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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3322/2013

ATA/605/2014 du 29.07.2014 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE PUBLIQUE ; BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS D'ASSISTANCE ; PRESTATION(SENS GÉNÉRAL) ; RESSORTISSANT ÉTRANGER ; ADMISSION PROVISOIRE ; FRAIS D'ENTRETIEN ET DE LOGEMENT ; COMPÉTENCE RATIONE MATERIAE
Normes : LOJ.132; LEtr.86; LASI.80ss; LIASI.11; Directives cantonales en matière de prestations d'aide sociale aux requérants d'asile et statuts assimilés
Résumé : Les recourants sont liés à l'Hospice général par un rapport de droit public, découlant de leur statut et des prestations sociales dont ils bénéficient depuis plusieurs années, et non par un contrat de bail à loyer. La chambre administrative est ainsi compétente pour statuer sur la décision de fin d'hébergement des recourants et de leur groupe familial dans une villa devenue vétuste. Dès lors qu'ils ne se sont pas conformés à la décision de l'hospice, alors qu'ils s'y étaient engagés, et que leur refus de déménager dans le nouveau logement qui leur était proposé n'apparaît pas justifié, le recours est rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3322/2013-AIDSO ATA/605/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 juillet 2014

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______
représentés par Me Nils De Dardel, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1961 et originaire de Somalie, est arrivée en Suisse en qualité de requérante d'asile le 9 août 1996.

2) Elle est mère de neuf enfants, nés entre 1980 et 2000, dont les deux cadets sont encore mineurs, soit :

-                 Monsieur B______ ;

-                 Madame C______ ;

-                 Monsieur D______ ;

-                 Monsieur E______ ;

-                 Monsieur F______ ;

-                 Monsieur G______ ;

-                 Madame H______ ;

-                 Madame I______ ;

-                 Monsieur J______.

3) Le 11 novembre 1997, l'Hospice général (ci-après : l'hospice) a conclu un contrat de bail à loyer avec Monsieur K______, représenté par la société L______ SA, portant sur une villa de six pièces sise avenue K______ __, 1203 Genève, moyennant un loyer mensuel de CHF 2'000.-, frais accessoires, notamment chauffage et eau chaude, non compris. Le locataire devait en sus prendre à sa charge les frais liés à l'entretien de la villa, du chauffage et du jardin, ainsi que le ramonage officiel.

4) Ce logement a été mis à la disposition de Mme A______ et ses enfants dès le 29 septembre 1998, date à laquelle l'intéressée a signé avec l'hospice, soit son département d'information et d'aide sociales, service de l'hébergement (ci-après : DIAS), une convention d'hébergement.

L'hospice hébergeait en deuxième accueil et jusqu'à leur indépendance financière les requérants d'asile et les personnes admises provisoirement, mettant à leur disposition des appartements ou parties de villas et veillant à leur installation et aux bonnes conditions d'hébergement. Les équipements pouvaient cependant être semi-collectifs, les possibilités de logement étant limitées aux critères de l'office fédéral des réfugiés (devenu depuis l’office fédéral des migrations).

Mme A______ et ses enfants étaient tenus de participer aux frais d'hébergement en cas d'indépendance financière. Ils s'engageaient par ailleurs à respecter toute décision du DIAS conformément aux directives fédérales et cantonales en matière d'assistance aux requérants d'asile, à maintenir les locaux et le matériel en bon état, en participant cas échéant aux travaux d'entretien et de réparation, ainsi qu'à changer d'hébergement à la demande du DIAS.

5) Le 2 avril 2003, Mme A______ a signé avec l'aide aux requérants d'asile (ci-après : ARA) de l'hospice une nouvelle convention d'hébergement concernant la villa sise avenue K______ __. Dès le 9 avril 2003, elle s'engageait à nouveau, de même que ses enfants, à respecter les décisions de l'ARA, notamment à accepter de changer d'hébergement à la demande de celle-ci, si nécessaire. D'une manière générale, le requérant d'asile avait droit à un hébergement, mais n'avait pas le choix de celui-ci et devait accepter le logement que lui attribuait l'ARA. Les bénéficiaires s'engageaient également, au cas où ils réalisaient des revenus et ne recevaient qu'une assistance partielle, à s'acquitter d'une participation à leurs frais d'hébergement (ci-après : PFH), dont le montant leur était signifié par l'ARA.

6) Au fil du temps, la composition du groupe familial logeant dans la villa s'est modifiée, certains des enfants de l'intéressée ayant quitté la maison. D'autre part, Mme A______ et son fils D______ sont devenus titulaires du livret pour étrangers admis provisoirement (permis F). F______, G______, H______, I______ et J______ ont, quant à eux, acquis la nationalité suisse.

7) En fonction du nombre de personnes vivant dans la villa et des ressources financières de Mme A______ et de ses enfants qui n'étaient pas ou plus à sa charge, l'hospice leur a régulièrement adressé des factures de PFH, dont le montant était variable.

8) Le 14 février 2012, Mme A______ a fait part à l'hospice de son souhait de se voir attribuer un autre logement, cas échéant qu'il soit procédé à des travaux de rénovation, dans la mesure où l'état de la villa qu'elle occupait s'était considérablement dégradé.

9) Le 8 février 2013, compte tenu du mécontentement et des revendications de l'intéressée au sujet de son logement, l'ARA a informé Mme A______ que, dans la mesure où la remise en état de la villa engagerait des frais importants et où l'hospice souhaitait restituer l'objet à brève échéance, il ne serait pas exécuté de travaux d'entretien et de rénovation. Toutefois, l'ARA lui proposait l'attribution d'un nouveau logement dont la configuration correspondait à son groupe familial, soit un appartement de cinq pièces sis chemin de L______ __, 1219 Châtelaine.

10) Par courrier du 1er mars 2013 faisant suite à un entretien téléphonique du même jour, l'assistante sociale en charge du dossier de Mme A______ lui a confirmé un rendez-vous pour visiter l'appartement précité le 6 mars 2013.

11) Le 4 avril 2013, l'ARA a relevé que Mme A______ ne s'était pas présentée, ni excusée, à la visite de l'appartement. Sans nouvelles de la part de l'intéressée, son déménagement prévu pour le 13 mai 2013 était définitif et aucun autre bien ne lui serait proposé.

12) Le 19 avril 2013, Mme A______ a sollicité, sous la plume de son conseil, de pouvoir rester dans son logement jusqu'au début des travaux de démolition de la villa, prenant l'engagement de la libérer à cette échéance et de l'entretenir en procédant à ses frais aux menus travaux s'avérant nécessaires. L'appartement de cinq pièces qui lui était proposé ne pouvait convenir, au vu de sa situation familiale. Elle et ses enfants étaient à la recherche d'un autre logement, par leurs propres moyens. L'hospice pouvait attribuer l'appartement sis chemin de L_____ ____ à une autre famille.

13) Le 7 mai 2013, l'ARA a réitéré la proposition d'emménagement dans l'appartement sis chemin de L______ ____ et vivement encouragé Mme A______ à l'accepter. À la connaissance de l'hospice, aucun projet de démolition de la villa n'était prévu ; il allait cependant résilier son contrat de bail à brève échéance en raison de l'état de vétusté avancé de ce logement, entraînant une dangerosité importante. C'est pourquoi il avait été proposé à l'intéressée et sa famille de déménager dans un appartement se trouvant dans le même quartier, ce à titre exceptionnel compte tenu de la rareté du type de bien dont il s'agissait. Lorsque la restitution de la villa s'avérerait nécessaire, les seules propositions de relogement pouvant être faites à Mme A______ et sa famille allaient être des places en foyer collectif.

14) Le 16 mai 2013, par l'intermédiaire de son nouveau conseil, Mme A______ a estimé qu'elle et son fils D______ se trouvaient au bénéfice d'un contrat de bail au sens de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) portant sur la villa sise avenue K______ ____, dès lors qu'ils y habitaient moyennant le paiement d'un loyer. Or, aucun congé valable ne leur avait été notifié. Ils avaient rencontré le propriétaire de la villa, lequel ignorait d'une part que l'hospice avait l'intention de résilier le bail principal et, d'autre part, les défauts de l'immeuble, dont ils demandaient la réparation d'ici au 15 août 2013. Ils consigneraient les loyers dès septembre 2013 si les travaux de remise en état n'étaient pas effectués dans ce délai.

15) Par décisions administratives adressées le 18 juin 2013 à Mme A______, respectivement D______, l'ARA a mis fin à l'hébergement de la famille dans la villa sise avenue K______ _____ et lui a attribué un nouveau logement sis chemin de L______ ____. Le changement de lieu d'hébergement était fixé au 31 juillet 2013. Les décisions étaient immédiatement exécutoires, nonobstant opposition.

16) Le 18 juin 2013, l'ARA a également répondu au conseil des intéressés, contestant qu'ils fussent titulaires d'un contrat de bail à loyer ; l'hospice avait hébergé Mme A______ et ses enfants sur la base de dispositions de droit administratif, en leur qualité de requérants d'asile ou admis provisoirement.

17) Par courrier de leur conseil du 18 juillet 2013, Mme A______ et son fils D______ ont formé opposition aux décisions précitées.

18) Le 22 juillet 2013, la direction de l'hospice a restitué d'office l'effet suspensif à l'opposition des intéressés du 18 juillet 2013. L'appartement sis chemin de L______ ____ allait néanmoins être attribué à d'autres bénéficiaires dès le 31 juillet 2013.

19) Par décision sur opposition du 20 septembre 2013, la direction de l'hospice a rejeté l'opposition de Mme A______ et de son fils D______ du 18 juillet 2013, et confirmé les décisions du 18 juin 2013 en tant qu'elles avaient mis fin à l'hébergement de l'intéressée et de ses enfants dans la villa qu'ils occupaient. Un nouveau lieu d'hébergement leur serait attribué lorsque la décision deviendrait définitive et exécutoire.

La villa dont il s'agissait était destinée à l'hébergement de personnes requérantes d'asile ou admises provisoirement, afin de permettre à l'hospice d'exercer l'une de ses principales missions, conférée notamment par la législation en matière d'asile.

Depuis que la villa avait été attribuée à Mme A______ et ses enfants en 1998, le cercle familial s'était réduit ; C______ avait quitté la maison en juillet 2002, B______ en avril 2012, G______ en juin 2013 et E______ en juillet 2013. Le montant de la PFH dépendant du nombre d'occupants du logement, il avait été revu à chaque modification de la composition du groupe familial ; un courrier était alors envoyé à l'intéressée afin de l'informer du nouveau montant de sa PFH. Pour l'année 2013 et comme par le passé, l'hospice avait adressé à Mme A______ et son fils D______ des factures afin qu'ils s'acquittent de leurs PFH respectives, lesquelles portaient la mention « participation aux frais d'hébergement » et indiquaient le mois concerné. Les PFH des enfants majeurs et mineurs à la charge de l'intéressée étaient comprises dans ces factures.

Le montant total des PFH facturées à la famille s'était élevé à CHF 1'785.70 en janvier et février 2013, CHF 1'750.- en mars, avril et mai 2013, CHF 1'500.- en juin 2013 et CHF 2'000.- depuis le mois de juillet 2013.

Mme A______ avait participé aux frais de son hébergement et de celui de certains de ses enfants à hauteur de CHF 1'500.- de janvier à mai 2013, de CHF 1'250.- en juin 2013 et CHF 1'666.60 dès juillet 2013. Elle était à jour dans le paiement de ses factures de PFH. D______ s'était quant à lui vu facturer des montants de CHF 285.70 en janvier et février 2013, CHF 250.- de mars à juin 2013 et CHF 333.40 dès juillet 2013. Cependant, il ne s'était acquitté depuis 2009 que de la facture de PFH de juillet 2013 et comptabilisait une dette de CHF 5'082.10 au titre de PFH impayées.

L'hospice n'avait pas pour habitude de faire visiter aux bénéficiaires les logements qui leur étaient attribués, l'ARA n'étant pas une régie et les usagers n'ayant pas le choix de leur hébergement. C'était dès lors à titre exceptionnel qu'une telle visite avait été fixée avec Mme A______, afin qu'elle s'assure que l'appartement de cinq pièces sis chemin de L______ ____ était adéquat avec sa situation familiale. Elle ne s'y était toutefois pas présentée à la date convenue, sans s'excuser. Mme A______ et ses enfants avaient refusé de changer de lieu d'hébergement le 13 mai 2013.

Contrairement à ce qu'avaient affirmé les intéressés dans leur opposition du 18 juillet 2013, plusieurs éléments démontraient que l'hospice n'avait pas conclu de contrat de bail avec eux et n'en avait jamais eu la volonté. La relation qui les liait découlait du droit administratif. En qualité de requérante d'asile, puis d'admise provisoirement, Mme A______ avait signé des conventions d'hébergement avec le DIAS, puis l'ARA, à teneur desquelles elle n'avait pas le choix de son logement. Elle s'était ainsi engagée à respecter toute décision prise à ce sujet. Ni elle, ni ses enfants auxquels avaient été adressées les factures, n'avaient jamais payé de loyer ; ils s'étaient uniquement acquittés de leur PFH, déterminée par leur situation financière et familiale. La mise à disposition de leur logement constituait, ainsi qu'elle était désignée sur les factures de PFH, une prestation réservée aux bénéficiaires concernés par les directives en matière d'asile. De plus, les sommes versées au titre de PFH par Mme A______, cas échéant ses enfants, n'équivalaient pas nécessairement au prix du loyer que payait l'hospice au propriétaire de la villa, soit CHF 2'000.-, et ne couvraient en aucun cas les charges et frais accessoires, assumés exclusivement par le locataire. Bien que D______ n'eût souvent pas payé ses PFH, il n'avait pas été procédé à une résiliation du bail, ni à une mise en demeure. Enfin, si l'intéressée et son fils avaient été colocataires de la villa, le montant de leur loyer leur aurait été facturé sur un seul bulletin de versement, chaque mois pour le même montant.

Le fait que plusieurs des enfants de Mme A______ aient acquis la nationalité suisse n'était pas pertinent, dans la mesure où ils étaient encore à la charge de leur mère, cas échéant avaient quitté le domicile familial.

L'appartement de cinq pièces attribué aux intéressés correspondait à la composition du groupe familial, comptant six personnes depuis le mois de juillet 2013. Le séjour étant comptabilisé comme une chambre, un tel logement était destiné à accueillir sept personnes. L'ARA avait pour mission d'assurer aux bénéficiaires une couverture de leurs besoins de base, non de leur fournir un logement correspondant en tous points à leurs souhaits.

20) Par acte du 17 octobre 2013, Mme A______ et son fils D______ ont recouru, par le biais de leur conseil, auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation.

Ils occupaient la villa de six pièces sise avenue K______ ____ pour laquelle ils avaient toujours payé un loyer à l'hospice, à ce jour de CHF 2'000.- par mois. À teneur d'une attestation de logement délivrée par l'ARA le 22 juin 2009, la participation de l'intéressée s'élevait à CHF 1'500.- par mois, tandis que la participation forfaitaire de ses fils majeurs D______ et E______se montait à CHF 131.25 chacun par mois.

La mise à disposition d'un logement par l'hospice moyennant une contre-prestation financière ne reposait pas sur une base légale ou règlementaire de droit administratif. L'hospice était locataire de la villa, versait au propriétaire un loyer de CHF 2'000.- et sous-louait aux recourants ce logement pour un loyer du même montant. Aucune disposition de droit public et de droit administratif n'était susceptible de l'emporter sur les dispositions du CO relatives au contrat de bail à loyer, notamment l'art. 253.

La solution de relogement qui leur avait été proposée était un appartement beaucoup trop petit compte tenu du nombre de membres de la famille et de la nécessité, pour les enfants, de disposer de suffisamment de place pour faire leurs devoirs.

L'hospice avait l'intention de résilier le bail principal pour échapper à la nécessité de devoir engager des frais de remise en état de la villa pour des raisons de salubrité et de sécurité, sans se préoccuper du montant de tels travaux, ni de faire valoir ses droits de locataire à l'égard du propriétaire de l'immeuble.

Les éventuelles prétentions de l'hospice étaient de la compétence des juridictions civiles, en particulier du Tribunal des baux et loyers.

21) Le 2 décembre 2013, l'hospice a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision sur opposition du 20 septembre 2013, dans les termes de laquelle il persistait.

Outre les factures de PFH adressées à Mme A______ et D______ en fonction de leur situation financière et familiale, l'hospice avait versé en 2012 et 2013 à E______ et G______ un montant de CHF 250.- chacun par mois à titre de participation financière à leur hébergement dans le cadre de l'aide financière dont ils bénéficiaient personnellement, à charge pour eux de remettre ce montant à leur mère.

Au 30 novembre 2013, la recourante comptabilisait une dette de CHF 2'833.-, étant précisé qu'elle ne s'était pas acquittée en mains de l'hospice des deux dernières factures de PFH pour les mois d'octobre et novembre 2013 de CHF 1'666.60 chacune, mais avait versé la somme totale de CHF 4'000.-, soit CHF 2'000.- par mois, aux services financiers du Pouvoir judiciaire à titre de consignation de loyer.

À la lumière des informations fournies par les membres de la famille, seules six personnes étaient encore domiciliées à l'avenue K______ _____, à savoir :

-                 Mme A______ ;

-                 M. D______ ;

-                 M. F______ ;

-                 Mme H______ ;

-                 Mme I______ ;

-                 M. J______.

I______ et J______, nés respectivement en 1997 et en 2000, étaient scolarisés. F______et H______, nés respectivement en 1989 et en 1993, étaient majeurs et à la charge de leur mère. La jeune fille étudiait en Grande-Bretagne et son frère avait repris des études en septembre 2013.

L'hospice n'avait jamais conclu de contrat de bail avec Mme A______ et ses enfants. La mise à disposition d'un logement géré par l'ARA constituait une prestation sociale réservée aux seuls bénéficiaires des directives en matière d'asile. La fourniture de cette prestation avait créé entre la famille et l'hospice une relation d'assistance et un rapport spécial de droit public, lesquels trouvaient leur fondement dans la loi.

22) Le 15 janvier 2014, Mme A______ et D______ ont, sous la plume de leur conseil, persisté dans les termes et conclusions de leur recours.

Si G______ avait bien quitté le logement familial en juin 2013, E______ était toujours domicilié à l'avenue K______ _____. L'avis de sortie le concernant était erroné, ce que démontrait le permis F lui ayant été délivré en septembre 2013. La villa était ainsi habitée par sept personnes, soit la recourante et six de ses enfants.

Il était exact que le montant total facturé chaque mois aux recourants s'élevait à CHF 2'000.- et que l'hospice prenait à sa charge les frais de combustible pour le chauffage, mais ce dernier avait mentionné sur des factures datant de 2009, 2010 et 2011 le terme de « loyer ». Les loyers dont s'acquittaient les recourants étaient en outre payables par mois échus. Les montants versés pour l'occupation de la villa l'étaient régulièrement et constituaient une prestation périodique. Même si l'hospice agissait à l'égard de la recourante et de ses enfants dans un but social, il pouvait aussi bien le faire par le biais d'un contrat de droit privé, en l'occurrence un contrat de bail à loyer.

Mme A______ contestait la version de l'hospice quant à la visite de l'appartement prévue pour le 6 mars 2013. Celle-ci avait bien été annoncée oralement à la recourante, mais la confirmation écrite de ce rendez-vous ne lui était parvenue qu'après le 6 mars 2013. L'intéressée avait alors tenté de joindre son assistante sociale, sans succès. Elle avait toutefois visité dans le même immeuble du chemin de L______ __ un appartement identique à celui qui lui était proposé et constaté qu'il s'agissait d'un quatre pièces et demie comprenant trois chambres, une chambrette (moins de 9 m2) et une cuisine.

23) Le 17 janvier 2014, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Selon l’art. 132 al. 1 et 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative, le recours étant ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

2) En l'espèce, le litige porte sur la décision de l'hospice de mettre fin à l'hébergement, dans une villa, de la recourante et de sa famille, bien que ces dernières aient refusé de changer de lieu d'hébergement, soit de déménager dans un appartement, situé dans le même quartier et adapté à la composition familiale, qui leur était proposé.

3) a. Mme A______ et D______ sont titulaires d'un permis F, au bénéfice d'une admission provisoire au sens des art. 83 ss de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20).

b. À teneur de l'art. 86 al. 1 LEtr, les cantons règlent la fixation et le versement de l'aide sociale et de l'aide d'urgence, destinées aux personnes admises provisoirement. Les art. 80 à 84 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31) imposant aux cantons une obligation de fournir des prestations d'aide sociale et d’aide d'urgence aux requérants d'asile ou statuts assimilés sont applicables. S'agissant de l'aide sociale, les réfugiés admis provisoirement sont soumis aux mêmes dispositions que les réfugiés auxquels la Suisse a accordé l'asile.

c. Dans le canton de Genève, les personnes admises à titre provisoire ont droit aux prestations d'aide financière prévues par la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), conformément à l'art. 11 al. 1 et 2 de cette loi. D'une manière générale, les bénéficiaires des prestations sociales sont soumis à une obligation de collaborer avec l'hospice (art. 3, 32 et 33 LIASI).

4) a. Dans ce contexte, le département de la solidarité et de l'emploi, devenu depuis lors le département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé, a édicté des directives cantonales en matière de prestations d'aide sociale et financière aux requérants d'asile et statuts assimilés, dont la dernière version, annulant et remplaçant les précédentes, est entrée en vigueur le 1er janvier 2011 (ci-après : les directives).

b. Ces directives sont des ordonnances administratives dont les destinataires sont ceux qui sont chargés de l'exécution d'une tâche publique et non pas les administrés. Elles ne sont pas publiées dans le recueil officiel de la collectivité publique et ne peuvent donc pas avoir pour objet la situation juridique de tiers. La directive en cause est toutefois une directive interprétative qui exerce un effet sur la situation des tiers. L'ordonnance administrative ne lie pas le juge, mais celui-ci la prendra en considération, surtout si elle concerne des questions d'ordre technique ; il s'en écartera cependant s'il considère que l'interprétation qu'elle donne n'est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ATA/306/2010 du 4 mai 2010 ; Pierre MOOR, Droit administratif, vol. I, Berne, 2011, p. 420 ss § 2.8.3).

c. À teneur de ces directives, l'hospice est chargé des tâches d'assistance incombant au canton en vertu de la législation fédérale sur l'asile (art. 1 directives). Les bénéficiaires des prestations sont notamment les personnes au bénéfice d'une admission provisoire disposant d'un droit de séjour sur le territoire genevois en vertu de la LASI et de la LEtr, dans les limites de la validité de leur permis F (art. 3 directives). L'un des objectifs de cette politique d'accueil est d'assurer aux bénéficiaires des conditions d'hébergement, de vie et de santé décentes (art. 4 directives). Les prestations sont délivrées soit en nature, soit en espèces, proportionnellement aux ressources du bénéficiaire et de son groupe familial, les prestations remises en nature pouvant leur être facturées (art. 6 directives).

d. Parmi ces prestations, figure la couverture des besoins de base et notamment l'hébergement (art. 6.2 directives). Le lieu et le type d'hébergement sont décidés par l'hospice, en fonction des places disponibles et des critères d'attribution communiqués au bénéficiaire. Lorsque l'hébergement et les frais y relatifs sont fournis en nature, l'hospice met à disposition du bénéficiaire un hébergement dans une structure collective ou individuelle ; dans ce dernier cas, le bail du logement mis à disposition est au nom de l'hospice. Le bénéficiaire et son groupe familial signent alors une convention d'hébergement définissant les droits et devoirs des parties signataires. Le refus infondé d'accepter un lieu d'hébergement peut donner lieu à des sanctions (art. 6.2.5 directives). En cas d'attribution d'un logement individuel, la PFH équivaut au maximum au loyer réel et charges. Le montant de la PFH est fractionné en fonction du nombre d'unités économiques de référence partageant le même logement individuel (art. 9.5.1 directives).

5) Contrairement à ce qu'allèguent les recourants, ceux-ci sont liés à l'hospice par un rapport de droit public, en particulier de droit administratif, découlant de leur statut et des prestations sociales dont ils bénéficient depuis plusieurs années. La chambre de céans, qui est au demeurant l'instance devant laquelle le recours a été interjeté, ne saurait admettre que les parties seraient liées par un contrat de droit privé, notamment un contrat de bail à loyer, dès lors que seul l'intimé est titulaire d'un tel contrat, dans le but d'accomplir sa mission sociale en mettant à disposition des recourants un logement. Ces derniers ne s'acquittent d'ailleurs pas d'un loyer, mais d'une participation à leurs frais d'hébergement, désignée comme telle par l'hospice et variant au fil des mois en fonction de l'évolution de leurs ressources financières et de la composition de leur groupe familial, qui ne se confond pas, ni dans sa nature, ni dans son étendue, avec le loyer versé au bailleur par l'intimé.

6) Par conséquent, le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente et est dès lors recevable (art. 52 LIASI ; art. 132 LOJ ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

7) En l'espèce, la villa dont il s'agit a été mise à disposition de la recourante et de ses neufs enfants deux ans après leur arrivée en Suisse, en 1998, dans le cadre d'une relation d'assistance de droit public liant l'intimé aux bénéficiaires des prestations sociales qu'il fournit conformément aux directives en matière d'asile. Dans ce contexte, la recourante a signé en 1998, puis en 2003, deux conventions d'hébergement, à teneur desquelles elle s'engageait notamment à participer financièrement aux frais de son hébergement, dans la mesure de ses ressources, ainsi qu'à respecter les décisions de l'intimé, en particulier à accepter de changer de lieu d'hébergement à la demande de l'hospice, en cas de nécessité. Elle prenait également acte du fait que les bénéficiaires avaient droit à un hébergement, mais n'avaient pas le choix de celui-ci et devaient accepter celui qui leur était attribué par l'hospice. Les conventions d'hébergement liaient également les enfants de la recourante, dans la mesure où ils vivaient sous le même toit.

Dès l'année 2012, la recourante a fait part à l'hospice de la dégradation de l'état général de son logement, ainsi que de son souhait de s'en voir attribuer un autre. C'est donc sous l'impulsion de la bénéficiaire que l'hospice a indiqué qu'il ne ferait pas procéder à des travaux de rénovation, préférant, à terme, résilier le contrat de bail le liant au propriétaire de la maison, au vu de sa vétusté, avant de proposer à la famille de la recourante, au début de l'année 2013, un autre logement, soit un appartement de cinq pièces situé dans le même quartier et adéquat compte tenu du groupe familial tel qu'il se composait alors, soit, à teneur des éléments figurant au dossier, la recourante et cinq de ses enfants.

Or, les recourants ont refusé ce nouveau lieu d'hébergement, bien que l'intimé le leur ait proposé à plusieurs reprises, estimant qu'il ne correspondait pas à leurs critères, notamment de taille, et indiquant par ailleurs qu'ils procédaient également à des recherches personnelles en vue de déménager. Ils ne se sont ainsi pas conformés aux décisions de l'hospice, comme ils s'étaient engagés à le faire en signant leurs conventions d'hébergement.

Toutefois, à l'examen du dossier, rien ne permet de justifier de manière objective le refus des recourants de quitter un logement qu'ils considèrent eux-mêmes comme insalubre ou encore de déménager dans le nouveau lieu d'hébergement qui leur était attribué afin d'assurer la couverture de leurs besoins de base, soit un appartement de cinq pièces pour six personnes, situé dans le même quartier, quitte à l'accepter le temps de poursuivre les démarches déjà engagées et de trouver par leurs propres moyens un logement correspondant en tous points aux critères de leur famille.

En conséquence, la décision sur opposition rendue par l'hospice le 20 septembre 2013, mettant fin à l'hébergement des recourants dans la villa qu'ils occupaient jusqu'alors, apparaît conforme au droit.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Compte tenu de la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité ne sera allouée vu l’issue du litige (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 octobre 2013 par Madame A______ et Monsieur D______ contre la décision sur opposition de l'Hospice général du 20 septembre 2013 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nils De Dardel, avocat des recourants, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :