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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1666/2020

ATA/527/2021 du 18.05.2021 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1666/2020-EXPLOI ATA/527/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 mai 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Dimitri Tzortzis, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1986, est au bénéfice d'une autorisation d'exploiter un établissement public à l'enseigne « B______ », sis place C______ à Genève (ci-après : l'établissement), délivrée par le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN).

2) Le 5 novembre 2019, le PCTN a informé M. A______, en tant qu'exploitant et propriétaire de l'établissement, de son intention de prononcer à son encontre une sanction et/ou une mesure administrative à la suite d'une infraction à la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) qui avait eu lieu le 30 juillet 2017 et qui avait fait l'objet d'un rapport de police le 29 août 2017.

3) Le 26 novembre 2019, M. A______ a contesté avoir commis une quelconque infraction, en particulier que l'exploitation de l'établissement aurait engendré des inconvénients graves pour le voisinage. Il a notamment indiqué être au bénéfice d'une autorisation d'exploiter depuis le 6 septembre 2010 et avoir installé un limiteur-enregistreur de sons.

4) Le 28 janvier 2020, le PCTN a transmis à M. A______ quatre rapports de dénonciation établis par la police le 7 janvier 2020 à la suite de contrôles effectués dans l'établissement, dont ressortent les constats suivants :

- le 30 novembre 2019 à 02h00, douze clients fumaient au sein de l'établissement, et la porte du fumoir était ouverte sur la salle ;

- le 6 décembre 2019 à 03h00, cinq clients fumaient au sein de l'établissement, et la porte du fumoir était ouverte sur la salle ;

- le 8 décembre 2019 à 02h20, quatre clients fumaient au sein de l'établissement, et les agents de police avaient été retenus à l'extérieur par les agents de sécurité et avaient dû forcer le passage pour pouvoir accéder à l'établissement ;

- le 13 décembre 2019 à 03h45, trois clients fumaient au sein de l'établissement, et les agents de police avaient été retenus à l'extérieur par les agents de sécurité et avaient dû forcer le passage pour pouvoir accéder à l'établissement.

M. A______ était invité à se déterminer sur les faits qui lui étaient reprochés avant que le PCTN ne prononce une éventuelle sanction ou mesure administrative.

5) Le 21 février 2020, M. A______ a indiqué avoir toujours fait le nécessaire et fourni de nombreux efforts pour que personne ne fume à l'intérieur de l'établissement, et pour être en conformité avec la loi. En particulier, de nombreux panneaux et autocollants signifiant l'interdiction de fumer étaient apposés à l'extérieur et à l'intérieur de l'établissement de manière visible, y compris sur le mobilier. Le personnel assurant le service et la sécurité enjoignait régulièrement aux personnes souhaitant fumer de se rendre dans le fumoir, installé depuis plusieurs années, ou à l'extérieur. Au cours de l'année 2016, il avait contacté les services de police à plusieurs reprises par téléphone pour signaler que des clients fumaient au sein de l'établissement, ce à quoi il lui avait été répondu que la police ne se déplaçait pas pour ce motif. Vu toutes les précautions prises, il ne pouvait pas se voir imputer un éventuel non-respect de l'interdiction de fumer par des clients qui l'auraient fait « en cachette ».

Lors des contrôles des 30 novembre et 6 décembre 2019, des clients avaient effectivement été surpris en train de fumer, ceux-ci ayant échappé à la vigilance du personnel vu le nombre de clients présents et la discrétion dont les contrevenants faisaient généralement preuve. Il était également admis que les portes du fumoir étaient ouvertes. Toutefois, dès l'instant où son attention avait été attirée à ce sujet, il avait immédiatement fait le nécessaire pour que les portes se referment automatiquement, en faisant installer une commande « ferme-porte ».

Lors du contrôle du 8 décembre 2019, personne ne fumait à l'intérieur, ce qui avait été constaté par les policiers, qui avaient félicité le directeur de l'établissement à ce sujet. Le rapport comportait donc des informations incorrectes. Par ailleurs, la sécurité n'avait jamais retenu la patrouille de police à l'entrée et celle-ci n'avait à aucun moment dû forcer le passage. Ces affirmations étaient fausses, voire mensongères, étant précisé qu'il avait toujours entretenu d'excellentes relations avec la police. Il convenait d'entendre les agents ayant effectué les contrôles.

Lors du contrôle du 13 décembre 2019, deux et non pas trois clients avaient été surpris en train de fumer, ceux-ci ayant échappé à la vigilance du personnel. Tout comme pour le contrôle précédent, il était faux d'affirmer que la sécurité avait empêché la police d'entrer.

Au surplus, les quatre rapports avaient été dressés le 7 janvier 2020 par le même agent de police (n° de matricule P1______) qui, selon toute vraisemblance, n'était pas présent sur les lieux au moment des contrôles, et non par les agents ayant procédé aux contrôles.

6) Par décision du 19 mai 2020, le PCTN a renoncé à poursuivre les infractions constatées le 30 juillet 2017, mais a retenu à l'encontre de M. A______, pour les faits constatés les 30 novembre, 6 décembre, 8 décembre et 13 décembre 2019 la commission de deux infractions à l'art. 34 LRDBHD (refus d'accès/entraves aux contrôles par les autorités), quatre infractions à l'art. 6 al. 2 de la loi sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics du 22 janvier 2009 (LIF - K 1 18) (défaut d'injonction à l'usager de ne pas fumer) et deux infractions à l'art. 6 al. 2 LIF cum 4 al. 1 let. a LIF et 3 al. 1 let. a du règlement d'application relatif à la LIF du 7 octobre 2009 (RIF - K 1 18.01 ; non-fermeture de la porte du fumoir).

Le PCTN a infligé à M. A______ une amende de CHF 2'400.-.

Les explications fournies par l'intéressé, qui se contentait de contester les infractions reprochées sans apporter d'éléments probants, n'étaient pas propres à remettre en cause les constatations opérées par les services de police, dont la force probante était accrue conformément à la jurisprudence constante en la matière. Concernant l'audition des agents de police, il était rappelé que la procédure administrative était en principe écrite.

7) Le 11 juin 2020, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant principalement à son annulation et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision. Il sollicitait préalablement l'audition des agents de police numéros de matricules P2______, P3______, P4______ et P5______ qui avaient procédé aux contrôles des 8 et 13 décembre 2019.

Le recours a été enregistré sous le numéro de procédure A/1666/2020.

Depuis l'entrée en vigueur de la législation relative à l'interdiction de fumer, il avait pris toutes les précautions nécessaires pour la faire respecter. Tous ses collaborateurs avaient été formés pour intervenir auprès de toute personne fumant dans l'établissement et l'orienter vers le fumoir ou à l'extérieur. Une importante signalétique relative à l'interdiction de fumer avait par ailleurs été installée partout dans l'établissement (photographies à l'appui). Les anciennes tables contenant des cendriers intégrés avaient été changées et aucun cendrier n'était posé sur les nouvelles tables, ce qui signifiait clairement l'interdiction de fumer. Immédiatement après les contrôles des 30 novembre et 6 décembre 2019, une commande permettant la fermeture automatique des portes du fumoir avait été installée. Au surplus, il maintenait les explications fournies dans son courrier du 21 février 2020.

Des images de vidéosurveillance enregistrées les 8 décembre 2019 à 02h12 et 13 décembre 2019 à 03h41 étaient produites. Il ressortait de ces images qu'à chacun des deux contrôles, les policiers s'étaient présentés à l'entrée de l'établissement et que dès leur arrivée, l'agent de sécurité avait enlevé le cordon de sécurité, les avait salués, avait échangé des politesses avec eux durant quelques secondes, puis que les policiers avaient pénétré à l'intérieur sans être retenus, ni avoir dû forcer le passage.

Hormis la problématique liée à la fermeture des portes du fumoir, qui n'était initialement pas automatique, les autres infractions qui lui étaient reprochées n'étaient pas réalisées. L'autorité intimée avait constaté les faits de manière inexacte, violé le droit et abusé de son pouvoir d'appréciation, en violation de l'art. 34 LRDBHD, de l'art. 6 al. 2 LIF et du principe de l'interdiction de l'arbitraire.

8) Le 7 juillet 2020, le PCTN a indiqué que, suite à l'examen des images de vidéosurveillance produites par M. A______ dans le cadre de son recours du 11 juin 2020, une nouvelle décision avait été rendue le jour même.

9) Par décision du 7 juillet 2020 annulant et remplaçant celle du 19 mai 2020, le PCTN a infligé à M. A______ une amende de CHF 1'950.-, à la suite des faits constatés les 30 novembre, 6 décembre, 8 décembre et 13 décembre 2019, pour avoir commis quatre infractions à l'art. 6 al. 2 LIF (défaut d'injonction à l'usager de ne pas fumer) et deux infractions à l'art. 6 al. 2 LIF cum 4 al. 1 let. a et 3 al. 1 let. a RIF (non-fermeture de la porte du fumoir).

Les images de vidéosurveillance produites par le recourant démontraient que la sécurité n'avait pas empêché l'accès aux policiers les 8 et 13 décembre 2019, de sorte que les infractions à l'art. 34 LRDBHD n'étaient plus retenues.

Au surplus, le contenu de cette nouvelle décision était identique à celui de la première.

10) Le 31 juillet 2020, le PCTN a transmis ses observations, concluant au rejet du recours du 11 juin 2020 et à la confirmation de sa décision du 7 juillet 2020.

Le recourant avait admis les faits constatés lors des contrôles des 30 novembre et 6 décembre 2019. Il contestait en revanche les faits constatés lors des contrôles des 8 et 13 décembre 2019, sans apporter aucun élément de preuve.

Le fait que le recourant avait pris des mesures dès l'entrée en vigueur de la législation en matière d'interdiction de fumer ne changeait rien aux constatations opérées par les services de police les 30 novembre, 6 décembre, 8 décembre et 13 décembre 2019 et à son obligation découlant de la loi.

11) Le 8 septembre 2020, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre la décision du PCTN du 7 juillet 2020, concluant à son annulation et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision. Il sollicitait préalablement la jonction de son recours à la cause A/1666/2020 portant sur son recours du 11 juin 2020, ainsi que l'audition des agents de police numéros de matricules P2______, P3______, P4______ et P5______ qui avaient procédé aux contrôles des 8 et 13 décembre 2019.

Le recours a été enregistré sous le numéro de procédure A/2726/2020.

Il persistait à solliciter l'audition des policiers ayant effectué les contrôles, dès lors que les quatre rapports de dénonciation avaient été établis le 7 janvier 2020 et signés par un agent qui n'avait pas lui-même procédé aux contrôles. Leur témoignage était susceptible de prouver que les faits n'avaient pas correctement été établis.

En particulier lors du contrôle du 8 décembre 2019, la police avait félicité le directeur de l'établissement après avoir constaté que personne ne fumait à l'intérieur, alors que le rapport mentionnait que quatre clients fumaient à l'intérieur. De même, lors du contrôle du 13 décembre 2019, deux et non pas trois clients avaient été surpris en train de fumer, contrairement à ce qu'indiquait le rapport.

Au surplus, il a réitéré ses explications relatives aux nombreuses mesures qu'il avait prises au sein de son établissement pour faire respecter l'interdiction de fumer. Malgré sa vigilance et celle de ses collaborateurs, il pouvait arriver que des clients allument discrètement une cigarette au sein du dancing où se trouvaient plusieurs centaines de personnes et où la lumière était tamisée, accompagnée de stroboscopes, ce qui ne permettait pas de les voir immédiatement.

12) Par décision du 23 septembre 2020, la chambre administrative a ordonné la jonction des procédures A/1666/2020 et A/2726/2020 sous le numéro de cause A/1666/2020, dès lors que les recours des 11 juin et 8 septembre 2020 se rapportaient aux mêmes faits. Un délai a été imparti au PCTN pour répondre au second recours.

13) Le 5 octobre 2020, le PCTN a transmis ses observations, concluant au rejet du recours du 8 septembre 2020 et à la confirmation de sa décision du 7 juillet 2020.

Il ne s'opposait pas à l'audition des agents de police ayant procédé aux contrôles de l'établissement.

Il persistait au surplus dans sa précédente argumentation.

14) Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les deux recours sont recevables de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. À teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/805/2020 du 25 août 2020). Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; 137 I 296 consid. 4.2) ; si l'intérêt s'éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle ou déclaré irrecevable (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1).

Un intérêt actuel et pratique fait en particulier défaut lorsque l'acte de l'autorité a été exécuté (ATF 125 I 394 consid. 4) ou a perdu son objet ou encore lorsque l'admission du recours ne permettrait pas la réparation du préjudice subi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_863/2019 du 14 avril 2020 consid. 3.2). De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes et non de prendre des décisions à caractère théorique, ce qui répond à un souci d'économie de procédure (ATF 136 I 274 consid. 1.3 ; ATA/1094/2020 du 3 novembre 2020 consid. 2 ; ATA/373/2018 du 24 avril 2018).

Toutefois, l'autorité de première instance peut, en cours de procédure, reconsidérer ou retirer sa décision. En pareil cas, elle notifie, sans délai, sa nouvelle décision aux parties et en donne connaissance à l'autorité de recours (art. 67 al. 2 LPA). L'autorité de recours continue à traiter le recours dans la mesure où la nouvelle décision ne l'a pas rendu sans objet (art. 67 al. 3 LPA).

b. En l'espèce, la décision rendue le 19 mai 2020 par l'autorité intimée, faisant l'objet du recours interjeté le 11 juin 2020, a été annulée et remplacée par une nouvelle décision du 7 juillet 2020, contre laquelle un recours a été interjeté le 8 septembre 2020.

Les deux procédures ont été jointes par décision de la chambre de céans du 23 septembre 2020, dès lors qu'elles concernaient le même état de fait. La première décision attaquée a été annulée et remplacée par la seconde et le recourant a également contesté cette dernière. Le premier recours du 11 juin 2020 conserve toutefois un objet en tant que la nouvelle décision n'a pas donné entièrement gain de cause au recourant.

3) Le recourant sollicite préalablement l'audition des quatre agents de police ayant procédé aux contrôles de son établissement les 8 et 13 décembre 2019.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 ; ATA/1347/2017 du 3 octobre 2017 consid. 2a et les arrêts cités).

b. En l'espèce, le recourant estime que les témoignages requis permettraient de confirmer l'inexactitude des faits contenus dans les rapports établis suite aux contrôles des 8 et 13 décembre 2019, en particulier le fait qu'aucun client ne fumait à l'intérieur à la première date et que seuls deux et non pas trois clients fumaient à l'intérieur à la seconde. Or, la chambre de céans considère être en possession d'un dossier complet et que les témoignages sollicités ne sont pas utiles pour trancher le litige, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner d'actes d'instruction complémentaires. En effet, il paraît extrêmement peu probable que les agents ayant procédé aux contrôles contredisent les rapports figurant au dossier - lesquels, quand bien même ils ont été rédigés par un autre policier, sont basés sur les constatations qu'ils ont nécessairement relayées à ce dernier -, ou qu'ils se souviennent mieux aujourd'hui, soit presque deux ans et demi plus tard, des faits que lorsqu'ils ont transmis les données en vue de la rédaction des rapports de police.

4) Le présent litige porte sur la conformité au droit de la sanction administrative prononcée par l'autorité intimée reprochant au recourant d'avoir contrevenu à plusieurs reprises à la législation en matière d'interdiction de fumer et lui infligeant une amende de CHF 1'950.-.

5) a. À ce stade de la procédure, l'autorité intimée reproche au recourant, sur la base des rapports de police établis le 7 janvier 2020, d'avoir à deux reprises les 30 novembre et 6 décembre 2019, enfreint les art. 6 al. 2 cum 4 al. 1 let. a LIF et 3 al. 1 let. a RIF en laissant la porte du fumoir de son établissement ouverte, ainsi que d'avoir à quatre reprises les 30 novembre, 6 décembre, 8 décembre et 13 décembre 2019, enfreint l'art. 6 al. 2 LIF en n'enjoignant pas sa clientèle de ne pas fumer l'intérieur.

b. Dans le canton de Genève, il est interdit de fumer dans les lieux publics ou accessibles au public, intérieurs ou fermés (art. 2 al. 1 LIF), notamment dans les établissements soumis à la LRDBHD (art. 3 let. i LIF).

Selon l'art. 6 LIF, l'exploitant ou le responsable des lieux publics signale de façon visible l'interdiction de fumer par voie d'affichage, notamment à l'entrée (al. 1). Il enjoint aux usagers de ne pas fumer (al. 2). En cas de non-respect, il peut faire appel aux forces de l'ordre (al. 3).

c. Des exceptions à l'interdiction de fumer peuvent être prévues pour certains lieux à caractère privatif, pour autant qu'ils soient isolés, ventilés de manière adéquate et désignés comme tels ; les fumoirs clos et correctement ventilés installés dans les établissements et lieux publics sont autorisés pour autant que ceux-ci soient isolés et qu'aucun service n'y soit effectué (art. 4 al. 1 let. a LIF). Les locaux fumeurs au sein de lieux publics doivent être dotés de portes à fermeture automatique, être séparés hermétiquement des pièces contiguës et ne pas constituer un lieu de passage (art. 3 al. 1 let. a RIF).

d. En application de l'art. 22 al. 4 LRDBHD, l'exploitant répond du comportement adopté par les personnes participant à l'exploitation ou à l'animation de l'entreprise dans l'accomplissement de leur travail.

6) Le recourant se plaint essentiellement d'une constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 let. b LPA).

a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/991/2016 du 22 novembre 2016 consid. 3a et les arrêts cités).

b. En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/991/2016 précité consid. 3b et les arrêts cités).

c. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/340/2021 du 23 mars 2021 consid. 2a ; ATA/240/2017 du 28 février 2017 ; ATA/991/2016 précité consid. 3c et les arrêts cités), sauf si des éléments permettent de s'en écarter.

d. En l'espèce, il ressort des constatations opérées par des policiers, soit des agents assermentés, que lors des contrôles des 30 novembre et 6 décembre 2019, la porte du fumoir était ouverte sur la salle. Si le recourant démontre avoir réagi rapidement à cette problématique en faisant installer une commande de fermeture automatique de la porte, il ne conteste pas les faits précités.

Les deux infractions aux art. 6 al. 2 cum 4 al. 1 let. a LIF et 3 al. 1 let. a RIF sont ainsi réalisées.

Il ressort en outre des rapports du 7 janvier 2020 que, lors des contrôles des 30 novembre, 6, 8 et 13 décembre 2019, les policiers ont constaté que des personnes fumaient à l'intérieur de l'établissement. Le recourant conteste en partie ces faits en alléguant que personne ne fumait le 8 décembre 2019 et que seuls deux et non trois personnes fumaient le 13 décembre 2019. En l'occurrence, la question de savoir si, le 8 décembre 2019, des personnes avaient été ou non surprises en train de fumer à l'intérieur et si, le 13 décembre 2019, deux ou trois personnes fumaient peut souffrir de rester ouverte, dans la mesure où ces faits n'engendrent pas de conséquences particulières sur l'appréciation générale du cas d'espèce. Le fait que le recourant ait pris de nombreuses mesures dans le but de faire respecter au sein de son établissement l'interdiction de fumer ne permet pas de démontrer que lui ou ses collaborateurs auraient enjoint la clientèle de ne pas fumer, puisque des agents assermentés ont rapporté avoir vu des personnes fumer lors de leurs contrôles, ce que le recourant admet à tout le moins pour trois contrôles sur quatre.

Les infractions à l'art. 6 al. 2 LIF sont en conséquence également réalisées.

Partant, c'est de manière conforme au droit, se fondant sur des faits pertinents et sans abuser de son pouvoir d'appréciation, que l'autorité intimée a retenu à l'encontre du recourant les infractions précitées.

7) a. À teneur de l'art. 65 LRDBHD, en cas d'infraction à la loi et à ses dispositions d'exécution, ainsi qu'aux conditions des autorisations, le département peut infliger une amende administrative de CHF 300.- à CHF 60'000.- en sus du prononcé de l'une des mesures prévues aux art. 61, 62 et 64, respectivement à la place ou en sus du prononcé de l'une des mesures prévues à l'art. 63 LRDBHD.

Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/92/2016 du 2 février 2016 ; ATA/346/2015 du 14 avril 2015 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, Les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, 2011, p. 160 ss ch. 1.4.5.5).

b. Les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 - LPG - E 4 05). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8ème éd., 2020, p. 343 n. 1493).

c. L'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/346/2015 précité). La chambre de céans ne revoit une amende qu'en cas d'excès ou d'abus (ATA/134/2014 du 4 mars 2014). Sont prises en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/685/2014 du 26 août 2014 ; ATA/700/2012 du 16 octobre 2012). Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst ; ATA/2820/2021 du 26 janvier 2021 consid. 5c et les références citées).

L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des principes applicables à la fixation de la peine contenus aux art. 47 ss CP, soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/134/2014 précité).

d. En l'espèce, l'amende administrative apparaît fondée dans son principe dès lors qu'au moins cinq infractions à la LIF sont réalisées. Reste à en examiner le montant, étant précisé que le recourant ne l'a pas contesté en tant que tel. Il n'a pas non plus fourni d'informations relatives à sa situation personnelle et financière, et rien ne permet de penser que celle-ci serait précaire.

L'autorité intimée a, dans un premier temps, infligé au recourant une amende de CHF 2'400.-, compte tenu des infractions effectivement réalisées dans le cas d'espèce, mais également du fait que la police aurait été à deux reprises empêchée de pénétrer dans l'établissement et dû forcer le passage pour y parvenir (art. 34 LRDBHD). Or, après que le recourant ait démontré à satisfaction que tel n'avait pas été le cas, l'autorité intimée a considéré que ces deux infractions n'avaient pas été commises et baissé le montant de l'amende de CHF 450.- seulement, alors qu'elles apparaissent comme particulièrement graves.

Dans la mesure où la LIF a pour objectif premier de protéger la santé de la population, il n'y a pas lieu de minimiser la gravité des infractions retenues à l'encontre du recourant. Toutefois, au vu de la jurisprudence de la chambre administrative et compte tenu du fait que le recourant a pris de nombreuses mesures en vue de faire respecter l'interdiction de fumer dans son établissement, en particulier l'installation d'une signalétique visible et de la commande automatique de fermeture de la porte du fumoir rapidement après le constat de la police, ainsi que du nombre peu élevé de personnes ayant été surprises en train de fumer lors de chacun des contrôles et du fait qu'il s'agit de la première décision de sanction de l'intéressé, le montant de CHF 1'950.- pour deux infractions à la LIF apparaît élevé, bien qu'elles aient été commises à deux reprises pour l'une et à au moins trois reprises pour l'autre, étant relevé que les contrôles ont eu lieu à quelques jours d'intervalle.

Dans ces circonstances, l'amende infligée s'avère disproportionnée, de sorte que le recours sera partiellement admis et le montant de l'amende administrative réduit à CHF 1'000.-.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui n'obtient que partiellement gain de cause (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 500.- lui sera allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés les 11 juin et 8 septembre 2020 par Monsieur A______ contre les décisions du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir des 19 mai et 7 juillet 2020 ;

au fond :

les admet partiellement ;

réduit le montant de l'amende administrative à CHF 1'000.-. ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

alloue à M. A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dimitri Tzortzis, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :