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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1085/2012

ATA/220/2012 du 17.04.2012 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ; NOTIFICATION DE LA DÉCISION ; NOTIFICATION IRRÉGULIÈRE ; FORME ET CONTENU ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; DÉLAI DE RECOURS ; CALCUL DU DÉLAI ; RETARD
Normes : LPA.46 ; LPA.47 ; LPA.17 ; LPA.62 ; LPA.17A ; LPA.17 ; LPA.16
Résumé : La décision querellée a été notifiée directement à l'avocat du recourant et reconnue comme incidente dans son acte de recours. Bien que l'indication erronée d'un délai de recours de trente jours était clairement et facilement reconnaissable, celui de dix jours applicable à une décision incidente n'a pas été respecté. Dans ce contexte, à défaut d'une demande de prolongation de délai ou de l'existence d'un cas de force majeure, le recours, interjeté trente jours après la notification de la décision, est tardif et irrecevable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1085/2012-FPUBL ATA/220/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 avril 2012

 

 

dans la cause

 

Monsieur X______
représenté par Me Yves Bonard, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

 



EN FAIT

1. Monsieur X______, né en 1958, est fonctionnaire de la Ville de Genève (ci-après : la ville) et travaille pour celle-ci depuis 1982.

2. En 2009, il a été nommé chef du centre des compétences de formation (ci-après : CECOFOR) du service d'incendie et de secours (ci-après : SIS), lequel dépend du département de l'environnement urbain et de la sécurité (ci-après : DEUS).

3. Le 22 février 2012, le conseil administratif de la ville a décidé d'ouvrir une enquête administrative à l'encontre de M. X______. Des allégations de manquements aux devoirs de service lui avaient été rapportées, soit d'avoir contrevenu à de réitérées reprises à la directive municipale sur l'utilisation des systèmes d'information, consulté sur son poste de travail des sites pornographiques ou érotiques, téléchargé et utilisé des logiciels de jeux pendant ses heures de travail, et porté atteinte à la considération et à la confiance dont doit jouir l'administration municipale.

Les enquêteurs désignés étaient Messieurs Y______ et Z______, juristes au service juridique de la ville.

La décision a été notifiée directement à l'avocat de M. X______.

4. Le 7 mars 2012, le Conseil administratif a prononcé la suspension de M. X______ de son activité et de son traitement. La décision, adressée à l'avocat de M. X______, était ainsi libellée :

« Lors de sa séance de ce jour, le Conseil administratif a été informé par les enquêteurs que certaines images récupérées sur le poste de travail de votre mandant pourraient relever de la pornographie dure, soit :

une photographie représentant une scène de zoophilie ;

une photographie partielle représentant une scène d'urolanie (sic) ;

une photographie partielle représentant un homme serrant d'une main le cou d'une femme.

Au vu de la gravité de ces éléments nouveaux, le Conseil prononce à l'encontre de votre mandant, à titre de mesures provisionnelles, la suspension de son activité et la suppression de son traitement et de toute prestation à la charge de la Ville de Genève, avec effet immédiat jusqu'au prononcé d'une éventuelle sanction ou d'un licenciement conformément aux art. 93 et 99 du Statut du personnel de la Ville de Genève [du 29 juin 2010 - LC 21 151.30 - ci-après : le statut], en application de l'art. 98 al. 1 à 3 dudit Statut.

Cette suspension emporte interdiction à votre mandant de se rendre sur son lieu de travail. Il est en outre prié de restituer le matériel et les clés en sa possession.

Un éventuel licenciement avec effet rétroactif à la date de la présente suspension, conformément à l'art. 99 al. 4 du Statut, demeure réservé.

La présente décision de suspension peut faire l'objet d'un recours, dans un délai de 30 jours dès réception de la présente, auprès de la chambre administrative de la Cour de justice, en vertu de l'art. 104 du Statut du personnel.

Elle est exécutoire nonobstant recours ».

La décision a été communiquée le jour même, soit le 7 mars 2012, par porteur, au mandataire de M. X______.

5. Par acte posté le 5 avril 2012, ce dernier a interjeté recours contre la décision précitée auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours et principalement à l'annulation de la décision attaquée ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

S'agissant de la recevabilité du recours, la décision attaquée était une décision incidente, mais elle causait au recourant un préjudice irréparable. Le délai de trente jours prévu par l'art. 104 du statut était respecté.

6. Sur ce, la cause a été gardée à juger, sans autre acte d'instruction.

EN DROIT

1. Interjeté devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 -LOJ - E 2 05 ; art. 104 du statut).

2. Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Elles sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 LPA).

Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

3. Sur la question de l'indication erronée des voies de recours, le Tribunal fédéral considère, de jurisprudence constante, que seul peut bénéficier du principe de la bonne foi celui qui ne sait pas que l'indication de la voie de recours est inexacte et qui ne pourrait pas le savoir en faisant preuve de quelque attention. Le justiciable ne peut ainsi se prévaloir du principe de la confiance lorsque l'erreur contenue dans la décision attaquée ne pouvait lui apparaître, à lui-même ou à son mandataire, en se contentant de lire la disposition légale pertinente. Il n'est ainsi pas exigé du justiciable ni de son mandataire de prendre connaissance de la jurisprudence et de la doctrine, même si la lecture de l'une ou l'autre permettait de se rendre compte de l'erreur (ATF 135 III 489 consid. 4.4 ; 134 I 199 consid. 1.3.1 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_394/2011 du 2 février 2012 consid. 2.2.2).

4. Le délai de recours est de trente jours s'il s'agit d'une décision finale ou d'une décision en matière de compétence (art. 62 al. 1 let. a LPA), et de dix jours s'il s'agit d'une autre décision (art. 62 al. 1 let. b LPA). Le délai court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 3 LPA).

Par ailleurs, les délais en jours et en mois fixés par la loi ou par l'autorité ne courent pas du 7ème jour avant Pâques au 7ème jour après Pâques inclusivement (art. 17A al. 1 let. a LPA).

5. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (ATA/164/2012 du 27 mars 2012 consid. 5 ; ATA/351/2011 du 31 mai 2011 consid. 3 ; ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 4 ; ATA/266/2009 du 26 mai 2009 consid. 2). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/712/2010 du 19 octobre 2010 et les références citées).

Les cas de force majeure restent réservés (art. 16 al. 1, 2ème phr. LPA). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de l’extérieur de façon irrésistible (ATA/177/2011 du 15 mars 2011 ; ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 ; ATA/255/2009 du 19 mai 2009 ; ATA/50/2009 du 27 janvier 2009), la charge de leur preuve incombant à la partie qui s’en prévaut.

Les délais commencent à courir le lendemain de leur communication ou de l’événement qui les déclenche (art. 17 al. 1 LPA). Par ailleurs, lorsque le dernier jour du délai est un samedi, un dimanche ou un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (art. 17 al. 3 LPA). Les délais sont réputés observés lorsque l’acte de recours est parvenu à l’autorité ou a été remis à son adresse à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit (art. 17 al. 4 LPA).

6. Le droit cantonal - conformément aux principes de la hiérarchie des normes et de la structure étatique à trois niveaux de l'Etat fédéral suisse - prime le droit communal et lui est supérieur (ATF 123 I 175 consid. 2d.bb ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.633/2000 du 29 janvier 2001 consid. 2b et 3c ; H. SEILER, in D. THÜRER/J.-F. AUBERT/J.P. MÜLLER, Droit constitutionnel suisse, Zurich 2001, chap. 31 n. 11). En matière législative, une commune est autonome lorsqu'elle a un pouvoir normatif dans un domaine que le législateur cantonal n'a pas réglé exhaustivement (A. AUER/G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 2e éd., Berne 2006, n. 284) ; ce qui est le cas à Genève de la fonction publique communale, mais à l'évidence pas de la procédure administrative, que la LPA règle exhaustivement depuis plusieurs décennies.

7. En l'espèce, la décision attaquée a été adressée directement au mandataire du recourant. Il s'agit d'une décision incidente (cf. Arrêt du Tribunal fédéral 1C_459/2008 du 13 janvier 2009 consid. 1.2 ; ATA/458/2011 du 26 juillet 2011 consid. 1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009), ce que le recourant ou son mandataire a parfaitement saisi dès lors qu'il l'énonce expressément dans son acte de recours (p. 12, § 3), en se référant à l'art. 57 LPA et en tentant de démontrer l'existence d'un préjudice irréparable au sens de cette disposition.

Dès lors, la simple lecture de l'art. 62 al. 1 LPA permettait de savoir que le délai de recours était de dix jours, étant précisé que ce dernier venait à échéance avant le premier jour de suspension pascale des délais, qui tombait en 2012 le dimanche 1er avril. Le caractère erroné de l'indication contenue dans la décision - l'art. 104 du statut ne pouvant s'appliquer, pour ce qui était du délai de recours, à une décision incidente - était donc clairement et facilement reconnaissable, sinon pour le recourant, du moins pour son mandataire, qui est avocat breveté.

Enfin, aucune prolongation de délai n'a été demandée, et aucun cas de force majeure n'est attesté ni même allégué.

8. Le recours, interjeté trente jours après la notification de la décision, est donc tardif et sera déclaré irrecevable, sans instruction complémentaire, conformément à l'art. 72 LPA.

Un émolument de CHF 300.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 5 avril 2012 par Monsieur X______ contre la décision de la Ville de Genève du 7 mars 2012 ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 300.- ;

dit qu'aucune indemnité de procédure n'est allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Bonard, avocat du recourant, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :