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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/973/2017

ATA/432/2017 du 12.04.2017 sur JTAPI/312/2017 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/973/2017-MC ATA/432/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 avril 2017

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______
représentés par Me Michael Mitzicos-Giogios, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 mars 2017 (JTAPI/312/2017)


EN FAIT

1. En 2008, Madame A______ , née en 1985 et originaire de Moldavie, et Monsieur B______ , né en 1988 et ressortissant ukrainien, se sont mariés.

2. M. B______ a déposé une demande d'asile en Suisse le 10 février 2015, Mme A______ le 11 mars 2015.

3. Par décision du 29 avril 2016, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a rejeté ces demandes, les requérants n’ayant pas la qualité de réfugiés, a prononcé leur renvoi de Suisse et leur a imparti un délai au 24 juin 2016 pour quitter la Suisse, faute de quoi ils s’exposaient à une détention en vue de l’exécution du renvoi sous contrainte. Le canton de Genève était tenu de procéder à l'exécution de la décision de renvoi.

4. Par arrêt du 24 août 2016, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a rejeté le recours formé par les intéressés le 2 juin 2016 contre ladite décision.

5. Le 31 août 2016, le SEM a imparti aux époux un nouveau délai au
28 septembre 2016 pour quitter la Suisse.

6. Par décision incidente du 27 septembre 2016, le TAF, après avoir considéré la « demande de reconsidération » du 12 septembre 2016 adressée au SEM – que ce dernier lui avait transmis pour raison de compétence – comme une demande de révision de son arrêt du 24 août 2016, a notamment rejeté l'effet suspensif demandé par Mme A______ et de M. B______ , puis, par arrêt du
16 novembre 2016, a rejeté leur demande de révision.

7. Par mandat du 16 novembre 2016, l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a requis les services de police de procéder au renvoi des intéressés en Ukraine.

8. Les époux se sont opposés à leur renvoi lors d’un vol pour Kiev le 25 janvier 2017, à 13h50, au départ de Genève.

9. Le même 25 janvier 2017, respectivement à 17h20 et 17h40, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. B______ et de son épouse pour une durée de trois mois, sur la base de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20).

10. Par jugement du 27 janvier 2017, notifié le jour même, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a joint les procédures A/290/2017 et A/291/2017, chacune relative à l’un des époux, sous le numéro de cause A/290/2017, a annulé les ordres de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 25 janvier 2017 et a ordonné leur mise en liberté immédiate.

Il n’était en l’état pas démontré par des faits ou indices concrets que les intéressés étaient inatteignables par les autorités ou qu’ils auraient refusé de se rendre à des convocations, et donc qu’il existait un risque de fuite. À ce jour, aucune date pour un vol spécial n'était avancée. Il apparaissait que la mise en détention administrative de Mme A______ et de M. B______ ne respectait pas le principe de la proportionnalité.

L'objectif poursuivi par la détention administrative, en l'occurrence le départ de Suisse de Mme A______ et de M. B______ , pourrait être garanti par la mise en place d'une mesure de substitution moins incisive, sous la forme d'une assignation d'un lieu de résidence territoriale et/ou de l'obligation de se présenter régulièrement à une autorité, ce d'autant plus que leur passeport était déjà en mains de l'autorité.

11. Par acte expédié le 6 février 2017 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), le commissaire de police a formé recours contre ce jugement.

12. Par arrêt du 16 février 2017 (ATA/201/2017), la chambre administrative a partiellement admis le recours interjeté par le commissaire de police.

Les intimés laissaient clairement apparaître, par leurs déclarations et leur comportement concret, qu’ils n’étaient pas disposés à retourner dans le pays d’origine de l’époux. Il ne s’agissait pas d’une simple supposition qu’ils pourraient se soustraire au renvoi, mais d’un pronostic du comportement des intimés fondé sur des éléments concrets qui faisaient craindre que ceux-ci entendaient se soustraire au renvoi.

Le TAPI pouvait toutefois être suivi lorsqu’il considérait qu’une mise en détention ne se justifiait pas en fonction de la situation personnelle des intimés qui étaient mariés et dont l’un des membres souffrait de problèmes de santé, qui avait un lieu de résidence fixe et n’avait jusque-là jamais disparu dans la clandestinité. Le TAPI ne pouvait toutefois pas sans autre prononcer leur mise en liberté. Il aurait dû prononcer des mesures moins incisives sous la forme d’une assignation territoriale et/ou d’une ou plusieurs des mesures prévues par l’art. 64e LEtr, mesures qu’il lui était loisible de prononcer en vertu de son pouvoir de réforme.

13. Le 6 mars 2017, sous la plume de leur conseil, les époux ont déposé une demande d’admission provisoire auprès du SEM et de l’OCPM.

14. Le 8 mars 2017, les époux ont déposé une demande de reconsidération auprès du SEM de la décision du 29 avril 2016 rejetant leur demande d’asile et prononçant leur renvoi.

15. a. Le 14 mars 2017, le commissaire de police a émis un ordre de placement à l’encontre de M. B______ au service asile et rapatriement de l’aéroport de Genève (ci-après : SARA) dès le 14 mars à 23h35 pour vingt-quatre heures au maximum, soit jusqu’à son départ le mercredi 15 mars 2017, en application des art. 9 et 19 de la loi sur l’usage de la contrainte (LUsC – RS 364).

Un délai au 28 septembre 2016 avait été imparti à M. B______ , « après qu’il eut épuisé les voies de droit utiles » pour quitter le pays, à défaut de s’exposer à des moyens de contrainte.

Un vol pour son renvoi à destination de l’Ukraine avait été organisé pour le 15 mars 2017 à 6h30 au départ de Genève.

b. Un même ordre de placement a été prononcé à 23h45 à l’encontre de Mme A______ .

16. Les époux B______ ont été renvoyés par vol spécial le 15 mars 2017 à 6h.

17. Par observations du 16 mars 2017, sous la plume de leur conseil, Mme A______ et M. B______ ont sollicité du TAPI qu’il contrôle « les procédés des autorités de renvoi », « les droits élémentaires de la défense et la procédure n’[ayant] pas été respectés ».

18. Par fax du 17 mars 2017 à l’attention de l’OCPM, le SEM a suspendu provisoirement l’exécution du renvoi de Mme A______ et de M. B______ au titre de mesures provisionnelles à la suite de la demande de reconsidération introduite le 8 mars 2017 et d’un examen sommaire de la requête. L’OCPM était prié de renoncer « pour le moment » à l’exécution du renvoi. Les démarches, dont celles visant à l’obtention de papiers, pouvaient toutefois se poursuivre.

19. Par observations du 22 mars 2017, Mme A______ et M. B______ , sous la plume de leur conseil, ont persisté dans leurs conclusions. Le commissaire de police avait violé toutes les dispositions élémentaires sur la liberté de la personne et n’avait respecté aucun principe de la procédure administrative qui garantissait le droit d’être entendu et la possibilité d’un recours effectif. Le procédé était d’autant plus critiquable que le commissaire savait que les recourants avaient déposé une demande d’admission provisoire.

De surcroît, le SEM avait ordonné la suspension provisoire du renvoi des intéressés. Les autorités de renvoi avaient violé la loi applicable. Il appartenait aux tribunaux de fixer des limites aux actes de l’administration lorsque ces derniers ne se conformaient pas à l’ordre juridique suisse.

20. Par jugement du 23 mars 2017, le TAPI a déclaré la demande irrecevable.

Le TAPI était notamment compétent pour contrôler sur requête, a posteriori, la légalité de la rétention prévue par l'art. 73 LEtr (cf. art. 73 al. 5 LEtr ; art. 7 al. 4 let. f de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 -LaLEtr - F 2 10), non pour ceux fondés sur la LUsC.

De même, le TAPI n’était pas compétent pour examiner le bien-fondé de l'exécution du renvoi en soi (art. 116 al. 4 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05) et 7 al. 3 et 4 LaLEtr a contrario). Le conseil des intéressés ne citait d'ailleurs aucune base légale à l'appui de sa demande qui fonderait une telle compétence.

21. Par acte du 3 avril 2017, s'étant vu apposer le cachet postal le 4 avril 2017, et reçu utilement le 5 avril 2017, les intéressés, par le biais de leur conseil, ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité.

Ils ont conclu à son annulation, à ce que l’illicéité de leur détention administrative et de leur renvoi soit constatée. Préalablement, des enquêtes devaient être ordonnées.

Les autorités savaient que les recourants avaient déposé une demande d’admission provisoire, qu’un conseil était constitué au moment de leur arrestation et que les recourants avaient le droit de communiquer avec leur conseil. Les autorités de renvoi avaient expressément procédé à leur arrestation peu avant minuit afin qu’ils soient privés de leurs droits de procédure.

L’art. 76 al. 1 let. b LEtr avait été violé. La procédure d’admission provisoire n’était pas terminée, un recours devant le Tribunal fédéral étant encore possible, le SEM s’étant prononcé négativement peu après le jugement du TAPI. Ce dernier avait commis un déni de justice formel en niant sa compétence d’examiner la détention des recourants et n’avait pas respecté notamment l’art. 83 LEtr.

La lettre d'accompagnement du recours, datée du 3 avril 2017, mentionnait que le recours était communiqué par télécopie et déposé le jour même à la « boîte postale » sise chemin François-Dussaud / chemin de la Gravière. Au dos de l'enveloppe figurait la mention : « Déposé en présence de Madame C______ [numéro de téléphone portable français] à 21h15 », suivie de la signature de Mme C______ .

22. Par observations du 7 avril 2017, le commissaire de police a conclu au rejet du recours, à supposer qu’il soit recevable. Il faisait siens les arguments développés par le TAPI.

23. Par courrier du 10 avril 2017, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

 

1. Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 5 avril 2017 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

2. Interjeté devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 LOJ ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

3. a. Selon l'art. 10 al. 1 LaLEtr, le recours à la chambre administrative doit être formé par écrit dans les dix jours qui suivent la notification de la décision attaquée.

b. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (SJ 2000 I 22 consid. 2 p. 24 ; ATA/261/2016 du 22 mars 2016 ; ATA/1093/2015 du 13 octobre 2015 et les références citées).

c. Les écrits doivent parvenir à l’autorité ou être remis à son adresse à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit (art. 17 al. 4 LPA).

d. Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l’art. 16 al. 1 2ème phr. LPA. Tombent sous cette notion, les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (SJ 1999 I 119 ; RDAF 1991 p. 45 ; ATA/512/2016 du 14 juin 2016 et les références citées).

4. En l'espèce, le présent recours porte un cachet postal daté du 4 avril 2017, alors que le délai de dix jours venait à échéance le 3 avril 2017.

Le recours à un ou plusieurs témoins attestant, sur l'enveloppe, du dépôt de l'acte de recours dans une boîte aux lettres le dernier jour du délai avant minuit a certes été reconnu par la jurisprudence comme un procédé acceptable (ATA/455/2016 du 31 mai 2016 consid. 1 et les arrêts fédéraux et cantonaux cités). Néanmoins, ici le (seul) témoin a indiqué l'heure du dépôt, mais pas sa date, ni du reste un moyen plus précis d'identifier ou de convoquer le témoin, comme son adresse exacte ou une copie de ses papiers d'identité. Le dépôt en temps utile du présent recours apparaît dès lors des plus douteux.

La question de la recevabilité du présent recours souffrira toutefois de rester ouverte au vu de ce qui suit.

5. a. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la qualité pour recourir suppose un intérêt actuel au recours (ATF 135 I 79 consid. 1 p. 82 ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365).

b. En principe, la qualité pour recourir auprès du Tribunal fédéral suppose un intérêt actuel et pratique à obtenir l'annulation de la décision attaquée
(ATF 135 I 79 consid. 1 p. 82 ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365). Cet intérêt doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu. La condition de l’intérêt actuel fait défaut en particulier lorsque, notamment, la décision attaquée a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 125 I 394 consid. 4 p. 396-398 ; ATA/671/2015 du 23 juin 2015 et les références citées). Ceci vaut tant pour la privation de liberté dans le domaine pénal qu'en matière administrative, ou encore pour la privation de liberté (civile) à des fins d'assistance.

c. La jurisprudence admet toutefois que, dans des circonstances particulières, il se justifie d'examiner le recours au fond malgré la perte d’actualité du recours durant la procédure devant le Tribunal fédéral (ATF 137 I 296 consid. 4.2 et 4.3). En particulier, l'autorité de recours doit entrer en matière pour examiner la licéité de la détention administrative, dans la mesure où le recourant invoque de manière défendable un grief fondé sur la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 137 I 296 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1177/2013 du 17 janvier 2014 consid. 2.1 ; ATA/415/2016 du 24 mai 2016 consid. 4 ; ATA/1031/2014 du 17 décembre 2014 consid. 2).

6. En l’espèce, les recourants ne sont plus en détention administrative depuis le 15 mars 2017, date de leur renvoi.

La question de leur intérêt à agir souffrira cependant de rester ouverte au vu de ce qui suit.

7. Les recourants font grief à l’intimé d’avoir violé l’art. 76 al. 1 let. b LEtr en fondant les deux « ordres de placement » sur l'art. 9 al. 1 let. c LUsC.

8. a. La LUsC règle les principes applicables à l'usage de la contrainte et des mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération (art. 1 LUsC). Elle s'applique, notamment, à toute autorité fédérale amenée à faire usage de la contrainte ou de mesures policières dans le cadre de l'exécution de ses tâches (art. 2 al. 1 let. a LUsC) et à toute autorité cantonale amenée à faire usage de la contrainte ou de mesures policières dans le domaine du droit d'asile et du droit des étrangers (art. 2 al. 1 let. b. LUsC).

La LUsC s'applique à la contrainte et aux mesures policières prévues par le droit fédéral de procédure sous réserve des dispositions spéciales de ce dernier (art. 3 LUsC).

Par mesures policières, on entend, notamment, la rétention de personnes pour une courte durée (art. 6 let. a LUsC).

La contrainte et les mesures policières ne peuvent être utilisées que pour maintenir ou rétablir une situation conforme au droit, en particulier pour effectuer le transport de personnes soumises à une mesure restreignant leur liberté (art. 9
al. 1 let. c LUsC) et pour empêcher la fuite de personnes soumises à une mesure restreignant leur liberté (art. 9 al. 1 let. d LUsC).

Lorsqu'une personne est retenue pour une courte durée, elle doit être informée des raisons de sa rétention (art. 19 al. 1 let. a LUsC) et avoir la possibilité d'entrer en contact avec les personnes chargées de sa surveillance si elle a besoin d'aide (art. 19 al. 1 let. a LUsC). La rétention peut durer qu'aussi longtemps que les circonstances l'exigent; elle ne peut pas excéder 24 heures (art. 19 al. 2 LUsC).

Le Conseil fédéral édicte les dispositions nécessaires relatives au transport de personnes soumises à une mesure restreignant leur liberté (art. 26 al. 1 LUsC).

b. L'autorité qui ordonne le transport décerne un mandat à l'organe chargé du transport. Le mandat est décerné par écrit, au moyen du formulaire de transport (art. 15 de l’ordonnance relative à l'usage de la contrainte et de mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération du 12 novembre 2008 - Ordonnance sur l'usage de la contrainte, OLUsC – RS 364.3).

Aux termes de l’art. 27 OLUsC, le rapatriement sous escorte est en principe effectué par les organes de police du canton chargé de l'exécution du renvoi ou ayant pris la décision de renvoi. Il est effectué sous la direction du chef d'équipe, qui collabore avec les organes de police de l'aéroport. La police de l'aéroport exécute les préparatifs du transport sur l'aire de l'aéroport. Le canton informe le SEM du nombre de personnes à rapatrier et d'agents d'escorte qu'il peut fournir. L'assistance à l'exécution fournie par le SEM, en particulier l'organisation des rapatriements par voie aérienne, est régie par l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers du 11 août 1999 - OERE – RS 142.281).

c. Selon le message du Conseil fédéral du 18 janvier 2006 (ci-après : le message ; FF 2006 2429, 2441), l’art. 7 LUsC rappelle le principe selon lequel cette loi n'a pas pour objet d'attribuer aux autorités d'exécution la compétence de faire usage de la contrainte ou de mesures policières, cette attribution résultant de la législation propre à chaque domaine, mais elle a pour objet de régler les principes généraux ainsi que les modalités et les moyens admissibles pour les autorités habilitées à faire usage de la contrainte et des mesures policières en vertu d'autres lois.

Selon le message (op. cit, p. 2442), l'art. 9 al. 1 LUsC rappelle l'exigence d'une base légale pour l'usage de la contrainte policière et les al. 2 et 3 de cette disposition concrétisent l'exigence du respect du principe de proportionnalité prévu par la Constitution. «  La notion de rétention est une notion générale qui englobe toutes les formes de restriction de liberté, de la simple appréhension jusqu’à la rétention pour une durée de 24 heures. Elle se distingue de l’arrestation formelle confirmée par le juge. La rétention de courte durée est soumise aux conditions de l’art. 9 de la loi, à savoir qu’elle n’est possible que pour écarter un danger, pour effectuer des transports, empêcher la fuite ou encore identifier des personnes » (FF 2006 2429, 2445).

d. Les dispositions de la LUsC s'appliquent aux polices cantonales si ces dernières effectuent des tâches visées par l'art. 2 LUsC (droit d'asile, droit des étrangers, tâches relevant de la Police judiciaire fédérale, transport de personnes privées de liberté sur mandat d'une autorité fédérale) (Droit des mesures policières ; Principes généraux, cadre juridique et coopération policière, Marc RÉMY, Schulthess, 2008, p. 60).

9. La rétention de courte durée prévue par l'art. 19 LUsC doit être distinguée de la rétention de l'art. 73 LEtr. Selon cette dernière disposition, les autorités compétentes de la Confédération ou des cantons peuvent procéder à la rétention de personnes dépourvues d'autorisation de courte durée, de séjour ou d'établissement afin de leur notifier une décision relative à leur statut de séjour (art. 73 al. 1 let. a LEtr) ou d'établir leur identité et leur nationalité, pour autant qu'elles aient l'obligation de collaborer à cet effet (art. 73 al. 1 let. b LEtr).

10. Selon l’art. 69 al. 1 LEtr, qui traite de la décision d’exécution du renvoi, l'autorité cantonale compétente exécute le renvoi ou l'expulsion d'un étranger dans les cas suivants : le délai imparti pour son départ est écoulé (let. a), l'étranger peut être renvoyé ou expulsé immédiatement (let. b), l'étranger se trouve en détention en vertu de l'art. 76 ou 77 et la décision de renvoi ou d'expulsion est exécutoire (let. c).

Les personnes chargées de l’exécution de la LEtr peuvent, si leur mandat l’exige et dans la mesure où les intérêts à protéger le justifient, faire usage de la contrainte et de mesures policières (art. 98a LEtr).

11. a. L’exécution de la décision de renvoi peut rendre nécessaire la mise en œuvre de mesures de contrainte policières. Celles-ci sont ordonnées selon la LUsC. Le principe de la proportionnalité doit être respecté (directives et commentaires, domaine des étrangers du SEM - Directives LEtr) en matière de droit des étrangers, Berne, octobre 2013 (actualisée le 12 avril 2017, n° 9.1).

b. L’art. 98a LEtr ab initio donne le droit aux personnes chargées de l’exécution de la LEtr d’utiliser la contrainte et des mesures policières. Toutefois, ce droit est limité par le mandat et les intérêts à protéger. Selon l’art. 7 LUsC, ce sont les lois spéciales qui désignent les autorités pouvant faire usage de la contrainte en matière de renvoi. Les cantons étant compétents pour exécuter le renvoi des étrangers (art. 69), ce sont les polices cantonales qui sont chargées de l’escorte de personnes en situations irrégulières sur le territoire suisse. Selon l’art. 2 al. 1 let. b LUsC, les autorités cantonales chargées de l’application du droit des migrations peuvent faire usage de la contrainte (Code annoté du droit des migrations, vol. II, Loi sur les étrangers, Olivier BIGLER/Yannick BUSSY, ad. art. 98 à 99, n° 37).

12. Le juge de la détention, dans le contrôle de celle-ci, doit en principe seulement s'assurer qu'une décision de renvoi existe, sans avoir à vérifier la légalité de cette dernière (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 p. 149 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_173/2014 du 17 février 2014 consid. 3.1 ; 2C_1177/2013 du 17 janvier 2014).

13. En l’espèce, le délai imparti aux recourants au 28 septembre 2016 pour quitter la Suisse était écoulé (art. 69 al. 1 let. a LEtr). Les autorités cantonales compétentes étaient autorisées à exécuter le renvoi.

La rétention des recourants à compter du 14 mars 2017 s’inscrivaient exclusivement dans le contexte de l’exécution de la décision de renvoi et aucunement dans le cadre d’une mesure de contrainte au sens des art. 73 ss LEtr. Dans ce cadre strict, l’intervention des autorités compétentes s’est faite au moyen de la LUsC par le renvoi de l’art. 98a LEtr et des dispositions précitées, notamment l’art. 69 LEtr.

C’est en conséquence à tort que les recourants considèrent que les autorités ont violé l’art. 76 LEtr, non applicable en l’espèce. Les modalités de l’exécution de la décision de renvoi du 29 avril 2016 ne prêtait d’ailleurs pas à confusion s’agissant d’une rétention de quelques heures, à compter de 23h35 pour le recourant, respectivement 23h45 pour la recourante, le vol étant prévu à 6h le lendemain matin. Les recourants ont par ailleurs été amenés au SARA. Enfin, l’exécution de la décision de renvoi a été effectuée dans les vingt-quatre heures qui ont suivi le début de la rétention.

À ce titre, les arrêts prononcés le 30 avril 2015 par la chambre de céans (ATA/407/2015, ATA/408/2015 et ATA/409/2015) sont sans rapport avec le présent dossier puisqu’ils traitaient d’une situation différente, soit de l’application erronée de la LUsC par le commissaire de police dans une situation de rétention au sens de l’art. 73 LEtr. Or, dans le cas d'un étranger retenu par la police cantonale dans l'attente d’une décision relative à son statut de séjour qui doit être prise par l'autorité du même canton compétente en la matière, la mise en rétention ne peut intervenir que sur la base de l'art. 73 LEtr (Minh Son NGUYEN, les renvois et leur exécution, 2011, p. 172).

Dans le cas d’espèce, s’agissant exclusivement d’une procédure d’exécution, par les autorités compétentes, d’une décision de renvoi, définitive et exécutoire, comme précisé ci-dessous, c’est à bon droit que le TAPI s’est déclaré incompétent.

14. Par ailleurs, les recourants se trompent lorsqu’ils invoquent que la décision n’était pas définitive et qu’une procédure était en cours. Les recourants faisaient l'objet d'une décision de renvoi définitive et exécutoire du 29 avril 2016, suite au rejet de leur recours par le TAF le 24 août 2016. Le fait qu'ils aient sollicité une admission provisoire n'y changeait rien. Par ailleurs, au moment du renvoi, le SEM n’avait pas accordé de mesures provisionnelles.

15. Enfin, les garanties procédurales revendiquées par les recourants, notamment le droit d’entrer en contact avec son conseil ou d’être entendu, ne trouvent pas application s’agissant des mesures d’exécution de la décision de renvoi.

16. Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté en tant qu’il est recevable.

Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux recourants, qui succombent (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette en tant qu’il est recevable et dans la mesure de sa recevabilité le recours interjeté par Madame A______ et Monsieur B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 mars 2017 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michael Mitzicos-Giogios, avocat des recourants, au commissaire de police, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeants : Mme Junod, présidente, M. Thélin, M. Dumartheray, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :