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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/803/2004

ATA/34/2005 du 25.01.2005 ( JPT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DANCING; ORDRE PUBLIC; AUTORISATION; OBLIGATION JURIDIQUE; HEURE D'OUVERTURE; PROPORTIONNALITE
Normes : LRDBH.71 al.1
Résumé : En restreignant l'horaire de fermeture d'un dancing pour le fixer à minuit pendant 3 mois, le département a pris une mesure équivalant à la fermeture complète de l'établissement qui ne respecte pas le principe de la proportionnalité. Réduction de la mesure à deux mois.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/803/2004-JPT ATA/34/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 25 janvier 2005

dans la cause

 

 

Madame D__________

Monsieur M__________

Monsieur V__________
représentés par Me Roger Mock, avocat

contre

DEPARTEMENT DE JUSTICE, POLICE ET SECURITE


 


1. Monsieur A__________ est propriétaire du dancing à l’enseigne « B__________ » qui se trouve dans l’immeuble __________ à Genève. Par convention du 19 février 2002, il a remis cet établissement en gérance libre à Monsieur M__________ à partir du 19 février 2003. A teneur de l’article 4 de ce contrat, M. M__________ devait exploiter personnellement ce dancing et être assisté par une collaboratrice au bénéfice d’un certificat de capacité de cafetier-restaurateur.

2. C’est Madame D__________, née le __________ 1959, d’origine genevoise, titulaire dudit certificat de capacité depuis le 2 mai 1989, qui a été autorisée par le département de justice police et sécurité (ci-après : le département) à exploiter ce dancing, connu précédemment sous le nom d’« H__________ ».

3. L’établissement est ouvert chaque soir, à l’exception du lundi, de 23h00 à 05h00.

4. M. M__________ dit être associé avec Monsieur V__________, ce qui ne résulte pas du contrat de gérance libre précité. Outre ces deux personnes, un employé chargé de la sécurité et un barman travaillent dans l’établissement.

5. La gendarmerie a été appelée à intervenir à plusieurs reprises dans ce dancing en raison de bagarres qui ont donné lieu aux rapports suivants :

a. Le 25 octobre 2003, Messieurs B__________ se trouvaient au « B__________ » en compagnie de Monsieur D__________. Vers 01h00, soit le 26 octobre 2003, MM. B__________ se sont plaints d’avoir été frappés par les agents assurant la sécurité de la discothèque à proximité de la sortie. Des plaintes ont été déposées contre inconnu par MM. B__________, le 26 janvier 2004 (P/1_____/2004 et P/2_____/2004). Elles ont été classées toutes deux par le Ministère public en date du 16 juillet 2004, l’auteur des infractions dénoncées n’ayant pu être identifié. A teneur des rapports de renseignements établis par la gendarmerie, les membres du service de sécurité dudit dancing n’ont pas été entendus.

b. Le 1er janvier 2004, vers 05h45, la Centrale d’engagement cantonal et d’alarme (ci-après : CECAL), a demandé l’intervention de la gendarmerie au boulevard du Pont d’Arve pour une personne qui se serait fait agresser par un individu de couleur. Arrivés sur place, les policiers ont constaté qu’un individu de couleur, identifié comme étant Monsieur Ba__________, aurait agressé sans raison M. Mi___________, chacun des deux ayant déposé plainte et ayant été déclarés en contravention pour rixe ou bataille.

À la requête du département, la gendarmerie a précisé le 20 mars 2004 que cette bagarre avait été annoncée à la police par des passants, comme cela résultait de l’écoute des appels effectués à la centrale.

Il n’apparaît pas de la procédure que ces plaintes aient conduit à une quelconque condamnation.

6. Le 11 janvier 2004, à 04h10, la CECAL requérait l’intervention de la gendarmerie à la discothèque « B__________ » à la suite d’une bagarre au couteau. Arrivés sur place, les gendarmes ont constaté qu’une trentaine de personnes se trouvaient devant l’établissement et que plusieurs d’entre elles se battaient et étaient en état d’ébriété.

Le portier de la discothèque, identifié comme étant Monsieur U__________, a remis à la gendarmerie un homme qui aurait asséné des coups de couteau, soit Monsieur R__________, ainsi qu’un couteau. Cet individu a été conduit au poste. Une autre personne, Monsieur S__________ a reçu un coup de couteau à l’intérieur de la discothèque sans savoir de qui émanait ce coup. Ce blessé qui a été transporté à l’hôpital n’a pas souhaité déposer plainte. Enfin, un quatrième individu, Monsieur E__________ a déposé plainte pour avoir reçu un coup de couteau dans la discothèque vers 03h45, heure à laquelle une bagarre avait éclaté sans qu’il en connaisse la raison.

Ces plaintes ont donné lieu à la procédure pénale portant le n° P/3_____/2004, classée en opportunité par le Ministère public le 11 février 2004, en raison des déclarations contradictoires des différents intervenants.

7. Par lettre recommandée du 16 mars 2004, le département a imparti à Mme D__________ un délai pour qu’elle s’explique sur les reproches qui lui étaient adressés à l’occasion des trois épisodes précités, d’avoir contrevenu à ses obligations en matière de maintien de l’ordre et d’interdiction de servir des boissons alcooliques à des personnes en état d’ébriété. Le département a également indiqué à Mme D__________ qu’il avait l’intention de restreindre l’horaire d’exploitation du dancing et de lui infliger une amende administrative.

8. Dans le délai imparti, Mme D__________ a fait part de ses observations en indiquant qu’elle n’était pas sur place lors de ces faits. Les 27 octobre 2003 et 1er janvier 2004, M. M__________ qui la remplaçait n’avait rien remarqué de particulier. Quant à l’incident survenu le 11 janvier 2004, elle admettait les faits tout en relevant que son personnel avait fait appel à la police alors que pour le département, des passants l’avaient fait.

9. Par décision exécutoire nonobstant recours du 5 avril 2004, le département a restreint pour une durée de trois mois l’horaire d’exploitation du « B__________ » en ce sens que l’heure de fermeture était fixée à 24h00. Il a, par la même décision, infligé à Mme D__________ une amende administrative de CHF 1'000.-.

10. Par courrier du 8 avril 2004, Mme D__________ a prié le département, compte tenu des recettes qu’elle escomptait réaliser durant le week-end pascal, de reporter le début de la restriction de l’horaire d’exploitation au mardi 13 avril.

Le département a ainsi accepté de faire débuter cette mesure le mardi 16 avril 2004.

11. Par acte déposé le 20 avril 2004, Mme D__________ ainsi que MM. M__________ et V__________ ont déclaré recourir auprès du Tribunal administratif contre cette décision en concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif et principalement à l’annulation de la décision attaquée. Ils demandaient qu’il leur soit donné acte de ce qu’ils allaient procéder, dans le meilleurs délais, au remplacement de Mme D__________ et recourir au service d’une agence de sécurité professionnelle. Ils sollicitaient subsidiairement la comparution personnelle des parties.

12. Le 26 avril 2004, le département s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif, sauf en ce qui concernait l’amende.

13. Par décision présidentielle du 29 avril 2004, l’effet suspensif a été octroyé car une fermeture à minuit pour un dancing ouvrant à 23h00 revenait de fait à condamner cet établissement à fermer purement et simplement, ce qui paraissait disproportionné. La recevabilité du recours de MM. M___________ et V__________ a été laissée ouverte.

14. Le 7 mai 2004, le département a conclu au rejet du recours non sans relever que MM. M__________ et V__________ n’avaient, prima facie, pas la qualité pour recourir. Au moment des bagarres dénoncées, Mme D__________ n’était pas présente dans l’établissement et ses remplaçants n’avaient pas respecté les obligations leur incombant consistant notamment à faire appel à la police lorsque l’ordre public était troublé.

15. Une audience de comparution personnelle a été convoquée pour le 25 juin 2004 à laquelle seul le conseil des recourants s’est présenté, en disant ignorer les raisons de l’absence de ses clients. Une nouvelle audience a été reconvoquée par lettre signature pour le 9 juillet 2004 à 09h00. Seul M. M__________ était présent, au motif que M. V__________ dormait puisqu’il avait travaillé la nuit précédente et que Mme D__________, atteinte tardivement, n’avait pu se libérer de ses obligations professionnelles.

M. M__________ a précisé que le « B__________ » avait été fermé du 13 avril au 30 avril 2004 suite à la décision du département et qu’il avait ouvert à nouveau dès réception de la décision sur effet suspensif.

M. M__________ a exposé qu’il était gérant du « B__________ » depuis le 19 février 2003 et qu’il s’y rendait tous les jours. Quant à Mme D__________, elle y venait 2 à 3 heures par soir, en début de soirée. M. V__________ avait un contrat de sous-location avec M. A__________.

M. M__________ a précisé qu’il était lui-même titulaire du certificat de capacité « important » délivré dans le canton de Vaud. Il envisageait de passer l’examen relatif aux lois genevoises, ce qui lui permettrait d’obtenir un certificat de capacité dans ce canton.

Au cours des nuits des 26/27 octobre 2003 et 31 décembre 2003/1er janvier 2004, il se trouvait dans l’établissement de 23h00 à 05h00. Il n’avait cependant rien vu des bagarres qui auraient eu lieu et personne ne lui avait signalé quoi que ce soit. Lors de ces deux nuits, le portier faisant fonction de videur, M. U__________, se trouvait à l’entrée. Lui non plus n’avait rien vu, raison pour laquelle il n’avait pu appeler la police.

Le 11 janvier 2004, M. M__________ était malade et avait été remplacé par M. V__________. Ce dernier lui avait fait part des bagarres qui s’étaient produites. Le responsable de la sécurité ce soir-là était également M. U__________. M. M__________ a pris note à l’audience du fait qu’un client aurait appelé la police. Il a maintenu que le 11 janvier 2004, c’était bien M. U__________ qui avait rattrapé l’agresseur et l’avait livré à la gendarmerie même s’il reconnaissait que M. U__________ n’avait pas appelé la police.

S’il admettait les faits qui s’étaient produits le 11 janvier 2004, il relevait, s’agissant de l’incident du 1er janvier 2004, que celui-ci semblait s’être produit vers 05h40 après la fermeture du « B__________ » à 05h00. Enfin, si une bagarre avait lieu sur le trottoir, il était impossible, une fois que la porte de l’établissement était fermée, de voir ce qui se passait. Il ne connaissait pas MM. Ba__________ ou Mi__________ pas plus que Mme Br__________.

16. À la suite de l’audience, le juge délégué a obtenu du Parquet des renseignements concernant les trois procédures pénales précitées et il a prié le conseil des recourants de produire le contrat de gérance libre dont il a été question au début des faits.

17. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Mme D__________, seule destinataire de la décision attaquée, a qualité pour recourir (art. 60 litt b LPA). Elle a certes pris des conclusions mais ne s’est présentée ni à la première audience de comparution personnelle ni à la seconde, pourtant convoquée par lettre signature, démontrant par là une absence de collaboration manifeste, de sorte que ses conclusions seront déclarées irrecevables en application de l’article 22 LPA, selon la jurisprudence constante du tribunal de céans (ATA 661/2004 du 24 août 2004 ; ATA/82/2004 du 20 janvier 2004 ; ATA 810/2003 du 4 novembre 2003 ; ATA 61/2003 du 28 janvier 2003).

3. M. V__________ serait, selon M. M__________, au bénéfice d’un contrat de sous-location, ce qui n’est établi par aucune pièce. De plus, il ne s’est présenté à aucune audience. En revanche, c’est lui qui remplaçait M. M__________ le 11 janvier 2004 lorsqu’une bagarre généralisée a éclaté dans l’établissement et qu’aucun responsable n’a appelé la police.

Il n’a aucune qualité pour recourir au sens de l’article 60 LPA et son recours ne peut qu’être déclaré irrecevable.

4. Quant à M. M__________, il n’est pas le destinataire de la décision mais il est seul au bénéfice du contrat de gérance libre signé avec le propriétaire de l’établissement et peut, dans cette mesure, être touché par la décision attaquée.

Cependant, la question de la recevabilité de son recours peut demeurer ouverte, puisque celui-ci doit être rejeté de toute façon.

En effet, s’il est difficile d’établir les responsabilités dans les incidents qui se sont produits au cours des nuits des 26/27 octobre 2003 d’une part, et du 31 décembre 2003/1er janvier 2004 d’autre part, les procédures pénales ayant d’ailleurs été classées, il est en revanche certain que les tenanciers du « B__________ » ont manqué à tous leurs devoirs le 11 janvier 2004, en particulier ceux résultant de l’article 22 LRDBH concernant le maintien de l’ordre.

M. M__________ n’a d’ailleurs pas contesté les faits survenus ce soir-là. Plus de trente personnes ont dû être séparées par les agents et une, voire deux personnes ont reçu des coups de couteau dans le dancing. Si le portier ou le videur, M. U__________, a certes maîtrisé l’agresseur et l’a remis à la police, ce n’est pas lui qui a téléphoné à la centrale d’urgence. Enfin, ni Mme D__________ ni M. M__________ n’étaient sur place.

5. En restreignant l’horaire de fermeture pour le fixer à minuit pendant trois mois, en application de l’article 71 alinéa 1 litt a) LRDBH, le département a pris une mesure qui ne respecte pas le principe de la proportionnalité car elle équivaut à une fermeture complète du dancing. A teneur de l’article 71 alinéa lettre a) LRDBH, la restriction d’horaire peut être prononcée pour une durée de 10 jours à 6 mois.

Une telle mesure, d’une durée de deux mois, sera prononcée et apparaît comme appropriée.

Enfin, en infligeant en sus une amende de CHF 1'000.- alors que l’article 74 prévoit une échelle de CHF 100.- à CHF 60'000.-, le département a fait preuve de mesure. Le montant de cette amende n’est pas même contesté.

6. En conséquence, le recours de Mme D__________ et celui de M. V__________ seront déclarés irrecevables. Celui de M. M__________ sera partiellement admis, dans la mesure où il est recevable.

Un émolument de CHF 3'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement. Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée aux recourants, à charge de l’intimé. (art. 87 LPA).

 

* * * * *

déclare irrecevables les recours interjetés le 20 avril 2004 par Madame D__________ et Monsieur V__________ contre la décision du département de justice, police et sécurité du 5 avril 2004 ;

admet partiellement le recours de Monsieur M__________ dans la mesure où il est recevable ;

réduit à deux mois la durée de la réduction d’horaire ;

met à la charge des recourants pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 3'000.- ;

alloue aux recourants une indemnité de CHF 500.- à charge de l’intimé ;

communique le présent arrêt à Me Roger Mock, avocat des recourants ainsi qu'au département de justice, police et sécurité.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy, Hurni, M. Thélin, juges, M. Torello, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :