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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4364/2020

ATA/284/2021 du 02.03.2021 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : CAFETIER-RESTAURATEUR;ÉPIDÉMIE;VIRUS(MALADIE);CATALOGUE DES ACTES LÉGISLATIFS FÉDÉRAUX(SUISSE);LOI COVID-19;MASQUE
Normes : LRDBH.62
Résumé : Admission partielle du recours d'un exploitant de café-restaurant sanctionné par le PCTN pour avoir reçu des clients dans son établissement en période de fermeture générale et sans avoir pris toutes les mesures d'hygiène requise, contrevenant ainsi aux prescriptions des arrêtés Covid et créant par ailleurs les conditions d'une transmission du virus, provoquant une mise en danger de la santé publique pouvant être qualifiée de sévère. Si les infractions commises sont établies, la décision attaquée prévoit une fermeture d'une durée de dix-sept semaines et précise que la mesure s'étendra « du 2 décembre 2020 au 31 mars 2021 », soit en grande partie durant la fermeture générale des établissements publics. Compte tenu des circonstances, la chambre administrative modifie la quotité de la sanction en ordonnant une fermeture pour une durée de cinq semaines, à exécuter en dehors des périodes de fermeture à titre préventif de la pandémie ordonnées par les autorités politiques.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4364/2020-EXPLOI ATA/284/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 mars 2021

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Gérard Brutsch, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) M. A______ est au bénéfice d'une autorisation d'exploitation du café restaurant à l'enseigne « B______ » à la rue C______ ______ en Ville de Genève.

2) Selon un rapport de police établi le 3 décembre 2020, la veille, à 13h45, deux policiers s'étaient rendus, sur réquisition de la centrale d'engagement, auprès de l'établissement afin de contrôler que les mesures Covid-19 édictées par les autorités étaient respectées. Sur place, ils avaient constaté que l'installation paraissait fermée, avec notamment les portes d'entrée closes et les lumières éteintes. Toutefois, depuis le couloir d'entrée de l'immeuble, il était parfaitement audible que des gens se trouvaient à l'intérieur en train de consommer. Les policiers s'étaient alors adressés à la sandwicherie « D______ » qui jouxtait l'établissement. Dans un premier temps, la vendeuse présente, Mme E______, leur avait affirmé que le restaurant n'était ouvert qu'aux livreurs. Puis, comme ils s'étaient légitimés, elle leur avait montré l'accès au « B______ » par une porte située dans l'arrière-boutique de la sandwicherie. Sur place, les policiers s'étaient trouvés en présence de six personnes attablées, coude à coude, en train de manger, et quatre personnes dans le fumoir à l'arrière de l'établissement, en train de consommer de l'alcool. Parmi ces dernières se trouvait M. A______, qui s'était présenté comme l'exploitant du « B______ ». Une serveuse, Mme F______, était également présente afin de servir la clientèle. Mmes E______ et F______ étaient les seules à porter le masque de protection.

Les policiers s'étaient légitimés et avaient figé la situation. Ils avaient fait appel au commissaire, qui s'était déplacé et avait prononcé la fermeture immédiate des deux établissements avec apposition de scellés, vu que la sandwicherie permettait d'accéder au « B______ », et que M. A______ avait contesté verbalement la fermeture de celle-ci en affirmant qu'il s'agissait de deux entités différentes qui lui appartenaient.

M. A______ avait reconnu son tort concernant le « B______ », expliquant que les clients l'appelaient sur son téléphone portable pour venir consommer chez lui. Il pouvait ainsi venir les chercher devant l'établissement et les faire passer par une porte de secours.

L'entrée via la porte de secours était démunie de gel hydro-alcoolique, de sorte que l'exploitant ne pouvait pas s'assurer qu'une personne pénétrait dans les lieux avec désinfection préalable des mains.

Les six personnes attablées en train de manger avaient pu être identifiées, ainsi qu'une personne qui se trouvait dans le fumoir à l'arrière du restaurant en compagnie de M. A______, les deux dernières personnes étant parvenues à s'éloigner et étant demeurées inconnues. Les personnes dans le fumoir respectaient entre elles une distance d'au moins 1.5 m. Le téléphone portable de M. A______ avait été séquestré sur mandat du procureur de permanence du Ministère public, et serait analysé. Les deux établissements n'étaient séparés que par une simple porte, et les deux serveuses employées par M. A______ faisaient des allers-retours entre les deux lieux pour servir les différents clients, la sandwicherie utilisant la cuisine du « B______ ». M. A______ contestait que les clients étaient passés par la sandwicherie, mais il n'était pas possible d'exclure qu'ils empruntaient cet accès pour se rendre à l'intérieur du restaurant.

Aucune annonce au registre du commerce n'avait été faite concernant la sandwicherie, et le local qui y était dévolu était connu des autorités comme un salon de coiffure indépendant. L'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) serait informé.

3) Se fondant sur ce rapport, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a rendu, le 9 décembre 2020, une décision, déclarée exécutoire nonobstant recours, ordonnant, respectivement prolongeant, la fermeture immédiate de l'établissement à l'enseigne « B______ », avec apposition de scellés, pour une durée de dix-sept semaines, soit du 2 décembre 2020 au 31 mars 2021 inclus.

M. A______ avait admis avoir, du 23 novembre au 2 décembre 2020, du lundi au vendredi, reçu des personnes dans son restaurant pour y déjeuner, la nourriture étant fournie par son établissement, et avoir accepté que cinq personnes, augmentées à six, viennent le 2 décembre 2020 déjeuner dans son établissement, les mets étant à nouveau fournis par celui-ci. Il avait été constaté : qu'il n'avait pas mis à disposition de sa clientèle de gel hydro-alcoolique ou ne s'était pas assuré qu'elle en faisait usage avant d'entrer ; que du 23 novembre au
2 décembre 2020, soit à huit reprises au moins, il n'avait pas respecté l'obligation de fermer son établissement ; qu'il n'avait pas fait respecter les distances de sécurité dans son établissement, par les personnes attablées autour de la grande table ; qu'il n'avait pas respecté l'obligation de porter le masque d'hygiène ou de le faire porter par la clientèle ou ses employés, dès lors que les clients présents dans le fumoir ne portaient pas de masque.

Ces agissements favorisaient de manière particulièrement active et particulièrement grave la circulation de la Covid-19, ce qui constituait un trouble particulièrement grave à la santé publique, et justifiait que soit ordonnée une fermeture immédiate avec pose de scellés pour une durée de dix-sept semaines, déclarée exécutoire nonobstant recours.

Les infractions retenues dans le rapport de police feraient également l'objet d'une décision séparée concernant d'éventuelles autres sanctions que la fermeture.

4) Le 16 décembre 2020, M. A______ a indiqué au PCTN que sur les huit jours qui lui étaient reprochés, seuls cinq avaient « effectivement été en infraction », soit les 23, 24 et 26 novembre et 1er et 2 décembre 2020, son agenda attestant qu'il n'était pas sur place les 25, 27 et 30 novembre 2020. Il y avait toujours deux flacons de gel dans le fumoir, un par entrée. Le plan de table qu'il avait fourni montrait que les distances de sécurité entre les convives étaient respectées. Les convives ne portaient pas de masque car ils mangeaient des crêpes. Les clients dans le fumoir n'en portaient pas non plus parce qu'ils fumaient des cigares et buvaient un verre en respectant les distances de sécurité. La sanction était disproportionnée compte tenu des seuls agissements pouvant lui être reprochés, soit de ne pas avoir respecté l'obligation de fermeture de l'établissement et de ne pas avoir respecté le nombre de personnes attablées à la même table, soit six au lieu de cinq. Le « B______ » employait neuf salariés à plein temps, dont lui-même, et il n'aurait d'autre choix que de les licencier tous à fin décembre 2020. Il avait dû réapprovisionner le compte du restaurant de CHF 50'000.- pour pouvoir payer les fournisseurs de novembre 2020. Il avait une famille avec deux enfants en bas âge. Il n'avait pas agi par appât du gain, car hormis la sandwicherie qui vendait les crêpes et divers sandwiches, il n'avait pas encaissé les quelques boissons qu'il avait servies à ses amis, mais en avait profité pour vider ses stocks de boissons déjà ouvertes et périssables. Il produisait une photo du fumoir montrant que les distances pouvaient être respectées.

5) Par acte remis à la poste le 23 décembre 2020, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), contre la décision du 9 décembre 2020, concluant à son annulation et à la réduction sensible de la durée de fermeture. Préalablement, l'effet suspensif devait être restitué au recours.

L'établissement n'était pas ouvert au public lors du contrôle de police. Il ne contestait cependant pas les faits qui lui étaient reprochés, soit d'avoir accueilli un petit nombre de personnes entre les 23 novembre et 2 décembre 2020. Il était par contre faux que les distances n'avaient pas été respectées et que l'établissement ne mettait pas à disposition de gel hydro-alcoolique. La situation des six personnes se trouvant autour de la grande table était exceptionnelle, dans la mesure où il avait accédé, certes à tort, à la demande d'un locataire de l'immeuble, qui ne disposait ni de place suffisante, ni de distance suffisante entre les personnes, dans son appartement au cinquième étage de l'immeuble. Cette situation ne s'était produite qu'à une seule reprise. Aucune consommation n'avait été servie de manière onéreuse s'agissant des personnes présentes dans le fumoir. Les convives assis à la grande table consommaient le repas dont ils avaient pris livraison dans la sandwicherie.

La sanction, qui correspondait au maximum prévu par la loi, était disproportionnée. Seule une amende lui avait auparavant été infligée en raison d'un problème de bruit causé par un niveau musical excessif. La durée de fermeture pourrait conduire à la faillite de l'entreprise.

Il produisait un plan de l'établissement montrant la répartition des fumeurs dans le fumoir, respectivement des six convives autour d'une table de 3.2 m x 1.2 m.

6) Le 8 janvier 2021, le PCTN a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

7) Par décision du 15 janvier 2021, la présidence de la chambre administrative a rejeté la requête de restitution de l'effet suspensif, l'intérêt privé du recourant à poursuivre sans attendre l'exploitation de ces établissements sans courir le risque d'une faillite devant, à ce stade de la procédure, céder le pas à l'intérêt public invoqué par le PCTN à ce que les sanctions infligées aux établissements ne respectant pas les règles sanitaires soient immédiatement exécutées.

8) Le 28 janvier 2021, le PCTN a conclu au rejet du recours.

M. A______ se bornait à substituer sa version des faits à celle établie par des policiers assermentés. Il n'était pas un exploitant modèle et avait déjà été sanctionné. Il n'avait absolument pas pris conscience que son comportement pendant dix jours était très exactement ce qu'il fallait faire pour que le virus se répande largement. On pouvait attendre tout au moins des personnes se trouvant dans le fumoir qu'elles portent le masque. Les distances entre les convives n'avaient pu être respectées, car selon le rapport de police ils étaient attablés coude à coude en train de manger. La situation n'était pas exceptionnelle, car il avait lui-même admis que depuis le 23 novembre 2020 il se rendait régulièrement dans son établissement et y conviait tout aussi régulièrement des clients pour y consommer de la nourriture fabriquée dans sa sandwicherie ou y partager un bon cigare. Quand bien même elle aurait été exceptionnelle, la présence de six personnes le 2 décembre 2020 était propre à contribuer gravement à la propagation du virus. L'établissement était bien exploité durant toute cette période.

L'ouverture de l'établissement, l'absence de dispositif de désinfection des mains, l'absence de respect des distances et l'absence de port du masque provoquaient une grave atteinte à la santé publique. L'établissement avait été ouvert au moins à huit reprises, si on excluait les week-ends.

Tous les établissements du type du « B______ » étaient fermés en vertu des mesures sanitaires et tous en subissaient les conséquences économiques. Dès le 10 décembre 2020, tous les établissements du type du « B______ » avaient pu à nouveau être ouverts. Dès le 23 décembre 2020 à 23h00, ils avaient à nouveau dû être fermés, et le 20 janvier 2021, la fermeture au titre des mesures sanitaires avait été prolongée jusqu'au 28 février 2021 à minuit, le risque étant grand que la fermeture soit à cette date à nouveau prolongée. De la sorte, le « B______ » avait été contraint de fermer du fait de la décision pour une durée de deux semaines, à laquelle s'ajouterait très éventuellement les trente et un jours du mois de mars. Si l'autorité politique ne prolongeait pas la fermeture générale au-delà du 28 février 2021, la quotité de la mesure prononcée serait de quarante-cinq jours. Dans le cas contraire, qui était très probable, la quotité en serait réduite d'autant jusqu'à ne plus être que de deux semaines si la fermeture générale devait être prolongée d'un mois.

Les violations commises par le recourant étaient propres à permettre la propagation d'un agent pathogène respiratoire sans remède connu qui avait tué près de six cent nonante personnes à Genève depuis le début de la pandémie. La sanction était proportionnée.

9) Par courrier du 19 janvier 2021, reçu par la chambre administrative le
22 février 2021, M. A______ a répliqué.

La photographie du fumoir qu'il avait produite montrait sur le meuble à gauche de l'entrée un flacon typique de gel hydro-alcoolique, ce qui confirmait que l'établissement avait toujours disposé de gel à chaque entrée. Un flacon identique était disposé à l'autre entrée du fumoir. Il n'y avait par contre évidemment pas de gel à hauteur de la porte donnant sur le hall de l'immeuble dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une entrée de l'établissement mais d'une sortie de secours. Les quelques amis qu'il avait accueillis, au maximum à cinq reprises, dans l'établissement, étaient toujours entrés dans le fumoir en passant par la porte de secours donnant accès au hall de l'immeuble, la même qu'avaient emprunté les policiers pour pénétrer dans l'établissement.

Le recourant a pour le surplus repris son argumentation, sur laquelle il sera au besoin revenu dans la partie en droit.

10) Le 24 février 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant admet avoir ouvert sans droit le « B______ » à des clients qu'il décrit comme des amis, cinq jours au total. Il conteste pour les surplus les autres infractions établies par le rapport de police et retenues par le PCTN.

a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/769/2015 précité ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/99/2014 du 18 février 2014).

La constatation des faits, en procédure administrative, est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves, qui signifie que le juge forme librement sa conviction, en analysant la force probante des preuves administrées, dont ni le genre, ni le nombre n'est déterminant, mais uniquement leur force de persuasion (art. 20 al. 1, 2ème phr., LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; ATA/769/2015 précité).

En présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATA/1064/2015 du
5 octobre 2015 consid. 3c ; ATA/875/2015 du 25 août 2015 consid. 4b).

De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/295/2015 du 24 mars 2015 ; ATA/1027/2014 du 16 décembre 2014 ; ATA/99/2014 précité ; ATA/818/2013 du 17 décembre 2013 ; ATA/757/2011 du 13 décembre 2011 ; ATA/532/2006 du 3 octobre 2006), sauf si des éléments permettent de s'en écarter.

b. En l'espèce, le recourant a admis le 2 décembre 2020 devant les policiers qu'il recevait des clients depuis le 23 novembre 2020 dans son établissement, indiquant que ceux-ci l'appelaient sur son téléphone portable, qu'il allait les chercher et les faisait entrer par une porte de secours. Le rapport a constaté que la porte de secours était démunie de gel hydro-alcoolique, ce que le recourant a admis, jusque dans ses écritures.

S'agissant du nombre de jours où il a accueilli des clients entre le
23 novembre et le 2 décembre 2020, le recourant soutient qu'il n'a été présent que cinq jours et non huit. Il ne l'établit toutefois pas, et ne produit en particulier pas l'agenda qui selon lui le démontrerait. Le nombre exact de jours - cinq ou huit - pourra toutefois rester indécis, car il est en lui-même peu relevant compte tenu de la durée de la période et de la répétition des comportements.

Concernant la disposition des convives autour de la grande table, le plan établi par le recourant restitue les dimensions de la table et propose des emplacements théoriques de six convives. Compte tenu d'une largeur de 60 cm par convive, la disposition de trois convives par grand côté sur une table de 3.2 m. de long, telle que figurée par le recourant, ne permet à l'évidence pas de respecter la distance de sécurité de 1.5 m entre convives (0.6 m x 3 + 1.5 m x 2 = 4.8 m). Le même raisonnement doit être tenu en ce qui concerne la distance face à face des convives attablés à une table large de 1.2 m. Le rapport de police a quant à lui décrit des convives assis coude-à-coude.

Concernant l'activité des personnes dans le fumoir, le rapport de police indique qu'elles consommaient de l'alcool, ce que le recourant admet. Le recourant ajoute qu'elles fumaient des cigares, sans toutefois l'établir. Cet élément est toutefois de peu de portée s'agissant du reproche de ne pas leur avoir fait porter le masque.

Concernant la présence de gel hydro-alcoolique aux entrées du fumoir, le recourant ne peut être suivi lorsqu'il soutient que la disposition d'un flacon sur le sommet d'un meuble à cigares à hauteur d'homme, soit de manière à tout le moins difficilement accessible, correspondrait à la mise à disposition de gel aux usagers. Le recourant n'établit par ailleurs pas qu'un autre flacon de gel aurait été disponible à l'autre entrée du fumoir.

C'est ainsi à bon droit que le PCTN a établi que le recourant : avait ouvert le « B______ » et y avait accueilli sans droit des clients entre le 23 novembre et le 2 décembre 2020, soit régulièrement et de manière répétée, durant une dizaine de jours, étant précisé que c'est à tout le moins cinq jours durant cette période, dont le 2 décembre 2020, que le recourant a agi ainsi ; n'avait pas mis à disposition des clients de gel hydro-alcoolique à l'entrée ; avait négligé de faire respecter les distances sanitaires de 1.5 m autour de la grande table le 2 décembre 2020 ; avait négligé de faire porter le masque aux clients présents dans le fumoir.

3) Le principe de l'application de l'art. 62 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) n'est pas contesté par le recourant. Celui-ci relativise toutefois la gravité de l'infraction.

a. L'art. 62 al. 1 LRDBH évoque une perturbation grave et flagrante de l'ordre public pour fonder une fermeture immédiate, et l'art. 62 al. 2 LRDBH évoque l'entreprise dont l'exploitation perturbe ou menace gravement l'ordre public pour fonder une fermeture pour une durée maximale de quatre mois.

Au titre des mesures de prévention de la pandémie de Covid-19, les restaurants et bars ont été fermés par arrêté du Conseil d'État du 1er novembre 2020 jusqu'au 29 novembre 2020, puis à nouveau par arrêté du Conseil d'État du 18 novembre 2020 sans indication de durée, mais dans les faits jusqu'au 10 décembre 2020. Les mêmes arrêtés ont imposé aux exploitants des mesures de prévention dans les espaces ouverts au public, parmi lesquelles le maintien d'une distance minimale, le port du masque et la mise à disposition de gel
hydro-alcoolique.

b. En l'espèce, il n'est pas douteux que les comportements adoptés par le recourant, tels que tenus pour établis ci-avant, ont contrevenu aux prescriptions des arrêtés Covid et par ailleurs créé les conditions d'une transmission du virus, provoquant une mise en danger de la santé publique pouvant être qualifiée de sévère.

Le PCTN n'a pas commis d'abus ni d'excès de son pouvoir d'appréciation.

Le grief sera écarté.

4) Le recourant invoque une violation du principe de la proportionnalité et réclame une atténuation de la sanction, qu'il juge excessivement sévère.

a. Selon l'art. 62 al. 1 LRDBHD, si les circonstances le justifient, un commissaire de police procède à la fermeture immédiate, avec apposition de scellés, pour une durée maximale de dix jours, de toute entreprise dans laquelle survient une perturbation grave et flagrante de l'ordre public, notamment en matière de tranquillité, santé, sécurité et moralité publiques. La police fait rapport sans délai au département ainsi qu'à l'autorité compétente, si l'un des domaines visés à l'art. 1 al. 4 LRDBHD est concerné. Le département examine s'il y a lieu de prolonger la mesure, en application de l'al. 2.

Aux termes de l'art. 62 al. 2 LRDBHD, le département peut procéder à la fermeture, avec apposition de scellés, pour une durée maximale de quatre mois, de toute entreprise dont l'exploitation perturbe ou menace gravement l'ordre public, notamment en matière de tranquillité, santé, sécurité et moralité publiques.

b. Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Le principe de la proportionnalité se compose ainsi des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé - de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

c. L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/319/2017 précité consid. 3d et les références citées).

d. En l'espèce, la mesure de fermeture prévue à l'art. 62 LRDBH revêt le caractère d'une sanction. Sa durée a été motivée par le PCTN par la gravité de l'atteinte à la santé publique, la répétition de comportements, la multiplicité des infractions et la conscience qu'en avait le recourant.

L'aptitude et la nécessité de la mesure ne sont pas disputées. Seule est litigieuse la proportionnalité au sens étroit, soit la durée de la mesure de fermeture.

La décision attaquée dispose dans ses considérants une fermeture d'une durée de dix-sept semaines à compter du 2 décembre 2020. Elle précise dans son dispositif que la mesure s'étendra « du 2 décembre 2020 au 31 mars 2021 ».

Durant cette période, la fermeture générale des restaurants au titre de la prévention de la pandémie a été ordonnée jusqu'au 10 décembre 2020, puis à nouveau depuis le 23 décembre 2020 et, vraisemblablement, jusqu'au 22 mars 2021.

Or, la mesure prononcée ne saurait être exécutée durant les périodes de fermeture générale, à peine d'être privée de tout ou partie de son efficience et de consacrer ainsi une inégalité de traitement avec les restaurateurs respectant la loi.

Par ailleurs, la durée effectivement à subir de la mesure de fermeture de
dix-sept semaines, telle qu'exprimée par la décision attaquée, étant tributaire des mesures sanitaires, ne peut pas être connue à l'avance par le justiciable et ne permet pas non plus à la chambre de céans d'en examiner la proportionnalité.

La décision viole ainsi le principe de proportionnalité, ainsi que les principes de prévisibilité et de légalité de la sanction, la loi ne prévoyant ni ne permettant de mesure de durée indéterminée ou dont la durée serait déterminée a posteriori par des facteurs externes comme par exemple une politique sanitaire.

La décision sera annulée sur ce point et le dispositif réformé en ce qu'il arrêtera une durée de la fermeture au titre de la sanction, laquelle ne pourra être exécutée durant les fermetures générales dues à la politique sanitaire.

e. Il reste à déterminer la quotité de la mesure, soit la durée de la fermeture.

La décision attaquée a arrêté une durée de dix-sept semaines, qui correspond au maximum de quatre mois prévu à l'art. 62 al. 1 LRDBHD.

Compte tenu de l'ensemble des circonstances, soit de la gravité et l'importance de la faute du recourant, de ses antécédents mineurs, ainsi que du contexte de crise et de mesures sanitaires ayant frappé tous les restaurateurs, la quotité retenue par la décision attaquée apparaît disproportionnée, et la mesure sera ramenée à une durée de cinq semaines.

Le recourant a effectivement exécuté à ce jour la sanction durant deux semaines déjà, soit du 10 au 23 décembre 2020. Dès la réouverture des restaurants, il lui restera ainsi à subir trois semaines de fermeture.

Le recours sera partiellement admis, et la décision attaquée modifiée en ce qu'elle ordonne une fermeture pour une durée de cinq semaines, à exécuter en dehors des périodes de fermeture à titre préventif de la pandémie ordonnées par les autorités politiques.

5) Vu l'issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 300.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe partiellement (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure, réduite, de CHF 500.- lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 décembre 2020 par M. A______ contre la décision du service de police du commerce de lutte contre le travail au noir du 9 décembre 2020 ;

 

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision du 23 décembre 2020 en ce qu'elle ordonne la fermeture de l'établissement à l'enseigne « B______ » pour une durée de dix-sept semaines, soit du 2 décembre 2020 au 31 mars 2021 inclus ;

ordonne la fermeture de l'établissement « B______ » pour une durée de cinq semaines, dès le 2 décembre 2020 et ne courant pas durant les périodes de fermeture préventive à titre sanitaire ordonnée par les autorités politiques ;

confirme la décision pour le surplus ;

met un émolument de CHF 300.- à la charge de M. A______ ;

alloue à M. A______ une indemnité de procédure de CHF 500.- ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gérard Brütsch, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :