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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2313/2006

ATA/130/2007 du 20.03.2007 ( DCTI ) , ADMIS

Parties : FONDATION DE VALORISATION DES ACTIFS DE LA BANQUE CANTONALE GE / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, ASLOCA ASSOCIATION GENEVOISE DE DEFENSE DES LOCATAIRES
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2313/2006-DCTI ATA/130/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 20 mars 2007

dans la cause

 

FONDATION DE VALORISATION DES ACTIFS DE LA BANQUE CANTONALE DE GENÈVE

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION

et

ASLOCA, ASSOCIATION GENEVOISE DE DÉFENSE DES LOCATAIRES
représentée par Me Irène Buche, avocate


 


1. Sur la parcelle 2134, feuille 69, de la commune de Genève, section Plainpalais, est érigé, à l'adresse 19, rue des Contamines, un immeuble de huit étages sur-rez, destiné à l'habitation, à l'exception du rez-de-chaussée qui comprend une arcade. L'immeuble comporte au total trente-deux logements. Il est soumis au régime de la propriété par étage.

2. Le 15 novembre 2001, la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève (ci-après: la fondation) a acquis quatorze appartements à C.F.I. SA, société de portage de la Banque cantonale de Genève.

Par lettre du 23 septembre 2004, la fondation s'est enquise de l'intérêt des locataires de ces appartements à leur acquisition. Cette lettre précisait également qu'une réponse négative n'impliquerait aucune modification des conditions du contrat de bail alors en vigueur.

Trois locataires ont manifesté leur intérêt, Monsieur François Vidaller, pour l'appartement 4.02 de 2,5 pièces, Madame Viviane Armand Gerson, pour l'appartement 8.02 de 2,5 pièces et Monsieur Milos Blagogevic pour l'appartement 9.01 de 3,5 pièces. Par courrier du 31 octobre 2005, la fondation a demandé aux autres locataires leur accord en vue de cette vente. Huit réponses favorables ont été produites, dont celles de Mme Armand Gerson et M. Vidaller ; il n'y a pas de document attestant de l'acceptation de M. Blagogevic.

3. Sur requête de la fondation, le département des constructions et des technologies de l'information (ci-après: le département ou le DCTI) a autorisé la vente des appartements 4.02 et 8.02, décisions rendues le 31 août 2005 et entrées en force.

4. Le 9 janvier 2006, le département a autorisé la vente de l'appartement occupé par M. Blagogevic à ce dernier, décision contre laquelle l'ASLOCA a interjeté recours auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission). Selon l'ASLOCA, cette autorisation ne respectait pas les conditions légales de l'article 39 alinéa 3 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) dans la mesure où la lettre du 31 octobre 2005 ne contenait pas de garantie, pour les locataires, de ne pas être eux-mêmes contraints d'acheter leur appartement ou de partir s'ils refusaient la vente. Par ailleurs, le calcul du quorum de 60% d'acceptation n'aurait pas été correctement effectué.

 

5. Par décision du 3 mai 2006, la commission a admis le recours et annulé l'autorisation. Sans se prononcer sur la validité du courrier du 31 octobre 2005 quant à la garantie de pérennité des baux des locataires refusant la vente, la commission a estimé que les avis de Mme Armand Gerson et M. Vidaller ne pouvaient être comptabilisés dans la mesure où ceux-ci étaient devenus propriétaires de leur appartement. Le taux de 60% n'était donc pas atteint.

6. Le 22 juin 2006, la fondation a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif. Elle soutient qu'au moment où le département avait autorisé la vente, tant Mme Armand Gerson que M. Vidaller n'avaient pas encore acquis leur appartement. Leurs avis devaient donc être pris en compte dans le calcul des 60% d'acceptation. Dès lors, sur les locataires des quatorze appartements alors propriétés de la fondation, neuf avaient acceptés la vente à M. Blagogevic, soit une proportion de 64,28 %.

Par ailleurs, le courrier du 23 septembre 2004 comportait clairement l'assurance que les locataires qui ne souhaitaient pas acquérir l'appartement qu'ils occupaient ne verraient pas leur situation changer. Elle produit avec son recours les extraits du registre foncier, datés du 16 juin 2006, des appartements concernés. Il en ressort que M. Vidaller a été inscrit comme propriétaire de l'appartement 4.02 le 13 avril 2006. Les appartements 8.02 et 9.01 étaient propriétés de la fondation.

La fondation conclut à l'annulation de la décision de la commission et à la confirmation de l'autorisation du département, sous suite de dépens.

7. Le 27 juillet 2006, le département a conclu a l'admission du recours, à l'annulation de la décision de la commission et à la confirmation de l'autorisation. La majorité des appartements de l'immeuble ayant été cédés de manière individualisée, le changement d'affectation était effectif. Par ailleurs, la commission, ayant estimé que les deux autres appartements ayant fait l'objet d'une autorisation avaient effectivement été vendus, aurait donc du en déduire que 60% des appartements de l'immeuble avaient été vendus et en conséquence que la présomption de l'article 39 alinéa 3 LDTR était établie.

Par ailleurs, au moment de la délivrance de l'autorisation, la fondation était propriétaire de quatorze logements, les deux ventes autorisées n'ayant pas été réalisées. Dans la mesure où la jurisprudence du Tribunal administratif retenait que l'avis du locataire désireux d'acquérir son logement devait être pris en compte, la demande d'autorisation était bel et bien accompagnée de neuf assentiments, le quorum légal étant dès lors respecté. Ce quorum était également respecté au jour de la décision de la commission par huit approbations pour treize appartements, M. Vidaller ayant acquis le sien.

Finalement, si l'article 39 alinéa 3 LDTR ne devait pas être applicable, le cas d'espèce relèverait de l'alinéa 2 de cette disposition et de la jurisprudence concernant un locataire en place depuis plus de quatre ans et demi et désireux d'acquérir son logement à un prix de vente non abusif.

8. Le 4 août 2006, l'ASLOCA a répondu au recours, concluant à la confirmation de la décision de la commission et à l'allocation d'une indemnité pour frais de conseil. Elle soutient que les conditions de l'article 39 alinéa 3 LDTR n’étaient pas remplies en ce sens que le courrier du 31 octobre 2005 ne répond pas aux exigences légales, faute de garantir aux locataires de ne pas être contraints d'acheter leur appartement ou de partir. Dès lors, les signatures apposées sur ce document ne sauraient valoir accord au sens de l'article 39 alinéa 3 LDTR.

Par ailleurs, la lettre du 23 septembre 2004 ne pouvait être considérée comme satisfaisant à ces conditions, son but étant de s'enquérir de l'intérêt des locataires à l'achat de leur logement ; elle ne concernait pas la vente à M. Blagogevic en particulier.

En outre, l'ASLOCA contestait que les avis de Mme Armand Gerson,
M. Vidaller et M. Blagogevic puissent être comptabilisés, le dernier étant acquéreur de l'appartement dont il est question, les premiers ayant été autorisés à acquérir le leur, et la fondation n'ayant pas prouvé que Mme Armand Gerson avait renoncé à cet achat.

9. En date du 8 août 2006, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le tribunal de céans, selon une jurisprudence constante admet la qualité pour recourir de l'ASLOCA en matière d'application de la LDTR (ATA/632/2005 du 27 septembre 2005 ; ATA/302/2000 du 16 mai 2000).

3. a. L’aliénation d’un appartement à usage d’habitation, jusqu’alors offert en location, est soumise à autorisation dans la mesure où l’appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie (art. 39 al. 1 LDTR).

 

b. Le Conseil d'Etat a déclaré qu'il y avait pénurie au sens des articles 25 et 39 LDTR dans toutes les catégories d'appartements de 1 à 7 pièces inclusivement, ce depuis plusieurs années (not. arrêté du Conseil d'Etat déterminant les catégories d'appartements où sévit la pénurie en vue de l'application des articles 25 à 39 de la LDTR du 20 décembre 2006 - L 5 20.03).

L'appartement concerné par la présente procédure entre dans ces catégories et sa vente est donc soumise à autorisation.

4. Selon l'article 39 alinéa 3 LDTR, un locataire, occupant effectivement son logement depuis 3 ans au moins, peut acquérir ledit logement pour autant que 60% des locataires en place acceptent formellement cette acquisition. Dans ce cas cependant, les locataires restants devront obtenir la garantie de ne pas être contraints d’acheter leur appartement ou de partir.

5. La fondation fait grief à la commission d'avoir considéré que le nombre de locataires ayant accepté la vente ne satisfaisait pas aux conditions de majorité qualifiée de 60%. En particulier, la commission a écarté à tort l'avis du locataire acquéreur de son logement ainsi que celui des locataires autorisés à acquérir leur logement, mais ne l'ayant pas fait au moment du prononcé de la décision.

6. La jurisprudence a déjà eu l’occasion d’indiquer que les locataires souhaitant acquérir leur logement doivent être considérés comme des locataires en place, et leur avis retenu dans les termes de la comparaison (ATA/241/2006 du 2 mai 2006 ; ATA/136/1999 du 2 mars 1999). Le fait que l'acceptation de l'acquéreur de l'appartement n'ait pas été produite importe peu ; elle peut être présumée.

Au moment de la décision d'autorisation, les autres ventes autorisées n'avaient pas été réalisées ; le calcul devait donc s'opérer sur la base des quatorze logements dont la recourante était propriétaire. Y compris l’acquéreur de l'appartement, neuf locataires en place ont accepté la vente dont il est question. En conséquence, le quorum de 60% est respecté. Il n'est pas contesté que M. Blagogevic occupe son logement depuis plus de trois ans.

7. Reste à examiner la question de la garantie offerte aux autres locataires, prévue par l'article 39 alinéa 3 in fine LDTR. Il ne ressort ni de la lettre de la loi ni des travaux parlementaires (MGC 2001 17/III 2773) que la garantie doit figurer dans le même document que l'acceptation de la vente.

Au vu du dossier, le Tribunal administratif relève que l'ensemble des personnes qui ont accepté la vente ont reçu le courrier du 23 septembre 2004. Par ailleurs, le texte clair de ce courrier ne laisse aucun doute quant à la garantie de continuité des baux, aux conditions en vigueur, offerte aux locataires quelle que soit leur réponse.

En conséquence, le tribunal de céans retiendra que l'ensemble des conditions posées par l'article 39 alinéa 3 LDTR étaient respectées lors du rendu de la décision. C'est à tort que la commission a annulé l'autorisation de vente, qu'il convient de rétablir.

8. Un émolument de CHF 750.- sera mis à la charge de l'intimée (art. 87 LPA).

Aucune indemnité ne sera allouée à la recourante qui a agi en personne et n’expose pas avoir encouru de frais.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 juin 2006 par la fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 3 mai 2006 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 3 mai 2006 ;

rétablit la décision du département des constructions et des technologies de l'information du 9 janvier 2006 ;

met à la charge de l'ASLOCA un émolument de CHF 750.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à la fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève, à Me Irène Buche, avocate de l'ASLOCA, à la commission cantonale de recours en matière de constructions, ainsi qu’au département des constructions et des technologies de l’information.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

P. Pensa

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :