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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1621/2016

ATA/465/2016 du 01.06.2016 ( AIDSO ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1621/2016-AIDSO ATA/465/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 1er juin 2016

sur mesures provisionnelles et effet suspensif

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Virginie Jordan, avocate

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



Attendu, en fait, que :

1. Par contrat de bail, Madame A______ et ses quatre enfants, se sont vu mettre à disposition depuis le 12 septembre 2006 un appartement de quatre pièces dans un immeuble social sis B______, en tant que titulaire d’un permis « F » et d’une autorisation d’admission provisoire.

2. À son entrée dans les locaux, l’intéressée a signé une convention d’hébergement, à teneur de laquelle elle s’engageait à respecter les décisions prises par l’aide aux requérants d’asile, devenue depuis lors l’aide aux migrants (ci-après : AMIG).

3. En raison de plaintes répétées des autres locataires de l’immeuble au sujet du comportement de plusieurs des enfants de Mme A______ et du sien propre, après plusieurs lettres d’avertissement ou interventions des services sociaux entre 2011 et 2015, le service Administratif Hébergement de l’AMIG, par décision du 11 février 2016, déclarée exécutoire nonobstant recours, a mis fin à l’hébergement de la famille dans l’appartement de B______ et lui a attribué à un nouveau lieu d’hébergement au CHC C______.

4. Le 3 mars 2016, Mme A______, ainsi que quatre de ses cinq enfants - l’une de ses filles ayant été placée dans un centre avec encadrement après retrait de la garde - ont emménagé au CHC C______.

5. Le 7 mars 2016, Mme A______ a fait opposition à la décision de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) du 3 mars 2016, en concluant à la restitution de l’effet suspensif à la décision administrative du 11 février 2016. À défaut, elle concluait à une proposition immédiate d’hébergement individuel qui lui permettrait de s’occuper adéquatement de son bébé, ce qu’elle considérait ne pas pouvoir faire dans son nouveau lieu d’hébergement.

6. Par décision sur opposition du 20 avril 2016, l’hospice a rejeté l’opposition de Mme A______.

Dans le cadre de ses obligations de fournir des prestations sociales aux requérants d’asile et statuts assimilés, telles les personnes en situation d’admission provisoire, le canton de Genève se devait d’héberger Mme A______ et ses enfants. Il se conformait à cette obligation par la mise à disposition d’hébergements dans des structures collectives ou individuelles. Le lieu et le type d’hébergement étaient décidés en fonction des places disponibles et des critères d’attribution. Une convention d’hébergement rappelait que l’hospice général avait le choix du lieu d’hébergement attribué et que l’intéressé devait s’engager à respecter les décisions prises à ce sujet, notamment en cas de changement de lieu d’hébergement.

En l’espèce, la décision prise était liée aux nuisances émanant du logement de Mme A______, en raison du comportement violent et inapproprié de ses enfants. Seul un hébergement bénéficiant d’un encadrement soutenu pourrait permettre de gérer la situation familiale difficile. L’hospice risquait de perdre la mise à disposition de l’appartement occupé à B______, s’il ne prenait pas des mesures de déplacement.

7. Par acte déposé au guichet de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) Mme A______ a interjeté un recours contre la décision sur opposition du 20 avril 2016 reçue le 21 avril 2016, en concluant à son annulation et à sa réintégration et celle de sa famille dans l’appartement du chemin B______, subsidiairement à ce qu’il lui soit attribué un hébergement individuel conforme à la composition familiale. La décision querellée avait été prise à un moment où la situation familiale s’était nettement améliorée. Elle avait dû déménager en mars 2016, soit près de quatre mois après la naissance de son dernier enfant dans un hébergement collectif comprenant des sanitaires communs qui n’étaient pas adaptés à la situation d’un nouveau-né.

Elle se plaignait d’une violation de son droit d’être entendue, en raison de l’absence de motivation sur le grief qu’elle avait invoqué, soit l’inadéquation du lieu d’hébergement avec la prise en charge d’un nouveau-né. La décision n’était pas conforme au droit, car la loi ne permettait pas d’imposer un changement de lieu d’hébergement sur la base de simples plaintes de voisins et que les comportements qui lui étaient reprochés n’avaient pas conduit à la résiliation du bail, seules conditions dans lesquelles il y avait possibilité de réduire ou supprimer une prestation d’aide sociale. En application des directives cantonales, elle avait droit à un logement individuel, puisqu’elle s’occupait d’un nouveau-né. En outre, la décision violait le principe de la proportionnalité.

Considérant en droit, que

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est, prima facie, recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26  septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La compétence pour ordonner, d’office ou sur requête, des mesures provisionnelles en lien avec un recours appartient au président, respectivement au vice-président, de la chambre administrative (art. 7 ch. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ; ci-après : le règlement).

3. Au nombre des mesures provisionnelles qui peuvent être ordonnées, figurent la restitution ou le retrait de l’effet suspensif au recours (art. 66 al. 1 LPA), ainsi que les mesures destinées à régler provisoirement la situation jusqu’à droit jugé sur le recours (art. 21 al. 1 LPA).

4. Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif, à moins que l’autorité qui a pris la décision n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA).

5. a. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire.

b. Si la décision a déjà été exécutée, se pose la question de l’intérêt actuel à la restitution de l’effet suspensif. Si la décision déjà exécutée s’inscrit dans la durée, l’intérêt à obtenir la restitution de l’effet suspensif perdure. Il est toutefois inopérant face à des décisions exécutées sans autres répercussions dans le temps, car il ne saurait rétroagir (Cléa BOUCHAT, l’effet suspensif en procédure administrative, 2015, p. 101 n. 271).

En l’occurrence, la recourante sollicite la restitution de l’effet suspensif au recours qu’elle a déposé contre une décision déjà exécutée, puisque le déménagement ordonné a eu lieu le 3 mars 2016. Sa requête, sous l’angle de l’art. 66 al. 1 LPA ne peut qu’être rejetée, dans la mesure où une restitution de l’effet suspensif ne lui permettrait pas d’obtenir la réintégration qu’elle souhaite. Dans la situation où se trouve actuellement la recourante, sa démarche ne peut être traitée que sous l’angle des autres mesures provisionnelles, au sens de l’art. 21 LPA.

6. À teneur de l’art. 21 LPA, l’autorité administrative peut, d’office ou sur requête, ordonner des mesures provisionnelles lorsqu’il est nécessaire de régler provisoirement la situation en cause, jusqu’au prononcé de la décision finale.

Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, de telles mesures ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis sans anticiper le jugement définitif (ATF 127 II 132 consid. 3= RDAF 2002 p. 405 (résumé) ; ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/198/2016 précité ; ATA/178/2016 du 25 février 2016 ; ATA/1/2016 du 4 janvier 2016 ; ATA/1383/2015 du 23 décembre 2015). Elles visent à protéger un état de fait et ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, p. 265).

7. En l’occurrence, la recourante sollicite, jusqu’à droit jugé sur son recours, de pouvoir réintégrer l’appartement mis à disposition par l’hospice et qu’elle a déjà quitté. Une mesure provisionnelle visant à ordonner une telle réintégration se confondrait avec la décision à prendre sur le fond, en l’anticipant, puisque la recourante n’occupe plus l’appartement du chemin B______. La question de la conformité au droit de la décision de l’hospice de lui imposer le déménagement et une installation dans un autre centre d’hébergement fera l’objet de l’instruction et de la décision de la chambre administrative sur le fond. Dans l’intervalle, en l’absence de situation à préserver, il ne peut être entré en matière sur des mesures provisionnelles au sens de l’art. 21 LPA, qui contraindrait l’autorité décisionnaire à modifier la situation actuelle de logement de la recourante et de sa famille.

8. La requête en restitution de l’effet suspensif ou au prononcé de mesures provisionnelles, manifestement mal fondée, sera rejetée sans ouverture d’instruction sur mesures provisoires (art. 72 LPA). Le sort des frais sera réservé jusqu’à jugement au fond.

* * * * *


LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où elle est recevable, la requête en restitution de l’effet suspensif au recours interjeté le 20 mai 2016 par Madame A______ contre une décision sur opposition de l’Hospice général du 20 avril 2016, traitée également comme requête en mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à la recourante, ainsi qu'à l'Hospice général.

 

 

Le président :

 

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :