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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2596/2006

ATA/405/2007 du 28.08.2007 ( DES ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; HÔTELLERIE ET RESTAURATION ; HORAIRE D'EXPLOITATION ; AMENDE ; ORDRE PUBLIC(EN GÉNÉRAL)
Normes : LRDBH.22; LRDBH.21; LRDBH.74
Résumé : Obligation de l'exploitant de maintenir l'ordre à l'intérieur et aux abords de l'établissement. Amende administrative initiale de CHF 1700.- réduit à CHF 1'000.-, dès lors qu'il n'y a qu'un seul antécédent à prendre en compte. L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit faire application des règles contenues à l'article 49 CP lorsque par un ou plusieurs actes, le même administré encourt plusieurs sanctions (rappel de jurisprudence). Restriction de l'horaire d'ouverture confirmée dans son principe mais réduite à sept jours au lieu d'un mois.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2596/2006-DES ATA/405/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 28 août 2007

dans la cause

 

Madame R______
et
D______ S.A.

représentées par Me André Malek-Asghar, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L’ÉCONOMIE ET DE LA SANTÉ


 


EN FAIT

1. D______ S.A. (ci-après : la société) est une société anonyme inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC), dont le but est notamment la gestion de discothèque, bar et restaurant. Son siège est au 60, rue de Y______. Son administrateur unique, avec signature individuelle, est Monsieur D______. Madame R______ et Monsieur D______ revêtent la fonction de directeur, avec signature collective à deux.

2. La société est titulaire du bail des locaux abritant le dancing « Le D______ Club » (ci-après : le dancing ou l’établissement), sis 60, rue de Y______.

3. Par arrêté du 27 octobre 2005, le département de justice, police et sécurité, devenu depuis lors le département des institutions (ci-après : DI), a autorisé Mme R______ à exploiter le dancing, dont l’horaire d’exploitation a été fixé de 18h00 à 5h00 tous les jours, avec possibilité d’ouverture anticipée à 15h00 les samedis et dimanches.

4. Dans le gestion de cet établissement, l’intéressée a fait l’objet des mesures et sanctions administratives suivantes :

- 7 décembre 2005 : amende administrative de CHF 100.- pour non respect des restrictions d’accès fondées sur l’âge, le répondant sur place au moment des faits, qui se sont déroulés le 2 octobre 2005, étant M. D______ ;

- 10 février 2006 : amende administrative de CHF 300.- pour fermeture tardive de l’établissement, le répondant sur place au moment des faits, qui se sont déroulés le 20 novembre 2005 à 05h25, étant M. D______;

- 14 juin 2006 : amende administrative de CHF 600.- pour violation de l’obligation de désigner un remplaçant compétent et instruit de ses devoirs, de l’obligation de veiller au maintien de l’ordre dans l’établissement et de ne pas engendrer d’inconvénients graves pour le voisinage, le répondant sur place au moment des faits, qui se sont déroulés le 4 février 2006 à 04h50, étant M. ______.

5. Par décision du 13 juillet 2006, déclarée exécutoire nonobstant recours, le département de l’économie et de la santé (ci-après : DES) a infligé à Mme R______ une amende administrative de CHF 1'100.- et une restriction, pour une durée d’un mois, de l’horaire d’exploitation du dancing, en ce sens que l’horaire de fermeture serait fixé à 02h00, pour n’avoir pas laissé en tout temps le libre accès de l’établissement à l’autorité compétente et avoir géré celui-ci de manière à engendrer des inconvénients pour le voisinage, cela par l’intermédiaire du répondant sur place. Il avait été tenu compte de la réitération et du concours d’infractions.

Dite décision sanctionnait les faits constatés dans un rapport de dénonciation de la gendarmerie du 24 avril 2006, dont il ressortait que ce jour-là, à 02h10, une patrouille avait remarqué un attroupement d’une trentaine de personnes vociférant devant le dancing, troublant la tranquillité publique. La porte de l’établissement était fermée mais du bruit et de la musique provenaient de l’intérieur. Après avoir dispersé les gens, les policiers avaient frappé à la porte, sans réponse. Ce n’était qu’un quart d’heure plus tard qu’un individu « hors de lui et dans un état d’excitation extrême » leur avait ouvert en tenant des propos irrespectueux. Finalement, il avait pu être identifié comme étant M.D______, et avait indiqué être le gérant de l’établissement.

6. Par acte du 16 juillet 2006, Mme R______ et la société ont recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif au recours et, principalement, à l’annulation de celle-ci.

Le 30 mai 2006, le DES avait adressé à Mme R______ un courrier relatant les constatations de la police du 24 avril 2006, en l’invitant à s’expliquer jusqu’au 7 juin. Il était envisagé de lui infliger une amende administrative.

Par pli simple du 7 juin 2006, M. D______ avait expliqué que durant la nuit du 23 au 24 avril 2006, une bagarre avait éclaté dans un restaurant de la rue de Lausanne et l’un des participants était venu se réfugier au dancing, poursuivi par une dizaine de personnes munies de bouteilles, barres de fer et couteaux. Les portiers du dancing avaient de ce fait fermé les portes d’entrée de celui-ci, par mesure de sécurité. M. D______ avait alors appelé la police à quatre reprises et sortant par l’issue de secours, avait constaté quinze minutes plus tard, l’intervention des forces de l’ordre sur le parking adjacent. Celles-ci n’avaient pas voulu faire évacuer ou arrêter les personnes devant le dancing. Il leur avait expliqué les raisons de la fermeture des portes de l’établissement.

La décision querellée était disproportionnée en regard des faits et dans ses conséquences car, compte tenu de la clientèle de l’établissement, une fermeture à 02h00 équivalait à une fermeture définitive. Dès sa notification, son exécution immédiate avait entraîné une perte de chiffre d’affaires important, à la veille de la Lake Parade, et les chanteurs et musiciens avaient dû être décommandés alors que leurs cachets avaient été payés et leurs chambres d’hôtel réservées. Des soirées spéciales étaient prévues dès le 20 juillet 2006, à l’occasion des fêtes de Genève.

7. Le 20 juillet 2006, le DES a présenté ses observations sur la requête en restitution de l’effet suspensif. Il s’opposait « catégoriquement » à celle-ci s’agissant de la restriction d’horaire mais pas en ce qui concernait l’amende administrative.

Eu égard aux constatations très claires et très précises effectuées par la gendarmerie le 24 avril 2006, d’une part, et d’autre part, compte tenu de la réitération et de la gravité des infractions commises par Mme R______ ou par M. D______ dont elle répondait, l’intérêt public poursuivi par la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21) l’emportait sur l’intérêt privé des recourantes à poursuivre l’exploitation de l’établissement au-delà de 02h00 pendant l’instruction de la présente cause.

A l’appui de sa détermination, le DES faisait état des mesures et sanctions administratives suivantes, prononcées à l’encontre de l’exploitante autorisée avant Mme R______ :

- 10 mars 2005 : amende administrative de CHF 1'500.- et restriction de l’horaire d’exploitation pour une durée d’un mois, en ce sens que l’heure de fermeture était fixée à 02h00, pour violation de l’obligation de désigner un remplaçant compétent et instruit de ses devoirs et de l’obligation de veiller au maintien de l’ordre dans l’établissement et de ne pas engendrer d’inconvénients graves pour le voisinage. Le répondant sur place au moment des faits, qui s’étaient déroulés les 16 et 22 janvier 2005, était M. D______ dans le premier cas et n’était pas désigné dans le second ;

- 21 avril 2005 : amende administrative de CHF 600.- pour fermeture tardive de l’établissement, le répondant sur place au moment des faits, qui s’étaient déroulés le 24 janvier 2005 à 05h25, étant M. D______.

Le DES se référait en outre à un rapport de dénonciation de la gendarmerie du 5 juin 2006, selon lequel le personnel du dancing n’avait pas été en mesure d’éviter un délit d’ordre sexuel commis le 2 juin 2006, le répondant sur place au moment des faits étant M. D______.

Il citait également un extrait d’un rapport du 28 juin 2006 de la brigade des mœurs de la police judiciaire : « le D______ Club est une discothèque qui fait régulièrement l’objet d’interventions policières, notamment à ses abords. En effet, située à la rue de Y______, dans le quartier des Pâquis, elle est essentiellement fréquentée par des africains dont certains sont notoirement connus de nos services pour des infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants (trafic de cocaïne) ».

8. Par décision du 20 juillet 2006, le Président du Tribunal administratif a restitué l’effet suspensif au recours déposé le 17 juillet 2006 et octroyé aux recourantes un délai pour compléter leurs écritures, retenant notamment que la décision querellée constatait qu’il n’y avait pas eu de réponse à son courrier du 20 mai 2006 alors qu’il ressortait à ce stade du dossier qu’une telle réponse lui avait été adressée en temps utile. En outre, l’argument de la récidive s’appuyait en partie sur des décisions antérieures à l’entrée en fonction de Mme R______ et, par ailleurs, c’était la première fois que M.  D______ apparaissait impliqué dans des faits litigieux.

9. Le 10 août 2006, Mme R______ et la société ont complété leur recours. La première citée était régulièrement présente dans le dancing de 22h00 à 02h00 ainsi que durant la journée. Lorsqu’elle s’absentait après 02h00, M. D______ était nommé en qualité de représentant et était toujours instruit de ses devoirs. Il arrivait aussi que les remplaçants désignés et instruits soient M. D______ ou Monsieur M______. L’établissement avait du succès et la clientèle venait régulièrement après 02h00.

Pour le surplus, elles ont décrit en détails les faits du 23 au 24 avril 2006, ainsi que ceux, antérieurs ou ultérieurs, ayant donné lieu aux rapports de police mentionnés dans les observations du DES et repris en substance l’argumentation juridique développée initialement. Ces éléments seront repris ultérieurement dans la mesure utile.

10. Le 13 octobre 2006, le DES a fait part de sa détermination au fond, concluant au rejet du recours, dans la mesure où il a été interjeté par Mme R______ et à son irrecevabilité en tant qu’il l’a été contre l’amende administrative, par la société.

Les faits du 23 avril 2006 étaient établis et constitutifs d’une violation des obligations imposées par la LRDBH à un exploitant de dancing. Les recourantes contestaient ces faits sans apporter la moindre preuve. La décision attaquée était conforme au principe de la proportionnalité, tenant compte de l’ensemble du dossier, et n’était pas de nature à causer un préjudice pécuniaire intolérable, l’établissement pouvant être ouvert plus tôt. Elle était en particulier propre à prévenir des actes encore plus graves, vu notamment les faits qui s’étaient produits le 2 juin 2006. S’agissant de l’amende administrative, elle était proportionnée et sa destinataire n’avait invoqué aucune difficulté financière particulière.

11. Lors de l’audience de comparution personnelle du 9 novembre 2006, les parties ont maintenu leur position respective.

Le représentant du DES a indiqué qu’il n’était pas en mesure de préciser pour quelle raison le courrier du 30 mai 2006 - auquel il n’avait pas reçu la réponse du 7 juin 2006 - mentionnait l’amende administrative comme seule sanction envisagée. La réitération retenue dans la décision querellée ne portait que sur les sanctions infligées antérieurement à Mme R______. A cet égard, le représentant du DES ne savait pas à quelle date avait été notifiée la décision du 14 juin 2006 infligeant à l’intéressée une amende administrative de CHF 600.-. Il ne savait pas non plus où en était la procédure ouverte à la suite de la dénonciation du 5 juin 2006. Il n’était pas certain que l’autorité compétente ait eu connaissance de ce rapport lorsqu’elle avait rendu la décision querellée.

Mme R______ a indiqué que quatre personnes avaient été engagées pour assurer la sécurité à l’entrée de l’établissement. Des contacts avaient été pris avec les habitants proches de l’établissement afin de recueillir leurs éventuelles doléances. Il n’y avait plus eu d’intervention de la police depuis juin 2006.

12. Par courrier du 7 décembre 2006, le DES a maintenu sa décision du 13 juillet 2006, fondée sur des rapports de dénonciation « extrêmement » alarmistes. Les faits constatés par des gendarmes assermentés - qu’il serait « peut-être » nécessaire d’entendre - ainsi que la réitération et le concours d’infractions, même hors le cas du délit d’ordre sexuel évoqué sous chiffre 7, étaient suffisamment graves pour justifier les sanctions prises.

13. Le 19 décembre 2006, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. a. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours interjeté par Mme R______ et la société est recevable de ce point de vue (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

b. La société n’étant pas directement touchée par la décision en ce qu’elle inflige une amende administrative à Mme R______, ses conclusions à cet égard ne sont pas recevables (art. 60 let. b LPA).

2. a. Selon la LRDBH, aucun établissement qui lui est soumis ne doit perturber l'ordre public, en particulier la tranquillité, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu'en raison de sa construction, de son aménagement, de son implantation (art. 2 al. 1 LRDBH).

b. L'exploitant doit veiller au maintien de l'ordre dans son établissement et prendre toutes les mesures utiles pour ne pas engendrer d'inconvénients graves pour le voisinage (art. 22 al. 1 à 3 LRDBH).

Même absent, il n'en demeure pas moins responsable du comportement adopté par son remplaçant participant à son exploitation et à son animation (art. 21 al. 2 et 3 LRDBH et 32 al. 1 du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du 31 août 1988  - RLRDBH - I 2 21.01).

A titre d'exemple, la violation de l'article 22 LRDBH peut être fondée sur le fait que l'exploitant ne prenne pas les mesures nécessaires, notamment pour atténuer le bruit, en laissant la porte ouverte (ATA/226/2005 du 19 avril 2005 ; ATA/570/2004 du 6 juillet 2004 et ATA/837/2001 du 18 décembre 2001).

c. L’exploitant doit en outre laisser en tout temps libre accès à toutes les parties et dépendances de l’établissement aux fonctionnaires chargés de l’application de la loi et il lui est interdit de prévenir d’une quelconque manière les contrôles de l’autorité (art. 26 LRDBH).

3. Dans le cas d’espèce, le Tribunal administratif tiendra pour avéré le fait que le 24 avril 2006, la police est intervenue pour disperser un attroupement devant l’établissement, qu’elle s’est trouvée devant les portes de ce dernier fermées et a dû attendre un quart d’heure avant qu’on lui ouvre. Ces éléments factuels, pas plus que le bruit engendré par la musique provenant des locaux, ne sont au demeurant pas contestés par les recourantes, dont l’argumentation porte exclusivement sur les circonstances ayant conduit à la fermeture des portes de l’établissement. Elles ne fournissent en revanche pas d’explication sur les raisons pour lesquelles leur service d’ordre n’a pas été en mesure d’essayer de rétablir le calme devant l’établissement ni d’assurer l’accueil et l’information de la police lorsque celle-ci a voulu entrer après avoir rétabli l’ordre. La précision apportée dans leurs écritures selon laquelle les portes des locaux ne sont pas munies de fenêtres de sorte que le personnel n’a pas pu voir qu’il s’agissait de la police ne constitue à cet égard pas une justification puisque l’attroupement était dispersé.

4. En cas d’infractions à la LRDBH, le département peut infliger aux contrevenants une amende de CHF 100.- à CHF 60’000.- (art. 74 ch. 1 LRDBH) et suspendre, pour une durée de dix jours à six mois, l’autorisation d’exploiter ou la retirer (art. 70 LRDBH), cas échéant suspendre ou retirer les autorisations complémentaires délivrées, telles que l’autorisation de prolonger l’horaire d’exploitation (art. 71 al. 1 et 2 LRDBH).

5. a. Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/601/2006 du 14 novembre 2006 ; ATA/543/2006 du 10 octobre 2006 ; ATA/813/2001 du 4 décembre 2001 ; P. MOOR, Droit administratif : les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, Berne 2002, ch. 1.4.5.5, p. 139 ss).

b. En vertu des articles 103 et 104 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et 1 lettre a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), il y a lieu de faire application des dispositions générales contenues dans le CP.

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 5ème éd., Zürich-Bâle-Genève 2006, p. 252, n. 1179). Selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (ATA/543/2006 du 10 octobre 2006 ; ATA/451/2006 du 31 août 2006 ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1984, pp.646-648) et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/415/2006 du 26 juillet 2006 et arrêts précités). La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/281/2006 du 23 mai 2006). Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATA/234/2006 du 2 mai 2006).

c. L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit faire application des règles contenues à l'article 49 CP lorsque par un ou plusieurs actes, le même administré encourt plusieurs sanctions (ATF 122 II 180 ; 121 II 25 et 120 Ib 57-58 ; RDAF 1997 I 100, pp. 100-103  ; ATA/159/2006 du 21 mars 2006, rendus sous l'empire de l'ancien article 68 CP ;). Selon cette disposition, si l'auteur encourt plusieurs amendes, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion (art. 49 al. 1 CP). De plus, lorsqu'une personne est sanctionnée pour des faits commis avant d'avoir été condamnée pour une autre infraction, le juge doit fixer la sanction de manière à ce que le contrevenant ne soit pas puni plus sévèrement que si un seul jugement avait été prononcé (art. 49 al. 2 CP).

6. En l’espèce, le DES a retenu que Mme R______ avait des antécédents ayant fait l’objet de trois amendes administratives les 7 décembre 2005, 10 février et 14 juin 2006. Toutefois, la décision du 7 décembre 2005 sanctionnait des faits intervenus le 2 octobre 2005, soit avant que l’intéressée n’exploite l’établissement. Même si cette sanction n’a pas été contestée, il n’en demeure pas moins que la recourante n’est pas l’auteure de l’infraction, de sorte qu’il n’y a pas lieu de la retenir comme antécédent. Par ailleurs, la décision du 14 juin 2006 n’était pas encore en force au moment où celle du 13 juillet 2006 a été notifiée et ne peut davantage être retenue comme antécédent. Ainsi, seule peut être admise à ce titre la mesure du 10 février 2006, soit une amende administrative pour fermeture tardive de l’établissement.

7. Les infractions faisant l’objet de la présente procédure sont antérieures à la décision du DES du 14 juin 2006, sanctionnant une violation des articles 21 et 22 LRDBH et qui n’a pas été contestée. En application des dispositions pénales précitées, c’est donc une peine complémentaire qui doit être prononcée in casu.

8. Le DES a infligé une amende administrative de CHF 600.- le 14 juin 2006 et une amende administrative de CHF 1'100.- assortie d’une restriction d’horaire d’une durée d’un mois pour les faits de la présente cause, soit une sanction globale se composant d’une amende de CHF 1'700.- et d’une restriction de trois heures de l’horaire quotidien d’exploitation pendant un mois.

a. S’agissant de l’amende administrative, son montant total doit être ramené à CHF 1'000.-, dès lors qu’il n’y a qu’un seul antécédent à prendre en compte et qu’il concerne des faits différents et objectivement moins graves. Le Tribunal administratif prononcera donc une amende administrative de CHF 400.-, complémentaire à celle prononcée le 14 juin 2006 par le DES.

b. Quant à la restriction d’horaire, elle est appropriée dans son principe, tant en raison de la gravité des faits sanctionnées, que de l’incapacité persistante de l’exploitante ou de ses représentants à prendre les mesures permettant de respecter leurs obligations légales.

En revanche, au vu de l’ensemble des circonstances, notamment des conditions particulières d’exploitation de cet établissement, non contestées par l’intimé, et de l’absence d’antécédent de même nature pour l’exploitante, sa durée est disproportionnée (ATA/453/2006 du 31 août 2006 ; ATA/34/2005 du 25 janvier 2005). Le Tribunal administratif prononcera donc une restriction d’une durée d’une semaine de l’horaire d’exploitation de l’établissement, l’heure de fermeture étant fixé à 03h00, mesure complémentaire à la sanction infligée par le DES le 14 juin 2006.

9. Le recours sera ainsi partiellement admis.

Au vu des motifs ayant conduit à l’admission partielle, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement et une indemnité de procédure de CHF 500.- leur sera allouée, à la charge de l’Etat de Genève.

Un émolument de CHF 750.- sera mis à la charge du DES (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 juillet 2006 par Madame R______ et D______ S.A. contre la décision du département de l’économie et de la santé du 13 juillet 2006, sous réserves des conclusions irrecevables de D______ S.A. relatives à l’amende administrative infligée à Madame R______ ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du département de l’économie et de la santé du 13 juillet 2006 en ce qu’elle prononce une amende de CHF 1'100.- à l’encontre de Madame R______ ;

prononce en lieu et place, à titre de sanction complémentaire à l’amende administrative infligée le 14 juin 2006, une amende administrative de CHF 400.- ;

annule la décision du département de l’économie et de la santé du 13 juillet 2006 en ce qu’elle prononce une restriction d’une durée d’un mois de l’horaire d’exploitation du dancing « Le D______ Club » ;

prononce en lieu et place, à titre de sanction complémentaire à l’amende administrative infligée le 14 juin 2006, une restriction d’une durée de sept jours de l’horaire d’exploitation du dancing « Le D______ Club », en ce sens que l’heure de fermeture sera fixée à 03h00 pendant la durée de la mesure ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge des recourantes, conjointement et solidairement ;

met un émolument de CHF 750.- à la charge du département de l’économie et de la santé ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- aux recourantes, à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me André Malek-Asghar, avocat des recourantes ainsi qu'au département de l’économie et de la santé.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

P. Pensa

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :