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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/538/2011

ATA/413/2011 du 28.06.2011 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/538/2011-FPUBL ATA/413/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 juin 2011

 

 

dans la cause

 

Madame F_____
représentée par Me Marc Mathey-Doret, avocat

contre

COMMUNE DU GRAND-SACONNEX
représentée par Me Lorella Bertani, avocate

 



EN FAIT

1. Madame F_____ a été engagée en qualité d’agente de sécurité municipale (ci-après : ASM) par la commune du Grand-Saconnex (ci-après : la commune) dès le 1er février 2003.

La nomination de fonctionnaire à titre définitif est intervenue le 1er avril 2006, date à laquelle Mme F_____ a été promue au rang de sous-brigadière de la sécurité.

2. Le 3 janvier 2011, la commune a adressé à Mme F_____ un avertissement relatif à un refus d’ordre et à son attitude envers son supérieur, Monsieur  D_____. Celui-ci lui avait demandé oralement et à plusieurs reprises de cesser de porter des pièces d’uniforme sur lesquelles figurait l’ancien badge de la sécurité municipale, ce qu’elle avait refusé sciemment et ouvertement, en persistant à porter d’anciennes pièces d’uniforme.

Dite décision indiquait la voie et le délai de recours auprès du conseil administratif.

3. Mme F_____ a recouru contre la décision précitée le 10 janvier 2011.

Contrairement à ce qu’avançait le sergent-major D_____, il était totalement faux de sa part de dire que ce dernier, lui avait demandé à plusieurs reprises, avant le 17 décembre 2010, de cesser de porter d’anciennes pièces d’uniforme. Elle avait eu l’outrecuidance de refuser l’ordre totalement ridicule de son chef. Son comportement était peut-être inadmissible, ce qu’elle concevait, mais elle ne tolérait pas le despotisme d’un chef de service. Et Mme F_____ de poursuivre : « ce chef de service est coutumier de ce genre d’attitude et je refuse de cautionner son comportement déviant de personne frustrée, complexée et mesquine ».

4. Dans le cadre de ce recours, le conseil administratif a entendu Mme F_____ le 20 janvier 2011.

D’entrée de cause, la représentante du conseil administratif a relevé que celui-ci avait été très surpris du ton utilisé par Mme F_____ dans son recours et des attaques parfois injurieuses qu’il contenait à l’égard de M. D_____. Mme F_____ a répondu qu’elle maintenait chacun des termes employés dans ce courrier. Il fallait crever l’abcès ; son supérieur était despotique, frustré et mesquin. Elle cherchait à quitter le service depuis 2007 mais elle n’avait pas réussi à être engagée ailleurs. Elle ne pensait pas qu’il serait possible de travailler ainsi encore longtemps, les conditions étant devenues intenables pour les deux parties. Elle admettait avoir sa part de responsabilité dans cette situation, mais son chef était loin d’être exempt de tout reproche. Elle voyait son avenir ailleurs qu’au Grand-Saconnex, même si son but n’était pas de partir mais de trouver une solution. Elle ne voyait pas d’issue à la situation actuelle qui était effectivement très tendue.

5. Un nouvel entretien a eu lieu en présence du secrétaire général de la commune le 25 janvier 2011. A cette occasion, Mme F_____ a été informée que suite à son audition et à celles de MM. D_____ et C_____ (adjoint de poste), le conseil administratif avait pris la décision de maintenir l’avertissement du 3 janvier 2011.

Il avait décidé de surcroît d’aller plus loin en mettant un terme au contrat de travail de Mme F_____, étant donné la gravité des propos tenus et maintenus à l’encontre de son supérieur hiérarchique qui l’avaient proprement choqué, mais également en raison des divers articles du statut du personnel de la commune du Grand-Saconnex du 7 mai 2007 (ci-après : le statut) violés par Mme F_____ et énoncés dans la lettre de résiliation. Les liens de confiance étaient rompus.

Le délai de résiliation était fixé au 30 avril 2011 et Mme F_____ dispensée de se présenter au travail à partir du 26 janvier 2011.

Mme F_____ a déclaré s’être attendue à cette décision tout en étant surprise que le conseil administratif n’ait pas plus « creusé la situation » pour connaître la raison des propos qu’elle avait tenus à l’encontre de son chef. Elle n’a pas donné plus d’explications à ce sujet et confirmé à nouveau tous ses termes, qu’elle jugeait modérés. En fin d’entretien, Mme F_____ a précisé que M. D_____ se moquait du monde et qu’elle n’avait pas de regrets par rapport à sa façon d’agir dans cette affaire.

La lettre de résiliation datée du 25 janvier 2011 a été remise en mains propres de l’intéressée.

6. Mme F_____ a recouru contre la décision de licenciement auprès de la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par acte du 22 février 2011.

Il s’agissait d’un licenciement-sanction, qui s’apparentait à une révocation. Elle contestait fermement la faute qui lui était reprochée.

Compte tenu de l’ampleur qu’avait pris le litige et du conflit de personnes sous-jacent, elle préférerait ne pas être réintégrée au sein de la police municipale du Grand-Saconnex et être indemnisée.

Elle conclut principalement à l’annulation de la décision du 25 janvier 2011 et à l’octroi d’une indemnité correspondant à douze mois de salaire, soit CHF 96'692,30, subsidiairement à sa réintégration, et dans tous les cas à une équitable indemnité de procédure.

7. Dans sa réponse du 15 avril 2011, la commune s’est opposée au recours.

La décision de licenciement faisait suite à l’attitude adoptée par Mme F_____ postérieurement à l’avertissement. D’une part, celle-ci avait tenu des propos insultants à l’encontre de son supérieur et d’autre part, elle avait exprimé son souhait de ne plus rester au service de la commune. Son manque de motivation et d’engagement pour sa fonction était établi et de nature à rompre le lien de confiance. Mme F_____ avait fait preuve de manquements graves à ses devoirs de service, qui constituaient un motif objectivement fondé au sens de l’art. 78 du statut justifiant la fin des rapports de service.

Elle conclut préalablement au retrait de l’effet suspensif au recours et principalement, au rejet du recours avec suite de frais et dépens.

8. Par décision du 5 mai 2011 la présidente siégeant de la chambre administrative a retiré l’effet suspensif au recours.

9. a. Les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle le 23 mai 2011.

Mme F_____ a indiqué qu’elle avait été engagée par la commune de Vernier à mi-mars 2011 avec effet au 1er juin 2011.

b. Un délai au 15 juin 2011 a été imparti aux parties pour se déterminer sur la question de l’intérêt actuel au recours.

10. Dans ses observations du 14 juin 2011, Mme F_____ a persisté dans ses conclusions.

Tant le statut que la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) dont il s’inspirait, prévoyaient que l’autorité de recours pouvait proposer la réintégration. Il s’agissait d’une simple faculté et non d’une obligation. En d’autres termes, l’impossibilité matérielle d’une réintégration du fonctionnaire licencié à tort ne faisait juridiquement pas obstacle à l’indemnisation de ce dernier qui conservait dès lors un intérêt actuel au recours.

L’intérêt actuel au recours était également donné si tant est qu’accorder moins de droits au fonctionnaire ayant retrouvé un emploi qu’à celui qui n’en recherchait pas un serait contraire au but même du système instauré par le statut et en plus choquant.

11. L’autorité intimée a présenté ses observations le 15 juin 2011. Mme F_____, employée par la commune de Vernier depuis le 1er juin 2011, était dans l’incapacité totale de reprendre ses fonctions au sein de la commune. Son intérêt actuel à obtenir l’annulation de l’acte attaqué faisait défaut et son recours devait être déclaré irrecevable. Le licenciement n’ayant plus de portée juridique, le recours devait être déclaré irrecevable, y compris en tant qu’il concernait la demande d’indemnité. Dans le cas d’espèce, le but de l’indemnité n’était pas de réparer un éventuel tort moral ou de sanctionner un congé abusif mais de pallier l’impossibilité de réintégrer la personne qui aurait été licenciée à tort.

12. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. a. La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 en vigueur depuis le 1er janvier 2011 - LOJ - E 2 05).

b. Conformément à l’art. 132 al. 2 LOJ, le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6, al. 1 let. a et e, et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Sont réservées les exceptions prévues par la loi. L’al. 6 de cette disposition légale stipule que le recours à la chambre administrative est ouvert dans d’autres cas lorsque la loi le prévoit expressément.

c. L’art. 86A de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05) prévoit que le statut du personnel peut également instituer une instance de recours spéciale pour connaître des litiges relatifs à son application.

En l’espèce, le statut précise en son art. 85 que la décision de résiliation des rapports de service est susceptible de recours auprès du Tribunal administratif (chambre administrative depuis le 1er janvier 2011) si ladite résiliation est contraire au droit.

La chambre de céans est ainsi compétente pour connaître du recours, par ailleurs interjeté en temps utile (art. 62 al. 1 let. a LPA).

2. a. Aux termes de l’art. 60 let. b LPA, ont qualité pour recourir, toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée et modifiée.

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 135 I 79 consid. 1 p. 82 ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; 128 II 34 consid. 1b p. 36 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C.133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3 ; 1C.76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; 6B.34/2009 du 20 avril 2009 consid. 1.3 ; H. SEILER, Handkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], Berne 2007, n. 33 ad art. 89 LTF p. 365 ; K. SPUHLER/ A. DOLGE/D. VOCK, Kurzkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], Zurich/St-Gall 2006, n. 5 ad art. 89 LTF p. 167). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 p. 374 ; 118 Ib 1 consid. 2 p. 7 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007 consid. 3 et 4 ; ATA/175/2007 du 17 avril 2007 consid. 2a ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 consid. 2b) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286 et ss. ; 118 Ia 46 consid. 3c p. 53 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007 ; ATA/640/2005 du 27 septembre 2005).

La condition de l’intérêt actuel fait défaut en particulier lorsque, par exemple, la décision ou la loi est révoquée ou annulée en cours d’instance (ATF 111 Ib 182 consid. 2 p. 185 ; 110 Ia 140 consid. 2 p. 141/142 ; 104 Ia 487 consid. 2 p. 488 ; ATA/124/2005 du 8 mars 2005 consid. 2), la décision attaquée a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 125 I 394 consid. 4 p. 396-398 ; 120 Ia 165 consid. 1a p. 166 et les références citées ; ATA/328/2009 du 30 juin 2009 consid. 3  ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009), le recourant a payé sans émettre aucune réserve la somme d’argent fixée par la décision litigieuse (ATF 106 Ia 151 ; 99 V 78) ou encore, en cas de recours concernant une décision personnalissime, lorsque le décès du recourant survient pendant l’instance (ATF 113 Ia 351 consid. 1 p. 352 ; P. MOOR, Droit administratif, Vol. 2, 2ème éd., Berne 2002, p. 642/643, n. 5.6.2.3).

L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 p. 374 ; 118 Ib 1 consid. 2 p. 7 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2A.732/2006 du 23 avril 2007 consid. 1 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007 consid. 3 et 4 ; ATA/175/2007 du 17 avril 2007 consid. 2a ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 consid. 2b) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286 et ss. ; 118 Ia 46 consid. 3c p. 53 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/146/2009 du 24 mars 2009 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007).

c. La fonction du juge n’est d'ailleurs pas de « faire de la doctrine ». Les tribunaux ne se prononcent ainsi que sur des recours dont l’admission élimine véritablement un préjudice concret (P. MOOR, Droit administratif, tome II, Berne, 2002, p. 642).

3. L’art. 85 du statut a pour objet le recours contre une décision de résiliation des rapports de service.

Le-la fonctionnaire, dont les rapports de service ont été résiliés, peut recourir auprès du Tribunal administratif (recte : chambre administrative) si ladite résiliation est contraire au droit.

Si le tribunal retient que la résiliation est contraire au droit, il peut proposer la réintégration de l’intéressé-e.

Si le conseil administratif n’entend pas réintégrer l’intéressé-e, le tribunal fixe une indemnité en tenant compte de toutes les circonstances mais dont le montant ne peut dépasser douze mois du dernier traitement brut à l’exclusion de tout autre élément de rémunération.

En l’espèce, la recourante a retrouvé un emploi à plein temps depuis le 1er juin 2011. Force est ainsi de constater qu’étant au service d’un autre employeur, elle n’est plus à disposition de l’autorité intimée ; cas échéant, elle ne pourrait pas être réintégrée au sein du personnel de la commune, dans l’hypothèse où il serait fait droit à ses conclusions. Le recours n’a ainsi plus d’objet à cet égard.

Quant aux conclusions, en paiement d’une indemnité, elles sont irrecevables dès lors que le statut ne prévoit le versement d’une telle indemnité non pas dans le but de réparer un éventuel tort moral ou de sanctionner un licenciement abusif, mais dans celui de pallier la possibilité de réintégrer la personne qui aurait été licenciée à tort.

Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence de la chambre de céans, le recours doit être déclaré irrecevable (ATA/192/2009 du 21 avril 2009).

4. Un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 LPA) conformément à la jurisprudence de la chambre administrative, aucune indemnité ne sera allouée à la commune qui a le statut de ville, dès lors qu’elle compte plus de dix mille habitants (ATA/325/2011 du 19 mai 2011 et les références citées).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 22 février 2011 par Madame F_____ contre la décision du 25 janvier 2011 de la commune du Grand-Saconnex ;

met à la charge de Madame F_____ un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc Mathey-Doret, avocat de la recourante ainsi qu'à Me Lorella Bertani, avocate de la commune du Grand-Saconnex.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :