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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/78/2001

ATA/837/2001 du 18.12.2001 ( JPT ) , REJETE

Descripteurs : RESTAURANT; BRUIT; AMENDE; JPT
Normes : LRDBH.74; LRDBH.22
Résumé : La violation de l'obligation de maintien de l'ordre (porte ouverte et musique forte) par l'exploitant du restaurant justifie l'amende de CHF 400.-, ce d'autant qu'il s'agit de la 3ème infraction en l'espace de 7 mois.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 18 décembre 2001

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur R__________

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

DEPARTEMENT DE JUSTICE, POLICE ET SECURITE

 



EN FAIT

 

 

1. Monsieur R__________ exploitait le café-restaurant à l'enseigne "Restaurant le P__________" (ci-après: l'établissement), propriété de la société P__________ S.A., situé _________, à Genève.

 

2. Le 18 février 2000 à 1h30 du matin, un résident du quartier, fortement dérangé par les nuisances sonores provenant de l'établissement, a demandé l'intervention de la gendarmerie.

 

3. Le rapport de dénonciation (ci-après: le rapport) établi le 24 février 2000, faisait état du fait que la musique était nettement perceptible à plus de cinquante mètres de l'établissement. Les constatations sur place se résumaient ainsi: la porte de l'établissement n'était pas correctement fermée, son système de rappel étant défectueux. A l'intérieur de l'établissement, le volume de la musique était tel, qu'il ne permettait pas de converser normalement.

L'établissement était tenu par M. M__________, M. R__________ n'étant pas sur place à ce moment-là. Ce dernier a été avisé de l'établissement du rapport.

 

4. Le 29 mars 2000, le département de justice, police et sécurité (ci-après: le département), a informé M. R__________ de son intention de lui infliger une amende administrative pour troubles de la tranquillité publique, en le priant de déposer ses observations d'ici au 14 avril 2000.

 

Le délai n'a pas été mis à profit par l'intéressé.

 

Par décision du 8 mai 2000, le département a infligé à M. R__________ une amende administrative de CHF 100.- qui n'a fait l'objet d'aucun recours.

 

5. Le 13 juillet 2000 à 1h30 du matin, la gendarmerie est à nouveau intervenue sur place, de nombreux habitants se plaignant du bruit excessif émanant de l'établissement.

 

M. E__________ remplaçait M. R__________ qui était absent à ce moment-là, et a été invité à baisser le volume de la musique ainsi qu'à refermer la porte. Il a été avisé de l'établissement d'un rapport.

 

6. Le rapport établi le 18 juillet 2000 mentionnait que la porte de l'établissement était à nouveau maintenue volontairement ouverte à l'aide d'une cale en bois. Le volume de la musique se propageant dans la rue était effectivement trop élevé et de nature à troubler la quiétude du voisinage.

 

7. Le 2 août 2000, le département a informé M. R__________ de son intention de lui infliger une deuxième amende administrative pour troubles de la tranquillité publique, non sans lui avoir laissé auparavant l'occasion de s'exprimer. Un délai au 21 août 2000 lui était imparti pour faire valoir ses observations.

 

8. Par décision du 6 septembre 2000, le département a à nouveau infligé à M. R__________ une amende administrative de CHF 200.-, et recouvrée par voie de poursuites.

 

9. Le 22 septembre 2000 à 22h50, la gendarmerie est intervenue sur place pour la troisième fois, les voisins de l'établissement se plaignant de l'excès de bruit.

 

10. Le rapport, établi le 23 septembre 2000 indiquait que la porte d'entrée était à nouveau maintenue ouverte. Le volume de la musique se propageant dans la rue était de nature à troubler la quiétude du voisinage.

 

L'établissement était tenu par M. E__________, M. R__________ n'étant pas présent lors de la constatation sur place. Les gendarmes ont invité M. E__________ à baisser le volume de la musique et à refermer la porte de l'établissement. Il a été avisé de l'établissement du rapport.

 

11. Le 1er novembre 2000, le département informa M. R__________ de son intention de lui infliger une amende administrative pour troubles de la tranquillité publique.

 

12. Par décision du 9 décembre 2000, le département a infligé à M. R__________ une amende administrative de CHF 400.-.

 

13. Le 9 janvier 2001, M. R__________ a recouru contre cette amende en concluant à son annulation.

 

Il s'est adressé au département lequel a transmis cet acte au Tribunal administratif le 22 janvier 2001.

 

La musique de son établissement était une "musique de fond". Lors du contrôle sur place, la porte d'entrée était effectivement ouverte à cet instant, M. E__________ effectuant un contrôle de quelques minutes de la climatisation. D'autres établissements voisins du sien maintenaient leurs portes d'entrée ouvertes, permettant d'entendre distinctement leur musique, mais il était le seul à être amendé.

 

14. Le département a conclu au rejet du recours: tant l'amende que son montant se justifiaient, le principe de la proportionnalité étant respecté.

 

15. Le recourant a répliqué le 26 juillet 2001 sans apporter d'élément nouveau. Le département a renoncé à dupliquer.

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. La loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21) prévoit "qu'aucun établissement qui lui est soumis ne soit susceptible de perturber l'ordre public, en particulier la tranquillité, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu'en raison de sa construction, de son aménagement, de son implantation" (art. 2 al. 1 LRDBH).

 

3. a. L'exploitant doit veiller au maintien de l'ordre dans son établissement et prendre toutes les mesures utiles pour ne pas engendrer d'inconvénients graves pour le voisinage (art. 22 al. 1 à 3 LRDBH).

 

b. Même absent, il n'en demeure pas moins responsable du comportement adopté par son remplaçant participant à son exploitation et à son animation (art. 21 al. 2 et 3 LRDBH et 32 al. 1 du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du 31 août 1988 - RLRDBH - I 2 21.01).

 

c. A titre d'exemple, la violation de l'article 22 LRDBH peut être fondée sur le fait que l'exploitant n'avait pas pris les mesures nécessaires, notamment pour en atténuer le bruit, en ne fermant pas la porte (ATA W. du 9 février 1999; L. du 24 janvier 1990).

 

4. Alors que le projet de loi précisait simplement que si l'ordre était sérieusement troublé ou menacé de l'être, l'exploitant devait faire appel à la police (Mémorial 1985 III p. 4209), la commission ad hoc du Grand Conseil a précisé: "que ce soit à l'intérieur de l'établissement ou dans ses environs immédiats", pour bien préciser que la responsabilité de l'exploitant allait au-delà des strictes limites de son établissement ou de sa terrasse (Mémorial 1987 V p. 6426).

 

5. En l'espèce, le rapport du 23 septembre 2000 révélait que la porte de l'établissement était maintenue volontairement ouverte. Les deux rapports des 24 février et 18 juillet 2000 signalaient également que les nuisances sonores subies par le voisinage de l'établissement étaient notamment causées par la porte maintenue ouverte.

 

Ce faisant, le recourant a volontairement et consciemment accepté que la musique diffusée à l'intérieur de l'établissement se propage aussi à l'extérieur de celui-ci, engendrant à cette occasion de graves inconvénients pour le voisinage, comme cela résulte du dernier rapport du 23 septembre 2000.

 

Contrairement à ce que soutient le recourant, le niveau sonore de la musique était supérieur à une simple "musique de fond".

 

Le fait que la gendarmerie ne procède pas à des mesures de décibels lors de ses interventions ne signifie pas pour autant que l'on a affaire à une appréciation subjective et unique du gendarme présent.

 

En effet, les trois rapports concluent tous à un niveau sonore trop élevé, de nature à troubler la quiétude du voisinage. Il convient de préciser que non seulement les trois rapports convergent, mais chacun d'eux a été établi par différents gendarmes.

 

6. En ne prenant pas toutes les mesures utiles pour ne pas engendrer d'inconvénients graves pour le voisinage, notamment en diminuant le volume de la musique et en maintenant la porte fermée, le recourant s'est rendu coupable d'une violation de son obligation de maintien de l'ordre au sens de l'article 22 LRDBH. Le fait de ne pas être présent lors de la constatation de ces perturbations ne le libère en rien de sa responsabilité.

 

7. a. Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la peine administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA C. du 18 février 1997; P. MOOR, Droit administratif: les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, Berne 1991, ch. 1.4.5.5, p. 95-96; P. NOLL et S. TRECHSEL, Schweizerisches Strafrecht: allgemeine Voraussetzungen der Strafbarkeit, AT I, 5ème édition, Zurich 1998, p. 40). En vertu de l'article 1 alinéa 2 de la loi pénale genevoise du 20 septembre 1941 (LPG - E 4 05), il y a lieu de faire application des dispositions générales contenues dans le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), sous réserve des exceptions prévues par le législateur cantonal à l'article 24 LPG.

 

b. Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1984, pp.646-648; ATA G. du 20 septembre 1994) et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA C. & H. du 27 avril 1999; G. du 20 septembre 1994; Régie C. du 8 septembre 1992). La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA U. du 18 février 1997). Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA P. du 5 août 1997).

c. L'article 74 alinéa 1 LRDBH prévoit comme sanction notamment l'amende administrative d'un montant de CHF 100.- à CHF 60'000.-.

 

d. Le Tribunal administratif s'est déjà exprimé à plusieurs reprises concernant le montant d'une amende infligée à l'exploitant d'un café-restaurant, considérant par exemple que le département a fait preuve de retenue en infligeant une amende d'un montant de CHF 1'400.- pour troubles de la tranquillité publique commis à réitérées reprises (ATA du W. du 9 février 1999).

 

Une amende de CHF 800.- infligée pour troubles de la tranquillité publique a été jugée modérée considérant qu'il s'agissait de la cinquième amende pour le même motif (ATA P. du 2 mars 1999).

 

Enfin, le Tribunal de céans a confirmé une amende de CHF 200.- à un tenancier pour avoir troublé la tranquillité publique, l'estimant à cet égard particulièrement modeste (ATA V. du 28 novembre 2000).

 

8. En l'espèce, au vu de ce qui précède et compte tenu de la réitération des violations à la LRDBH, précisément trois en l'espace de sept mois, loin d'avoir excédé son pouvoir d'appréciation, le département a au contraire fait preuve de retenue en sanctionnant d'une amende de CHF 400.- le comportement du recourant. Le principe de la proportionnalité est dès lors respecté.

 

9. Le recours sera ainsi rejeté.

 

10. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 9 janvier 2001 par Monsieur R__________ contre la décision du département de justice, police et sécurité du 9 décembre 2000;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.-;

 

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité;

 

communique le présent arrêt à Monsieur R__________ ainsi qu'au département de justice, police et sécurité.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci