, de conflit d’intérêt entre l’ancien mandat du recourant en faveur de feu M. B______ et son mandat actuel visant la défense de Mme D______ dans le cadre de la procédure pénale P/1______.

Par ailleurs, la confiance du public dans la profession d’avocat et l’obligation d’indépendance de l’avocat doivent également être garanties. Elles impliquent de s’assurer que l’actuelle prévenue dans la procédure pénale précitée, dispose d’une défense exempte de conflit d’intérêts de manière à ce que son avocat ne soit pas restreint dans sa capacité de la défendre, en raison notamment d’une obligation du même avocat de respecter son secret professionnel vis-à-vis d’un ancien client. Or, pour les raisons évoquées plus haut, il existe en l’espèce l’éventualité que le recourant doive recourir à des éléments de fait appris dans le cadre de son mandat en faveur du défunt, qu’il devra cependant taire à sa cliente actuelle, prévenue dans la procédure pénale P/1______, en violation de ses obligations envers celle-ci.

Par conséquent, l’interdiction de représenter les intérêts de Mme D______ devant le Ministère public du canton de Genève dans le cadre de la procédure P/1______, prononcée à l’égard du recourant par la commission du barreau, doit être confirmée.

6) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1’500.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 novembre 2014 par Monsieur
A______ contre la décision de la commission du barreau du 14 octobre 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1’500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marie-Claude de Rham-Casthelaz, avocate du recourant, ainsi qu'à la commission du barreau.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Dumartheray et Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :