Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1262/2023

ATA/451/2023 du 28.04.2023 sur JTAPI/422/2023 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1262/2023-MC ATA/451/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 avril 2023

 

dans la cause

 

M. A______ recourant
représenté par Me Léonard Micheli-Jeannet, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 avril 2023 (JTAPI/422/2023)


EN FAIT

A. a. Le 3 février 2008, M. A______, né le ______ 1982, a déposé une demande d’asile en Suisse, après avoir prétendu être originaire du B______, demande qui a été rejetée par l’autorité fédérale migratoire compétente, devenue le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM), par décision du 16 mars 2010. Le renvoi de l’intéressé dans son pays d’origine a également été ordonné.

b. Le SEM a confié la prise en charge de M. A______ et l’exécution de sa décision au canton de Genève.

c. M. A______ a également fait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse prononcée par le SEM le 13 septembre 2011, valable jusqu’au 12 septembre 2021, notifiée le 26 avril 2016.

d. Par jugement du 31 mai 2022, le Tribunal correctionnel a déclaré M. A______ coupable de crime contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), d'infractions à l'art. 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), de faux dans les certificats étrangers (art. 252 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0 - cum 255 CP) et de blanchiment d'argent aggravé (art. 305bis ch. 1 et ch. 2 let. c CP) et l’a condamné à une peine privative de liberté de trente-six mois, sous déduction de quatre cent nonante et un jours de détention avant jugement, la peine privative de liberté ayant été prononcée sans sursis à raison de seize mois. Le Tribunal correctionnel a également ordonné l’expulsion de Suisse de l’intéressé pour une durée de cinq ans, en application de l’art. 66a al. 1 CP et le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS ; art. 20 de l'ordonnance N-SIS - RS 362.0).

e. M. A______ a été détenu administrativement à C______ du 31 mai 2022 au 21 avril 2023. Il est actuellement détenu à D______ depuis le 22 avril 2023.

B. a. Le 5 août 2010, les autorités administratives genevoises ont requis le soutien du SEM en vue de l’identification de M. A______.

b. Le 25 janvier 2021, M. A______ a été appréhendé par les services de police genevois, dans le cadre du démantèlement d’un trafic de cocaïne.

c. Le même jour, M. A______ a été libéré par les autorités pénales et remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

d. Selon une communication du SEM du 31 mai 2022 aux autorités genevoises, « selon l’analyse de provenance effectuée par Lingua le 27 janvier 2022, l'intéressé parle un anglais francophone d'Afrique de l'Ouest respectivement un anglais E______ avec des expressions françaises » ; aussi, afin de poursuivre le processus d’identification, il était prévu pour une audition centralisée par les autorités du F______, qui aurait lieu du 5 au 7 juillet 2022, de la E______, prévue en août 2022, et du G______, qui devrait avoir lieu à l'automne 2022.

e. Le 31 mai 2022, à 18h45, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de six mois, en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 (en lien avec l'art. 75 al. 1 let. g et h LEI) et ch. 3 et 4 LEI.

M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi dans son pays d'origine car il souhaitait rester en Europe. Il refusait par ailleurs de se soumettre au test Covid-19, mais était vacciné.

f. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le même jour.

g. Également le 31 mai 2022, une demande de réadmission en H______ a été effectuée par le SEM. Celle-ci a toutefois été refusée car il s’est avéré que le document d’identité que l’intéressé possédait ne permettait pas une réadmission sur ce territoire.

h. À l’audience du 2 juin 2022 par devant le TAPI, M. A______ a confirmé son refus de retourner dans son pays d'origine, à savoir le B______. Il y était né mais avait grandi en I______, avant de rejoindre l’Europe. Il avait déposé une demande d'asile au J______ et ses papiers se trouvaient dans le foyer dans lequel il avait logé, le K______, à L______. Il avait donné ses empreintes digitales, de sorte que les autorités suisses devraient être en mesure de contrôler le dépôt de sa demande d’asile.

La représentante du commissaire de police a expliqué que les démarches en vue de l'identification de M. A______ avaient été initiées plusieurs mois auparavant. Une procédure Lingua avait été mise en œuvre à la fin de l’année 2021 et le test Lingua réalisé le 27 janvier 2022. À ce stade, M. A______ devait être auditionné par diverses délégations africaines, dont les dates dépendaient des pays en question. Aucune délégation du G______ n'était venue en Suisse depuis trois ans et la date initialement annoncée en juin 2022 avait été reportée au mois d'octobre 2022. Les délégations du F______ et de E_______ venaient pas forcément chaque année en Suisse. Il résultait de la consultation des bases de données que M. A______ ne figurait pas dans celles d'EuroDac (base de données centrale de l’UE où sont collectées les empreintes digitales des personnes relevant de la législation sur l’asile), les recherches s’effectuant sur la base des empreintes digitales.

M. A______ s'en est rapporté à justice sur le principe de la légalité de la détention administrative, mais a conclu à la limitation de sa durée à quatre mois, ce qui respectait mieux le principe de proportionnalité.

i. Par jugement du 3 juin 2022, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention pour une durée réduite à quatre mois, soit jusqu’au 30 septembre 2022 inclus.

j. Par requête motivée du 20 septembre 2022, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, afin de poursuivre le processus de son identification, celui-ci devant être présenté aux prochaines auditions centralisées avec le G______, à la mi-octobre, ainsi qu’avec la E______, avant la fin de l’année 2022.

k. À l’audience du 28 septembre 2022, M. A______ a exposé qu’il n’avait pas été présenté devant une délégation des autorités F______. Il n’avait aucune famille au B______. Toutes les démarches qu’il avait entreprises étaient en lien avec sa demande d’asile déposée au J______. Il avait habité dans différentes villes au J______ et il y avait des amis. Il n'avait reçu en retour son téléphone portable, qui lui avait été confisqué, que dix jours auparavant et allait contacter les foyers dans lesquels il avait résidé au J______ afin qu’ils lui transmettent les informations en leur possession concernant sa demande d’asile. Il ne savait pas pourquoi les autorités B______ ne l'avaient pas reconnu comme étant un de leurs ressortissants.

l. Par jugement du 28 septembre 2022, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de douze semaines, soit jusqu’au 22 décembre 2022 inclus.

m. Par arrêt du 18 octobre 2022, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a confirmé le jugement entrepris.

n. Le 26 octobre 2022, M. A______ n'a pas été reconnu par la délégation F______ selon communication faite au SEM le 3 novembre 2022.

o. Par requête motivée du 12 décembre 2022, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 22 avril 2023, afin de poursuivre le processus relatif à son identification. À la suite de l'annulation des auditions centralisées G______ le 12 octobre 2022, M. A______ serait présenté aux prochaines auditions centralisées avec le G______ et la E______, dont les dates étaient en l’état indéterminées.

p. Lors de l’audience du 20 décembre 2022 par devant le TAPI, M. A______ a indiqué avoir eu des contacts avec des co-détenus d'origine E______, qui lui avaient dit qu'ils allaient voir une délégation de ce pays le 29 novembre 2022. Pour sa part, il n'avait pas été présenté à cette délégation alors qu'il lui avait été annoncé précédemment que ce serait le cas. Depuis la dernière procédure, il avait contacté les trois foyers dans lesquels il avait séjourné au J______, mais on lui avait répondu qu'il n'y avait aucune trace de son passage.

q. Par jugement du 21 décembre 2022, le TAPI a prolongé la détention administrative pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 22 avril 2023.

r. Par arrêt du 13 janvier 2023 (ATA/22/2023), la chambre administrative a rejeté le recours de M. A______.

C'était de manière abusive que ce dernier invoquait une violation du principe de célérité, puisque c'était son refus de collaborer qui occasionnait la perte de temps liée à la recherche de sa véritable origine, si bien qu'il se prévalait de sa propre faute pour demander sa mise en liberté. En sus de la durée de sa détention – qui tenait à son absence de coopération –, la détention administrative de l’intéressé respectait le principe de la proportionnalité. L'intérêt public à l'exécution de son renvoi était en effet prépondérant vu ses condamnations et la longue durée de son expulsion du territoire, ce qui excluait toute libération fondée sur des motifs d'opportunité. Dans ces circonstances, aucune mesure moins incisive que le maintien en détention administrative n’était à même de garantir la présence de M. A______ lors de l'exécution de son renvoi.

s. Le 16 mars 2023, M. A______ a été présenté aux autorités G______ lors d'une audition centralisée. Il n'a pas été reconnu comme étant ressortissant de ce pays.

t. Afin de poursuivre le processus d'identification de l'intéressé, l'OCPM a indiqué que M. A______ serait présenté aux prochaines auditions centralisées avec la M______, lesquelles se tiendraient à la fin du mois de mai 2023. Il était également inscrit pour les prochaines auditions centralisées E______ qui interviendraient durant le deuxième semestre 2023. Les dates précises n’étaient pas encore fixées.

u. Le 8 avril 2023, un détenu placé en détention administrative a été retrouvé mort dans sa cellule de l’établissement de détention administrative C______ (ci-après : C______). Il s’agirait d’un suicide. Le même jour, un autre détenu aurait tenté de mettre fin à ses jours.

C. a. Par requête motivée du 12 avril 2023, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de l'intéressé pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 22 juillet 2023. Cette procédure a été ouverte sous le n° de cause A/1262/2023.

b. Par courriel du même jour, l’OCPM a transmis au TAPI, pour raison de compétence, une pétition signée notamment par M. A______, aux termes de laquelle lui et ses cosignataires demandaient : « Tous les prisonniers d'être libéré sans condition sinon y aura des dégâts, des suicides ».

c. Interpellé par le TAPI, le conseil de M. A______ a indiqué, par courriel et courrier du 13 avril 2023, que par la pétition précitée, M. A______ entendait demander sa mise en liberté.

La licéité des conditions de détention prévalant à C______ – où se trouvait actuellement détenu son mandant – avait été remise en cause par plusieurs institutions dès son affectation à la détention administrative. Le drame, malheureusement prévisible, qui s'était déroulé dans cet établissement durant le week-end pascal imposait que le TAPI prenne toutes les mesures à sa disposition afin de documenter, avec toute la diligence due, les conditions de détention y prévalant. Dans ces circonstances, il concluait à ce que le TAPI procède à un transport sur place. Cette demande a été enregistrée sous le n° de cause A/1264/2023.

d. Par courriel du 14 avril 2023, le TAPI a invité le conseil de M. A______ à lui indiquer quels points précis il souhaitait faire constater dans le cadre d'un transport sur place et dans quelle mesure ces constats permettraient de constater l’illicéité des conditions de la détention de son client au sein dudit centre par rapport à la situation qui prévalait le 13 janvier 2023.

e. Par courrier et courriel anticipé du 14 avril 2023, le conseil de M. A______ a exposé ne pas être en mesure d’indiquer par avance et de manière précisément documentée, les éléments spécifiques qu’il entendait faire constater, n’ayant pas eu la possibilité d'accéder à l'intégralité de l'établissement et notamment du carcéral. Cela étant, les différentes organisations qui s’étaient rendues sur place avaient signalé aux autorités que « l'infrastructure n'[était] pas adaptée à la détention administrative ». De surcroît, il avait été signalé que « l'espace disponible ainsi que l'aménagement et la conception des pièces ne permett[ai]ent pas d'offrir au détenu un régime qui répondrait aux standards en matière de détention administrative ». Dans ces circonstances, il serait opportun que le TAPI puisse apprécier lui-même cette réalité, de même que la vétusté, les conditions d'hygiène et la propreté des lieux, tout comme la question de l'accès à Internet, étant relevé que la licéité des conditions de détention à C______ n'avait pas été analysée par la chambre administrative le 13 janvier 2023. Il était fait référence au document « Commission nationale de prévention de la torture, visite de suivi de la CNPT dans l'établissement de détention administrative de C______, 8 avril 2020 ».

f. Le 18 avril 2023, le TAPI a procédé à une audience conjointe, d’entente entre les parties, dans les causes A/1240/2023, A/1262/2023 et A/1264/2023, la première cause concernant M. N______. À cette occasion, il a entendu M. O______, membre du comité de la commission de détention administrative (CDA) de la ligue suisse des droits humains - section Genève (ci-après : LSDH-GE) et Mme P______, directrice de C______, tous deux assermentés et pour la dernière, levée de son secret de fonction.

Le conseil de M. A______ a versé à la procédure un courrier du 17 avril 2023 adressé à la direction de C______ au sujet des fouilles intégrales subies par son client lors de chacun de ses déplacements en audiences et l’invitant à ne pas y procéder en vue de l’audience de ce jour ou, dans le cas contraire, à lui expliciter les motifs d’une telle mesure ainsi que la réponse de la direction du 18 avril 2023.

M. O______ a expliqué visiter C______ depuis 2014, date de son affectation à la détention administrative. Il s’y rendait déjà quand cet établissement était affecté à la détention pénale. Il réalisait ces visites en sa qualité de membre de la LSDH-GE. À ce même titre, il visitait également D______. Il s’était rendu pour la dernière fois à C______ il y avait six mois. Lors de leurs visites, ils s’installaient dans un local dédié et les détenus venaient les voir, selon leurs besoins. Ils avaient également des échanges avec les gardiens et la direction, notamment quant à des besoins précis de détenus. Ils faisaient également un point de situation périodique avec la direction et les autorités sur les conditions de détention à C______ et à l’établissement concordataire de détention administrative D______ (ci-après : D______). Dès 2014, il avait pu constater que les conditions de détention à C_______ répondaient pas aux standards minimaux applicables à la détention administrative. Il n'y avait pas d'accès extérieur à C______, hormis une cour extrêmement petite (qui avait encore été restreinte suite à des évasions), bétonnée et entièrement grillagée. On lui avait rapporté que les détenus se plaignaient d'un manque d'activités au sein de l'établissement. Il n'y en avait pratiquement aucune. À titre d'activité, on avait par exemple proposé aux détenus de repeindre leur chambre. Il ignorait si c'était contre rémunération. Les détenus n'avaient rien à faire de toute la journée. La salle de sport était vétuste et les installations dangereuses, à tel point que les détenus renonçaient à s'y rendre. La communication avec l'extérieur posait également problème, les détenus n'ayant pas accès à des téléphones portables, à des ordinateurs et à internet. Les appels vers l'extérieur étaient payants, ce qui les limitait. Le cachot n'avait pas d’accès direct à la lumière, hormis une demi-lucarne. Il était régulièrement utilisé. Il n’avait jamais vu un cachot de ce type dans aucun lieu de détention qu’il avait visité en Suisse. La bibliothèque disposait d'un choix de livres très restreint et pas forcément dans des langues connues des détenus. L'accès aux soins était problématique. La prise en charge et le suivi étaient clairement insuffisants. Cela ressortait des doléances des détenus, mais également de leurs constats lors des visites. À sa connaissance, deux infirmières et un médecin se rendaient chaque semaine à C______. Les suivis psychiatriques n’étaient pas assurés, alors même que la plupart des détenus étaient atteints dans leur santé psychique. Il y avait de fréquentes tentatives de suicide et il avait pu constater de nombreuses automutilations chez les détenus. L’absence de présence médicale sur place leur faisait craindre que les situations d'urgence ne soient pas toujours diagnostiquées. Concernant les conditions d'hygiène, les visiteurs n’avaient pas accès aux cellules. On lui avait cependant indiqué qu'il y avait des nuisibles (cafards) dans l'établissement, ce qu’il avait personnellement pu constater. Les gardiens provenant en général d'établissement pénaux, les détenus leur avaient indiqué qu'ils avaient peu d'échanges avec ces derniers, ce qui participait à leur sentiment d'isolement. Ils leur avaient également fait part d'un manque de soutien et d'informations sur le plan juridique. Les détenus n'avaient souvent pas connaissance de leurs droits, particulièrement dans le cadre des procédures Dublin.

Mme P______ a expliqué que la circulation dans l'établissement ainsi que dans la cour sécurisée était libre de 7h30 à 21h45. En dehors de ces horaires, la circulation était libre dans les quartiers, au nombre de trois. Dans chacun des quartiers, les détenus avaient accès aux sanitaires, communs, ainsi qu'à une kitchenette avec micro-onde. L'établissement comptait sept demi-étages ; au rez, les détenus avaient accès à une salle de loisirs comportant une table de ping-pong, un babyfoot, une bibliothèque, des canapés, des jeux de société. Au demi-étage supérieur, ils avaient accès à une petite salle de sport. Ils avaient récemment acquis des nouveaux engins et des vélos pour cette salle, qu’ils comptaient encore améliorer prochainement. Sur cet étage, il y avait également la buanderie, qui était une activité proposée aux détenus. S'agissant des activités et ateliers occupationnels, le travail n'était pas obligatoire en détention administrative. La rémunération était de CHF 3.- de l'heure la semaine et de CHF 4.50 le week-end. Actuellement, en période de Ramadan, ils avaient peu de demandes pour les activités proposées. De manière générale, ils avaient toutefois plus de demandes que d'activités. Ils mettaient alors les détenus sur liste d'attente. Ils s’efforçaient, dans la mesure du possible de leur offrir une activité, parfois en dédoublant ces dernières. À titre d’activités, ils avaient actuellement une activité en collaboration avec le Q______ (Q______), qui leur fournissait en échange des livres et des vêtements, et une activité de tri des câbles de R_______. Sur le plan médical, les détenus faisaient l'objet d'une première évaluation à leur arrivée par l'équipe infirmière mobile. Ils avaient ensuite une consultation avec un médecin somatique et/ou psychiatrique dans les 48 voire 72 heures, en fonction de l'évaluation qui était faite. En cas d'urgence, ils faisaient appel au 144. L’équipe infirmière était présente à C______ les mercredis et vendredis matin ; le médecin somatique le mercredi après-midi et le médecin psychiatre le vendredi après-midi. La présence des médecins n’était pas systématique et dépendait de l'évaluation, en première ligne, de l’équipe infirmière, laquelle tournait entre les différents établissements de détention. Tous les détenus pouvaient la consulter. Il leur suffisait de déposer une demande de consultation dans la boîte aux lettres prévue à cet effet et strictement réservée aux aspects médicaux. La direction et les gardiens n'analysaient pas les demandes médicales, sauf les urgences. C’était le fait de l’équipe infirmière. Ils avaient un colloque tous les vendredis matins avec eux pour faire un point de situation. S'agissant de la communication avec l'extérieur, chaque étage disposait d'une cabine téléphonique, avec un cache garantissant la confidentialité des appels. Les détenus devaient disposer d'une carte téléphonique pour l'utiliser. S'ils n'avaient pas les moyens d’en acheter, ils avaient la possibilité de faire un appel vers l'extérieur depuis le téléphone du parloir. Ils avaient droit à un appel à l'arrivée et à un appel à la sortie. Ils avaient depuis peu la possibilité de faire des appels Skype. Un ordinateur avait été mis à la disposition des détenus pour ce faire, dans le parloir. Cette salle servant également pour les visites et les entretiens avec l'assistant social et les avocats, ils avaient dû mettre en place des horaires pour son utilisation. Pour tenter de résoudre cette problématique de salle, ils avaient élargi l'horaire des visites, qui étaient désormais possibles toute la semaine, les matins et après-midis. Les locaux étaient nettoyés tous les jours sous la surveillance des agents. Les détenus avaient la charge de l'entretien de leur cellule et disposaient à chaque étage du matériel nécessaire pour ce faire. L'entretien du reste du bâtiment était réparti entre plusieurs « activités » rémunérées. Elle prenait acte que des nuisibles avaient été vus dans l'établissement. Il y avait aujourd'hui dix détenus à C______, pour une capacité de vingt places. Les transferts étaient du ressort des autorités de placement. Les transferts à l'Unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire située dans le bâtiment de Curabilis, étaient effectués à la demande du médecin-psychiatre, ceux à l'Unité cellulaire hospitalière des Hôpitaux universitaires de Genève, à la demande du médecin somatique.

S'agissant des sanctions, la direction les examinait toutes pour validation ou non, après audition de la personne concernée et examen du rapport d'incident. La direction était composée de personnes émanant du milieu social. La mise au cachot était vraiment l'ultima ratio. Toute sanction était communiquée à la direction générale de l'office cantonal de la détention (ci-après : OCD). Les mises en cellule forte étaient en outre communiquées à l'autorité de placement et au service médical. La direction était consciente que les infrastructures de C______ n’étaient pas idéales, mais essayait de faire en sorte que la détention y soit aussi digne que possible et que les détenus puissent être renvoyés de la meilleure manière possible. Ils avaient des contacts réguliers avec un gestionnaire de l'OCPM qui se déplaçait fréquemment sur le site. Si un détenu souhaitait le rencontrer, ils faisaient le lien avec ce dernier. Elle-même travaillait à C______ depuis fin octobre 2016. Effectivement, à son arrivée, il y avait la volonté d’y privilégier des détentions courtes et ensuite, dès l'identification de la personne et les premières démarches effectuées, de la transférer à D______. Aujourd'hui, les placements à C______ ou D______ se faisaient surtout en fonction des places disponibles, cela à tout le moins depuis le début de la pandémie.

Elle n’était pas en mesure de donner la taille de la cour intérieure. Outre cette dernière, les détenus avaient également accès à la partie verte des extérieurs de C______, à condition qu'ils soient accompagnés d'un gardien. Cela dépendait des disponibilités de ces derniers. Ils y organisaient parfois des activités. Ils avaient beaucoup de demandes en été et en principe leurs effectifs leur permettaient d'y accéder.

L'activité proposée avec le Q______ était destinée à être pérenne. Ils avaient installé Skype le 16 janvier 2023. À sa connaissance, cette application n'avait jamais été utilisée par les détenus. Ils les avaient pourtant informés de la possibilité de communiquer gratuitement par ce biais avec l'extérieur. Elle-même avait personnellement informé, pas plus tard que le 8 avril 2023, l'ensemble des détenus de cette possibilité. Elle savait que l'information avait été faite aux nouveaux arrivants à compter du 16 janvier 2023. Elle ne savait pas si M. A______ avait reçu l'information.

M. O______ a expliqué que l'OCD avait indiqué à son association que seul un accès à Skype et non pas à Internet (recte : au World Wide Web) serait proposé aux détenus. Lors de ses visites, ou de celles de visiteurs volontaires, ils avaient pu constater qu'aucun détenu n'était au courant de l'installation de cette application.

Mme P______ a expliqué que suite aux événements du 8 avril 2023, un médecin somatique était intervenu sur le site à 11h00. Il avait entendu, ensemble, les détenus, pour un débriefing. Ensuite, un médecin psychiatre était venu sur le site. Elle ne pouvait pas dire s'il avait vu tous les détenus mais il avait en tout cas rencontré ceux qui en avaient fait la demande.

Suite au rapport d'incident qui lui avait été transmis le 13 avril 2023 concernant M. N______, elle avait décidé de le placer à l'isolement après l'avoir entendu et après qu'il ait pu rencontrer le psychiatre de l'unité mobile. Le lendemain, il avait par ailleurs rencontré les infirmières de ladite unité. Elle ne pouvait pas dire pour quelle raison elle avait opté pour une sanction sur la base de l'art. 48 plutôt que 3 al. 2 du règlement de l'établissement de détention administrative de C______ du 1er novembre 2017 (RC______ - F 2 12.09). Elle avait placé M. N______ en cellule d'isolement pour le préserver et avait organisé des rondes toutes les deux heures pour s'assurer qu'il allait bien. Elle ne connaissait pas la teneur de l'art. 27 du concordat sur l’exécution de la détention administrative à l’égard des étrangers du 4 juillet 1996 (CEDA - F 2 12).

Il était procédé à la fouille des personnes détenues conformément aux modalités prévues dans le RC______. Les fouilles se faisaient en deux temps. Les personnes enlevaient le haut, le remettaient, puis enlevaient le bas. On leur demandait ensuite de faire une flexion. Elle a précisé avoir trente-quatre ans d'expérience dans les domaines de la détention pénale et pour mineurs.

M. N______ a expliqué que depuis qu’il était à C______, il avait pu exercer une activité rémunérée de nettoyage, à raison de quatre heures par jour, sept jours sur sept. Suite à sa grève de la faim entamée le 20 février 2023, il avait interrompu cette activité le 10 mars 2023 car il n’avait plus de forces. Il avait donné un préavis de deux jours. Il avait également fait une traduction contre rémunération. On ne lui avait pas proposé l'activité du Q______. Les soutiens juridiques, sociaux et médicaux, étaient très limités. On ne répondait pas la plupart du temps à ses questions. Il était au courant que Skype avait été installé à C______ mais il ne l’avait jamais utilisé. Ce système de communication était démodé. Tout ce qu’il avait vu dans le parloir était un écran noir HP. Il avait fait deux jours d'isolement, du 13 au 15 avril 2023, après avoir dit « je vais faire comme le S_______ », soit la personne qui s'était suicidée. Il n’avait pas demandé à rencontrer un psychiatre le jour en question, car il n’était pas fou.

M. A______ a indiqué qu’on lui avait proposé un travail à son arrivée. Il l’avait accepté afin notamment de pouvoir s'acheter une carte téléphonique. Il pensait avoir travaillé environ six mois depuis qu’il était à C______. Il n’avait pas poursuivi le travail du triage des câbles de R_______, car cela impliquait de toucher du matériel très sale. Même si on leur donnait des gants, il avait des irritations aux avant-bras. Il s’agissait d'un travail dangereux pour la santé. Il y avait des odeurs nauséabondes. Il avait également constaté que des câbles étaient dénudés. À chaque convocation au tribunal, sortie et parloir, on leur faisait une fouille à nu, avec deux flexions. Ce n’était pas être traité avec dignité. Il n’y avait pas de possibilité concrète de communiquer avec l'extérieur via Skype. Ils n’avaient reçu aucune information ni explication à ce sujet. Cas échéant, les détenus se bousculeraient pour utiliser cette application, plutôt que de payer leurs conversations téléphoniques. Il n’avait jamais rien entendu concernant Skype alors qu’il était le détenu le plus ancien et le plus proche des gardiens. Le matériel de la salle de gymnastique n'avait pas été remplacé par du matériel récent. Par ailleurs, depuis son arrivée et malgré quatre demandes, il n’avait jamais pu utiliser le 2ème terrain extérieur. Depuis dix mois, il n’avait jamais vu personne utiliser cet espace. Il y avait également un problème avec certains gardiens. L’un d’eux, qui s’occupait notamment de leur servir à manger, avait d'importants problèmes de peau, dont des morceaux tombaient parfois dans la nourriture. Lorsqu'il était au service, la plupart des détenus ne mangeaient pas. Ce problème avait été signalé, sans succès.

Mme P______ a indiqué ne pas pouvoir se déterminer quant au terrain extérieur et renvoyé à ses précédentes explications concernant son utilisation. L'été dernier, ils avaient ouvert cet espace tous les matins de bonne heure à l'ensemble des détenus. Elle était au courant de la situation du gardien et des mesures suffisantes avaient été prises, à savoir le port de gants et d’un uniforme à manches longues.

Le représentant de l’OCPM a indiqué qu’ils n’envisageaient pas à ce stade pas le transfert de MM. N______ et A______ à D______ ou, notamment, T_______. Le canton de Genève disposait en pratique de sept places à D______. Ils y privilégiaient la détention des personnes inscrites sur des vols spéciaux ou avec accompagnement policier. Les conditions de détention à T_______ étaient à peu près les mêmes qu'à C______. La durée de la détention envisagée pouvait également être un critère pour une détention à D______ plutôt qu'à C______, et inversement. La personne de C______ récemment transférée à D______ l'avait été pour d'autres motifs, soit des motifs en lien avec sa sécurité et celle de l'établissement.

Entendu sur les conditions de sa détention, M. A______ a indiqué faire siennes les explications fournies par M. N______. Ce n'était pas sa détention qui importait mais ce qui était arrivé à son ami. Son décès lui avait cassé la tête. Il était d'accord de retourner en Afrique et participerait à d'autres auditions si besoin. Il avait déjà été entendu à sept reprises. Il n’était pas prêt à entreprendre des démarches en vue d'obtenir la délivrance d'un laissez-passer auprès des autorités B______. Il avait déjà entrepris oralement de telles démarches. Il s’était même rendu sur place, à l'aéroport, avec l'OCPM, auprès d'une délégation B_______. On ne lui avait pas laissé signer la demande de laissez-passer. Cela s'était passé en 2021, lorsqu’il était à U_______. À C______, il avait développé plusieurs pathologies. Des examens de sa prostate étaient prévus le 26 avril 2023. La moitié des gardiens étaient gentils mais il y en avait un, surnommé « le nazi », qui était extrêmement sadique. Il y avait actuellement un détenu qui était suicidaire, il était gavé de médicaments, ce qu’a confirmé M. N______. Si on ne faisait rien, il y aurait d'autres morts. Il fallait être fort pour rester à C______. La détention à U_______ était préférable car il y avait un accès à l'extérieur.

Le conseil de M. N______ a plaidé et conclu à la mise en liberté immédiate de MM. N______ et A______ et invité le TAPI à ordonner la fermeture de C______. Le conseil de M. A______, faisant sienne la plaidoirie du conseil de M. N______, a plaidé et conclu à son tour à la libération immédiate de MM. N______ et A______, la détention administrative dans son principe, et en particulier concernant les précités, ne respectant pas les règles du Conseil de l'Europe et les recommandations de différentes commissions actives en matière de protection des droits humains et de prévention de la torture. Il a renvoyé pour le surplus aux rapports de la CNPT. Il n'était pas admissible de permettre la détention administrative dans de telles conditions, à des fins politiques, à savoir pour justifier la construction de prisons plus grandes. Il a réfuté que des rafraîchissements auraient été entrepris à C______. Le projet de loi 1341 de juin 2022 faisait état de dégradations avancées (page 36 sur 167).

Le représentant de l’OCPM a conclu au rejet des demandes de mise en liberté formées par MM. N______ et A______. Si les conditions de la détention devaient en effet être améliorées au sein de C______, cela ne signifiait pas encore que leur détention était contraire à l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). S'agissant des modalités de celle-ci, il a renvoyé aux explications de Mme P______ et au RC______. La détention administrative de M. A______ devait être prolongée pour la durée requise, au vu des démarches encore à effectuer.

Le représentant de M. A______ a plaidé et conclu au rejet de la demande de prolongation de la détention administrative de son client ainsi qu'à sa libération immédiate, en l'absence de nouvelles démarches concrètes et/ou justifiées de la part des autorités - son client persistant à dire qu'il était ressortissant B_______ - et vu les conditions illicites de sa détention.

g. Par jugement du 20 avril 2023, le TAPI a joint les causes A/1262/2023 et A/1264/2023 sous le n° de cause A/1262/2023, prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 22 juin 2023 inclus, à condition que ses conditions de détention soient adaptées conformément aux considérants et ce, au plus tard le mardi 25 avril 2023 à 14h ; si cette condition n’était pas respectée, M. A______ devait être libéré au plus tard à cette date et heure.

La légalité de la détention de M. A______, sous l’angle de son principe, avait déjà été examinée et constatée à plusieurs reprises, la dernière fois le 13 janvier 2023 par la chambre administrative. Les motifs pour lesquels la légalité de la détention avait été reconnue n'avaient subi aucune modification du fait de l'écoulement du temps.

S’agissant des conditions de l’exécution de la détention de M. A______, comme retenu par la jurisprudence, C______, qui était un établissement destiné à la détention administrative, satisfaisait aux exigences légales de l'art. 81 LEI en matière de respect des personnes détenues administrativement. Il bénéficiait notamment d'un service médical approprié, pourvoyant aux soins ambulatoires et d'urgence.

En tant que tels, les problèmes dont se plaignait M. A______ ne pouvaient a priori conduire à sa mise en liberté. Les fouilles et leurs modalités étaient prévues par la CEDA et le RC______. S’agissant des critiques liées à l’infrastructure, son manque d’hygiène, son inadéquation et sa vétusté, les carences relevées ne rendaient pas la détention administrative à C______ incompatible avec la dignité humaine. Leur cumul et l’exacerbation de leur impact du fait de l’écoulement du temps ou d’événements externes, tels ceux du 8 avril 2023, étaient en revanche problématiques. Eu égard à ces derniers, qu’on ne pouvait que déplorer, si rien n’indiquait qu’ils seraient liés aux conditions de détention au sein de cet établissement et s’il était vrai qu’un soutien psychologique avait été proposé à M. A______, leur impact sur des personnes en détention et vivant en vase clos ne devait pas être sous-estimé. C'était M. A______ qui avait découvert le corps de la personne décédée, qui était un ami, et le TAPI avait pu se rendre compte, lors de l’audience du 18 avril 2023, qu’il avait été très affecté par ce décès. Ainsi, actuellement, force était de retenir que les conditions et modalités de la détention de M. A______ à C______ posaient problème et, en particulier, l’exposaient à une détresse d’une intensité excédant le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention si elles devaient perdurer. À cela s’ajoutait l’absence d’accès à Internet, puisque C______ n’avait pas donné suite à l’injonction de la chambre administrative en ce sens, ce qui violait sa liberté d’opinion et d’information et impliquait qu’il soit transféré dans un lieu satisfaisant à l’exigence précitée. L’installation de l’application Skype sur un ordinateur, dans les conditions telles que décrites lors de l’audience, si tant était qu’elle permît effectivement aux détenus de conserver des liens sociaux et des contacts avec leur pays d’origine, ne garantissait pas leur droit à la liberté d’opinion et d’information, tel que voulu par le Tribunal fédéral.

Dans ces conditions, il devait être retenu que les conditions et modalités d’exécution de la détention administrative de M. A______ à C______ n'étaient aujourd’hui plus conformes à l'art. 81 LEI, au CEDA et à l’art. 3 CEDH et qu’elles imposaient le transfert de ce dernier dans un autre établissement de détention administrative – celui de D______ devant être privilégié –, si sa détention administrative devait être prolongée au-delà du 22 avril 2023 comme requis par l’OCPM.

Conscient des difficultés logistiques d’un tel transfert, au vu du nombre restreint de places de détention attribuées au canton de Genève, le délai pour ce faire était fixé au mardi 25 avril 2023 à 14h00. À défaut d’un tel transfert, l’intéressé devrait être libéré au plus tard à cette date.

S'agissant de la prolongation de détention demandée par l'OCPM, le principe de diligence était respecté, les autorités ayant poursuivi leurs démarches en vue de l’identification de l’intéressé, lequel serait présenté aux auditions centralisées avec la M______ à la fin du mois de mai 2023. Il était par ailleurs d’ores et déjà inscrit aux prochaines auditions centralisées E______ qui interviendraient durant le deuxième semestre 2023.

L'assurance du départ effectif de M. A______ répondait toujours à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devrait monter dans l'avion devant le reconduire dans son pays d'origine. M. A______, lors de l’audience du 18 avril 2023, avait confirmé qu’il n’entendait pas entreprendre la moindre démarche de son côté auprès des autorités du B______, dont il se disait pourtant originaire, en vue d’obtenir des documents d’identité ou un laissez-passer.

Cela étant, au vu de l’audition prévue fin mai 2023 déjà, une demande de prolongation de trois mois était disproportionnée et devait être réduite à deux mois, soit jusqu’au 22 juin 2023, durée permettant la concrétisation de ladite audition et un contrôle par le TAPI de la diligence avec laquelle les éventuelles prochaines démarches seraient menées dans le cadre d’une éventuelle nouvelle demande de prolongation.

D. a. Par acte déposé le 21 avril 2023, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à sa libération immédiate à titre superprovisionnel, provisionnel et sur le fond, à l'annulation du jugement du TAPI en tant qu'il rejetait sa demande de mise en liberté et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Le TAPI avait constaté le caractère illicite des conditions de détention au sens des art. 81 LEI et 3 CEDH. Cette dernière disposition ne prévoyait aucune exception, si bien que la prolongation, même brève, d'un traitement inhumain ou dégradant contrevenait au noyau dur des droits humains. Cela signifiait qu'il devait être libéré immédiatement.

De plus, dans un arrêt rendu fin 2022, la chambre administrative avait considéré que les conditions de détention à C______ devaient être revues pour être licites, et avait fixé un délai au 16 janvier 2023 pour mettre à disposition des détenus un accès de base à Internet ; à défaut le détenu devait être libéré. Ce délai devait être compris comme s'appliquant à l'établissement et comme concernant tous les détenus. Cela aurait donc dû également conduire le TAPI à prononcer sa mise en liberté immédiate.

b. Le 24 avril 2023, l'OCPM a conclu à la radiation du recours du rôle de la chambre administrative. M. A______ concluait à sa libération en raison de l'illicéité de ses conditions de détention à C______. L'OCPM avait donné suite aux injonctions du TAPI et M. A______ avait été transféré à D______ le samedi 22 avril 2023. Dans la mesure où le recours ne concernait que cet aspect, il devait être déclaré sans objet et rayé du rôle.

c. Le 24 avril 2023, M. A______ a fait valoir, en réplique à l'écriture précitée, que son transfert ne menait pas à la caducité du recours, lequel visait à contester le rejet de sa demande de mise en liberté ainsi que la prolongation de sa détention.

d. Le 25 avril 2023, la chambre administrative a procédé à un transport sur place dans trois causes dont elle était saisie. Étaient notamment présents six juges de la chambre administrative, les avocats des trois détenus, l'un des trois détenus (soit le seul encore détenu à C______), un représentant de l'OCPM, un représentant du commissaire de police, la directrice ad interim de l'OCD, la directrice adjointe de C______ et le gardien-chef de l'établissement.

Les participants ont pu visiter l'intégralité de l'établissement de détention, tant l'intérieur que l'extérieur. Des clichés photographiques ont été pris.

Entre autres choses, il a été constaté qu'une seule pièce tenait lieu de parloir avec les avocats, les familles et les visiteurs et de lieu d'accès à Skype et au World Wide Web. L'accès à ce dernier était très récent.

Les parties ont été averties par le juge menant le transport sur place que le procès-verbal ne pourrait probablement pas être finalisé avant le délai de dix jours pour le prononcé de l'arrêt au fond.

e. Invité à faire parvenir ses observations après le transport sur place, M. A______ a persisté dans ses conclusions le 26 avril 2023.

Sur la question de l'accès à l'Internet, le positionnement des autorités était illisible, chaque interlocuteur apportant une réponse différente. L'effectivité de l'accès devait être relativisée dans la mesure où ledit accès était installé dans un espace fonctionnant aussi comme unique parloir et pour les fouilles des détenus.

Le transport sur place avait en outre permis de constater que l'établissement avait été construit comme une infrastructure à vocation pénale, comme en témoignaient par exemple les barreaux à toutes les fenêtres. L'espace accessible aux détenus pendant la journée ne constituait pas un accès à l'air libre suffisant. L'espace appelé « terrain de football » par Mme P______ était extrêmement réduit, en pente, inapte à la pratique du sport et n'avait manifestement pas été utilisé depuis de nombreux mois au vu de la végétation. Les installations de la salle de musculation étaient majoritairement dans un état de délabrement rendant leur utilisation dangereuse. La cellule forte, très petite et sans accès direct à l'eau potable, ne respectait pas les standards en la matière. La présence de personnel qualifié en soins infirmiers et le programme d'occupation étaient insuffisants.

f. Le 26 avril 2023, l'OCPM a persisté dans ses conclusions. Le transport sur place était inutile vu le transfert de M. A______ à D______. Il avait néanmoins démontré que les conditions de détention à C______ n'étaient nullement contraires à la dignité humaine, l'établissement étant propre et bien tenu et mettait à disposition des détenus des équipements opérationnels et régulièrement remplacés. De nombreuses tâches et responsabilités – rémunérées – étaient offertes aux détenus qui le souhaitaient. La prise en charge médicale était garantie et assurée en tout temps en cas de besoin. La promenade grillagée mesurait 165.4 m2.

g. Le 26 avril 2023, M. A______ a persisté dans ses conclusions. La célérité avec laquelle les détenus avaient été transférés dans un autre établissement démontrait la volonté des autorités genevoises de se soustraire au contrôle des conditions de détention, lequel ne pourrait jamais être opéré si un tel transfert conduisait à la perte d'objet du recours. Le Conseil d'État lui-même avait admis dans le plan directeur des infrastructures pénitentiaires (annexe 3 au PL 13141, du 25 juin 2022), que l'établissement présentait « des dégradations avancées ». Les détenus ne se plaignaient pas d'un défaut d'accès à la cour, mais d'un manque d'accès à l'air libre, dès lors que ladite cour était entièrement grillagée.

h. Par « complément de recours » du 28 avril 2023, M. A______ a relevé que les autorités étaient restées inactives entre janvier et décembre 2021. Il n’avait pas pu se prononcer sur sa non-reconnaissance par les autorités B______ fin 2021, alors que le Manuel asile et retour du SEM indiquait qu’il était obligatoire que l’intéressé soit entendu si ses allégations n’étaient pas confirmées par l’analyse de provenance. Les autorités cherchaient à le présenter à diverses délégations alors que l’analyse LINGUA ne permettait de déterminer que le lieu de sociabilisation et non la nationalité. Il n’avait été reconnu ni par les autorités M_______, en janvier 2022, ni par les G______ au printemps 2023. L’OCPM n’avait aucun motif valable de vouloir le présenter une seconde fois à celles-là. Enfin, les autorités E_______ pourraient le recevoir qu’au deuxième semestre 2023, étant rappelé que le TAPI avait relevé que c’était en raison « d’une erreur fautive de l’autorité compétente » qu’il n’avait pas pu leur être présenté fin novembre 2022. Ces éléments réalisaient une violation du principe de la célérité et de la diligence, ce qui imposait, à teneur de la jurisprudence, sa libération immédiate. Enfin, son renvoi n’était pas possible dans un délai prévisible et raisonnable, alors qu’il était en détention administrative depuis près d’un an.

i. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 21 avril 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             L'intimé soutient que le transfert du recourant dans un autre établissement de détention, à savoir D______, rend son recours sans objet dans la mesure où ce dernier n'aborde que la question de ses conditions de détention.

Or, la jurisprudence a notamment admis que l'autorité de recours doit entrer en matière même s'il n'existe plus d'intérêt actuel et pratique au recours lorsque la partie recourante invoque de manière défendable un grief fondé sur la CEDH (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; 139 I 206 consid. 1.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1028/2021 du 16 novembre 2022 consid. 1.2 ; ATA/128/2019 du 7 février 2019 consid. 2).

Ainsi, quand bien même le recourant n'aurait plus d'intérêt actuel et pratique au recours – ce qu'il conteste, mais qui peut souffrir de demeurer ouvert –, il y aurait lieu d'entrer en matière, dès lors qu'il invoque de manière défendable une violation de l'art. 3 CEDH.

4.             Dans la mesure où le recourant conclut à sa mise en liberté immédiate, il convient d'examiner en premier lieu si les conditions générales de la mise en détention administrative et de son éventuelle prolongation sont données.

4.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 précité consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

4.2 À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, qui renvoie à l'art. 75 al. 1 let. h LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si celle-ci a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a ; ATA/295/2011 du 12 mai 2011 consid. 4). Selon la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice, pour qu'une personne puisse être mise en détention sur la base de cette disposition, elle doit avoir été condamnée par une juridiction pénale de première instance, sans qu'il soit nécessaire que le jugement soit définitif (ATA/127/2015 du 3 février 2015 consid. 6).

Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI).

4.3 En l’espèce, la chambre de céans a déjà admis dans l'ATA/22/2023 du 13 janvier 2023 que les conditions d’une mise en détention administrative étaient réunies, vu notamment la condamnation pénale du recourant pour violation grave de la LStup – soit un crime – et blanchiment d’argent aggravé, et son expulsion pénale prononcée pour une durée de cinq ans. Le recourant ne le conteste d'ailleurs pas.

Par ailleurs, si sa mise en détention a été prononcée le 31 mai 2022, soit il y a désormais plus de six mois, les conditions d’une prolongation sont réalisées au sens de l’art. 79 al. 2 LEI, comme examiné ci-après.

5.             Le principe de proportionnalité, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

5.1 La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

5.2 Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a). Le principe de célérité est violé si les autorités compétentes n'entreprennent aucune démarche en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion pendant une durée supérieure à deux mois et que leur inactivité ne repose pas en première ligne sur le comportement des autorités étrangères ou de la personne concernée elle-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1132/2018 du 21 janvier 2019 consid. 3.3).

5.3 En l'espèce, le raisonnement du TAPI ne prête pas le flanc à la critique et le recourant ne prétend le contraire que dans son complément au recours daté de ce jour. Les autorités ont poursuivi leurs démarches en vue de l’identification du recourant et celui-ci est inscrit à une audition centralisée en mai 2023. Il s'agit certes d'une seconde audition par les autorités M_______ – et il en va de même pour l'audition par les autorités G______ prévue en juin 2023 –, mais les autorités de migration ont fait valoir qu'il arrivait aux délégations de reconnaître un de leurs ressortissants en de telles occasions, ce qui apparaît vraisemblable. Le recourant met aussi en avant le caractère lointain de l'audition par les autorités E______, et l'erreur commise par les autorités suisses pour justifier son absence de présentation en novembre 2022, que le TAPI a reconnue dans son jugement du 22 décembre 2022. Cela étant, comme le TAPI l'a aussi relevé quelques lignes plus loin dans le même jugement, « il serait actuellement prématuré de lever la détention de M. A______ au motif de l'incertitude pesant sur la date d'une audition par une délégation E______ en 2023, puisque de toute façon, d'autres échéances sont prévues en avril de cette année. Il sera toujours temps, si la date de l'audition E______ demeure toujours incertaine lors de la prochaine demande de prolongation qui sera éventuellement soumise au tribunal, d'examiner si la violation du principe de célérité doit cette fois emporter la libération de M. A______ ».

Le présent recours émanant uniquement de la personne mise en détention, la question de la durée de la détention, soit celle de savoir si c'est à raison que le TAPI n'a prolongé la détention que de deux mois est exorbitante au litige, la durée de la détention dépendant en outre de la résolution de la question de la mise en liberté en rapport avec les conditions de détention.

Au surplus, la durée de la détention du recourant tient largement à son absence de coopération et l'intérêt public à l'exécution de son renvoi est prépondérant vu ses condamnations et la longue durée de son expulsion du territoire, ce qui exclut toute libération fondée sur des motifs d'opportunité. Dans ces circonstances, aucune mesure moins incisive que le maintien en détention administrative, notamment une assignation à résidence, aucune ne lui étant au demeurant connue, ou l’obligation de se présenter régulièrement à l’autorité, n’est à même de garantir la présence du recourant lors de l'exécution du renvoi. La détention est ainsi apte à atteindre le but voulu par le législateur, et s’avère nécessaire, compte tenu de la difficulté prévisible de l’exécution du renvoi en raison du refus du recourant d’être renvoyé dans son pays d’origine, une fois qu’il sera déterminé.

6.             Le grief principal du recourant tient au fait que le TAPI, bien qu'il ait admis que ses conditions de détention violaient l'art. 3 CEDH, n'a pas prononcé sa libération immédiate.

6.1 Au niveau conventionnel, l'art. 3 CEDH prévoit que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. La Suisse a également ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (RS 0.105), édictée sous l'égide des Nations Unies. Au plan constitutionnel, l'art. 7 Cst. prescrit de son côté que la dignité humaine doit être respectée et protégée. À teneur de l'art. 10 al. 3 Cst., la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits. La Constitution genevoise prévoit aussi que la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits (art. 18 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00) et que la dignité humaine est inviolable (art. 14 al. 1 Cst-GE).

Selon le Tribunal fédéral, les garanties de la CEDH relatives aux conditions de détention n'offrent pas une protection plus étendue que celles garanties par la Constitution fédérale (ATF 145 I 318 consid. 2.1 ; 143 I 241 consid. 3.4).

6.2 La Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après : CourEDH) a admis à de nombreuses reprises que les conditions de détention d'un individu pouvaient représenter un traitement dégradant voire inhumain, y compris en matière de détention administrative (voir p. ex. ACEDH M.S.S. c. Belgique et Grèce du 21 janvier 2011, req. 30696/09, § 230-234 ainsi que § 222 pour la jurisprudence antérieure de la CourEDH). La CourEDH a toujours souligné que, pour relever de l’art. 3 CEDH, la souffrance et l’humiliation infligées doivent en tout cas aller au-delà de celles que comporte inévitablement la privation de liberté. L’État doit s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate (ACEDH Kuda c. Pologne, Grande Chambre, Recueil 2000-XI , req. 30210/96, § 92-94 ; ACEDH Popov c. Russie du 13 juillet 2006, req. 26853/04, § 208). L'accès à l'air libre, notamment sous forme de promenade, doit être pris en compte (ACEDH Zuyev c. Russie du 19 février 2013, req. 16262/05, § 58).

Lorsqu’on évalue les conditions de détention, il y a lieu de tenir compte de leurs effets cumulatifs ainsi que des allégations spécifiques du requérant (ACEDH Dougoz c. Grèce, Recueil 2001-II, req. 40907/98, § 46). La durée de détention d’une personne dans des conditions particulières doit elle aussi être prise en considération (ACEDH Géorgie c. Russie du 21 janvier 2021, Grande Chambre, req. 38263/08, § 240 ; Alver c. Estonie du 8 novembre 2005, req. 64812/01, § 50).

6.3 Pour le domaine spécifique de la détention, la Suisse a ratifié, le 7 octobre 1988, la Convention européenne de 1987 pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (RS 0.106). L'art. 1 de cette Convention institue un Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (ci-après : CPT) ; ce comité est habilité à examiner le traitement des détenus dans les États contractants (art. 2) ; après chaque visite, il établit un rapport sur les faits constatés à l'occasion de celle-ci et transmet son rapport qui contient les recommandations qu'il juge nécessaires (art. 10 ch. 1).

6.4 Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, en application de l'art. 15 (b) du Statut du Conseil de l'Europe (RS 0.192.030), a adopté le 11 janvier 2006 la Recommandation Rec(2006)2 sur les Règles pénitentiaires européennes (ci-après : RPE), lesquelles s'inscrivent dans la lignée des précédentes recommandations établies dès 1989. Elles ont été révisées et modifiées par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe le 1er juillet 2020. Ces règles prennent notamment en compte le travail mené par le CPT ainsi que les normes qu'il a développées dans ses rapports généraux, et visent à garantir des conditions de détention qui ne portent pas atteinte à la dignité humaine. L'art. 1 RPE pose que les personnes privées de liberté doivent être traitées dans le respect des droits de l'homme. Les art. 17 à 22 RPE traitent des locaux de détention, de l'hygiène, de la literie et du régime alimentaire: ainsi, les locaux de détention doivent satisfaire aux exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d'hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l'espace au sol, le volume d'air, l'éclairage et l'aération (art. 18.1) ; les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que les détenus puissent lire et travailler à la lumière naturelle dans des conditions normales, et pour permettre l'entrée d'air frais, sauf s'il existe un système de climatisation approprié (art. 18.2.a) ; la lumière artificielle doit être conforme aux normes techniques reconnues en la matière (art. 18.2.b); les locaux d'une prison doivent être maintenus en état et propres à tout moment (art. 19.1) ; les détenus doivent jouir d'un accès facile à des installations sanitaires hygiéniques et protégeant leur intimité (art. 19.3) ; les installations de bain et de douche doivent être suffisantes pour que chaque détenu puisse les utiliser à une température adaptée au climat (art. 19.4) ; chaque détenu doit disposer d'un lit séparé et d'une literie individuelle convenable, entretenue correctement et renouvelée à des intervalles suffisamment rapprochés pour en assurer la propreté (art. 21) ; la nourriture doit être préparée et servie dans des conditions hygiéniques (art. 22.3) et les détenus doivent avoir accès à tout moment à l'eau potable (art. 22.5). Tout détenu doit avoir l'opportunité, si le temps le permet, d'effectuer au moins une heure par jour d'exercice en plein air (art. 27.1).

Ces règles ont été encore précisées dans un Commentaire établi par le CPT. S'agissant des conditions de logement, le CPT a arrêté quelques standards minimaux : l'espace au sol disponible est estimé à 4 m2 par détenu dans un dortoir et à 6 m2 dans une cellule (individuelle); ces conditions d'hébergement doivent cependant être modulées en fonction des résultats d'analyses plus approfondies du système pénitentiaire ; le nombre d'heures passées en dehors de la cellule doit être pris en compte ; en tout état, ces chiffres ne doivent pas être considérés comme la norme. À titre d'exemple, le CPT considère comme étant souhaitable pour une cellule individuelle une taille de 9 à 10 m2. S'agissant de la literie, le CPT précise que celle-ci comprend tout l'équipement standard d'un lit (sommier, matelas et couverture).

Les RPE – et a fortiori leur commentaire – ont le caractère de simples directives à l'intention des États membres du Conseil de l'Europe ; cependant, en tant que reflet des traditions juridiques communes à ces États, le Tribunal fédéral en tient compte de longue date dans la concrétisation de la liberté personnelle et des autres droits fondamentaux garantis par la Cst. et par la CEDH (ATF 123 I 112 consid. 4d/cc et la jurisprudence citée ; en dernier lieu: ATF 140 I 125 consid. 3.2 ; 139 IV 41 consid. 3.2). On parle à leur propos de « code de la détention pénitentiaire » (Gérard PIQUEREZ/Alain MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3e éd., 2011, n. 1265) ou de « soft law », néanmoins relativement contraignante pour les autorités. Contrairement au droit fédéral ou cantonal pertinent, ce corpus de normes juridiques a le mérite de donner des précisions concernant l'aménagement, l'équipement, la dimension des cellules ou la surface souhaitables dont doit bénéficier chaque détenu à l'intérieur de celles-ci.

6.5 Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention de maintien ou de levée tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.

À teneur de l’art. 81 al. 2 LEI, la détention a lieu dans un établissement servant à l’exécution de la détention en phase préparatoire, de la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion ou de la détention pour insoumission. Si ce n’est exceptionnellement pas possible, notamment pour des raisons de capacités, les étrangers doivent être détenus séparément des personnes en détention préventive ou purgeant une peine. La forme de la détention doit tenir compte des besoins des personnes à protéger, des mineurs non accompagnés et des familles accompagnées d’enfants (al. 3). En outre, les conditions de détention sont régies : a. pour les cas de renvois à destination d’un pays tiers : par les art. 16. al. 3 et 17 de la directive 2008/115/CE240 ; b. pour les cas liés à un transfert Dublin : par l’art. 28 al. 4 du règlement (UE) no 604/2013241 ( ) (al. 4).

6.6 La Suisse a instauré une commission nationale de prévention de la torture (ci-après : CNPT ; art. 1 al. 1 de la loi fédérale sur la Commission de prévention de la torture du 20 mars 2009 – LCPT – RS 150.1). Parmi d'autres missions, la CNPT examine régulièrement la situation des personnes qui sont privées de liberté et inspecte régulièrement les lieux où ces personnes se trouvent ou pourraient se trouver, et formule des recommandations à l’intention des autorités compétentes afin d’améliorer le traitement et la situation des personnes privées de liberté et de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 2 let. a et b LCPT).

La CNPT s’acquitte de ses tâches en toute indépendance (art. 4 al. 1 LCPT). Elle a accès à tous les lieux de privation de liberté ainsi qu’à leurs installations et équipements, et peut visiter ces lieux sans préavis (art. 8 al. 2 LCPT). Les autorités compétentes examinent les propositions que la commission leur a adressées et émettent un avis sur leur réalisation (art. 9 al. 2 LCPT).

Les trois dernières visites de C______ documentées sur le site de la CNPT (https://www.nkvf.admin.ch/nkvf/fr/home/publikationen/berichte-der-kontroll besuche/nach-kanton.html > GE) ont eu lieu les 13 février 2017, 28 octobre 2019 et 17 décembre 2020.

Dans ses lettres au Conseil d'État consécutives aux deux dernières visites, la CNPT a constaté que l'infrastructure existante de C______ et le régime de détention n'étaient pas adaptés à la détention administrative ; la CNPT a enjoint aux autorités genevoises de ne plus utiliser l’établissement de C______ pour la détention administrative et à transférer les détenus administratifs dans un établissement destiné à cet effet (ibid.). Dans sa réponse à la CNPT consécutive à la visite de 2019, le conseiller d'État a indiqué qu'en cas de vote favorable du parlement sur le projet de nouvelle prison V_______, W_______ pourrait être convertie en établissement de détention administrative et C______ serait abandonné ; toutefois, dans la réponse consécutive à la visite de 2020, il est seulement question – dès lors que le Grand Conseil genevois avait entretemps refusé le projet V_______ –, outre les problématiques liées à la pandémie de Covid-19, de l'office cantonal de la détention a initié dans le courant de l'année 2020 des démarches en vue de la réalisation de travaux destinés à remédier à la situation en matière d'accès aux espaces extérieurs – une demande d’autorisation de construire serait déposée au printemps 2021 et les travaux devraient être achevés durant la première partie de l'année 2022 au plus tard (ibid.).

6.7 La rétention et la détention sont exécutées dans un établissement fermé, à l'intérieur duquel la liberté de circulation est garantie dans les limites imposées par la gestion d'une structure communautaire. Selon l'art. 12a LaLEtr, les conditions d’exécution de la détention sont régies par le chapitre troisième de la CEDA.

Le détenu a droit au respect et à la protection de sa dignité, de son intégrité physique et psychique et de ses convictions religieuses (art. 14 al. 1 CEDA) et l’exercice de ses droits ne peut être restreint que dans la mesure requise par la privation de liberté, par les exigences de la vie collective dans l’établissement ou par le fonctionnement normal de l’établissement (al. 2).

Conformément à l’art. 18 CEDA, dès que possible et au plus tard le quatrième jour qui suit son entrée dans l’établissement, le détenu passe une visite médicale (al. 1). L’établissement organise un service médical qui pourvoit aux soins ambulatoires et aux soins d’urgence (al. 2).

Des occupations et activités, promenade, correspondance et visites sont possibles, selon les modalités définies aux art. 19 ss CEDA.

6.8 Selon l’art. 1 RC______, l'établissement de détention administrative de C______ est affecté exclusivement à l'exécution de la rétention et de la détention administrative des étrangers, telle que prévue par les art. 73 et 75 à 78 de la LEI (al. 1). L'établissement est reconnu par la Conférence romande des chefs de département compétents en matière de police des étrangers au sens de l'art. 30 al. 1 let. b CEDA (al. 2). Le régime de la détention est réglé aux art. 4 ss RC______, l’art. 7 reprenant les principes fixés à l’art. 14 CEDA. L’assistance médicale, les activités et la communication au sein de l’établissement sont réglés aux art. 20 ss RC______. L’accès aux soins y est en particulier garanti par le biais d’une unité médicale mobile (art. 20 al. 3 RC______) et des transferts dans un établissement hospitalier pour raisons médicales sont possibles en cas de nécessité (al. 9). Des promenades et exercices physiques, visites ainsi qu’une assistance spirituelle et sociale sont notamment possibles (art. 33 ss RC______). Les art. 44 et suivants RC______ traitent des fouilles, procédures disciplinaires et voie de recours.

6.9 La légalité de la détention administrative au sein de l’établissement de C______ a été régulièrement confirmée par la chambre administrative, la dernière fois le 16 mars 2023 (ATA/268/2023 concernant M. N______, lequel venait alors d'entamer sa grève de la faim et indiquait vivre très mal sa détention).

Cela étant, C______ s’est vu impartir par la chambre de céans un délai au 16 janvier 2023 pour installer une connexion internet (ATA/1218/2022 du 6 décembre 2022), étant rappelé qu’un tel accès pouvait être limité (ATA/83/2023 du 26 janvier 2023 consid. 9.4). Cet arrêt faisait suite à un arrêt récent du Tribunal fédéral, destiné à publication, dans lequel ce dernier avait analysé les conditions de détention administrative d’une personne étrangère détenue dans l’établissement de X_______ et considéré qu’il était important que les personnes en détention administrative puissent conserver des liens sociaux et des contacts avec leur pays d’origine, et par voie de conséquence qu’elles devraient avoir accès à internet. Un refus généralisé à un accès internet dans le cadre de la détention administrative, contraire aux recommandations internationales, ne se justifiait pas et constituait une restriction de la liberté d’opinion et d’information qui n’était pas imposée par le but de la détention et n’était pas proportionnée. En l’occurrence, l’absence d’accès à internet violait la liberté d’opinion et d’information du recourant et allait au-delà de ce qui paraissait nécessaire pour le but de détention des mesures de contrainte relevant du droit des étrangers. La restriction n’était justifiée ni par les exigences du fonctionnement de l’établissement ni pour des raisons de sécurité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_765/2022 du 13 octobre 2022 consid. 5.2 et 5.4 et les références citées).

Dans l'ATA/1218/2022, la chambre de céans a retenu qu’à C______, les détenus pouvaient notamment circuler librement, avaient un accès 24h/24h à un appareil téléphonique, pouvaient accéder à une salle de sport, bénéficier d’une promenade extérieure de 7h30 à 19h et recevoir des visites « librement et sans surveillance » à raison de deux heures par semaine, leur permettant une vie sociale beaucoup plus étendue que celle des personnes en détention dans l’établissement de X_______, qui subissaient un enfermement en cellule dix-huit heures par jour (consid. 8f).

6.10 Si les conditions de détention ne respectent pas les exigences légales, il appartient au juge d'ordonner les mesures qui s'imposent ou – s'il n'est pas possible d'assurer une détention conforme à la loi dans les locaux de l'établissement de détention préventive – de faire transférer à bref délai le recourant dans d'autres locaux. Si la situation légale n'est pas rétablie dans un délai raisonnable, le recourant doit être libéré (ATF 122 II 299 consid. 8a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2022 précité consid. 6.1 ; 2C_662/2022 du 8 septembre 2022 consid. 3.3 et les références citées ; ATA/1218/2022 précité consid. 8e).

6.11 En l'espèce, le TAPI a retenu que C______ satisfaisait aux exigences légales de l'art. 81 LEI en matière de respect des personnes détenues administrativement, bénéficiant notamment d'un service médical approprié, pourvoyant aux soins ambulatoires et d'urgence. Les problèmes dont se plaignaient M. A______ ne pouvaient a priori conduire à sa mise en liberté : les fouilles et leurs modalités sont prévues par la CEDA et le RC______ ; s’agissant des critiques liées à l’infrastructure, les carences relevées ne pouvaient en effet, en soi et prises individuellement, amener à considérer que sa détention administrative à C______ était incompatible avec la dignité humaine. Leur cumul et l’exacerbation de leur impact du fait de l’écoulement du temps et/ou d’événements externes, tels ceux du 8 avril 2023, étaient en revanche problématiques, notamment dans la mesure où c’était M. A______ qui avait découvert le corps de la personne décédée, qui était un ami, et il en avait été très affecté. Ainsi, force était de retenir que les conditions et modalités de la détention de M. A______ à C______ posaient problème et l’exposeraient à une détresse d’une intensité excédant le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention si elles devaient perdurer. À cela s’ajoutait l’absence d’accès à Internet, puisque C______ n’avait pas donné suite à l’injonction de la chambre administrative et impliquait qu’il soit transféré dans un lieu qui satisfait à l’exigence précitée.

Ce raisonnement ne prête globalement pas le flanc à la critique.

Quand bien même la CNPT enjoint depuis 2019 aux autorités genevoises de ne plus utiliser C______ comme établissement de détention administrative, la chambre de céans a admis encore récemment la légalité de la détention administrative au sein de cet établissement.

S'agissant des conditions de détention proprement dites, à l'évidence C_______ peut être comparé à certains lieux de détention décrits dans un certain nombre d'arrêts de la CourEDH. Les constats effectués lors du transport sur place montrent que l'établissement est globalement propre, l'hygiène des détenus y est garantie, ainsi que les soins médicaux même en l'absence d'une équipe médicale à demeure. Certaines conditions posent néanmoins problème. La cellule forte apparaît trop exiguë, pas assez lumineuse et le détenu n'y a pas accès à l'eau courante ; cela étant, ce problème n'est pas directement pertinent en l'espèce, le recourant ne se plaignant pas d'y avoir été enfermé. Le second problème concerne l'installation seulement très récente – voire postérieure au jugement attaqué – d'un accès au World Wide Web, alors que la chambre de céans avait fixé un délai au 16 janvier 2023 pour ce faire, sur la base de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Cet accès, de même que celui à l'application Skype, se fait dans la même pièce que les parloirs avec les avocats et les familles ainsi que les fouilles corporelles, ce qui diminue considérablement les possibilités pour les détenus d'y avoir accès. En outre, pour l'accès au World Wide Web et à Skype, mais aussi au programme d'activités occupationnelles, les détenus sont visiblement mal informés malgré la pose d'affichettes, ce qui ajoute au problème. Enfin, l'accès à l'air libre pourrait être amélioré. L'aménagement décrit par le Conseil d'État dans sa dernière prise de position auprès de la CNPT ne semble pas avoir avancé, un an après la date prévue. La promenade de 165 m2 est certes accessible une grande partie de la journée, mais elle est grillagée de toutes parts. Quant à la petite prairie à l'air libre décrite devant le TAPI comme terrain de football, la chambre de céans prend acte de ce que la direction de l'établissement s'engage à la mettre à disposition des détenus sur simple demande ; il semble toutefois que tel ne soit pas le cas jusqu'à présent. Il résulte de ce qui précède que si les carences qui viennent d'être évoquées ne rendent pas, prises individuellement, les conditions de détention illicites – sauf peut-être le défaut d'accès au Web, au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, quoique l'OCD vienne d'y remédier –, prises dans leur ensemble elles peuvent s'avérer problématiques en fonction de la durée du séjour d'un détenu.

En effet, il convient de prendre en compte la durée des séjours dans l'établissement, comme le prévoit la jurisprudence de la CourEDH. Ainsi, des conditions qui peuvent être acceptables pendant quelques jours ne le sont plus forcément lorsqu'un détenu passe une année dans l'établissement. À cet égard, force est de constater que si C______ était il y a quelques années avant tout utilisé pour des détentions administratives de courte durée, lesdits séjours y sont désormais parfois beaucoup plus longs. Ainsi le recourant, lorsqu'il a été transféré à D______ le 22 avril 2023, y était détenu depuis le 31 mai 2022, soit presque onze mois.

Les circonstances personnelles retenues par le TAPI, à savoir que le recourant était un ami de la personne retrouvée morte (par lui-même) le 8 avril 2023, et que ce décès l'avait fortement ébranlé, méritent également d'être prises en compte.

Dans le cas du recourant, la combinaison des éléments qui précèdent conduisent à confirmer l'illégalité des conditions de sa détention au moment du jugement du TAPI.

S'agissant de la remise en liberté du recourant, que celui-ci réclame, la jurisprudence précitée du Tribunal fédéral, encore récemment confirmée, est très claire, à savoir que s'il n'est pas possible d'assurer une détention conforme à la loi dans les locaux de l'établissement de détention, il appartient au juge de faire transférer à bref délai le détenu dans d'autres locaux ; ce n'est que si la situation légale n'est pas rétablie dans un délai raisonnable que le détenu doit être libéré. La détention conforme à la loi du recourant pouvant être assurée à D______, c'est légitimement que le TAPI a fixé un délai à cinq jours (incluant un week-end) pour son transfert. Ledit délai a par ailleurs été respecté par l'OCD, le transfert ayant eu lieu deux jours après le prononcé du jugement.

Il s'ensuit que le jugement attaqué est conforme au droit. Le recours sera dès lors rejeté.

7.             Le prononcé du présent arrêt rend sans objet les demandes de mesures provisionnelles présentées par le recourant.

8.             La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA cum art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 avril 2023 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Léonard Micheli-Jeannet, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre D______, pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme McGregor, M. Mascotto, Mme Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :