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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2285/2010

ATA/725/2012 du 30.10.2012 sur JTAPI/1192/2011 ( LDTR ) , ADMIS

Recours TF déposé le 07.12.2012, rendu le 03.05.2013, ADMIS, 1C_617/2012
Parties : ASLOCA ASSOCIATION GENEVOISE DE DEFENSE DES LOCATAIRES / ADLER LEYLA ET LOLITA ET TOLIMAR SA, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, ADLER Leyla, TOLIMAR SA
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2285/2010-LDTR ATA/725/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 octobre 2012

 

dans la cause

 

ASSOCIATION GENEVOISE DE DÉFENSE DES LOCATAIRES, (ASLOCA)
représentée par Me Christian Dandrès, avocat

contre

Mesdames Leyla ADLER BAHAR et Lolita ADLER BAROKAS, et TOLIMAR S.A.
représentés par Me Mark Barokas, avocat

et

DÉPARTEMENT DE L’URBANISME

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 novembre 2011 (JTAPI/1192/2011)


EN FAIT

Mesdames Leyla Adler Bahar et Lolita Adler Barokas, ainsi que Tolimar S.A. (ci-après : « Tolimar » pour cette dernière et « les copropriétaires » pour ces trois personnes lorsqu’elles sont désignées conjointement) ont acquis en copropriété en 1988, à raison respectivement de ¼, ¼ et ½, les parcelles nos 1’741 et 1’742 du cadastre de la commune de Genève-Eaux-Vives, sur chacune desquelles était érigé principalement un bâtiment d’habitation comportant plusieurs logements, à l’adresse 54 et 54bis, route de Malagnou.

Tolimar avait pour actionnaires Mme Lolita Adler Barokas et son frère, Monsieur Albert Barokas, qui est également l’administrateur de cette société.

Le 31 janvier 1990, le département de l’aménagement, de l’équipement et du logement, devenu depuis lors le département des constructions et des technologies de l’information, puis le département de l’urbanisme (ci-après : le département) a accordé une autorisation de construire DD 84’408/2, autorisant les copropriétaires à transformer le bâtiment par une surélévation et par l’aménagement des combles en créant six appartements nouveaux, des garages et des locaux commerciaux.

a. La transformation de l’immeuble conformément à l’autorisation précitée ayant été bloquée par la survenance de problèmes de statique de l’immeuble, le département a délivré aux copropriétaires, le 14 décembre 1998, une autorisation de construire DD 84’408/5, complémentaire à la précédente. Le nombre d’appartements nouveaux construits en attique était réduit à trois et le nombre total des appartements dans le bâtiment passait à 23.

La délivrance de cette autorisation matérialisait un accord intervenu entre les copropriétaires et l’association genevoises de défense des locataires (ci-après : l’ASLOCA) qui défendait les intérêts de huit locataires en place et s’était opposée à ladite autorisation après la publication de la demande dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 18 novembre 1998.

b. Dans l’autorisation de construire DD 84’445/5, le département a repris la teneur de l’accord précité de la façon suivante :

« Les conditions 6, 7 et 8 [de l’autorisation DD 84’408/2] sont modifiées comme suit :

 

6. les 3 logements, totalisant 28,5 pièces, créés en attique par la surélévation, sont destinés soit à la location soit à la vente, sans restriction quant aux loyers ou aux prix.

7. Les 20 appartements existants, totalisant 125 pièces, sont destinés soit à la location soit à la vente, sans restriction quant aux loyers ou aux prix. Reste réservée la condition 8 pour les 8 appartements existants, occupés, totalisant 47 pièces.

8. Les locataires en place occupant 8 appartements existants, totalisant 47 pièces sont mis au bénéfice de baux dont la prochaine échéance est fixée aux 30 juin 2010. Pour ces 8 appartements, les loyers sont fixés aux montants prévus par les conventions de bail à loyer visées par la présente autorisation et par la liste des loyers après travaux enregistrée le 4 novembre 1998. Conformément aux clauses de loyer de ces baux, le loyer de ces appartements sera de CHF 2’241.- par pièce et par an en moyenne la première année, puis échelonné sur une période de 4 à 7 ans, selon les baux pour atteindre, à l’issue de ces différentes périodes, un prix moyen de CHF 2’909.- par pièce et par an. A la fin de cet échelonnement, le loyer en vigueur sera indexé au coût de la vie au maximum une fois par année ».

Cette décision est entrée en force sans avoir fait l’objet d’un recours.

Par actes authentiques des 26 août et 9 octobre 2009, les copropriétaires de l’immeuble ont réuni les parcelles nos 1’741 et 1’742 en une parcelle n° 3’303, et ont soumis celle-ci au régime de la propriété par étages (ci-après : PPE), en créant des parts de copropriété par étages au nom des trois copropriétaires, à concurrence de leurs droits respectifs. Ceux-là étaient désormais, à concurrence respective de ¼, ¼ et ½, copropriétaires pour 1000/1000èmes de la parcelle n° 3’303, soit plus précisément des unités d’étages immatriculées aux feuilles 3’303, unités d’étages nos 101 à 128, dont 23 se rapportaient aux appartements aménagés dans l’immeuble et les 4 autres à des dépendances de ces derniers, ainsi que des servitudes personnelles et cessibles d’usage de places de stationnement et de box en sous-sol.

Le 3 novembre 2009, les copropriétaires ont adressé au département, par l’intermédiaire de leur notaire, une requête en autorisation d’aliéner, fondée sur la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l’emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20), accompagnée d’un dossier. Ils désiraient liquider le régime de copropriété existant entre eux et attribuer à titre de partage les unités d’étages immatriculées au registre foncier, ainsi que les droits d’usage conférés par les servitudes personnelles et cessibles d’usage précitées.

Dans le dossier déposé, figurait un projet d’acte de partage-attribution par lequel les unités d’étages immatriculées au feuillet n° 3’303 du cadastre de Genève Eaux-Vives, qui constituaient les parts de copropriété par étages, le droit d’usage de places de stationnement et de box du garage souterrain étaient réparties et attribuées en pleine propriété entre les différents copropriétaires, dans une proportion respectant celle de leurs droits de copropriété. L’opération ne donnait lieu au versement d’aucune soulte.

Mme Adler Barokas recevait notamment les lots nos 4.02, 4.04, 5.03, 5.04, 7.02, et 8.04-9.04, correspondant aux appartements liés aux unités d’étages 110, 112, 115, 116, 122, et 128 du feuillet 3303.

Mme Adler Bahar recevait notamment les lots nos 3.01, 3.03, 3.04, 6.01, 7.03 et 8.02-9.02, correspondant aux appartements liés aux unités d’étages nos 105, 107, 108, 117, 123, et 126 du feuillet n° 3’303.

Tolimar recevait notamment les lots nos 3.02, 4.01, 4.03, 6.01, 6.03, 6.04, 7.01, 7.04 et 8.01-9.01, correspondant aux appartements liés aux unités d’étages nos 106, 109, 111, 117, 119, 120, 121, 124 et 125 du feuillet n° 3’303.

Selon un état locatif au 31 octobre 2009, tous les appartements précités, sauf un qui était annoncé vacant, étaient loués.

Selon ce document, le lot n° 8.04-9.04 constituait un appartement de 11,5 pièces et les lots nos 3.01, 8.01-9.01 et 8.02-9.02 des appartements de 8,5 pièces.

Le 26 mai 2010, le département a pris un arrêté, VA 10’993, autorisant le partage-attribution en question qui portait sur la délivrance de 23 autorisations d’aliéner.

Dans la mesure où les requérants/attributaires procédaient en une seule opération en un partage-attribution de la totalité des logements qu’ils possédaient dans l’habitation, celle-ci était conforme au principe de la proportionnalité à la suite de la pesée des intérêts à laquelle le département devait se livrer dans l’examen de chaque demande d’aliénation. Toutefois, cette autorisation ne saurait être invoquée ultérieurement pour justifier une aliénation individualisée des vingt-trois appartements concernés en application de l’art. 39 al. 4 let. d LDTR.

Le dispositif de l’arrêté du département était pour l’essentiel le suivant :

« 1.  L’aliénation, respectivement le partage-attribution, des vingt-trois appartements (…) faisant l’objet de la requête déposée en date du 11 mai 2010 (…) est autorisée au profit (des copropriétaires), selon les conditions prévues dans le projet d’acte joint à la requête précitée et de la manière suivante :

- les lots nos 4.02, 4.04, 5.03, 5.04, 7.02, et 8.04-9.04 étaient attribués à Mme Adler Barokas ;

- les lots nos 3.01, 3.03, 3.04, 6.01, 7.03 et 8.02-9.02 étaient attribués à Mme Adler Bahar ;

- les lots nos 3.02, 4.01, 4.03, 5.01, 5.02, 6.03, 6.04, 7.01, 7.04 et 8.01-9.01 étaient attribués à Tolimar.

2. (…)

3. Les droits et obligations découlant des contrats de bail actuellement en cours et conclus au bénéfice de divers locataires seront repris par les attributaires, (…).

4. La présente autorisation ne saurait être invoquée ultérieurement pour justifier une aliénation individualisée des vingt-trois appartements en application de l’art. 39 al. 4 let. d LDTR.

5. Les vingt-trois appartements faisant l’objet de la présente autorisation étaient destinés à l’habitation, à l’exclusion de toute activité commerciale ou administrative.

6. (….) ».

L’arrêté du département précité a été publié dans la FAO du 31 mai 2010.

Par acte déposé le 30 juin 2010, l’ASLOCA a interjeté recours contre l’arrêté précité du département, concluant à son annulation.

Le département avait violé l’art. 39 LDTR en autorisant l’opération du partage-attribution précitée. La LDTR avait pour but de refuser toute forme d’aliénation d’appartement locatif pouvant conduire au démantèlement d’un immeuble locatif en appartements en PPE, ce qui ouvrait la porte à la vente individualisée d’appartements. La pratique des « congés-vente », qui était à l’origine de la promulgation de la LDTR, avait recommencé grâce à un moyen que le département avait admis abusivement, selon le mode suivant : des personnes acquéraient un immeuble d’appartements locatifs en copropriété. Elles le soumettaient dans un premier temps au régime de la PPE. Par la suite, elles procédaient entre elles à une répartition interne des appartements locatifs, de sorte que chacun des appartements, détenus jusque-là en copropriété, se voyait attribuer à l’un des copropriétaires par un partage-attribution. Il ne restait plus alors à chacun des copropriétaires qu’à vendre individuellement les appartements locatifs pour un motif ou un autre. L’art. 39 LDTR était violé parce que seuls des motifs d’assainissement financier ou le fait qu’un immeuble soit soumis au régime de la PPE avant 1985, avec un processus de vente déjà engagé de manière significative, pouvaient autoriser une dérogation.

Le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a fait publier dans la FAO du 16 juillet 2010 l’annonce du recours de l’ASLOCA, en invitant les tiers à intervenir dans la procédure.

Le 27 juillet 2010, le département a transmis au TAPI le dossier de l’autorisation d’aliéner VA 10’993 sans déposer d’observations.

Le 17 août 2010, les copropriétaires ont conclu au rejet du recours.

Depuis le 14 décembre 1998, ils étaient au bénéfice d’une autorisation entrée en force DD 84’408/5. La répartition interne de 2010 s’inscrivait dans le cadre d’opérations successorales. Le recours de l’ASLOCA leur causait un dommage. Celle-ci n’avait pas qualité pour recourir car son recours ne visait pas la défense des intérêts de ses membres, mais ceux d’autres personnes. Il n’était en outre pas établi que les locataires des appartements de l’immeuble soient membres de cette association. Le recours de l’ASLOCA violait les règles de la bonne foi, car celle-là remettait en cause l’accord de 1998 aux termes duquel elle avait accepté que les appartements puissent être vendus. En outre, l’arrêté du 26 mai 2010 était une mesure d’exécution de l’autorisation DD 84’408/5 de 1998 et comme tel non sujette à recours.

Le département avait autorisé l’opération après avoir procédé à une pesée des intérêts, qu’il était en droit d’effectuer en dehors des cas prévus à l’art. 39 al. 4 let. a à d LDTR. En l’espèce, l’opération projetée par les copropriétaires leur permettait de préparer leur succession. Il n’y avait pas de changement d’affectation des appartements, qui restaient des logements locatifs. Les baux seraient maintenus. Seul le nom des bailleurs changerait. Le recours de l’ASLOCA était téméraire.

Les parties, y compris le département, ont été entendues par le TAPI en audience de comparution personnelle le 10 mai 2011.

L’ASLOCA a persisté dans les termes de son recours. Elle ne disposait plus des documents qui avaient conduit à l’accord sanctionné par la décision du département du 14 décembre 1998. La pénurie de logements à Genève s’était encore accentuée depuis 1998, ce qui constituait une modification des circonstances prévalant à cette époque. Les points 6 et 7 de l’autorisation du 14 décembre 1998 conditionnaient l’octroi de celle-ci à ce que les appartements soient destinés soit à la location soit à la vente, ce qui constituait un choix exclusif. Dès lors que l’immeuble avait été destiné à la location, les appartements ne pouvaient être vendus.

Selon les copropriétaires, aucun appartement n’avait été vendu après l’autorisation, car ils avaient considéré - et considéraient toujours - que cet immeuble offrait un rendement intéressant. Ils n’avaient dès lors pas l’intention d’aliéner ces appartements une fois qu’ils auraient été regroupés.

Mme Adler Bahar a souligné que les trois copropriétaires représentaient trois familles dans lesquelles la prochaine génération était constituée de sept personnes. Ils effectuaient ce partage-attribution pour éviter des problèmes qui pourraient résulter d’une copropriété répartie entre autant de copropriétaires. Ce qui serait par exemple le cas si l’un des copropriétaires souhaitait faire un emprunt. Il aurait alors l’obligation d’obtenir l’accord de six autres personnes.

A l’issue de l’audience, les parties ont été avisées que la cause était gardée à juger.

Le 11 mai 2011, le TAPI a encore écrit aux parties pour leur demander de lui faire parvenir une copie des lettres contresignées par l’ASLOCA les 1er et 17 décembre 1998 dans le cadre de l’autorisation DD 84’408/5.

Les copropriétaires se sont exécutés le 13 mai 2011 tandis que le département a indiqué qu’il ne pouvait les retrouver.

Par jugement du 2 novembre 2011, le TAPI a rejeté le recours. Il privilégiait lui-même une approche stricte de la protection offerte par l’art. 39 LDTR au maintien d’un parc immobilier locatif, confirmée récemment par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en février 2011. Au-delà des cas de dérogations prévus à l’art. 39 LDTR, l’aliénation d’appartements par blocs était cependant admissible, pour autant que l’aliénateur puisse justifier d’un intérêt privé particulier. Plus l’affectation locative des appartements aliénés paraissait menacée - ou en d’autres termes plus les lots d’appartements vendus étaient petits - plus la pesée entre les intérêts privé à l’aliénation d’une part, et public, au maintien du parc de logements locatifs d’autre part, devait être stricte. Il s’agissait de déterminer si l’intérêt des copropriétaires devait l’emporter sur l’intérêt public poursuivi par la loi, eu égard au risque de démembrement progressif de l’immeuble. Un tel risque n’existait pas en l’espèce. Le partage était effectué en trois lots, dont les plus petits comportaient six logements et les plus grands onze logements qui demeuraient tous affectés à la location. Une pesée des intérêts devait conduire à autoriser l’opération envisagée. En outre, l’ASLOCA avait accepté à travers des négociations qui avaient abouti à l’autorisation de construire du 14 décembre 1998 que les appartements de l’immeuble, qui n’était alors pas occupé, puissent, après travaux, être loués ou vendus sans restriction de prix. L’interprétation qu’elle avait donnée à cet accord dans le cadre de la présente procédure revenait à jouer sur les mots.

Par pli posté le 9 décembre 2011, l’ASLOCA a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI précité, reçu le 9 novembre 2011. Elle conclut préparatoirement à ce qu’il soit ordonné aux intimées de produire des états locatifs signés par l’agence immobilière de l’immeuble sis 54 et 54bis, route de Malagnou, des années 1998-2000 et 2010, ainsi que le relevé du coût des travaux d’aménagement des quatre appartements dans les combles et des douze appartements dudit immeuble, tels qu’exécutés en 1999. A titre principal, elle conclut à l’annulation du jugement du TAPI du 2 novembre 2011.

L’arrêté du 26 mai 2010, en autorisant l’aliénation de vingt-trois appartements locatifs en une seule autorisation, violait l’art. 39 al. 4 let. d LDTR, qui stipulait que cette autorisation ne portait que sur un appartement à la fois. Cet arrêté n’attribuait pas à chacun des trois copropriétaires un lot de six appartements mais à chacun d’entre eux six ou onze lots. En réalité, il n’y avait pas attribution de trois lots mais de vingt-trois lots, correspondant aux vingt-trois appartements de l’immeuble.

La notion de « lots » d’appartements n’était pas utilisée à l’art. 39 LDTR ou dans les art. 712a ss du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CCS - RS 210) relatifs à la PPE. Cette institution instaurait un système de parts de copropriété ou d’unité, qui seules faisaient l’objet d’une inscription au registre foncier. En outre, la notion de « lots » n’était utilisée dans le CCS qu’en rapport avec le partage de lots d’un héritage dans le CCS.

La notion de « lots » utilisée par le département dans la décision attaquée ne correspondait pas à celle de « blocs » utilisée à l’art. 39 al. 4 LDTR. La vente en lots n’équivalait pas à une vente en blocs, cette dernière hypothèse ne permettant que la vente d’un ensemble d’appartements locatifs dans le cas d’immeubles mis en PPE avant le 31 mars 1985 alors que le régime de PPE en question avait été inscrit au registre foncier en 2009.

L’art. 39 al. 2 LDTR, sur lequel le département s’était fondé, ne pouvait conduire à autoriser l’opération envisagée par les recourants en raison de la grave pénurie de logements qui sévissait et qui rendait, dans la pesée des intérêts à effectuer, l’intérêt public prépondérant.

En outre, l’art. 39 al. 4 let. a LDTR ne pouvait trouver application dès lors que le régime de la PPE devait exister dès la construction de l’immeuble alors que, dans le cas d’espèce

Le jugement du TAPI devait être annulé, de même que l’arrêté du département du 26 mai 2010 parce que, contrairement à ce qu’avait retenu le TAPI et à ce que voulait l’arrêté, ce dernier

La vente « en blocs » visée à l’art. 39 al. 4 in fine LDTR ne pouvait être justifiée que par des motifs d’assainissement financier justifiés par pièces, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. La situation visée à l’art. 39 al. 4 LDTR était celle d’immeubles surendettés mis en faillite ou dans lesquels il y avait lieu de procéder à des assainissements financiers, et la dérogation permettait de vendre les appartements locatifs en un seul bloc. Ce type d’opération avait été réalisé dans le cadre de la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève. De telles ventes étaient certes autorisées moyennant l’imposition de la condition reprise dans l’arrêté attaqué relative à la non invocation possible de l’opération pour des ventes ultérieures. Cela n’avait pas empêché les copropriétaires, « avec la complaisance du département », de démanteler ces « blocs » pour en définitive aliéner chacun des appartements individuellement.

Le département ne pouvait se fonder sur l’art. 13 al. 3 du règlement d’application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 29 avril 1996 (RDTR - L 5 20.01). En effet, cette disposition violait manifestement celle prévue à l’art. 39 LDTR, en visant la situation de la liquidation d’un régime matrimonial ou d’une succession. L’art. 39 LDTR était clair et ses conditions étaient exhaustives. Il avait été adopté par le peuple à une très forte majorité et ne permettait pas d’élargir les motifs d’autorisation d’aliéner au-delà de ceux prévus dans la loi.

Finalement, le partage successoral comme motif d’aliénation était contesté. Si l’on admettait d’autoriser une aliénation pour ce motif, cela permettrait à tous les propriétaires d’appartements en PPE de les mettre en vente en réalisant d’excellents bénéfices au détriment des locataires.

Le 6 janvier 2012, les copropriétaires ont conclu au rejet du recours. Ils ont repris leur argumentation développée devant le TAPI pour s’opposer au premier recours de l’ASLOCA. Cette association faisait preuve de mauvaise foi, comme l’avait relevé le TAPI en termes élégants, mais fermes. L’art. 13 RDTR consacrait l’obligation pour le département de procéder à une pesée entre l’intérêt public et les intérêts privés du propriétaire et ne dérogeait pas au régime de restriction imposé par la loi. En l’espèce, le département avait effectué correctement la pesée des intérêts en autorisant l’opération liée au désir d’organiser leur succession. Le partage des parts de PPE s’effectuait au sein de la même famille et s’effectuerait sans soulte. Dans tous les cas, les appartements resteraient en main d’un des trois copropriétaires. Ainsi, chaque millième ne serait plus détenu par trois copropriétaires mais par un seul. L’ASLOCA s’était livrée à un procès d’intention des intimées, qui ne devaient pas être comparées à des copropriétaires souhaitant spéculer sur leur immeuble. Son recours était téméraire. Celle-ci devait être sanctionnée par une amende et le dommage causé aux intimées devait être réservé. Au surplus, le recours était irrecevable car la recourante n’avait pris aucune conclusion en annulation de l’arrêté du 26 mai 2010. Sa conclusion préalable en production des états locatifs signés par l’agence immobilière constituait une démarche visant à collecter des informations à d’autres fins que celles visées par le recours.

Finalement, l’étude de Maître Christian Dandrès n’existait pas et l’élection de domicile auprès de ce mandataire était une combinaison vulgaire visant à obtenir le paiement de dépens.

Le 19 mars 2012, le juge délégué a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

a. L’ASLOCA a maintenu son recours et son argumentation. Une vente en blocs ne pouvait être autorisée que pour des motifs d’opération d’assainissement et non pas pour faciliter des successions.

b. Les intimées ont confirmé leur argumentation.

Mme Adler Barokas a précisé qu’elle était copropriétaire de l’immeuble avec Mme Adler Bahar et Tolimar. Elle était coactionnaire de cette dernière avec Monsieur Albert Barokas, son frère. Tolimar était une société dont le capital était composé d’actions au porteur.

Mme Adler Bahar n’entendait pas chercher à vendre des appartements à l’unité mais simplement à clarifier sa situation successorale, compte tenu de sa maladie. Elle avait eu un accident vasculaire cérébral et souffrait de myopathie. La location des appartements lui procurait des revenus et elle n’entendait pas les vendre. Sa sœur a confirmé cet élément.

L’objectif poursuivi par les trois copropriétaires était de partager les vingt-trois appartements en trois, de façon à créer trois lots distincts de deux fois six et une fois onze appartements, qui avaient la même valeur. De cette sorte, il n’y avait pas de versement de soulte. Les intimées désiraient effectuer de leur vivant cette répartition de l’actif représenté par ces appartements. Pour elles, les vingt-trois appartements n’étaient pas soumis à la LDTR dès lors que, dans l’autorisation de 1998, il était déjà prévu qu’ils étaient destinés soit à la location soit à la vente, sans restriction quant aux loyers et aux prix.

c. Pour le département, les appartements étaient soumis à la LDTR. Selon l’accord passé en 1998, ils auraient pu être vendus avec autorisation, qu’ils auraient obtenue en raison du dispositif de celle-ci, sans contrôle des prix, tout au moins pour les trois appartements nouvellement créés. Aucune vente n’était intervenue à ce jour, si bien que tous les appartements étaient restés soumis aux conditions de la LDTR. Le département avait autorisé l’opération car elle maintenait des lots d’appartements substantiels qui conservaient une affectation locative. Dans l’arrêté du 26 mai 2010, il avait stipulé que l’autorisation de ce partage-attribution ne pouvait servir de base à l’aliénation ultérieure individuelle d’appartements.

A l’issue de l’audience, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

De jurisprudence constante, l’ASLOCA a qualité pour agir au sens de l’art. 45 al. 5 LDTR (ATA/270/2012 du 8 mai 2012 consid. 3 ; ATA/130/2007 du 20 mars 2007 consid. 2 ; ATA/571/2006 du 31 octobre 2006 consid. 2 et les arrêts cités).

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable à cet égard (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

a. Selon l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. Il doit contenir également l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. A défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé au recourant, sous peine d’irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que la chambre administrative et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/397/2011 du 21 juin 2011). Une requête en annulation d’une décision doit, par exemple, être déclarée recevable dans le mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques. (P. MOOR, Droit administratif, Vol. II, Berne 2002, 2ème éd., p. 674 n. 5.7.1.4).

c. Quant à l’exigence de la motivation au sens de l’art. 65 al. 2 LPA, elle a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l’objet du litige qui lui est soumis et de donner l’occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre. Cette exigence est considérée comme remplie lorsque les motifs du recours, sans énoncer les conclusions formelles, permettent de comprendre aisément ce que le recourant désire (ATA/1/2007 du 9 janvier 2007).

La recourante a déposé un recours comportant une motivation et des conclusions. Dans ces dernières, elle a conclu à l’annulation du jugement du TAPI, qui rejetait le recours qu’elle avait formé contre l’autorisation d’aliéner du 26 mai 2011. Même si, représentée par un mandataire professionnel, la recourante n’a pas conclu formellement à l’annulation de ladite décision, la chambre administrative et les intimés ont pu comprendre que, par la demande de mise à néant du jugement déféré, elle demandait celle de l’autorisation en question parce que contraire à l’art. 39 LDTR. Le recours est donc recevable sous l’angle de l’art. 65 LPA.

La recourante sollicite dans son acte de recours que la chambre administrative ordonne la production des états locatifs

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_573/2007 du 23 janvier 2008, consid. 2.3). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; 130 I 425 consid. 2.1 p. 428 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_402/2008 du 27 juin 2008 consid. 3.2 ; 2P.205/2006 du 19 décembre 2006 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b).

Au vu des questions juridiques à résoudre, la production des pièces relatives à l’exploitation de l’immeuble n’est pas utile à l’instruction de la présente cause qui ne concerne pas le contenu des baux liant les copropriétaires et leurs locataires.

Les copropriétaires, qui sont pourtant à l’origine de la présente procédure, considèrent que l’arrêté du département du 26 mai 2010 constitue une mesure d’exécution de l’autorisation de construire DD/84 408/5 du 14 décembre 1998. Celle-ci autorisant la vente des appartements, l’ASLOCA n’aurait plus le droit de s’opposer au partage-attribution qu’ils envisagent, si bien que son recours aurait dû être déclaré irrecevable.

L’autorisation de construire précitée constitue une autorisation de construire au sens de l’art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Elle était destinée à déployer ses effets au regard de l’état de fait qui prévalait à la date de cette décision, à savoir, comme cela ressort des pièces de la procédure, un immeuble détenu en nom par les copropriétaires, dont le transfert ou la rénovation devait encore être terminée et qui se trouvait sans locataire à l’exception de huit appartements. Selon cette autorisation, les copropriétaires intimés étaient autorisés à terminer les travaux entrepris suivant les plans modifiés qu’ils avaient soumis au département, puis à revendre ou à louer les appartements rénovés ou nouvellement construits, le statut des locataires en place étant protégé. Après exécution des opérations que l’autorisation précitée permettait (travaux de transformation puis décision d’affecter les logements vacants à la vente ou à la location), celle-là cessait de déployer ses effets.

En l’espèce, à l’issue des travaux, les copropriétaires intimés ont optés pour la mise en location des vingt-trois appartements. Suite à cette décision, leur immeuble a pris le statut d’ « immeuble d’habitation affecté à la location » au sens de l’art. 39 al. 1 LDTR, soumis aux restrictions d’aliénation instaurées par cette disposition légale et les recourants ont perdu le droit de se prévaloir, notamment dans le cadre du présent contentieux, des dispositions prises en 1998 dans le cadre de l’autorisation DD/84 408/5. Ainsi, même si l’ASLOCA a accepté à cette époque la vente des appartements vides après travaux, elle reste légitimée à recourir contre la décision du département autorisant la présente opération qui se situe dans un contexte postérieur à celui prévalant en 1998.

L’aliénation - sous quelque forme que ce soit - d’un appartement à usage d’habitation jusqu’alors offert en location est soumise à autorisation dans la mesure où l’appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie (art. 39 al. 1 LDTR).

Le Conseil d’Etat a constaté qu’il y a pénurie, au sens des art. 25 et 39 LDTR, dans toutes les catégories des appartements d’une à sept pièces inclusivement (Arrêtés du Conseil d’Etat déterminant les catégories d’appartements où sévit la pénurie en vue de l’application des art. 25 à 39 LDTR des 12 mai 2010 et 27 juillet 2011 - ArAppart - L 5 20.03).

En l’espèce, les appartements formés du lot n° 8.04-9.04 (11 pièces) et ceux des lots nos 3.01, 8.01-9.01 et 8.02-9.02 (8,5 pièces) sont des appartements d’un nombre de pièces supérieur à 7 et ne sont pas soumis à la LDTR. En revanche, tous les autres appartements entrent dans une catégorie de logements où sévit la pénurie. Ils sont à ce titre soumis à autorisation d’aliéner en vertu de cette loi et la chambre de céans est compétente rationae materiae pour contrôler la conformité à la loi de l’opération de partage-attribution dont ces derniers font l’objet.

Le département refuse l’autorisation lorsqu’un motif prépondérant d’intérêt public ou d’intérêt général s’y oppose. L’intérêt public et l’intérêt général résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l’affectation locative des appartements loués.

Selon l’art. 39 al. 4 LDTR, le département autorise l’aliénation d’un appartement si celui-ci a été, dès sa construction, soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue (a), s’il était, le 30 mars 1985, soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue et qu’il avait déjà été cédé de manière individualisée (b), s’il n’a jamais été loué (c), ou s’il a fait une fois au moins l’objet d’une autorisation d’aliéner en vertu de la LDTR (d). L’autorisation ne porte que sur un appartement à la fois. Une autorisation de vente en bloc peut toutefois être accordée en cas de mise en vente simultanée, pour des motifs d’assainissement financier, de plusieurs appartements à usage d’habitation ayant été mis en PPE et jusqu’alors offerts en location, avec pour condition que l’acquéreur ne peut les revendre que sous la même forme, sous réserve de l’obtention d’une autorisation individualisée.

En cas de réalisation de l’une des hypothèses de l’art. 39 al. 4 LDTR, le département est tenu de délivrer l’autorisation d’aliéner (ATA/647/2000 du 24 octobre 2000 consid. 4 ; ATA/707/1998 du 10 novembre 1998 consid. 6b) ce qui résulte d’une interprétation tant littérale (le texte indique que l’autorité « accorde » l’autorisation, sans réserver d’exception) qu’historique (l’art. 9 al. 3 aLDTR, dont le contenu est repris matériellement à l’art. 39 al. 4 LDTR, prévoyait expressément que l’autorité ne pouvait refuser l’autorisation) du texte légal. Il n’y a donc, le cas échéant, pas de place pour une pesée des intérêts au sens de l’art. 39 al. 2 LDTR. Les conditions posées à l’art. 39 al. 4 LDTR sont par ailleurs alternatives, ce qui résulte notamment de l’incompatibilité entre les let. a et b de cette disposition.

A l’inverse, au vu de la marge d’appréciation dont elle dispose, lorsqu’aucun des motifs d’autorisation expressément prévus par l’art. 39 al. 4 LDTR n’est réalisé, l’autorité doit rechercher si l’intérêt public l’emporte sur l’intérêt privé du recourant à aliéner l’appartement dont il est propriétaire (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.2/1999 du 19 avril 1999, consid. 2f, rés. in SJ 1999 II 287 ; ATA/104/2011, ATA/103/2011, ATA/102/2011 et ATA/101/2011 du 15 février 2011, confirmés par les arrêts du Tribunal fédéral 1C_137/2011, 1C_139/2011, 1C_141/2011 et 1C_143/2011).

Selon l’art. 13 al. 3 RDTR qui traite de la pesée des intérêts incombant à l’autorité dans l’examen des requêtes en autorisation, l’intérêt privé est présumé l’emporter sur l’intérêt public notamment lorsque le propriétaire doit vendre l’appartement par nécessité de liquider un régime matrimonial ou une succession (let. a), par nécessité de satisfaire aux exigences d’un plan de désendettement (let. b) ou prise de domicile dans un autre canton (let. c).

Dans deux arrêts de 2009, le Tribunal administratif, dont la chambre de céans a repris les attributions, a abordé la question de la conformité au regard de la LDTR du partage-attribution entre copropriétaires de lots d’appartements en PPE dont ceux-ci étaient jusque-là copropriétaires du tout (ATA/355/2009 du 28 juillet 2009 confirmé par Arrêt du Tribunal fédéral 1C_411/2009 du 3 décembre 2009 ; ATA/244/2007 du 15 mai 2007  confirmé par Arrêt du Tribunal fédéral 1C_180/2007 du 12 octobre 2007). Dans ces différents cas, les copropriétaires avaient acquis quelques années avant l’opération l’objet de l’autorisation d’aliénation querellée, un lot d’appartements en PPE et l’autorisation d’acquérir qui leur avait été délivrée les avait rendus attentifs au fait qu’elle ne pouvait être invoquée ultérieurement pour justifier une aliénation individuelle des logements concernés. Dans chacun de ces cas, le Tribunal administratif a retenu - ce que le Tribunal fédéral a également repris - que le fait de transformer un lot de plusieurs appartements appartenant à plusieurs copropriétaire en plusieurs appartements ayant chacun un propriétaire distinct n’était pas indifférent au regard de la LDTR car cela diminuerait la protection du parc locatif en place en facilitant la vente au locataire en place. Ce principe a également été rappelé dans les ATA/104/2011, ATA/103/2011, ATA/102/2011, et ATA/101/2011 précités, également confirmés par les arrêts du Tribunal fédéral 1C_137/2011, 1C_139/2011, 1C_141/2011 et 1C_143/2011 déjà cités).

En l’espèce, les copropriétaires ne se trouvent pas dans l’une des situations visées par les art. 39 al. 4 LDTR ou 13 al. 3 RDTR impliquant que l’intérêt privé est présumé l’emporter sur l’intérêt public, dès lors que la répartition envisagée, même si elle procède d’un désir légitime, reste de pure convenance personnelle. Le département gardait donc toute liberté d’appréciation dans la pesée des intérêts qui lui incombe en vertu de l’art. 39 al. 2 LDTR.

Le partage-attribution soumis au contrôle du département a pour effet principal d’attribuer à l’un ou l’autre des trois intimées requérant les droits exclusifs sur l’un ou l’autre des vingt-trois appartements, conférés par l’art. 712a al. 1 CCS, droits dont jusque-là ils étaient copropriétaires à concurrence d’un certain pourcentage. Certes, cette opération ne fait intervenir aucune cession à un tiers. Elle respecte la proportion des droits de copropriété et les vingt-trois appartements restent affectés à la location. Toutefois, après qu’en 2009 les copropriétaires avaient soumis l’immeuble au régime de la PPE, le partage-attribution entre ceux-ci de droits de copropriété portant jusque-là sur l’ensemble d’un immeuble affecté à la location, conduit à une diminution de la protection du parc locatif conférée par la LDTR, en accentuant le risque que, par une vente ultérieure, l’un ou l’autre des appartements perde son affectation locative. Cet élément est d’importance dans la pesée des intérêts qui doit intervenir et n’est pas contrebalancé par le fait que le partage-attribution conduirait, malgré la répartition, au maintien de lots d’appartements gardant une certaine importance (deux fois six et une fois onze). Dans ces circonstances, c’est à tort que le TAPI a admis le recours des copropriétaires intimées et le département n’aurait pas dû autoriser le partage-attribution qui lui était soumis, dès lors qu’il était contraire à l’art. 39 al. 1 LDTR.

Le recours sera admis et le jugement du TAPI annulé, ainsi que l’autorisation d’aliéner VA 10’993.

Un émolument de CHF 1’500.- sera mis à la charge, conjointe et solidaire, des copropriétaires intimées, de même qu’une indemnité de procédure de CHF 1’000.- en faveur de la recourante. Une indemnité de procédure de CHF 1’000.- sera également mise à la charge de l’Etat de Genève en faveur de la même (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 décembre 2011 par l’ASLOCA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 novembre 2011 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 novembre 2011 ;

annule l’arrêté du département des constructions et des technologies de l’information n° VA 10’993 du 26 mai 2010 ;

met un émolument de CHF 1’500.- à la charge, conjointe et solidaire, de Mesdames Leyla Adler Bahar et Lolita Adler Barokas, et Tolimar S.A. ;

alloue à l’ASLOCA une indemnité de procédure de CHF 2’000, dont CHF 1’000.- à la charge, conjointe et solidaire, de Mesdames Leyla Adler Bahar et Lolita Adler Barokas et Tolimar S.A., et de CHF 1’000.- à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Dandrès, avocat de l’ASLOCA, à Me Mark Barokas, avocat de Mesdames Leyla Adler Bahar et Lolita Adler Barokas, et de Tolimar S.A., au département de l’urbanisme, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :