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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1621/2016

ATA/385/2017 du 04.04.2017 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; ASSISTANCE PUBLIQUE ; BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS D'ASSISTANCE ; PRESTATION(SENS GÉNÉRAL) ; RESSORTISSANT ÉTRANGER ; ADMISSION PROVISOIRE ; FRAIS D'ENTRETIEN ET DE LOGEMENT ; CENTRE D'HÉBERGEMENT
Normes : LPA.60 ; Cst.29.al2 ; LPA.61 ; LEtr.86.al1 ; LAsi.80a et ss ; LIASI.11 ; Directives cantonales en matière de prestations d'aide sociale et financière aux requérants d'asile et statuts assimilés
Résumé : La recourante est liée à l'intimé par un rapport de droit public, découlant de son statut et des prestations sociales dont elle bénéficie. Seul l'intimé est titulaire du contrat de bail concernant l'hébergement attribué de la recourante. Cette dernière ne dispose d'aucun droit à en choisir le lieu ou le type. L'attribution d'un logement dans un centre d'hébergement collectif après que l'intimé ait mis fin à l'hébergement dans un logement individuel pour non-respect de la convention y relative ne constitue pas une suppression ou réduction de la prestation d'aide sociale. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1621/2016-AIDSO ATA/385/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 avril 2017

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1. Le 30 août 1999, l'Hospice général (ci-après : l'hospice) a conclu un contrat de bail à loyer portant sur un appartement de quatre pièces au 6ème étage de l'immeuble sis B______ à Vernier, moyennant un loyer mensuel de CHF 1'240.-, charges comprises.

2. Dès le 12 septembre 2006, l'hospice a mis cet appartement à disposition de Madame A______, née le ______ 1978, originaire de Serbie, et ses quatre enfants, en tant que titulaires d'un permis F (une autorisation d'admission provisoire) valable dès le 18 septembre 2002.

Selon la convention d'hébergement y relative du 28 août 2006, Mme A______ s'engageait à respecter toute décision prise par le service hébergement de l'aide aux requérants d'asile de l'hospice (ci-après : ARA), devenu depuis lors le service d'aide aux migrants (ci-après : AMIG), et à changer d'hébergement lorsque celui-ci le lui demanderait. La requérante d'asile avait droit à un hébergement mais n'en avait pas le choix. Elle devait accepter celui qui lui était attribué. Elle devait également respecter l'éventuel règlement interne du lieu d'hébergement, user des locaux avec soin et les maintenir en bon état et propres, ne pas mettre l'hébergement à disposition d'un tiers, ne pas user de violences, respecter le voisinage et ne pas faire de bruit (art. 3). Le non-respect de l'une de ces conditions pouvait entraîner une résiliation anticipée de la convention et l'obligation pour la requérante d'asile de libérer le lieu d'hébergement, sans qu'un autre logement soit proposé par l'AMIG. Ce serait notamment le cas pour une mise à disposition de tiers de l'hébergement et un non-respect du voisinage et des autres occupants du lieu d'hébergement (art. 5).

3. Par courriers des 31 janvier 2011, assorti d'une menace de résiliation du bail pour non-respect de la chose louée, 9 février et 29 mars 2012, la régie en charge de l'immeuble sis B______ à Vernier a informé l'hospice avoir reçu des plaintes répétées de voisins différents à l'encontre de Mme A______ et sa famille. Il s'agissait tout d'abord de déprédations (ascenseur en dérangement en raison des coups donnés, jeux de balles sur le palier). S'y étaient ajoutés des comportements consistant à jeter des papiers, mégots de cigarettes et crachats depuis le balcon, ainsi qu'à uriner dans le hall d'entrée. De plus, Mme A______ avait remis les clés de la cave à des personnes étrangères et les nuisances sonores nocturnes quotidiennes devenaient insupportables.

4. Lors d'un entretien sur place le 7 mars 2012, un assistant social de l'hospice a rappelé à Mme A______ les règles et usages de l'immeuble, ce qu'il lui a confirmé par écrit le 12 mars 2012. À cette occasion, il a également rencontré la fille aînée de celle-ci, placée dans un centre de jour en raison de son comportement, de même que la voisine du dessous, se plaignant de l'attitude de cette famille.

5. Par pli du 16 mars 2012, l'hospice a averti la régie concernée des mesures prises à l'égard de Mme A______, relevant que ses enfants étaient tous scolarisés. Deux d'entre eux, placés en centres de jour, étaient éloignés du domicile familial pendant la semaine.

6. Le 2 avril 2012, l'hospice a rappelé par écrit à Mme A______ que les plaintes récurrentes visant son logement pouvaient engendrer une résiliation du bail, ayant pour conséquence la perte d'un logement individuel.

7. Le 5 mars 2015, Mme A______ a signé le document « Mon/notre engagement en demandant une aide sociale et financière à l'aide aux migrants de l'Hospice général », prenant acte du fait qu'elle n'avait pas le droit de choisir un hébergement, devant accepter celui attribué.

8. Le ______ 2015, le cinquième enfant de Mme A______ est né.

9. Entre 2013 et 2015, la régie a reçu de nouvelles plaintes des voisins de Mme A______, en raison des nuisances sonores provenant de son logement, engendrées par la situation familiale difficile. Des dégradations matérielles, comportements insultants à l'égard du voisinage et jets d'objets depuis le balcon étaient encore relevés.

10. Par décision du 11 février 2016, l'hospice a mis fin à l'hébergement de Mme A______ dans le logement sis B______ à Vernier, en raison du comportement de sa famille et des plaintes susmentionnées. Avec quatre de ses enfants, elle devait changer de logement le 3 mars 2016 pour emménager au centre d'hébergement collectif sis C______ à D______ (ci-après : C______ D______).

11. Par courrier du 7 mars 2016, complété le 14 mars 2016, Mme A______ a formé opposition à cette décision, concluant à son annulation et à la restitution de l'effet suspensif. À défaut, elle demandait une proposition immédiate d'hébergement individuel lui permettant de s'occuper de manière adéquate de son nouveau-né, ce qu'elle ne pourrait faire au C______ D______, lieu disposant de sanitaires communs. Les plaintes du voisinage étaient contestées. Aucune base légale ne permettait de lui imposer un changement d'hébergement pour ce motif. La composition de sa famille lui permettait de prétendre à l'attribution d'un hébergement individuel.

12. Par décision sur opposition du 20 avril 2016, l'hospice a rejeté l'opposition de Mme A______.

Dans le cadre de ses obligations de fournir des prestations sociales aux requérants d'asile et statuts assimilés, telles les personnes en situation d'admission provisoire, le canton de Genève se devait d'héberger Mme A______ et ses enfants. Il se conformait à cette obligation par la mise à disposition d'hébergements dans des structures collectives ou individuelles. Le lieu et le type d'hébergement étaient décidés en fonction des places disponibles et des critères d'attribution. Une convention d'hébergement rappelait que l'hospice avait le choix du lieu d'hébergement attribué, et que l'intéressé devait s'engager à respecter les décisions prises à ce sujet, notamment en cas de changement de lieu d'hébergement.

En l'espèce, la décision prise était liée aux nuisances émanant du logement de Mme A______, en raison du comportement violent et inapproprié de ses enfants. Seul un hébergement bénéficiant d'un encadrement soutenu pourrait permettre de gérer la situation familiale difficile. L'hospice risquait de perdre la mise à disposition de l'appartement sis B______ à Vernier, s'il ne prenait pas des mesures de déplacement.

13. Par acte déposé le 20 mai 2016, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif ou à l'octroi de mesures provisionnelles, principalement à l'annulation de la décision attaquée, ainsi qu'à sa réintégration et celle de sa famille dans l'appartement sis B______ à Vernier, subsidiairement à ce qu'il lui soit attribué un hébergement individuel conforme à la composition familiale, « sous suite de frais et dépens ».

La décision querellée avait été prise à un moment où la situation familiale s'était nettement améliorée. Le service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) était en passe d'élargir son droit de visite sur son troisième enfant placé. Elle avait dû déménager en mars 2016, soit près de quatre mois après la naissance de son dernier enfant dans un hébergement collectif comprenant des sanitaires communs qui n'étaient pas adaptés à la situation d'un nouveau-né. Elle se plaignait d'une violation de son droit d'être entendue, en raison de l'absence de motivation sur le grief invoqué, soit l'inadéquation du lieu d'hébergement avec la prise en charge d'un nouveau-né. La décision n'était pas conforme au droit, car la loi ne permettait pas d'imposer un changement de lieu d'hébergement sur la base de simples plaintes de voisins, et que les comportements qui lui étaient reprochés n'avaient pas conduit à la résiliation du bail, seules conditions dans lesquelles il y avait possibilité de réduire ou supprimer une prestation d'aide sociale. En application des directives cantonales, elle avait droit à un logement individuel, puisqu'elle s'occupait d'un nouveau-né. En outre, la décision violait le principe de la proportionnalité.

14. Par décision du 26 mai 2016 rendue dans la cause A/1621/2016, le
vice-président du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique de Mme A______.

15. Par décision du 1er juin 2016 (ATA/465/2016), la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif au recours et rejeté la demande de mesures provisionnelles formulée à titre subsidiaire.

16. Le 14 juin 2016, l'avocate constituée pour assister Mme A______ a cessé d'occuper et révoqué l'élection de domicile en son étude.

17. Le 12 juillet 2016, l'hospice a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision sur opposition du 20 avril 2016.

En leur qualité de requérants d'asile au bénéfice d'un permis F, Mme A______ et ses enfants étaient liés à l'hospice par une relation de droit administratif. Les difficultés de la recourante à gérer sa situation familiale imposaient un hébergement dans un lieu disposant d'un encadrement plus soutenu, destiné à accueillir en priorité des familles avec de jeunes enfants, vu la présence de son nouveau-né. Selon la convention d'hébergement, l'hospice avait le choix du lieu et du type de logement mis à disposition, le dispositif hébergement étant limité. Mme A______ et sa famille bénéficiant encore d'un hébergement, la prestation d'aide sociale n'était ni supprimée ni réduite. Les manquements aux usages de l'immeuble dans lequel elle logeait avaient persisté, en dépit de plusieurs rappels. Elle-même avait demandé à diverses reprises à pouvoir changer de lieu d'hébergement pour vivre séparée de sa fille aînée. Mme A______ ne démontrait pas disposer d'un degré d'autonomie suffisant. Au contraire, elle éprouvait de grandes difficultés dans la gestion du quotidien. Ces considérations justifiaient une modification du lieu d'hébergement.

Dans ses écritures, l'hospice a informé pour la première fois la chambre administrative que le logement sis B______ à Vernier avait été restitué à son propriétaire le 30 avril 2016.

18. Le 22 juillet 2016, le juge délégué a transmis à Mme A______ la réponse de l'hospice lui fixant un délai au 3 août 2016 pour formuler d'éventuelles observations. La recourante n'a produit aucune écriture dans le délai imparti.

19. Le 19 août 2016, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 52 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LIASI - J 4 04 ; art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Aux termes de l’art. 60 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée.

Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162
consid. 2.1.2).

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2). Si l’intérêt actuel fait défaut lors du dépôt du recours, ce dernier est déclaré irrecevable (ATF 139 I 206 consid. 1.1) ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 137 I 23 consid. 1.3.1).

Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée, ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1).

b. L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1019/2016 du 6 décembre 2016 consid. 15a).

c. En l'espèce, l'hospice a restitué à son propriétaire l'appartement sis B______ à Vernier le 30 avril 2016, soit après le dépôt du recours. À défaut de contrat de bail portant sur ce bien immobilier, l'hospice n'est plus en mesure de le mettre à disposition de la recourante.

Il en découle que le recours traité, déposé le 20 mai 2016, en tant qu'il concerne à titre principal la réintégration de la recourante et de sa famille dans le logement sis B______ à Vernier, est devenu sans objet. L'objet du litige consiste uniquement à déterminer si l'hospice était fondé à mettre fin à l'hébergement de la recourante dans l'appartement sis B______ à Vernier dès le 3 mars 2016 pour la placer au C______ D______, sans lui proposer de logement individuel.

3. La recourante sollicite la comparution personnelle des parties ainsi que l'audition de témoins.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 p. 157 ; 138 V 125 consid. 2.1 p. 127 ; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; ATA/73/2017 du 31 janvier 2017 consid. 4a). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2) ni celui d'obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 p. 428 ; ATA/356/2016 du 26 avril 2016).

En l'espèce, l'audition de la recourante et de l'intimé n'apporteraient pas d'éléments supplémentaires, ceux-ci s'étant déterminés par écrit sur les fait de la cause, et ayant produit toutes les pièces utiles au cours des échanges d'écritures. La chambre administrative dispose ainsi d’un dossier complet lui permettant de se prononcer sur les griefs soulevés par la recourante en toute connaissance de cause. De plus, les éléments à propos desquels les auditions sont requises portent sur des faits étayés par les pièces versées à la procédure, ou non pertinents pour l'issue du litige.

Il ne sera dès lors pas donné suite à sa requête d'instruction.

4. Dans un autre grief lié à la violation du droit d'être entendu, la recourante soutient que l'hospice aurait insuffisamment motivé sa décision sur opposition quant à l'impossibilité pour elle de mener une existence décente avec un nouveau-né au C______ à D______.

a.              Le droit d’être entendu implique également pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Il suffit toutefois que l’autorité ou le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237 ; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270 ; 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 ; 133 III 439 consid. 3.3 p. 445 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_382/2013 du 30 juillet 2013 consid. 2.2). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_970/2013 du 24 juin 2014 consid. 3.1 et 6B_1193/2013 du 11 février 2014 consid. 1.2). Une réparation d'une violation du droit d'être entendu devant l’instance de recours est possible si
celle-ci jouit du même pouvoir d’examen que l’autorité intimée (ATF 138 I 97 consid. 4.16.1 p. 103 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197 s. ; 133 I 201 consid. 2.2 p. 204 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_572/2011 du 3 avril 2012 consid. 2.1 et les références citées ; 1C_161/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 8C_104/2010 précité consid. 3.2 ; 5A_150/2010 du 20 mai 2010 consid. 4.3 ; 1C_104/2010 du 29 avril 2010 consid. 2 ; ATA/572/2014 du 29 juillet 2014 consid. 2). Si la décision n’a pas été motivée, l’intéressé qui a recouru recevra connaissance des motifs par le mémoire de réponse de l’autorité et sera autorisé à répliquer (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Traité de droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2011, n. 2.2.8.5 p. 355 et 356 et les références citées).

b.             En l’espèce, l'intimé fonde principalement sa décision du 11 février 2016 et celle sur opposition du 20 avril 2016 sur les manquements de la recourante et de ses enfants dans l'utilisation du logement mis à leur disposition, sis B______ à Vernier.

Si la décision sur opposition querellée ne s'attarde pas sur la question de la compatibilité d'un hébergement au C______ D______ avec la présence d'un nouveau-né, il n'en demeure pas moins que l'intimé a largement évoqué les motifs ayant présidé à son choix, tout en décrivant précisément la situation familiale difficile de la recourante, qu'elle ne conteste d'ailleurs pas.

Dans son mémoire de réponse du 12 juillet 2016, l'intimé a également précisé que la destination principale du C______ D______ à accueillir en priorité des familles avec de jeunes enfants avait conforté sa décision d'attribution d'un hébergement dans ce lieu. Ainsi, en tous les cas, la violation du droit à la motivation aurait été réparée devant la chambre de céans.

Le grief de défaut de motivation est infondé.

5. En procédure administrative genevoise, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

6. La recourante considère que l'hospice a violé le principe de la légalité, dans la mesure où sa décision ne reposerait pas sur une base légale suffisante, la loi ne permettant pas d'imposer un changement de lieu d'hébergement sur la base de plaintes du voisinage. Selon elle, l'hospice a également violé les directives cantonales en ne lui attribuant pas un logement individuel, alors qu'elle en remplirait les conditions, et s'occupe d'un nouveau-né.

7. a. La recourante est titulaire d'un permis F, au bénéfice d'une admission provisoire au sens des art. 83 ss de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr – RS 142.20).

b. À teneur de l'art. 86 al. 1 LEtr, les cantons règlent la fixation et le versement de l'aide sociale et de l'aide d'urgence destinées aux personnes admises provisoirement. Les art. 80a à 84 de la loi sur l'asile du 26 juin 1998 (LAsi – RS 142.31) imposant aux cantons une obligation de fournir des prestations d'aide sociale et d'aide d'urgence aux requérants d'asile ou statuts assimilés sont applicables. S'agissant de l'aide sociale, les réfugiés admis provisoirement sont soumis aux mêmes dispositions que les réfugiés auxquels la Suisse a accordé l'asile.

c. Dans le canton de Genève, les personnes admises à titre provisoire ont droit aux prestations d'aide financière prévues par la LIASI, conformément à l'art. 11 al. 1 et 2 de cette loi. D'une manière générale, les bénéficiaires des prestations sociales sont soumis à une obligation de collaborer avec l'hospice (art. 3, 32 et 33 LIASI).

d. Dans ce contexte, le département de la solidarité et de l'emploi, devenu depuis lors le département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé, a édicté des directives cantonales en matière de prestations d’aide sociale et financière aux requérants d’asile et statuts assimilés (ci-après : les directives cantonales, consultables sur le site : http://www.hospicegeneral.ch/prestations/requerants-dasile.html), dont la dernière version, annulant et remplaçant les précédentes, est entrée en vigueur le 1er janvier 2011.

Celles-ci sont des ordonnances administratives dont les destinataires sont ceux chargés de l'exécution d'une tâche publique, et non pas les administrés. Elles ne sont pas publiées dans le recueil officiel de la collectivité publique et ne peuvent donc avoir pour objet la situation juridique de tiers. La directive en cause est toutefois une directive interprétative qui exerce un effet sur la situation des tiers. L'ordonnance administrative ne lie pas le juge, mais celui-ci la prendra en considération, surtout si elle concerne des questions d'ordre technique ; il s'en écartera cependant s'il considère que l'interprétation qu'elle donne n'est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ATA/668/2015 du 23 juin 2015 consid. 4b ; ATA/306/2010 du 4 mai 2010 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 420 ss § 2.8.3).

Selon ces directives, l’hospice est chargé des tâches d’assistance incombant au canton en vertu de la législation fédérale sur l’asile (art. 1 directives cantonales). Les bénéficiaires des prestations sont notamment les personnes au bénéfice d’une admission provisoire disposant d’un droit de séjour sur le territoire genevois en vertu de la LAsi et de la LEtr, dans les limites de validité de leur permis F (art. 3 directives cantonales). Les prestations sont délivrées soit en nature, soit en espèces, proportionnellement aux ressources du bénéficiaire et de son groupe familial, les prestations remises en nature pouvant leur être facturées (art. 6 directives cantonales). Parmi les prestations offertes figure la couverture des besoins de base et notamment l’hébergement (art. 6.2 directives cantonales). Le lieu et le type d’hébergement sont décidés par l’hospice, en fonction des places disponibles et des critères d’attribution communiqués au bénéficiaire. Lorsque l’hébergement et les frais y relatifs sont fournis en nature, l’hospice met à disposition du bénéficiaire un hébergement dans une structure collective ou individuelle ; dans ce dernier cas, le bail du logement mis à disposition est au nom de l’hospice. Le bénéficiaire signe alors une convention d’hébergement définissant les droits et devoirs des parties signataires (art. 6.2.5 let. a directives cantonales). Le bénéficiaire qui a conclu un bail à loyer en son nom propre peut bénéficier d’une contribution financière aux conditions et limites définies aux chapitres 9.5.2 et 10.3 des directives cantonales (art. 6.2.5 let. b Directives cantonales).

e. L’art. 3 de la convention d’hébergement conclue le 28 août 2006 entre la recourante et l’hospice précise notamment que le requérant d'asile s'engage à user des locaux avec soin et à les maintenir en bon état et propres, ne pas user de violences, respecter le voisinage et ne pas faire de bruit, maintenir en état de propreté les jardins et les cours, ainsi qu'à prendre toute disposition pour veiller à la protection de ses biens personnels et des personnes qui font ménage commun avec lui.

L’art. 5 de ladite convention relève qu’un non-respect de l’une de ses conditions peut entraîner la résiliation anticipée de la convention et l’obligation pour le requérant d’asile de libérer le lieu d’hébergement, sans qu’un autre logement ne soit proposé par l’AMIG. Ce sera le cas en particulier pour des violences verbales ou physiques envers autrui ainsi que pour non-respect du voisinage et des autres occupants du lieu d'hébergement.

f. Dans une jurisprudence récente (ATA/268/2017 du 7 mars 2017 consid. 2 et 6, confirmant ATA/605/2014 du 29 juillet 2014 consid. 4 et 5), la chambre de céans a rappelé que les bénéficiaires d'un hébergement mis à disposition par l'hospice étaient liés par un rapport de droit public, en particulier de droit administratif, découlant de leur statut et des prestations sociales dont ils bénéficiaient. Dans ce cadre, le bénéficiaire était lié à l'hospice par la convention d'hébergement à laquelle il devait se conformer. À défaut, l'hospice pouvait mettre fin à l'hébergement et en attribuer un autre au bénéficiaire, sans lui en laisser le choix.

8. En l’espèce, l'appartement sis B______ à Vernier avait été mis à disposition de la recourante et ses enfants après leur arrivée en Suisse (ou à leur naissance) dans le cadre d'une relation d'assistance de droit public liant l'intimé aux bénéficiaires des prestations sociales qu'il fournit conformément aux directives en matière d'asile. Dans ce contexte, la recourante a signé une convention d'hébergement le 28 août 2006, puis un engagement le 5 mars 2015, à teneur desquels elle s'engageait à respecter les décisions de l'hospice, en particulier à respecter le voisinage et les autres occupants du lieu d'hébergement, ne pas mettre l'hébergement à disposition de tiers, ainsi qu'à accepter de changer de lieu d'hébergement à la demande de l'intimé, en cas de nécessité. Elle prenait également acte du fait que les bénéficiaires avaient droit à un hébergement, mais n'avaient pas le choix de celui-ci et devaient accepter celui qui leur était attribué par l'hospice. Ces actes liaient aussi les enfants de la recourante dans la mesure où ils vivaient sous le même toit.

Sur une période d'au moins trois ans (entre 2011 et 2015), l'intimé a dû intervenir à plusieurs reprises auprès de la recourante afin de lui rappeler de se conformer aux usages de l'immeuble et de respecter les locaux, sans percevoir d'amélioration concernant sa situation familiale. Le 7 mars 2012, un assistant social de l'hospice s'est notamment rendu sur place afin d'apaiser la situation. Il s'est alors entretenu avec la recourante, la fille aînée de celle-ci ainsi que la voisine du dessous, ce qui n'est pas contesté. Tel n'est pas non plus le cas des difficultés familiales rencontrées, en particulier avec les enfants de la recourante, lesquelles ont justifié le placement dans un centre de jour ou la séparation d'avec leur mère de trois d'entre eux. Ces difficultés familiales sont pourtant à l'origine des troubles du voisinage reprochés.

Malgré les dénégations de la recourante, ces éléments rendent crédibles les plaintes du voisinage transmises par la régie, dont elle a été informée immédiatement par l'hospice, par oral et par écrit. Il en va de même de la mise à disposition non autorisée de la cave à des tiers, à laquelle la recourante a aussi été invitée à remédier en vidant le local des affaires ne lui appartenant pas.

Compte tenu de la violation par la famille de la recourante de ses obligations concernant l'appartement sis B______ à Vernier, l'hospice était fondé à mettre un terme à son hébergement en ce lieu, pour les motifs qu’il a exposés dans sa décision et rappelés dans sa réponse au recours.

En outre, l’hospice a attribué un nouveau lieu d’hébergement à la recourante et ses enfants dont ils bénéficient encore aujourd’hui, sans menace de suppression ou de modification, de sorte qu'il a agi conformément à la Constitution, la LEtr, la LAsi, la LIASI et les directives cantonales. La recourante se plaint d’avoir été placée dans un foyer avec ses enfants mais elle ne dispose pour ce type de prestations administratives d'aucun droit à choisir le lieu ou le type d'hébergement, notamment un logement individuel, ainsi que cela lui a été rappelé dans la convention d'hébergement du 28 août 2006 et l'engagement du 5 mars 2015.

Au vu de ce qui précède, la chambre administrative constatera que l'hospice a respecté ses obligations légales. La décision querellée est conforme au droit applicable, sans qu’il y ait lieu d’examiner en particulier, s’agissant d’administration de prestation, si le dispositif d’hébergement mis en œuvre, lequel est adéquat, contreviendrait au principe de la proportionnalité, ainsi que la recourante le prétend.

Le recours sera donc rejeté.

9. Vu la nature et l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 1 et 2 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 mai 2016 par Madame A______ contre la décision sur opposition de l'hospice général du 20 avril 2016 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, ainsi qu'à l'hospice général.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :