Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3641/2005

ATA/438/2006 du 31.08.2006 ( CE )

Recours TF déposé le 17.10.2006, rendu le 01.12.2006, 1A.221/2006
Parties : IRILIS SA, CODEV HOLDING SA, SOUILLARD Jean et Jacqueline et autres, SOUILLARD Jacqueline, TAVEL Françoise, ALLEGRI Mireille, TRADEVCOGEN SA ET AUTRES, BOUVIER Manuel, STRUYE Martha / COMMUNE DE COLOGNY, COMMUNE DE COLOGNY, CONSEIL D'ETAT
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3641/2005-CE ATA/438/2006

DÉCISION SUR EXPERTISE

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 31 août 2006

dans la cause

Monsieur Manuel BOUVIER
Madame Martha STRUYE
TRADEVCOGEN S.A.
représentés par Me Pierre-Louis Manfrini, avocat

Madame Mireille ALLEGRI
Madame Jacqueline et Monsieur Jean SOUILLARD
CODEV HOLDING S.A.
IRILIS S.A.
représentés par Me Soli Pardo, avocat

 

contre

CONSEIL D’ÉTAT

COMMUNE DE COLOGNY
représentée par Me François Bellanger, avocat


 


1. La commune de Cologny (ci-après : la commune) est propriétaire de la parcelle n° 1905 de son cadastre, d’une surface de 5'342 mètres carrés, au lieu-dit « La Louchette ». Ce terrain, situé à l’angle de la route de Vandoeuvres et de celle du Guignard, faisait partie autrefois de la zone 5 ; il a été déclassé en zone de développement 4B destinée à des équipements publics le 22 janvier 1998. Ce déclassement a été confirmé par le Tribunal administratif le 24 août 2004 (ATA/642/2004).

La commune a acquis cette parcelle le 25 mars 1997. Selon l’acte de vente, les droits à bâtir attribués à une surface d’environ 2'950 mètres carrés ont été reportés sur la parcelle voisine n° 1904, située dans son prolongement nord-ouest et appartenant aux vendeurs.

Actuellement, la parcelle n° 1905 est libre de construction. Une lignée de six vieux chênes est implantée dans sa partie basse, le long de la route de Vandoeuvres.

2. Du 1er au 30 septembre 2004, le Conseil d’Etat a mis à l’enquête publique un projet de plan localisé de quartier (ci-après : PLQ), prévoyant la réalisation d’un bâtiment de deux étages sur rez-de-chaussée, avec sous-sols, destiné au logement (14 appartements) et comportant également une crèche et un jardin d’enfants intercommunaux (ci-après : la crèche). Vingt-neuf places de stationnement étaient prévues dans les sous-sols. Côté route de Vandoeuvres, le pignon du bâtiment était situé à vingt-cinq mètres de la limite de la parcelle, soit à 14,50 mètres du tronc du chêne le plus proche. Aucun sous-sol n’était prévu sous les vingt premiers mètres du périmètre d’implantation du projet. Quinze places « visiteurs », en dépose-minute, étaient prévues le long de la route du Guignard, pour l’équipement public.

3. Dans le cadre de la procédure d’élaboration du PLQ, le service des forêts, de la protection de la nature et du paysage (ci-après : le SFPNP) a émis, le 15 mars 2004, un préavis favorable sous réserve :

que l’alignement des constructions se situe à 13,5 mètres du tronc du gros chêne situé au sud-est de la parcelle ;

qu’une zone de protection soit matérialisée à 11 mètres du même arbre, évitant tout débordement du chantier sous la couronne des arbres ;

que l’accès de la route de Vandoeuvres se réalise en limite de propriété, contre la haie existante, qui devait être maintenue sur une largeur d’au moins 1 mètre ; la voie de circulation devait être à 2,5 mètres. Une emprise supplémentaire de 1,5 mètres pouvait être réservée à un éventuel passage pour les piétons, qui devait être placé soit sur le côté intérieur de la parcelle, soit en bordure de la haie conservée en limite de propriété. Une légende particulière devait préciser que des mesures constructives visant à épargner le système racinaire du chêne seraient déposées avec la demande de construction définitive.

Ce même service a précisé, le 8 juin 2004, qu’il avait été informé qu’une canalisation avait été posée antérieurement à l’emplacement du chemin prévu.

4. Le 30 septembre 2004, Monsieur Jean-Pascal Beyrard, Monsieur Pierre-Alain Bloch, Madame Martha Struye, les sociétés Codev Holding S.A. et Tradevcogen S.A., Monsieur Valery Cheshinskiy, Monsieur Paul Epiney, Madame Susanne et Monsieur Christian Rondelet, Madame Jacqueline et Monsieur Jean Souillard, Madame Françoise Tavel, Monsieur Diego Aponte, Madame Faouzia Benouari, Monsieur Gilbert Chomarat, Monsieur Alan Mouawad, Madame Michèle et Monsieur Jean-François Peugeot, copropriétaires de parcelles voisines, ainsi que Monsieur Manuel Bouvier, propriétaire de la parcelle sise au 41, route de Vandoeuvres, se sont opposés au projet.

La lignée de chênes, pluricentenaire, avait une haute valeur historique, paysagère et environnementale et figurait de ce fait à l’inventaire des voies suisses en qualité d’objet d’importance nationale et régionale. En application des articles 5 et 6 de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du 1er juillet 1966 (LPN - RS 451), il appartenait aux autorités cantonales et communales de garantir la survie de ces chênes. Les directives élaborées par le SFPNP indiquait que le périmètre d’extension des racines vitales d’un arbre atteignait au minimum deux fois le diamètre de sa couronne. La densification prévue ne respectait pas ces prescriptions.

Tant la sous-commission « Nature et site » de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : la CMNS) que le groupe d’aménagement de cette commission et la direction du patrimoine et des sites avaient préavisé négativement le projet, relevant que la conservation des chênes n’était pas garantie.

Les opposants avaient sollicité une expertise, dans le cadre de la procédure de recours contre la modification de zone, à la société « Les artisans de l’arbre sàrl ». Cette société avait préconisé de ménager une zone inaccessible de trente mètres à partir des troncs. Un second expert consulté, Monsieur Pierre-Alain Dessarps, avait procédé à une analyse détaillée de la situation. Il avait conclu que l’implantation du front sud du bâtiment était trop proche des arbres à préserver. Les activités ludiques d’une crèche étaient peu compatibles avec le réseau radiculaire actif d’un arbre. Le système hydrique serait perturbé par l’encaissement des sous-sols et l’installation des nouvelles canalisations. La construction du chemin d’accès aggraverait la décrépitude de l’arbre le plus proche. Une zone tampon inconstructible de trente mètres au minimum devait être instaurée par le PLQ. La parcelle n° 1905 devait être laissée vierge de toute construction, pour sauvegarder les arbres.

D’autre part, la législation fédérale contre le bruit était violée. La partie de la parcelle la plus affectée par le bruit était destinée à une crèche, établissement que la loi fédérale sur la protection de l’environnement entendait particulièrement protéger.

5. Par courrier du 18 février 2005, Mesdames et Messieurs Martha Struye, Jean-Pascal Beyrard, Pierre-Alain Bloch, Valery Cheshinskiy, Tradevcogen S.A. ainsi que Monsieur Manuel Bouvier se sont opposés au PLQ. Ce dernier prévoyait l’utilisation de droits à bâtir que la commune avait cédés en 1998 à la parcelle n° 1904. La distance entre le bâtiment et les chênes n’était pas suffisante et la réalisation du PLQ entraînerait la mort de ces derniers.

6. Madame Jacqueline et Monsieur Jean Souillard, Madame Françoise Tavel, Madame Mireille Allegri, Codev Holding S.A. et Irilis S.A. se sont également opposés au PLQ en date du 21 février 2005. Le PLQ ne tenait aucun compte des droits à bâtir cédés. Sa délimitation n'était pas exacte, car elle empiétait sur la parcelle n° 2011. Un tracé piétonnier était prévu, mais ne pouvait être réalisé en raison de l'absence d'une servitude adéquate. Enfin, les nuisances dues au trafic supplémentaire que généreraient les installations publiques et les logements prévus étaient démesurées.

7. Par arrêtés du 14 septembre 2005, le Conseil d’Etat a d’une part approuvé le PLQ et, d’autre part, rejeté les oppositions qui avaient été formées. Le service des forêts et de la protection de la nature et du paysage (ci-après : le SFPNP) s’était déclaré favorable au projet, la distance entre la couronne des arbres et les bâtiments les plus proches, édifiés sur un vide sanitaire et non sur un sous-sol, était suffisante. L’inventaire des voies suisses n’était en l’état qu’un projet et n’avait pas été adopté. Il ne pouvait en conséquence pas déployer pleinement les effets de l’article 6 LPN. Il n’était pas établi que cette disposition, qui protégeait le tracé d’une voie historique, impliquait en l'espèce la conservation de la lignée de chênes. Les préavis négatifs de la CMNS et du service des monuments et des sites (ci-après : SMS) ne pouvaient être suivis, car ils s’opposaient au principe même d’une densification commandée par l’intérêt public. Le report des droits à bâtir n’avait pu déployer d’effets qu’à l’époque où les parcelles en question étaient encore en 5ème zone. Les modifications de la zone et l’adoption du PLQ rendaient inutile et impraticable ce transfert.

8. Le 13 octobre 2005, Tradevcogen S.A., Mme Struye et M. Bouvier ont saisi le Tribunal administratif d’un recours, reprenant et développant les arguments figurant dans leur opposition, soit que le projet entraînerait la mort des chênes figurant à l’inventaire et violait la LPN ainsi que la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) ; le principe de la bonne foi ainsi que les engagements contractuels souscrits par la commune de Cologny étaient également violés par l’utilisation des droits à bâtir qu'elle leur avait cédés.

9. Par acte posté le 19 octobre 2005, M. et Mme Souillard, Mme Françoise Tavel, Mme Allegri, Codev Holding S.A. et Irilis S.A. ont également recouru auprès du Tribunal administratif. Le projet violait les articles 730 et suivants du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CCS - RS 210) et la fiche 2.06 du plan directeur cantonal en utilisant des droits à bâtir qui avaient été cédés. Il entraînerait des nuisances inadmissibles dues à un accroissement du trafic. Le PLQ était légèrement plus grand que la parcelle, et cette imprécision empêchait son adoption. Le PLQ était aussi imprécis quant aux liaisons piétonnières prévues.

10. Le 14 décembre 2005, le Conseil d’Etat s’est opposé aux recours.

Les recourants n’avaient pas un intérêt plus grand que les autres administrés à la protection des chênes, leurs griefs à cet égard devaient être déclarés irrecevables. En tout état, le PLQ ne violait ni la LPN, ni la LPMNS. Le préavis du SFPNP avait été suivi. Le Conseil d’Etat persistait dans ses arguments quant à la question du report des droits à bâtir.

De plus, le PLQ respectait les objectifs de la zone de développement. L’office des transports et de la circulation avait rendu des préavis favorables, notamment concernant le nombre de places.

Les critiques des recourants quant au périmètre figurant sur le plan étaient sans portée : la ligne délimitant le plan dépassait légèrement les limites de la parcelle pour permettre de voir cette dernière. Les cheminements piétonniers prévus dans le plan visaient à réserver la possibilité d’étendre le réseau des liaisons piétonnes, mais cela n’avait pas été concrétisé pour l’instant sur les parcelles voisines.

11. Les 15 et 23 décembre 2005, la commune de Cologny s’est opposée aux recours.

Celui formé par Mme Tavel et consorts était irrecevable, car déposé plus de trente jours après la publication de l’arrêté du Conseil d’Etat dans la Feuille d’avis officielle (FAO). Les griefs concernant la lignée de chênes étaient irrecevables, et de toute manière non fondés, toutes les mesures nécessaires à la protection des arbres ayant été prises. La commune de Cologny n’avait pas porté atteinte au principe de la bonne foi, puisque, lors du report des droits à bâtir instrumentés à l’occasion de l’acquisition de la parcelle, le terrain était en 5ème zone de construction avec un indice d'utilisation du sol (IUS) de 0,2. Le déclassement ultérieur en zone 4B avait intégralement modifié la situation. Les chiffres avancés quant à une éventuelle augmentation du trafic ne reposaient sur aucune étude sérieuse. La prétendue inexactitude du tracé du PLQ était due à un problème de représentation graphique, mais aucune limite de parcelle n'était modifiée. Les passages piétonniers dessinés sur le PLQ pouvaient être réalisés et ne créaient pas d’obligations à l’extérieur du périmètre de ce dernier.

12. Le 9 janvier 2006, le Tribunal administratif a joint les deux recours sous numéro de cause A/3641/2005-CE.

13. Le 13 février 2006, le juge délégué à l’instruction du dossier a procédé à un transport sur place. Il a constaté que le parcelle n° 1905 descendait en pente douce, le long de la route du Guignard, en direction de la route de Vandoeuvres. Des repérages ont été effectués portant sur la lignée de chênes à la limite sud de la parcelle, ainsi que sur l’implantation, piquetée, des bâtiments.

L’architecte du projet a expliqué que le bâtiment de la crèche, le plus proche des arbres, ne serait pas excavé, mais construit sur un vide sanitaire de 50 cm, nécessitant une fouille de la même hauteur. Au surplus, les parties ont développé leurs arguments quant à l’impact que le projet aurait - ou n’aurait pas - sur les chênes.

De même, les parties ont exposé leur point de vue quant à l'influence potentielle du projet sur la circulation.

14. Le 3 mars 2006, le conseil de Tradevcogen S.A. et consorts a demandé l’audition de témoins, ainsi que la réalisation d’une expertise judiciaire quant à l’impact des travaux sur les arbres.

La commune de Cologny s’est opposée à cette requête, les 6 et 14 mars 2006.

15. Il résulte du dossier que les parties ont mandaté des experts, lesquels ont établi des rapports après un examen in situ. En outre, les avis du SFPNP et de la SMS ont été recueillis dans le cadre de la demande d’autorisation de construire.

a. Monsieur Alain Dessarps

aa. A la demande de Tradevcogen S.A. et consorts, M. Dessarps, architecte paysagiste, a établi un rapport d’expertise le 25 septembre 2004. La lignée d’arbres était formée de six chênes pédonculés, dont il estimait l’âge entre six cents ans pour l’arbre A, le plus proche de la construction, et quatre cents ans pour les autres. La circonférence du tronc de l’arbre A était de 645 cm, son diamètre de 205 cm et sa couronne de 22 mètres. L’état sanitaire des arbres était bon, compte tenu de leur âge. L’arbre A était affaibli, les arbres B et C avaient une vitalité moyenne et celle des trois derniers chênes était bonne.

M. Dessarps conclut que le front sud du bâtiment projeté était trop près des arbres à préserver, ce qui aurait pour conséquence la destruction des racines nourricières. En outre, les activités ludiques liées à la présence d'une crèche et d'un jardin d'enfants impliquaient un type d’aménagements peu compatibles avec la préservation du réseau radiculaire. Le système hydrique serait perturbé par l’encaissement des sous-sols et la pose de nouvelles canalisations. La construction du chemin d’accès aggraverait la décrépitude de l’arbre A. Une zone tampon inconstructible de trente mètres au moins devait être prévue.

Dans un rapport complémentaire du 4 février 2005, M. Dessarps a maintenu ses conclusions. Il a relevé que le SFNPN ne suivait pas ses propres recommandations et que ses déterminations manquaient de rigueur. L’expert a rappelé que le site était inscrit à l’inventaire des voies de communication historiques de la Suisse (IVS). Il espérait que la détermination de l’instance fédérale compétente primerait sur les intérêts communaux, susceptibles de mettre en péril un ensemble naturel historique remarquable.

ab. Entendu le 15 mai 2006, M. Dessarps a confirmé ses rapports. Il estimait que la durée de survie des chênes était de soixante à deux cents ans. L’absence d’excavation sous la garderie atténuait les risques que les constructions faisaient courir aux arbres, mais le fait de poser une dalle suffirait à perturber leur équilibre.

La profondeur des racines d’un arbre ne pouvait être généralisée. En respectant une zone de protection de deux fois le diamètre de la couronne, les dégâts étaient limités. Les racines d’ancrage d’un arbre pouvaient pénétrer très profondément dans le sous-sol, alors que les racines nourricières restaient en surface. Ces dernières ne devaient donc pas être piétinées, sous peine de voir l’arbre dépérir, faute d’alimentation et d’oxygénation.

Si la dalle de la garderie était posée sur des ancrages ponctuels, l’atteinte au système des racines serait moins grande. Cependant, la présence d’une dalle avait un effet négatif en soi, car elle empêchait l’eau, la lumière et l’air de parvenir aux racines. L’arbre le plus proche du projet de construction était aussi le plus fragile. Les activités liés à la crèche étaient défavorables à la survie de ces végétaux. Il était parfaitement possible de trouver des racines dans un rayon de trente mètres.

M. Dessarps a encore ajouté que, pour rédiger son rapport, il avait procédé à un examen visuel des arbres dans leur ensemble, puis individu par individu. Il avait examiné les dimensions, les parasites, l’état général, le sol et la végétation. Cet examen visuel avait été réalisé en fonction de son expérience.

Il a exposé que la densité de racines diminuait à mesure que l’on s’éloignait du tronc, et qu’il pouvait y avoir des concentrations aux endroits favorables, notamment d’un point de vue hydrique.

b. Monsieur Antoine Gerber, « Les artisans de l’arbre sàrl »

ba. A la demande de Tradevcogen S.A. et consorts, M. Antoine Gerber, de l’entreprise « Les artisans de l’arbre sàrl », a rédigé un rapport d’expertise le 6 février 2004. Il estimait l’âge des arbres à environ deux cent cinquante ans ; il s’agissait de véritables monuments biologiques, qui avaient un intérêt énorme du point de vue paysager, historique et écologique. Si des travaux devaient avoir lieu sur le site, il fallait ménager une zone inaccessible, d’une longueur de trente mètres à partir des troncs. Les zones sud et ouest de la parcelle étaient difficilement exploitables par le système radiculaire, puisque limitées par les routes du Guignard et de Vandoeuvres. Il avait procédé à divers sondages et repéré les racines les plus éloignées à trente mètres des troncs. La zone devait être considérée comme intouchable.

bb. Entendu le 15 mai 2006 par le Tribunal administratif, M. Gerber a confirmé son rapport. Il avait effectué des carottages à la pelle, de façon ponctuelle. Il s’était basé sur le plus vieux des chênes et avait creusé les sondages sur une profondeur de bêche, soit pas plus de trente centimètres, car le système de racines n’allait pas plus loin

La notion de racines d’ancrage, ou de pivot central, avait de l’importance pour le développement de l’arbre au début de sa croissance, mais son influence subséquente, voire sa subsistance, étaient actuellement remises en question par la communauté scientifique. Les racines primordiales étaient celles qui se situaient entre zéro et cinquante centimètres de profondeur. Ces racines superficielles seraient détruites aussi bien sous la garderie que dans la zone désignée comme « pavé-gazon », car la pose de tels pavés impliquait de creuser à un demi-mètre de profondeur, en général. Une construction ne respectant pas la distance de trente mètres, mais de vingt ou vingt-cinq mètres, n’entraînerait pas la mort automatique des arbres. Par comparaison avec les autres arbres qu’il connaissait dans le canton, il ne pensait pas que ces végétaux avaient entre quatre cents et six cents ans, mais plutôt environ deux cent cinquante ans en moyenne. Il était toutefois possible que celui situé le plus au sud-est de la parcelle ait quatre cents ans.

Il était revenu sur la parcelle récemment et avait constaté que la couronne avait été élaguée. Elle avait un rayon d’une dizaine de mètres, mais la couronne naturelle devait mesurer entre quinze et vingt mètres. L’élagage avait été réalisé avant qu’il ne rédige son rapport. Les mesures de protection devaient tenir compte de la couronne naturelle et non pas de celle existant après élagage.

c. SFPNP

ca. Le 8 juin 2004, le SFPNP a confirmé son préavis favorable du 15 mars 2004 ainsi que les réserves formées au regard des modifications du PLQ en projet.

Le 11 juin 2004, le SFPNP s’est déterminé sur le rapport de M. Gerber, qu’il a considéré comme étant extrêmement sommaire et portant uniquement sur les qualités des arbres et sur le simple constat de leurs âges avancés. Il faisait état de racines s’éloignant à trente mètres des arbres, qu’il faudrait couper lors de la construction des immeubles.

Le PLQ prévoyait un alignement à 3,5 mètres de la projection de la couronne et le bâtiment du bas était posé sur un vide sanitaire, ce qui diminuait l’emprise du terrassement vertical. Une reprise des eaux de toiture et de celles de la nappe perchée, récupérées autour des bâtiments, serait exigée pour la réalimentation du groupe d’arbres en eau. Ces mesures concrètes ne seraient toutefois envisagées qu’au stade de l’autorisation de construire. Le préavis favorable était maintenu.

Le 7 juin 2005, le SFPNP s’est déterminé sur le rapport de M. Dessarps, ainsi que sur son complément. La situation de la lignée de chênes pouvait être qualifiée de bonne en tenant compte de l’impact des travaux routiers de l’époque et de celui du collecteur privé, édifié à l’insu du SFPNP. Ce dernier ne contestait d'ailleurs pas que les constructions projetées auraient un impact sur l’environnement. Toutefois, il s’était appliqué à le limiter en négociant un retrait des bâtiments à 3,5 mètres en dehors d'un périmètre de protection inaccessible, s'étendant quant à lui à onze mètres du tronc de l’arbre A. La crèche étant posée sur un vide sanitaire, ce recul était suffisant. M. Dessarps avait indiqué un diamètre, pour l’arbre A, de 22 mètres dans son premier rapport et de 25 dans son second, ce qui était étonnant. Au surplus, le SFPNP s’était limité à constater que la mise en place du chemin d’accès sur un collecteur déjà réalisé n’aurait pas d’effet négatif supplémentaire.

cb. Le 15 mai 2006, Monsieur Nicolas Hasler, nouveau responsable du dossier au SFPNP, a exposé que le préavis de celui-ci était devenu favorable après qu’il eût appris qu’un collecteur avait déjà été posé à l’endroit où le PLQ prévoyait un chemin. Ce dernier ne pouvait plus modifier la situation.

Les anciennes directives, toujours applicables, prévoyaient qu’en pleine nature, la distance à une construction devait être de deux fois le diamètre de la couronne. En l’espèce, l’exploitation agricole de la parcelle avait déjà eu un impact négatif sur les arbres. La diminution de la taille de la couronne par élagage n’était prise en considération que si celui-ci avait été effectué très récemment. De tels élagages étaient autorisés pour respecter l’état naturel de l’arbre et pour que la couronne de racines ait un diamètre équivalent à celui de la couronne aérienne après élagage.

Le SFPNP s’était basé sur l’état sanitaire des arbres, sur l’affectation du sol, sur l’existence de travaux agricoles à proximité du tronc ainsi que sur le projet de construction. Dans un deuxième temps, il avait demandé à l’école de Lullier d’effectuer quelques sondages, qui avaient eu pour résultat qu’à 5 mètres du tronc, la densité de racines était très forte, et qu’à 15 mètres il y en avait trois fois moins pour la même surface. Les amendements du terrain étaient constatés dès 5 à 10 mètres du tronc, en raison du traitement de la parcelle par les agriculteurs.

Ces arbres avaient beaucoup de valeur et devaient être protégés. Les travaux projetés, si les mesures de prévention à exiger dans l’autorisation de construire étaient prises, n’auraient cependant pas de conséquence néfastes. Il n’y avait pas d’arbres plus vieux que quatre cents ans dans le canton et les chênes en question avaient entre deux cent cinquante et trois cents ans. Cette estimation était fondée sur leur état sanitaire et sur l’histoire.

M. Hasler ne savait pas depuis quand le terrain n’était plus exploité par des agriculteurs. Les racines trouvées dans la zone où des travaux agricoles avaient eu lieu étaient des racines d’exploration. Ce n’était pas elles qui avaient assuré la survie de l’arbre dans les cinquante dernières années. Les racines actives biologiquement étaient situées à plus ou moins 50 cm de la surface du sol. Elles pouvaient s’étendre jusqu’à 30 mètres de l’arbre, peut-être plus. Il ne pensait pas que la construction de la route avait créé une atteinte poussant l’arbre à développer ses racines à l’opposé, car une telle atteinte aurait été visible sur la partie aérienne de l’arbre.

Il était exact que le réseau de racines nourricières serait touché par une fouille de 50 cm sous la garderie, ainsi que par la pose de pavés-gazon, et que cela créerait un risque pour l’arbre. Tout travail touchant aux racines créait un tel risque. En l’espèce, il n’y avait pas de fouilles sous la couronnes et des mesures seraient exigées lors de la requête en autorisation de construire. Le piétinement des enfants entraînerait aussi des dommages s’il avait lieu à l’intérieur de la couronne. A l’extérieur, le réseau radiculaire avait déjà été touché par l’exploitation agricole. Les travaux prévus provoqueraient une diminution des apports d’eau sans conséquences, car il y avait une nappe phréatique suspendue dans le sous-sol. Dans la zone de 15 à 30 mètres du tronc, les racines trouvées étaient des racines exploratoires qui n’étaient pas essentielles à l’arbre.

Lorsqu’il avait pris son poste, il n’avait pas trouvé de base scientifique au préavis de son prédécesseur et il avait demandé à pouvoir procéder à une expertise pour asseoir sa position, qu’il avait ensuite versée à la procédure.

d. Dans un rapport non daté, Messieurs Lionel Chabey, chargé d’enseignement à la Haute Ecole Spécialisée de Suisse Romande/Ecole d’ingénieurs de Lullier (ci-après : l’école d’horticulture) et Frédéric Lamy, assistant, ont expliqué qu’ils avaient été mandatés par le SFPNP afin de déterminer quelle était la distribution des racines des chênes selon la profondeur du sol et selon la distance et l’espacement des arbres. Ils avaient réalisé onze carottages d’une profondeur maximale de 1 mètre et trois fosses de 50 cm de largeur, 80 cm de longueur et 50 cm de profondeur le 2 mars 2006. A des distances de 5, 15 et 20 mètres des arbres, les carottages montraient que le sol était composé d’une première couche de 3 cm de hauteur constituée de débris humifères plus ou moins bien transformés, puis une couche, dont la limite se situait entre 20 et 30 cm sous la surface, constituée d’un mélange de matières organiques et minérales, et enfin d’une couche peu altérée et enrichie en argile. Il y avait une différence entre les prélèvements réalisés à 5 et à 15 mètres des arbres. L’horizon de surface (entre 0 et 30 cm) à 15 mètres était plus meuble et légèrement moins foncé, ce qui laissait supposer un travail du sol par le passé, tel que des labours.

Entre 4 et 5 mètres de la lignée d’arbres, les carottages avaient démontré la présence de racines jusqu’à 1 mètre de profondeur, la plupart d’entre elles se situant entre 20 et 60 cm. L’observation de la fosse avait révélé la présence de quatre grosses racines de 3 cm de diamètres environ et de quelques racines, entre un demi et un centimètre et demi, ainsi que de chevelus.

A 15 mètres des arbres, les carottages n’avaient mis à jour qu'une seule racine, à 60 cm de profondeur. L’analyse de la fosse n’avait montré qu’une seule racine de 8 mm de diamètre, à 45 cm de profondeur, ainsi que du chevelu de surface.

A 20 mètres, seule une présence légère de chevelus avait été observée. Pour les auteurs du rapport, la majorité des racines avait été décelée dans une zone de prélèvement à 5 mètres des arbres. Deux racines avaient été trouvées à 15 mètres et, à 20 mètres, uniquement du chevelu.

e. Dans un rapport daté du mois d’avril 2006, M. Hasler a repris ses observations et conclusions. Il était fort probable que l’exploitation agricole de la parcelle ait empêché ou détruit l’enracinement des chênes à proximité des troncs. Les racines de petites dimension ne subvenaient pas à elles seules aux besoins des arbres séculaires. Les chênes avaient dû développer un enracinement naturel en pivot, et profiter des fissures. Un enracinement dense s’était formé sous la couronne des arbres. L’état des arbres était à surveiller et des champignons pathogènes avaient été observés sur la quasi-totalité de ces derniers. La présence de cavités dans les parties aériennes annonçait une dégradation de la qualité du bois. Le projet de PLQ répondait aux directives du service et des mesures prophylactiques devaient être imposées lors de l’autorisation de construire.

f. Madame Nemec-Piguet

fa. Dans un préavis du 26 février 2003, concernant la modification de la zone, la sous-commission nature et sites de la CMNS a indiqué que la lignée de chênes était la trace de l’ancienne route de Vandoeuvres, appelée autrefois le chemin des Crapauds, désaffecté en 1790. Ce site était inscrit à l’IVS avec une valeur exceptionnelle, d’importance nationale, et le périmètre de conservation devait être élargi. La zone de protection des arbres devait être égale à au moins deux fois la couronne de ces derniers.

Toujours dans le cadre de la modification de zone, le groupe « études d’aménagements » de la CMNS a indiqué être défavorable à la modification de zone, qui ne garantissait pas la conservation de la lignée de chênes. La partie inférieure de la parcelle devrait devenir non aedificandi pour préserver les arbres.

Quant à la direction des patrimoines et sites, elle était aussi défavorable au changement de zone, qui ne permettait pas la conservation de la rangée de chênes dans un environnement de qualité.

fb. Mme Nemec-Piguet, du SMS, a été entendue le 19 juin 2006. Elle a exposé l’intérêt historique de l’alignement de chênes ; la CMNS et le SMS avaient demandé que les recommandations du SFPNP soient respectées et ce service appliquait en général une pratique selon laquelle la distance entre le tronc et la construction devait être deux fois plus grande que celle entre le tronc et la limite de la couronne. Il y avait eu des chênes aussi âgés alignés le long d’une route dans le canton. On en trouvait dans des propriétés privées ou des domaines agricoles. L’inventaire des voies historiques avait été dressé en application de la LPN. Un projet de loi modifiant la LPMNS avait été préparé pour mieux protéger les voies historiques. Il avait été rejeté par le Grand-Conseil pour des motifs figurant dans le rapport de ce dernier. Siégeaient à la CMNS des représentants des milieux de la protection de la nature, connaissant ce domaine.

g. Monsieur Gilbert Henchoz

ga. A la demande de la commune de Cologny, Monsieur Henchoz et Monsieur Bertrand Favre ont rendu un rapport d’expertise le 25 novembre 2004. Après avoir procédé à une analyse visuelle des végétaux, ainsi qu’à des examens par tomographie des troncs et effectué des recherches géologiques par sondages, ils sont arrivés à la conclusion qu’il fallait, avant et pendant les travaux, élaguer par taille douce. Le bois mort devait être enlevé, les couronnes équilibrées et les branches offrant trop de prise au vent allégées. En outre, les gros bois cassés devaient être coupés, la pourriture éliminée, les blessures mastiquées et un traitement devait être entrepris contre les insectes xylophages. Il fallait également procéder à une coupe propre avec masticage des racines éventuellement rencontrées lors de la fouille pour la crèche. Il était nécessaire d’établir un périmètre clos pendant le chantier pour protéger la structure du sol autour des arbres. Ultérieurement, l’entretien régulier des arbres était recommandable, ainsi qu’un apport nutritionnel par carottage et fertilisants à diffusion lente. Il était nécessaire de protéger l’environnement racinaire des arbres en conservant une prairie haute, fauchée deux fois par an. Le projet prévoyait la plantation d’un nouvel alignement le long de la route du Guignard, qui respecterait la structure paysagère et l’histoire de « La Louchette ».

De plus, les experts indiquaient que la réalisation d’un sous-sol reculé de 24 mètres par rapport aux chênes, et qui correspondait en son point le plus bas à une profondeur de trois mètres, rendait une variation hydrique peu probable. Pour le bâtiment de la crèche, il était nécessaire de l’implanter à environ 1,40 mètres au-dessus du collet des arbres et à 15 mètres de distance du tronc des chênes 5 et 6. Les fouilles devaient être mises hors gel à cet endroit, mais ne devraient pas perturber l’écoulement des eaux auxquelles les chênes étaient habitués. Leur périmètre devait être protégé à long terme pour éviter le piétinement qui asphyxierait le système racinaire. Le bâtiment devrait limiter les inconvénients liés à l'eau qui, durant les périodes de fortes pluies hivernales, stagnait trop longtemps au pied des arbres. Dans le cadre des exigences posées par le département pour que le chemin à construire entre la parcelle et la route de Vandoeuvres ne porte pas préjudice aux arbres, une superstructure similaire à une passerelle permettrait ne pas toucher le système racinaire de ces derniers.

gb. Entendu en comparution personnelle le 19 juin 2006, M. Henchoz a confirmé les termes de son rapport. Les chênes avaient entre deux cents et trois cents ans, ce qui en soi n’était pas un grand âge pour ce type d’arbre. La lignée était toutefois sénescente, en raison du stress entraîné à la fois par les travaux réalisés sur la route de Vandoeuvres et les travaux agricoles. Le terrain avait probablement été retourné par les paysans à trois ou quatre mètres des troncs. Les chênes ne pouvant étendre leurs racines du côté de la route de Vandoeuvres ou vers l’amont de la parcelle, avaient probablement développé des pivots pour permettre leur ancrage.

Il s’était concerté avec les architectes afin que la crèche soit posée sur des pieux pour limiter les atteintes aux racines. Le projet ne péjorerait pas la situation actuelle, en particulier en ce qui concernait les apports hydriques.

Les chênes souffraient d’atteintes par des champignons lignivores et de pourritures. Les champignons pénétraient par les racines coupées et créaient un déséquilibre qui amenait l’arbre à réduire naturellement sa couronne. A terme, celle-ci diminuait tellement que l’arbre mourait. Les dommages aux racines provenaient des travaux de la route de Vandoeuvres, des travaux de construction du collecteur et des travaux agricoles, principalement des labours. La cuvette créée par la route de Vandoeuvres entraînait une accumulation d’eau en cas de fortes pluies, favorisant le développement des champignons.

M. Henchoz doutait qu’il y ait beaucoup de racines exploratoires à 15 mètres, les arbres devant mettre leur énergie à survivre plutôt qu’à se développer. Les racines nécessaires aux apports hydriques allaient jusqu’à 6 à 8 mètres du tronc. Une zone de protection équivalente à deux fois le diamètre de la couronne n’était pas nécessaire, du fait des travaux de labours qui avaient été effectués sur la parcelle. Le projet favoriserait l’équilibre hydrique, en évitant une trop grande quantité d’eau stagnante en cas de fortes pluies. Pendant la période sèche, cette diminution ne poserait pas de problèmes, car une nappe phréatique était située à environ trois mètres sous les arbres, dont l’eau remontait par capillarité.

La pose de pieux à 15 mètres du tronc, pour la crèche, constituait une surprotection, au vu des informations qu’il avait reçues de M. Hasler. Il ne savait pas depuis quand le terrain n’était plus cultivé. Il était exact que les sondages sur lesquels il s’était fondé ne mentionnaient pas de nappe phréatique, ordinaire ou flottante. L’existence d’une telle nappe sous les chênes était induite par la situation de cuvette. Il a confirmé que la zone de protection, qui dépassait de quatre à six mètres la couronne existante des arbres, ne devait pas devenir un terrain de jeux. Les racines nourricières se trouvaient effectivement entre la surface et 50 cm de profondeur. Certaines racines seraient donc coupées en creusant à cette profondeur sous la crèche, mais une coupe propre et un masticage suffiraient à éviter toute conséquence néfaste pour les arbres. Les racines qui seraient touchées par la pose de pavés-gazon pouvaient facilement se reconstituer. Le mieux serait toutefois de renoncer à cette surface et d’éviter tout piétinement à moins de 4 à 6 mètres de la couronne.

Il était exact que la création des fondations du bâtiment d’habitation entraînerait un effet de barrage pour les eaux de ruissellement. Cependant, si ces eaux n’étaient pas prélevées par des pompes dans le drainage, elles continueraient leur circuit en faisant le tour du bâtiment ou en s’infiltrant. Les fondations ne créeraient pas une cuvette plus profonde que celle existant, asséchant cette dernière, située sous les chênes.

16. Le 24 mai 2006, le conseil de Mme Françoise Tavel a indiqué au tribunal que sa cliente entendait se retirer de la présente procédure.

17. Au terme des audiences des enquêtes, le conseil de Tradevcogen S.A. a sollicité que MM. Hasler et Dessarps soient réentendus, pour leur poser des questions au sujet du rapport de l’école d’horticulture et des pièces produites par M. Hasler. Il a de nouveau sollicité qu’il soit procédé à une expertise judiciaire des arbres.

18. Le 3 juillet 2006, le juge délégué a soumis aux parties le projet d'expertise qu’il envisageait de confier à Monsieur Simon Egli, chercheur à l'Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL), à Birmensdorf. Il a invité les parties à lui faire part d'éventuels motifs de récusation et questions complémentaires.

a. Tradevcogen S.A. et consorts ont déposé une liste de dix questions complémentaires portant en particulier sur les racines nourricières, l'alimentation hydrique et la fragilité des arbres, ainsi que sur l'arbitrage à faire entre des distances de protection préconisées différentes.

b. Le Conseil d'Etat souhaitait quant à lui que l’expert établisse si des travaux agricoles, notamment des labours, avaient été effectués sur cette parcelle par le passé. Dans l’affirmative, l’expert devait déterminer l’endroit et la période où ils avaient eu lieu. De plus, il devait indiquer si un lien pouvait être établi entre ces travaux et la santé des arbres. Enfin, il désirait savoir si la route de Vandoeuvres avait eu des effets sur l'écoulement des eaux de ruissellement et si le bâtiment projeté pourrait en avoir.


1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le premier recours, déposé le 13 octobre 2005, est recevable (art. 35 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30 - ; art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La commune soutient que le second recours, du 19 octobre 2005, interjeté par Mme Allegri, Codev Holding S.A., Irilis S.A., Mme et M. Souillard, Mme Tavel, serait tardif, car interjeté plus de trente jours après la publication du 16 septembre 2005 dans la FAO.

a. Le plan en cause est un PLQ au sens de l'article 3 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) et de l'article 13 alinéa 1 lettre a) LaLAT.

b. A teneur de l'article 6 alinéa 11 LGZD, le recours contre l'adoption d'un PLQ est régi par l'article 35 LaLAT.

c. L'article 35 alinéa 1 LaLAT ouvre la voie du recours au Tribunal administratif contre ce plan, dans un délai de trente jours dès la publication de la décision dans la FAO (al. 2) et pour autant que la voie de l'opposition, au sens de l'article 6 alinéa 8 LGZD, ait été préalablement épuisée (al. 4).

d. En vertu de l'article 63 alinéa 2 LPA, si la décision indique, par erreur, un délai supérieur au délai légal, le recours peut être formé jusqu'à l'expiration du délai indiqué. Les parties ne sauraient subir de conséquences liées à une indication incorrecte du point de départ figurant sur la décision contestée (ATA/101/2006 du 7 mars 2006).

En l'espèce, le recours, interjeté dans les trente jours dès la notification de la décision attaquée et conformément au délai indiqué sur cette dernière, n'est pas tardif, de sorte qu’il est recevable à cet égard.

3. Encore faut-il s’assurer que les recourants ont qualité pour agir.

a. A teneur de l'article 60 lettre b LPA, applicable par renvoi de l'article 35 alinéa 5 LaLAT, toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée est titulaire de la qualité pour recourir. Bien que la rédaction de l'article 60 lettre b LPA diffère légèrement de celle de l'article 103 lettre a de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJF - RS 173.110), il est admis qu'il confère la qualité pour recourir aux mêmes conditions (ATA/101/2006 précité ; ATA/434/2005 du 21 juin 2005 ; ATA/89/2001 du 6 février 2001).

b. En ce qui concerne les voisins, il résulte de la jurisprudence que seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l’intérêt particulier requis. Cette lésion directe et spéciale suppose qu’il y a une communauté de faits entre les intérêts du destinataire de la décision et ceux des tiers. Les voisins peuvent ainsi recourir en invoquant des règles qui ne leur donnent aucun droit et qui ne sont pas directement destinées à protéger leurs intérêts (ATF 110 Ib 398 consid. 1b p. 400 ; ATA/101/2006 précité ; ATA/653/2002 du 5 novembre 2002 ; ATA/35/2002 du 15 janvier 2002 et les références citées).

c. Ces conditions sont en principe considérées comme remplies lorsque le recours émane du propriétaire d'un terrain directement voisin de la construction ou de l'installation litigieuse (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174). Elles peuvent aussi être réalisées même en l'absence de voisinage direct, quand une distance relativement faible sépare l'immeuble du ou des recourants de l'installation litigieuse (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174 et la jurisprudence citée ; ATA/101/2006 précité).

En l'espèce, tous les recourants, à l'exception d'Irilis S.A., sont propriétaires d'immeubles directement voisins de la parcelle en cause et ont de ce fait la qualité pour recourir. Quant à Irilis S.A., propriétaire d'un terrain situé en amont de la parcelle communale, à une distance minimale d'environ 80 mètres et maximale d'environ 225 mètres - selon les informations tirées du guichet cartographique de l'Etat de Genève (http://etat2.geneve.ch/topoweb4), elle est touchée de manière similaire aux copropriétaires situés le plus au nord-est de la parcelle n° 2011, de sorte que la qualité pour recourir lui est également reconnue.

4. Les recourants prétendent que le PLQ doit tenir compte du report des droits à bâtir.

a. Le Tribunal de céans a admis que rien n'empêche le propriétaire d'une parcelle quelconque de convenir avec un propriétaire voisin que ce dernier mette à disposition, pour le calcul de la surface constructible, une surface de terrain qui n'a pas déjà servi à un tel calcul pour un bâtiment existant. Une telle manière de faire est admise en droit suisse, même sans disposition expresse, l'essentiel étant que la surface voisine mise à contribution pour le calcul de la surface constructible ne puisse plus servir ultérieurement à un tel calcul, ce qui implique pratiquement qu'elle soit grevée d'une servitude de non bâtir au profit de la collectivité (ATA/849/2005 du 13 décembre 2005 ; ATA/653/2004 du 24 octobre 2004 et les références citées).

b. Cela dit, les litiges relatifs auxdits droits ne sont pas de la compétence du Tribunal administratif (ATA/126/2005 du 08 mars 2005 ; ATA/653/2004 précité).

c. Ni la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) ni la LaLAT ne prévoient d'IUS applicable à la quatrième zone. La fiche 2.03 du plan directeur cantonal mentionne un indice usuel de 0.6, qui n'est toutefois pas contraignant, ni comme limite supérieure, ni comme limite inférieure (ATA/232/2006 du 2 mai 2006 ; ATA/1315/2003 du 2 décembre 2003).

En l'espèce, l'IUS fixé dans le PLQ en cause est de 0,54, soit en harmonie avec l'indice usuel prévu par le plan directeur. Ce nonobstant, le PLQ aurait pu s’en écarter. Partant, l'IUS n'est pas un élément qui peut être contesté par les recourants. De plus, la bonne foi de la commune, qui a agi dans le strict cadre légal, ne peut pas être mise en cause. Enfin, concernant les éventuelles prétentions civiles des recourants, elles ne sont pas du ressort de la présente juridiction.

5. Les recourants prétendent d'une part que le périmètre de validité du plan est inexactement délimité sur le PLQ et, d'autre part, que le dessin du tracé piétonnier prévu devrait s'arrêter à la limite de la parcelle communale.

a. Selon l'article 3 alinéa 1 lettre a LGZD, les PLQ prévoient notamment le périmètre d'implantation, le gabarit et la destination des bâtiments à construire.

b. A teneur de l'article 13 alinéa 1 lettre b LaLAT, les PLQ, entre autres plans d'affectation spéciaux, permettent de préciser l'affectation et le régime d'aménagement des terrains compris à l'intérieur d'une ou plusieurs zones. Le "périmètre de validité d'un PLQ", tel qu'il figure en règle générale sur la légende des PLQ, n'est cependant pas expressément prévu par la loi. Il s'agit plutôt d'un élément graphique, permettant de mettre en évidence les parcelles qu'il englobe. En règle générale, ce périmètre est dessiné au plus proche des limites des parcelles, sans toutefois les recouvrir.

c. La légende du PLQ en cause mentionne que "l'aménagement du détail du chemin et du passage à piétons (gabarit, mesures constructives particulières sous le chêne, etc.) fera l'objet d'une étude précise sous la direction du SFPNP lors de l'autorisation de construire".

En l'espèce, le périmètre, tel qu'il apparaît sur le PLQ, est dessiné de manière marquée à l'extérieur des limites nord et est de la parcelle n° 1905. Le long de la route du Guignard et de la route de Vandoeuvres, l'écart de délimitation est plus important encore et empiète largement sur les deux chaussées.

Le Conseil d'Etat semble attribuer une portée juridique au tracé de ce périmètre, car, dans ses observations du 14 décembre 2005, il soutient que "l'intégration partielle du tronçon de la route du Guignard […] permet de comprendre une partie des éléments de base du programme d'équipement". Cependant, il a également précisé, dans ces mêmes observations, que le PLQ "ne concerne que la parcelle n° 1905, à l'exception de toute autre parcelle contiguë et en particulier de la parcelle n° 2011" et que "le débordement du périmètre sur les terrains qui jouxtent cette parcelle n'a aucune portée juridique". Ainsi, la portée exacte du tracé du périmètre du PLQ n'est en aucun cas en mesure de déployer des effets sur la parcelle des recourants. Le Tribunal de céans prend acte de ces affirmations et en déduit qu'il ne se justifie pas de rectifier le tracé du plan.

6. Les recourants soutiennent que le trafic généré par l'exploitation des futurs locaux, en particulier de la crèche, nuira grandement à la fluidité du trafic.

a. Dans la mesure où le PLQ détermine l'affectation du bâtiment sous les termes "logement et équipement public (crèche et jardin d'enfants)" et qu'il inclut le dessin des places de stationnement destinées aux équipements publics, il convient de considérer qu'il est suffisamment précis pour permettre, par analogie avec les règles de la LCI, d'examiner la question des nuisances dues au trafic projeté.

b. Lors de l'examen de la demande d'autorisation de construire, le département peut refuser les autorisations prévues à l'article 1 LCI lorsqu'une construction ou une installation peut créer, par le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, une gêne durable pour la circulation (art. 14 al. 1 let. e LCI). Contrairement aux dispositions cantonales concernant la limitation quantitative des nuisances, l'article 14 alinéa 1 lettre e LCI, qui tend à lutter contre un type de nuisances secondaires, conserve une portée propre (ATF 118 Ia 112 p. 114-115 ; ATA/232/2006 du 2 mai 2006 ; ATA/889/2004 du 16 novembre 2004 ; ATA/5/2001 du 9 janvier 2001).

c. Selon une jurisprudence bien établie, le tribunal de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci (ATA/105/2006 du 7 mars 2006).

d. Selon la jurisprudence du Tribunal administratif, l'accroissement du trafic routier, s'il est raisonnable, ne crée pas une gêne durable, au sens de l'article 14 LCI (ATA/232/2006 précité ; ATA/255/1996 du 7 mai 1996).

En l'espèce, l'office des transports et de la circulation ainsi que le service cantonal de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants ont donné un préavis favorable au projet. Le Tribunal administratif constate que les immeubles projetés sont dotés d'un garage souterrain et de quinze places en "dépose-minute", de sorte que la circulation ne devrait pas être perturbée par le stationnement de véhicules le long des routes. De plus, le trafic supplémentaire engendré par la présence de nouveaux habitants est propre à la destination de la zone. Pour le surplus, les recourants n'ont pas réussi à démontrer de façon convaincante que la construction ou l'exploitation des bâtiments provoquerait un accroissement déraisonnable du trafic. Dans ces conditions, on ne saurait reprocher au département d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation en décidant d'autoriser le projet.

7. Les recourants prétendent que l'autorité s'est écartée des préavis négatifs de la CMNS, estimant à tort que les constructions pouvaient être autorisées en dépit du non respect de la distance règlementaire par rapport aux chênes. L'autorité soutient qu'elle s'est valablement fondée sur le préavis positif du SFPNP.

a. En vertu de l'article 5 alinéa 2 lettre k du règlement général d'exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 (RPMNS - L 4 05.01), l'une des attributions de la CMNS est de donner son préavis sur les décisions d'application des dispositions édictées par le Conseil d'Etat en vertu de l'article 36 LPNMS.

b. Selon l'article 8 du règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04), les arbres à conserver doivent être relevés avec précision, avant d'être reportés sur les plans localisés de quartier (al. 1). Le SFPNP doit donner son préavis également pour les arbres à conserver (al. 1, 2, 4).

c. Selon une jurisprudence bien établie déjà rappelée ci-dessus, le tribunal de céans observe une certaine retenue et évite de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci (ATA/105/2006 précité).

d. Ce dernier arrêt précise que lorsque la consultation de la CMNS est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours.

e. Il ajoute également que lorsque l'autorité s'écarte des préavis, le Tribunal administratif peut revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle de l'excès et de l'abus de pouvoir, l'exercice de la liberté d'appréciation de l'administration en mettant l'accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable et sur le respect de l'intérêt public en cas d'octroi de l'autorisation malgré un préavis défavorable.

f. Enfin, le Tribunal administratif, lorsqu'il est confronté à des préavis divergents, a d'autant moins de raisons de s'imposer une certaine restriction de son propre pouvoir d'examen qu'il a procédé à un transport sur place (ATA/105/2006 précité ; ATA/144/2004 du 10 février 2004 et les références citées).

Tel est le cas en l’espèce, au vu de la divergence des avis de la CMNS et du SFPNP et du transport sur place effectué par le Tribunal de céans.

8. Les recourants soutiennent que la lignée de chênes figure à l'IVS en qualité d'objet d'importance nationale, ce qui rendrait le PLQ contraire à la LPN.

a. A teneur de l'article 5 alinéa 1 LPN, les inventaires fédéraux d'objets d'importance nationale sont établis par le Conseil fédéral (art. 5 al. 1 LPN). L’inscription d’un objet d’importance nationale dans un inventaire fédéral indique que l’objet mérite spécialement d’être conservé intact ou en tout cas d’être ménagé le plus possible, y compris au moyen de mesures de reconstitution ou de remplacement adéquates (art. 6 al. 1 LPN).

b. Tant que l'IVS n'est pas adopté par le Conseil Fédéral, il doit être considéré comme un projet ne pouvant déployer les effets juridiques prévus par l'article 6 alinéa 1 LPN (ATF 120 Ib 27).

c. Toutefois, ces règles ne valent que dans le cadre de l'exercice des tâches de la Confédération (chapitre premier et art. 2 LPN). Ainsi, même une fois l'inventaire adopté, la LPN n'impose pas directement aux cantons de protéger, par exemple, les sites naturels ou les monuments historiques, même s'ils sont reconnus d'importance nationale ; les règles pertinentes relèvent du droit cantonal et les cantons ne reçoivent du législateur fédéral aucun mandat à cet égard (ATF 121 II 190 ; ATF 120 Ib 27 précité). Les cantons ne sont ainsi tenus de protéger des objets figurant sur un inventaire fédéral que lorsqu'ils exercent des tâches de la Confédération. Par exemple, si les prescriptions d'un plan d'affectation doivent s'appliquer à des terrains compris dans le périmètre d'un objet figurant à l'inventaire IFP, les autorités cantonales qui adoptent les mesures de planification n'accomplissent pas pour autant une tâche de la Confédération (ATF 121 II 190 précité).

En l'espèce, l'IVS, qu'il soit en vigueur ou non, est sans effet, du point de vue de la LPN, du fait que le PLQ en cause ne relève pas de l'exercice d'une tâche de la Confédération.

9. Reste à déterminer s'il existe d'autres dispositions qui protègent les chênes en cause et qui permettraient de faire droit aux griefs des recourants, selon lesquels la distance prévue entre les constructions et les arbres, et autorisée par le préavis du SFPNP, serait de nature à mettre en danger la survie de la lignée de chênes. La commune et le Conseil d'Etat soutiennent le contraire, prétendant que les constructions pourraient même être bénéfiques aux chênes.

a. A teneur de l'article 2 alinéa 3 de la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo - RS 921.0), les allées d'arbres ne sont pas des forêts, et ne bénéficient donc pas de la protection dont jouissent ces dernières.

b. La LPMNS protège les sites et paysages, espèces végétales et minéraux qui présentent un intérêt biologique, scientifique, historique, esthétique ou éducatif (art. 35 al. 1 LPMNS). C'est le Conseil d'Etat qui est compétent pour édicter les dispositions nécessaires (art. 36 al. 1 LPMNS). Il peut n'autoriser que sous condition ou même interdire l'abattage, l'élagage ou la destruction de certaines essences d'arbres, de cordons boisés, de boqueteaux, buissons ou de haies vives (art. 36 al. 2 lett. a LPMNS). Il peut également édicter les dispositions nécessaires à l'aménagement ou à la conservation d'un site protégé par l'approbation d'un plan de site assorti, le cas échéant, d'un règlement (art. 38 al. 1 LPMNS).

c. Selon les dispositions du règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04), les propriétaires, mandataires, requérants, constructeurs ou autres usagers de terrains sont tenus de veiller avec la plus grande attention à la préservation des arbres, haies vives et boqueteaux existants (art. 14 al. 1 RCVA). Il leur incombe de traiter les arbres malades ou dépérissants (art. 14 al. 2 lett. a RCVA), et de prendre, notamment lors de travaux, toutes précautions utiles pour assurer la survie des arbres, haies vives et boqueteaux, en se conformant aux directives édictées par le département (dito, lett. b). Le département édicte des directives en matière de sauvegarde des végétaux maintenus, de leur mise en valeur et de l'exécution correcte des mesures compensatoires (art. 16 RCVA).

d. Il existe deux directives : la première, de septembre 1986, intitulée "Mesures à prendre lors de travaux à proximité des arbres" (ci-après : directive 86), préconise de ne pas toucher à l'espace vital de l'arbre, défini par un périmètre équivalent à deux fois le rayon de sa couronne. Des dérogations peuvent être accordées, accompagnées d'exigences propres à limiter l'impact de l'intervention. La seconde directive, portant titre "Mesures à prendre lors de travaux à proximité des arbres - Provisoire", de décembre 2003 (ci-après : directive 2003), indique qu'une dérogation permettant d'intervenir dans le périmètre de deux fois le diamètre de la couronne de l'arbre peut être accordée, mais uniquement en cas d'impératif majeur (ch. 1). Toutefois, à l'intérieur du périmètre de projection de la couronne, aucune intervention n'est possible : ce périmètre est intouchable (ch. 1 in fine). Cette seconde directive établit ainsi un périmètre d'innocuité autour du tronc de l'arbre deux fois plus étendu que ne le prévoyait la directive 86.

e. Les directives sont des ordonnances administratives, dont les destinataires sont ceux qui sont chargés de l'exécution d'une tâche publique, non pas les administrés. Elles ne sont pas publiées dans le recueil officiel de la collectivité publique et ne peuvent donc avoir pour objet la situation juridique de tiers (P. MOOR, Droit administratif, Vol. I, Berne, 1994, ch. 3.3.5.1). Les deux directives en cause sont toutefois des directives interprétatives, qui exercent un effet sur la situation des tiers (ibidem, ch. 3.3.5.2). L'ordonnance administrative ne lie pas le juge, mais celui-ci la prendra en considération, surtout si elle concerne des questions d'ordre technique, mais s'en écartera dès qu'il considère que l'interprétation qu'elle donne n'est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ibidem, ch. 3.3.5.4).

En l'espèce, il est admis que la couronne de l'arbre le plus proche de la construction avait, avant l’élagage postérieur à la procédure d'opposition, un rayon de onze mètres. Il convient de retenir cette valeur. La question de l'applicabilité de la directive 2003 portant mention "provisoire" n'a pas à être tranchée, dans la mesure où, à teneur de la directive 86 qui préconise la plus faible valeur, la distance à respecter serait de vingt-deux mètres, soit déjà supérieure à celle prévue par le PLQ. Cet élément est suffisant pour constater que l'autorité s'est écartée des distances préconisées par sa directive 86 et que cela peut paraître comme allant à contre-courant des connaissances scientifiques actuelles, si l'on considère que celles-ci ont conduit l'autorité à prévoir, dans son projet de nouvelle directive, un espace vital nécessaire d'un rayon deux fois plus étendu que celui anciennement préconisé.

10. S'agissant d'une question de faits, le tribunal de céans peut recourir à des experts, conformément aux articles 38 à 40 LPA.

En l'espèce, les seules questions litigieuses qui doivent encore être tranchées sont celles du risque que les bâtiments projetés peuvent faire courir à la survie des six chênes, en tenant compte de la période de travaux, mais également de celle d'exploitation des locaux, et, en cas de risque avéré, de l'existence de mesures constructives ou techniques aptes à éviter de telles conséquences.

Au vu des préavis divergents de la CMNS et du SFPNP, ainsi que des diverses expertises produites par les parties, les réponses à ces questions doivent être tranchées par voie d'expertise, raison pour laquelle le tribunal mandatera à cette fin Monsieur Simon Egli, de l'institut WSL.

Les autres éléments traités dans la partie en droit seront formellement tranchés dans l'arrêt à rendre au fond.

Le mandat d'expertise sera délimité par les questions telles que formulées dans le dispositif de la présente décision. Ces questions intègrent les interrogations supplémentaires proposées par les parties, dans la mesure où le Tribunal l'a jugé utile.

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés les 13 et 19 octobre 2005 par Madame Mireille Allegri, Monsieur Manuel Bouvier, Codev Holding S.A., Irilis S.A., Madame Jacqueline et Monsieur Jean Souillard, Madame Martha Sruye, Madame Françoise Tavel et Tradevcogen S.A. contre l’arrêté du Conseil d’Etat du 14 septembre 2005 ;

préalablement :

ordonne une expertise ;

la confie à Monsieur Simon Egli ;

dit que la mission d’expertise sera la suivante :

a. Prendre connaissance du dossier de la cause A/3641/2005-CE ;

b. Examiner les arbres et la parcelle concernés et procéder à tout examen non destructif utile à l’expertise ;

c. Prendre tous renseignements utiles, notamment auprès des experts déjà consultés par les parties, du service des forêts, de la protection de la nature et du paysage ainsi qu’auprès de la HES de Lullier ;

d. Établir un rapport répondant aux questions suivantes :

1. Quant à l'état actuel des chênes :

1.1. Quel est l'état sanitaire des chênes (maladies, parasites, etc.) ? Quelle est leur solidité en termes de résistance physique (vent, poids propre, points faibles des troncs et branches, etc.) ?

1.2. Comment ces chênes évoluent-ils ? Y a-t-il amélioration, altération ou stagnation de leur état ? Remarque-t-on une évolution particulièrement rapide ou lente durant les cinq dernières décennies ?

1.3. Quel est leur espérance de vie actuelle ?

1.4. Jusqu'à quelle distance et à quelle profondeur les chênes étendent-ils leurs racines sur la parcelle n° 1905 ? Parmi ces racines, lesquelles sont déterminantes pour la survie des arbres ?

1.5. Comment les chênes s'approvisionnent-ils en eau ? Quel est ce périmètre d'approvisionnement ? D'où provient l'eau souterraine utilisée par les arbres et comment circule-t-elle au sein de la parcelle n° 1905 ? Quel est l'influence de la route de Vandoeuvres sur cette circulation ?

2. Quant aux travaux prévus :

2.1. Le bâtiment d’habitation (sous-sol compris) prévu dans le PLQ peut-il mettre en danger la lignée de chênes situés au bas de la parcelle n° 1905 ?

2.2. Le bâtiment destiné à une crèche prévue dans le PLQ peut-il mettre en danger la lignée de chênes situés au bas de la parcelle n° 1905 ?

2.3. D'autres éléments prévus dans le PLQ peuvent-ils mettre en danger la lignée de chênes situés au bas de la parcelle n° 1905 ?

2.4. En cas de réponse positive aux questions 2.1 à 2.3, des mesures sont-elles aptes à supprimer, voire à diminuer cette mise en danger, telles que ;

2.4.1. des mesures constructives ou techniques (par exemple : fondations sur pilotis, distance des constructions, modes d'intervention sur le système radiculaire des arbres, etc.) ? Si oui, lesquelles ?

2.4.2. des mesures liées au mode d'exploitation (par exemple : mode de fauche autour des arbres, zones inaccessibles, entretien et nutrition des arbres, etc.) ? Si oui, lesquelles ?

2.5. En cas de réponse négative aux questions 2.1 à 2.3, l'effet des constructions serait-il neutre ou bénéfique pour la survie des chênes ?

e. Faire toutes autres remarques utiles à l’avancement de la procédure ;

réserve les frais de procédure et des dépens jusqu’à droit jugé au fond ;

communique le présent arrêt à Me Soli Pardo et à Me Pierre-Louis Manfrini, avocats des recourants, ainsi qu'au Conseil d’Etat et à Me François Bellanger, avocat de la commune de Cologny.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, MM. Paychère et Thélin, Mme Junod, juges, et M. Torello, juge suppléant

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.



Genève, le 

 

 

la greffière :