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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4273/2015

ATA/302/2016 du 12.04.2016 ( AMENAG ) , REJETE

Recours TF déposé le 19.05.2016, rendu le 24.10.2016, REJETE, 1C_230/2016
Parties : BREITENMOSER Marco ET AUTRES, BREITENMOSER Katrina, STUCKI DELETRAZ Line, PIGUET Vincent, PIGUET Cécile / CONSEIL D'ETAT, RITZENTHALER Erika, VILLE DE GENEVE
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4273/2015-AMENAG ATA/302/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 avril 2016

 

dans la cause

 

Madame Katrina et Monsieur Marco BREITENMOSER

Madame Cécile et Monsieur Vincent PIGUET

Madame Line STUCKI DELETRAZ

représentés par Me Pierre Banna, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

et

Madame Erika RITZENTHALER

représentée par Me Pascal Pétroz, avocat


et

VILLE DE GENÈVE


EN FAIT

1. L’ancienne campagne Lullin, qui abritait notamment la maison de maître de l’ancien domaine du Bouchet, a été morcelée en plusieurs parcelles le 13 juillet 1953. Trois chemins privés ont été aménagés pour desservir ces parcelles : les chemins Docteur Jean-Louis Prévost, Buisson et Mestrezat.

2. Madame Erika RITZENTHALER est propriétaire des parcelles nos 2’856, 3’068 et 3’069, feuille 55 de la commune de Genève-Petit-Saconnex (ci-après : parcelles de Mme RITZENTHALER) totalisant 3'915 m2, sises à l'adresse 25 chemin du Docteur Jean-Louis Prévost, à l'angle avec l'avenue du Bouchet.

3. a. Madame Katrina et Monsieur Marco BREITENMOSER (ci-après : les époux BREITENMOSER) sont propriétaires de la parcelle n° 2'866, sise au 1 chemin Docteur Jean-Louis Prévost.

b. Madame Cécile PIGUET et son frère Monsieur Vincent PIGUET, sont propriétaires de la parcelle n° 2'874, sise au 4 chemin du Docteur Jean-Louis Prévost.

c. Madame Line STUCKI DELETRAZ est propriétaire de la parcelle n° 2'867, sise au 2 chemin Buisson, à l’angle du chemin du Docteur Jean-Louis-Prévost.

4. La parcelle de dépendance, n° 2’881, feuille 55 de la commune de Genève, section Petit-Saconnex, d'une surface de 2'634 m2 correspond au
ch. Docteur Jean-Louis-Prévost

Elle appartient, à raison de quotes-parts, à vingt fonds.

3/34èmes de la parcelle de dépendance n° 2'881 sont détenus par Mme RITZENTHALER en lien avec la propriété de ses parcelles.

Les propriétaires des parcelles nos 2'866, 2'874, 2'867 possèdent chacun 1/34ème de la parcelle de dépendance n° 2'881.

5. Le chemin du Petit-Bouchet correspond à la parcelle de dépendance, n° 1'613, feuille 55 de la commune de Genève, section Petit-Saconnex, d'une surface de 725 m2, en copropriété, laquelle appartient, à raison de quotes-parts « inconnues » selon le registre foncier (ci-après : RF), à neuf fonds dominants, dont les trois parcelles de Mme RITZENTHALER.

Les propriétés des époux BREITENMOSER, de Mme et M. PIGUET ainsi que de Mme Line STUCKI DELETRAZ ne donnent pas sur ce chemin. Ils ne possèdent pas de parts.

6. Toutes ces parcelles se situent en cinquième zone au sens de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) et en zone de développement 3 au sens de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35).

7. a. La parcelle des époux BREITENMOSER bénéficie de quatre servitudes à charge des parcelles de Mme RITZENTHALER, soit :

- une servitude de restriction de droit de bâtir inscrite au RF sous ID 2004/027870 (RS 28897-B), limitant le secteur « aux seules constructions genre villas servant à la résidence exclusivement ».

- une servitude de restriction d’affectation inscrite sous ID 2004/027873 (RS 28898-B), limitant « les constructions à des villas destinées à la résidence principalement et prohibant tous usines et ateliers de quelque nature que ce soit, hôpitaux, cliniques, écuries, clapiers, poulaillers, magasins, cafés et débits de boissons alcooliques ou non, et en général tous établissements ou dépôts dont le bruit ou l’odeur serait désagréable ou dangereux pour le voisinage ; les garages automobiles ne sont autorisés que s’ils sont reliés à la maison d’habitation ou faisant corps avec celle-ci ; les toits plats sont interdits, la teinte des toitures sera celle de la tuile "ancienne ou vieillie" ».

- une servitude de restriction au genre de clôtures inscrite sous ID 2004/027876 (RS 28899-B) imposant que « les propriétés en bordure de chemin soient clôturées des haies vives de 1,20 m de hauteur maximum et les treillis ou chabaurys ne doivent être placés que derrière ou à l’intérieur de la propriété. Entre les propriétés, les clôtures seront en chabaurys ou en treillis métallique ; les murs d’espalier sont interdits et les murs de clôture ne sont autorisés que s’ils ne dépassent pas la hauteur de 1,20 m ».

- une servitude de restriction aux plantations inscrite sous ID 2004/027867 (RS 28896-B) imposant que « les plantations qui ne sont pas à la distance légale de la ligne séparative de deux fonds, doivent être maintenues ; la plantation de toute espèce de sapin est interdite ».

b. Mme et M. PIGUET, respectivement Mme STUCKI DELETRAZ, bénéficient de servitudes similaires à charge des parcelles de Mme RITZENTHALER.

8. a. Le 22 mars 2006, le Conseil d’État a adopté le plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) n° 29’418-254 situé chemin Docteur Jean-Louis Prévost sur les parcelles de Mme RITZENTHALER, ainsi que, pour partie, sur les nos 1'613 et 2’881.

Le PLQ prévoit la construction d’un bâtiment comprenant trois immeubles d’habitation de cinq étages sur rez-de-chaussée (ci-après : R + 5) et un niveau de sous-sol, disposés le long du chemin Docteur Jean-Louis Prévost aux nos 23, 25 et 27. Il doit permettre la réalisation de quarante-neuf logements bénéficiant d’un haut standard énergétique, dont trente-quatre appartements de catégorie habitation mixte (ci-après : HM). La surface brute de plancher (ci-après : SBP) était limitée à 4'350 m2, soit un indice d’utilisation du sol (ci-après : IUS) de 1,0 maximum. Les deux tiers des SBP réservés au logement, au minimum, devaient être mis au bénéfice de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4  décembre 1977 (LGL - I 4 05).

Le PLQ mentionne qu’« en contrepartie de la réalisation des constructions projetées, les quotes-parts des parcelles nos 1'613 et 2'881 revenant aux parcelles nos 2'856, 3068 et 3'069 seront cédées au domaine public ».

Selon la légende du plan, le bord des parcelles nos 2'856, 3'068 et 3'069 est cédé gratuitement au domaine public au profit d’un trottoir et de places de stationnement.

b. Les époux BREITENMOSER, en leur qualité de copropriétaires de la parcelle de dépendance n° 2'881, se sont opposés à la cession par Mme RITZENTHALER de ses droits issus de la parcelle de dépendance n° 2'881 au domaine public communal de la ville de Genève (ci-après : la ville) prévue par le PLQ.

Mme et M. PIGUET et Mme STUCKI DELETRAZ en ont fait de même.

c. Leurs oppositions ayant été rejetées, les cinq précités, notamment, ont interjeté recours contre le PLQ.

d. Par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) du 19 juin 2007 (ATA/320/2007), les opposants au PLQ ont été déboutés.

Le PLQ est aujourd’hui en force.

9. a. Le 18 mars 2010, le futur promoteur et Mme RITZENTHALER ont déposé, auprès du département des constructions et des technologies de l’information, devenu depuis lors le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : le département ou le DALE), une demande définitive d’autorisation de construire, référencée DD 103'510 – 4.

b. La demande a été autorisée le 23 avril 2012. Elle portait sur la construction d’un immeuble d’habitation de six étages sur rez-de-chaussée, comportant quarante-neuf logements.

c. Publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 27 avril 2012, elle a fait l’objet d’un recours, notamment des cinq précités, devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le 29 mai 2012.

d. Par jugement du 24 octobre 2012 (JTAPI/1275/2012), le recours a été rejeté. Ce jugement n’a pas été contesté.

e. L’autorisation de construire est aujourd’hui en force.

Elle mentionne, sous condition n° 12 qu’ « en ce qui concerne les cessions gratuites et constitutions de servitudes prévues par les conditions d’application des normes de la zone de développement, celles-ci doivent être constituées et inscrites au RF. Les actes notariés ainsi que pièces justificatives attestant leur inscription au RF devront parvenir au département avant l’ouverture du chantier ».

10. Des discussions entre le Conseil d’État et les propriétaires des parcelles voisines ont été entamées dès 2013.

11. a. Le 29 octobre 2014, le Conseil d’État a adopté et déposé un projet de loi au Grand Conseil, enregistré sous PL 11'561, déclarant d’utilité publique la réalisation du PLQ n° 29’418-254.

b. Le 11 novembre 2014, le projet de loi n° 11'651 a été publié dans la FAO.

Un délai au 21 décembre 2014 était imparti à tout tiers disposant d’un intérêt digne de protection pour former opposition auprès du Conseil d’État sur la question du bien-fondé de l’utilité publique du projet de construction, dossier DD 103'510.

c. Par courrier du 21 décembre 2014, les époux BREITENMOSER, Mme et M. PIGUET ainsi que Mme STUCKI DELETRAZ, notamment, ont formé opposition à l’encontre du projet de loi précité.

d. Lors de sa séance du 20 février 2015, le Grand Conseil a rejeté les oppositions formées par les recourants d’une part et adopté le projet de loi susvisé d’autre part déclarant d’utilité publique la réalisation du PLQ 29’418-254 et des bâtiments prévus par ce plan.

e. La loi a été publiée le 27 février 2015 dans la FAO. Le délai référendaire a expiré le 8 avril 2015.

La loi 11'651 a été promulguée le 17 avril 2015 dans la FAO pour être exécutoire dans tout le canton de Genève dès le 18 avril 2015.

12. Par courrier recommandé du 2 juin 2015, le conseiller d’État en charge du DALE a expressément invité les époux BREITENMOSER à renoncer aux quatre servitudes précitées, ainsi qu’à donner leur accord, en qualité de copropriétaires de la parcelle de dépendance n° 2'881, afin que les quotes-parts de ladite parcelle, propriétés de Mme RITZENTHALER, afférentes aux parcelles nos 2'856, 3'068 et 3'069, soient cédées et incorporées au domaine public communal.

La même démarche a été entreprise auprès de Mme et M. PIGUET et de Mme STUCKI DELETRAZ, des accords ayant pu être trouvés par le Conseil d’État avec les autres copropriétaires.

13. Par arrêt de la chambre administrative du 30 juin 2015 (ATA/692/2015), les cinq susnommés, notamment, ont été déboutés de leur recours à l’encontre du PLQ n° 29’793-206 concernant le périmètre sis de l’autre côté du chemin Docteur Jean-Louis Prévost et s’étendant sur les parcelles nos 3’143, 3’209, 3’210 et, pour partie, 2’881 du territoire de la ville, feuille 55 du cadastre, concernant le périmètre sis de l’autre côté du chemin Docteur Jean-Louis Prévost.

Ce PLQ modifiait et abrogeait pour partie le PLQ n° 29’418-254 en ce qu’il portait sur la parcelle 2'881 : le périmètre du chemin du Docteur Jean-Louis Prévost situé entre les deux projets, initialement inclus dans le PLQ  n° 29'418-254, était englobé pour partie dans le PLQ n° 29’793-206, modifiant en conséquence le tracé du PLQ n° 29’418-254. Les droits à bâtir afférents à la parcelle n° 2'881 dans le tableau de répartition desdits droits du PLQ n° 29’418-254 n’étaient pas modifiés, ceux-ci ayant dûment été calculés à hauteur de 3/64èmes de la parcelle n° 2'881. Les droits à bâtir afférents à la parcelle n° 2'881 revenant aux propriétaires des biens-fonds 3'143, 3'209 et 3'210 concernée par le PLQ n° 29’793-206 étaient à « céder au domaine public en temps utile ».

14. Aucun des susnommés n’a donné suite au courrier du DALE du 2 juin 2015 dans le délai imparti au 2 juillet 2015.

15. a. Par arrêté n° 10’050-2015 du 28 octobre 2015, le Conseil d’État a décrété l’expropriation, au profit de Mme RITZENTAHLER, des quatre servitudes grevant ses trois parcelles au profit de celles des époux BREITENMOSER, ainsi que des droits détenus par Mme RITZENTHALER dans la parcelle de dépendance n° 2'881 à hauteur de 3/34èmes revenant à ses parcelles, en vue de leur incorporation au domaine public communal, en exécution du PLQ (art. 1 de l’arrêté).

La construction des bâtiments de logements prévue sur les parcelles nos 2'856, 3'068 et 3'069, comprises dans le PLQ, était déclarée urgente. Le TAPI, respectivement la chambre administrative, était requis, en application de l’art. 81A de la loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique du 10 juin 1933
(Lex-GE-L 7 05) d’ordonner l’envoi en possession anticipée des droits nécessaires à cette réalisation (art. 2).

Le DALE était chargé de procéder aux notifications et publications nécessaires prévues par les art. 31 et 32 Lex-GE et de suivre la procédure.

b. Par arrêté n° 10’041-2015, du même jour, le Conseil d’État a décrété l’expropriation des servitudes grevant les mêmes parcelles au profit de celles de Mme et M. PIGUET, ainsi que des droits issus de la parcelle de dépendance de n° 2’881.

c. Un même arrêté (n° 10’047-2015) a été prononcé, le même jour, en lien avec la parcelle de Mme STUCKI DELETRAZ.

16. Par un acte unique du 7 décembre 2015, les époux BREITENMOSER, Mme et M. PIGUET et Mme STUCKI DELETRAZ ont interjeté recours contre les arrêtés précités.

Ils ont conclu à l’annulation de l’ensemble des arrêtés du Conseil d’État du 28 octobre 2015, notifiés aux recourants d’une part et à tous les propriétaires concernés d’autre part, « sous suite de frais et dépens ».

Le PLQ prévoyait notamment la réalisation de six places de stationnement à cheval sur les parcelles nos 2'856, 3'068, 3'069 d’une part, et sur la parcelle n° 2'881 d’autre part, ainsi que des canalisations d’eaux claires et d’eaux usées en système séparatif sous la parcelle n° 2'881.

Les plans visés ne varietur le 23 avril 2012, avec l’autorisation de construire, prévoyaient notamment la réalisation des canalisations d’eau sous la parcelle de dépendance n° 2'881 et sept places de stationnement visiteurs sur la parcelle de dépendance n° 2'881.

Dans un premier grief, relatif à la parcelle de dépendance n° 2'881, les recourants invoquaient l’impossibilité d’incorporer des quotes-parts idéales de copropriété ordinaire au domaine public. Compte tenu du fait que chaque part ne correspondait pas à une partie déterminée du bien, mais que chaque copropriétaire avait un droit qui portait sur la totalité de ce bien, limité par l’existence du droit des autres copropriétaires, la part n’était qu’« idéale ». La cession au domaine public prévue par le PLQ était juridiquement impossible, puisque cela revenait à « diffuser du domaine public » dans les parcelles privées nos 1'613 et 2'881. Par ailleurs, même à supposer qu’une telle « incorporation au domaine public » de quotes-parts idéales d’une parcelle privée fût licite au regard des règles de droit civil, le résultat de cette mutation aurait pour conséquence la sortie des immeubles principaux nos 2'856, 3'068 et 3'069 de la copropriété ordinaire des parcelles de dépendance nos 1'613 et 2’881. Cela représenterait un partage partiel de la copropriété, lequel n’était pas envisageable en vertu de l’art. 650 al. 1 in fine du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). Par ailleurs, la sortie des trois immeubles principaux permettrait aux propriétaires desdites parcelles de ne plus avoir à supporter les charges de la copropriété ordinaire des parcelles de dépendance précitées, ce qui serait exclu, en particulier compte tenu du fait qu’ils seraient autorisés à continuer à les utiliser, de tels chemins privés étant « ouverts au public » en vertu de la législation sur la circulation routière.

Les modalités de mise en œuvre du projet de construction n’étaient pas compréhensibles. Aussi bien le PLQ que l’autorisation de construire projetaient la réalisation d’aménagements en sous-sol, soit le réseau de canalisations et en surface, soit les places de stationnement, sur la parcelle n° 2'881. Ceci ne pouvait être entrepris que si le chemin Docteur Jean-Louis Prévost était exproprié en tout ou en partie, la majorité des copropriétaires de ladite parcelle refusant toute intervention sur leur chemin, faute d’accord sur les modalités techniques et surtout financières y relatives. Seule l’expropriation d’une surface parfaitement délimitée du chemin pourrait permettre au constructeur de réaliser les aménagements prévus, en contrepartie d’une juste indemnité calculée en fonction des mètres carrés de surface expropriée, ce que l’État de Genève avait toujours refusé d’octroyer et même de négocier. Les motivations des recourants ne résidaient pas dans une opposition de principe à la réalisation du projet de construction querellé comme cela ressortait à tort du rapport du Grand Conseil, mais exclusivement de leur souhait que soit réglé le sort du chemin privé Docteur Jean-Louis Prévost avant toute ouverture de chantier.

Dans un second grief, les recourants contestaient l’expropriation des servitudes de restriction aux plantations et au genre de clôtures. Ces deux servitudes de droit privé ne restreignaient d’aucune manière l’utilisation des droits à bâtir prévus dans le PLQ en force. La loi n’autorisait l’expropriation que des droits empêchant l’utilisation des droits à bâtir prévus par le PLQ. Dans son rapport, le Grand Conseil n’avait pas expliqué pour quelles raisons de telles servitudes constituaient un obstacle à la réalisation des bâtiments projetés. En réalité, l’expropriation desdites servitudes avait été décrétée afin de permettre aux constructeurs une totale liberté dans la réalisation des aménagements extérieurs. Il n’était pas contesté que lesdits droits obligeaient le constructeur à respecter certaines contraintes, notamment en l’espèce aux aménagements extérieurs, mais n’empêchaient nullement la réalisation des logements sociaux en cause, seuls d’utilité publique. C’était en conséquence à tort que le Grand Conseil, respectivement le Conseil d’État, s’étaient prévalus de la déclaration d’utilité publique du PLQ pour décréter l’expropriation des servitudes de droit privé précitée.

Pour chacun des deux motifs invoqués, il y avait lieu d’annuler l’arrêté du Conseil d’État. Ladite annulation vaudrait pour l’ensemble des arrêtés du Conseil d’État du 28 octobre 2015 en application de la Lex-GE.

17. Le 22 décembre 2015, la chambre administrative a transmis les recours à Mme RITZENTHALER, bénéficiaire du droit d’expropriation, et lui a imparti un délai pour répondre.

Le même jour, elle a donné avis au département des procédures ouvertes.

18. Par réponse du 14 janvier 2016, le Conseil d’État a conclu au rejet du recours.

19. Par réponse du même jour, Mme RITZENTHALER a conclu au rejet du recours.

20. Un transport sur place a eu lieu le 21 janvier 2016. Des photos de l’état des lieux ont été prises.

21. Le 21 janvier 2016, la chambre administrative a imparti à la ville, bénéficiaire du droit d’expropriation des droits détenus par Mme RITZENTHALER dans la parcelle de dépendance, un délai pour se déterminer, en qualité de partie.

22. Le 1er février 2016, la ville a produit ses observations.

23. Les parties ayant fait quelques ajouts sur le procès-verbal, la version définitive de celui-ci leur a été adressée le 2 février 2016.

24. Par réplique du 26 février 2016, les recourants ont persisté dans leurs conclusions. Le Conseil d’État n’avait pas entrepris les démarches pour décréter l’expropriation de tout le chemin privé concerné. Les recourants ayant démontré dans le cadre de leur recours qu’une telle cession de parts idéales d’un chemin privé était juridiquement impossible et illicite, il n’était pas nécessaire qu’ils contestent et s’opposent formellement au constat d’urgence du Conseil d’État et prennent formellement des conclusions sur l’envoi en possession anticipé, vu leurs conclusions en annulation des arrêtés d’expropriation. S’agissant des exigences relatives à la garantie de la propriété, il n’existait manifestement pas de rapport raisonnable et consistant entre les moyens que le Conseil d’État tentait de mettre en œuvre, soit l’expropriation de parts idéales, et le but poursuivi, soit la construction de logements. En particulier, le principe de la proportionnalité était violé.

25. Le Conseil d’État ayant sollicité, par courrier du 3 mars 2016, de pouvoir dupliquer, un délai a été accordé à tous les intimés.

26. Par duplique du 14 mars 2016, le Conseil d’État a persisté dans ses conclusions.

L’incorporation des quotes-parts de dépendance au domaine public devait faire l’objet d’une procédure distincte de l’expropriation. Le changement de titulaire des droits détenus par Mme RITZENTHALER dans la parcelle de dépendance n° 2'881 n’affectait pas les droits des recourants. Ce ne serait que lorsque toutes les quotes-parts seraient réunies en main de l’autorité communale que la parcelle de dépendance serait affectée au domaine public communal. Entretemps, les quotes-parts expropriées seraient intégrées au domaine privé de la ville. Une réunion s’était tenue, le 11 février 2016, en présence de représentants du Conseil d’État, de la ville, de l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) et de l’office du registre foncier et de la mensuration officielle (ci-après : ORFMO). Ces derniers avaient confirmé le bien-fondé de distinguer la procédure d’expropriation de celle de l’intégration des parcelles au domaine public lorsque la ville détiendrait 34/34èmes de la parcelle. L’État de Genève détenait déjà 10/34èmes de la parcelle querellée, la Fondation de la ville pour le logement social 1/34ème, et la ville 13/68èmes, non compris les 3/34èmes litigieux. Les collectivités publiques et ladite fondation étaient déjà largement majoritaires dans la copropriété concernée. Le recours était dilatoire.

27. Par duplique du même jour, la ville a persisté dans ses conclusions. Elle a fait mention de la réunion précitée avec l’ORFMO. Contrairement à ce qu’alléguaient les recourants, le patrimoine financier de la ville ne serait pas concerné. Les quotes-parts seraient intégrées dans le patrimoine administratif, comme l’était souvent le domaine privé de la ville, surtout lorsqu’il avait un usage public. Il était donc soumis à la législation relative au domaine public. La plaine de Plainpalais était du domaine privé. Les manifestations organisées sur cette parcelle, n° 578 commune Genève-Plainpalais, étaient soumises à autorisations. Tel était aussi le cas du parc des Bastions, du jardin anglais ou de l’île Rousseau. Les usagers pouvaient bénéficier du droit à l’usage commun et se voir octroyer des permissions pour un usage accru. En l’espèce, la phase transitoire de cession des quotes-parts à la ville n’entraînerait aucune modification pour les recourants. La ville menait une politique active d’acquisition dans ce secteur en vue de densifier et de réaliser un nombre important de logements, nécessaires à Genève, conformément au plan directeur communal.

28. Par courrier du 17 mars 2016, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 31 al. 2 lat. a, 62 et 81C al. 3 LEx-GE ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2. La présent recours est interjeté contre les arrêtés du Conseil d'État n° 10'050-2015, 10'047-2015 et 10'041-2015 du 28 octobre 2015 et tend à leur annulation.

3. La question de savoir si les recourants pouvaient interjeter recours dans un seul et même acte tout en prenant des conclusions individuelles souffrira de rester ouverte compte tenu de ce qui suit.

4. Le droit d’expropriation pour cause d’utilité publique peut être exercé pour des travaux ou des opérations d’aménagement qui sont dans l’intérêt du canton ou d’une commune. Il ne peut être exercé que dans la mesure nécessaire pour atteindre le but poursuivi (art. 1 LEx-GE).

Peuvent notamment faire l’objet de l’expropriation les droits réels immobiliers, propriété et droits réels restreints (art. 2 al. 1 LEx-GE). L’expropriation peut être totale ou partielle, définitive ou temporaire (art. 2 al. 2 LEx-GE).

Aux termes de l’art. 3 LEx-GE, la constatation de l’utilité publique ne peut résulter que d’une loi déclarant de manière ponctuelle l’utilité publique d’un travail ou d’un ouvrage déterminé, d’une opération d’aménagement ou d’une mesure d’intérêt public et désignant, sur présentation des pièces mentionnées par l’art. 24, les immeubles ou les droits dont la cession est nécessaire, sous réserve d’une spécification plus complète par le Conseil d’Etat dans l’arrêté décrétant l’expropriation (let. a) ou d’une loi décrétant d’une manière générale l’utilité publique des travaux, d’opérations d’aménagement dont elle prévoit l’exécution ou de mesures d’intérêt public et appliquant à ceux-ci les dispositions légales sur l’expropriation (let. b).

Lorsque l’utilité publique a été constatée, le droit d’expropriation est exercé par l’État ou par la commune intéressée (art. 4 LEx-GE).

Lorsque l’utilité publique a été constatée par le Grand Conseil, le Conseil d’État décrète l’expropriation des immeubles et des droits dont la cession est nécessaire à l’exécution du travail ou de l’ouvrage projeté (art. 30 LEx-GE).

Le recours à la chambre administrative contre les décisions prises en vertu de la LEx-GE est régi par l’art. 132 LOJ et par la LPA. Lorsque le recours est interjeté contre un arrêté du Conseil d’État au sens de l’art. 30 LEx-GE, le recourant peut faire valoir des griefs portant sur l’utilité publique du projet (art. 62 LEx-GE).

Lorsque l’expropriation n’est pas décrétée dans l’intérêt de l’État, celui-ci n’est partie qu’aux recours contre les actes du Conseil d’État. L’État peut cependant assister aux audiences à titre consultatif. Le bénéficiaire du droit d’expropriation a qualité de partie opposante aux recours (art. 63 al. 1 LEx-GE).

Le greffe de la chambre administrative donne avis au département des procédures ouvertes et communique copies des décisions finales rendues (art. 63 al. 2 LEx-GE).

5. En l’espèce, s’agissant d’un recours contre les actes du Conseil d’État, l’État est partie à la présente procédure. Par ailleurs, tant Mme RITZENTHALER que la ville se sont vues reconnaître la qualité de parties, étant bénéficiaires des expropriations.

L’avis prévu par l’art. 63 al. 2 LEx-GE a dûment été donné par la chambre de céans le 22 décembre 2015 au département. Copie du présent arrêt lui sera par ailleurs transmis.

6. Les recourants ont interjeté recours contre les arrêtés précités du Conseil d’État du 28 octobre 2015. Ils ne contestent pas l’utilité publique de l’ouvrage (art. 3 et 62 al. 2 LEx-GE).

7. Dans un premier grief, les recourants contestent que les conditions de l’expropriation soient remplies, l’incorporation de quotes-parts idéales de copropriété ordinaire au domaine public n’étant pas possible.

a. Le Conseil d’État et Mme RITZENTHALER concluent à l’irrecevabilité du grief, pour divers motifs.

Cette question souffrira de rester ouverte compte tenu de ce qui suit.

b. L’incorporation d’un bien-fonds dans le domaine public est régie par la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 (LDPu - L 1 5) et la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10) notamment, lesquelles précisent les procédures applicables.

La présente procédure d’expropriation est indépendante de ladite incorporation, celle-ci étant une étape ultérieure et exorbitante au présent litige, lequel est limité à l’examen des conditions posées par la LEx-GE.

En l’espèce, le PLQ n° 29'418 indique, en application de l’art. 3 al. 1 LGZD, qu’« en contrepartie de la réalisation des constructions projetées, les quotes-parts des parcelles nos 1'613 et 2'881 revenant aux parcelles nos 2'856, 3068 et 3'069 seront cédées au domaine public ».

Le PLQ n° 29'418 fait donc expressément mention d’une affectation future au domaine public, ce que traduisent les termes « seront cédées ».

Par ailleurs, le PLQ définit sous les « éléments de base du programme d’équipement selon l’art. 3 al. 2 LGZD », le périmètre qui doit faire l’objet d’une « cession gratuite au domaine public au profit d’un trottoir et de places de stationnement ». Ainsi, indépendamment de la mention de l’affectation au domaine public, le principe de la gratuité de la cession est rappelé.

L’autorisation de construire délivrée le 23 avril 2012 n’évoque d’ailleurs nullement le domaine public, se limitant à rappeler que les « cessions gratuites » doivent être constituées et inscrites au RF.

Les arrêtés du Conseil d’État querellés font, à juste titre, uniquement mention d’une expropriation des droits détenus par Mme RITZENTHALER dans la parcelle de dépendance « en vue de leur incorporation au domaine public communal » et respectent en conséquence tant le PLQ que l’autorisation de construire, tous deux entrés en force.

Pour comparaison, le PLQ sis de l’autre côté du chemin est plus explicite puisqu'il précise que la cession au domaine public interviendra « en temps utile ».

Enfin, selon la jurisprudence fédérale, ce système des cessions gratuites au domaine public est compatible avec la garantie de la propriété. Il ne constitue pas une mesure d’expropriation, mais une compensation de la plus-value résultant de la mesure d’aménagement, telle que les cantons peuvent le prévoir en vertu de l’art. 5 al. 1 LAT (arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2011 du 29 juillet 2011 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/692/2015 du 30 juin 2015).

Dans ces conditions, le grief des recourants portant sur l’impossibilité d’incorporer des quotes-parts de domaine public dans un chemin privé est infondé dans le cadre de l’analyse de l’arrêté d’expropriation litigieux.

8. Dans un second argument, les recourants invoquent une violation de l’art. 6A LGZD.

a. Afin d’éviter les effets de servitudes de restriction à bâtir, le Grand Conseil peut déclarer d’utilité publique la réalisation d’un PLQ pour autant qu’au moins 60 % des surfaces de plancher, réalisables selon ce plan, soient destinées à l’édification de logements d’utilité publique au sens des art. 15 ss LGL. La déclaration d’utilité publique s’applique uniquement à la levée des servitudes de restriction à bâtir (art 6A LGZD).

b. Les recourants contestent que les servitudes de restriction aux plantations et de restriction au genre de clôtures soient définies comme des servitudes de restriction à bâtir.

Il ressort de la doctrine, singulièrement d’une analyse détaillée du Professeur François BELLANGER, que l’interprétation des termes « servitude de restriction à bâtir » de l’art. 6A LGZD concerne toute servitude, de quelque nature que ce soit, empêchant les constructions prévues par un plan localisé de quartier. Les interprétations tant littérale, qu’historique, systématique et téléologique aboutissent à la même conclusion, à savoir une limitation des possibilités d’élever une construction sur le sol (François BELLANGER : la Déclaration d’utilité publique à Genève, in La maîtrise publique du sol : expropriation formelle et matérielle, préemption et contrôle du prix, 2009, p. 68 et ss).

En l’espèce, il ressort du PLQ qu’une partie de la végétation va être détruite, notamment celle donnant sur le chemin Docteur Jean-Louis Prévost. L’autorisation d’abattage d’arbres a dûment été donnée par le département, ce que confirme l’autorisation de construire en force. Des plantations nouvelles sont prévues du côté du chemin Docteur Jean-Louis Prévost. Une partie de la végétation existante sera sauvegardée, notamment celle bordant le chemin du
Petit-Bouchet. Quand bien même les aménagements extérieurs sont dessinés à titre indicatif sur le PLQ, il en ressort que le maintien de la servitude de restriction aux plantations empêche les constructions prévues par le PLQ, en imposant le maintien des plantations notamment en bordure de chemin alors que certains arbres vont être abattus.

Concernant les clôtures, le PLQ exige que le périmètre concerné soit clôturé et rendu inaccessible durant le chantier. Par la suite, entourant les parcelles sur lesquelles les bâtiments doivent être érigés, il n’est prévu ni haies, ni clôtures du côté du chemin Docteur Jean-Louis Prévost. En conséquence, le maintien de la servitude de clôture qui impose que les propriétés soient clôturées par des haies vives de 1,20 m. de hauteur maximum empêche la réalisation des constructions et ses accès prévus par le PLQ 29'418.

C’est dès lors à bon droit que le Conseil d’État a considéré que les effets des servitudes précitées restreignaient les constructions prévues par le PLQ 29'418.

9. Les griefs des recourants étant infondés, il n’est pas nécessaire d’analyser les conclusions en annulation des autres arrêtés au sens de l’art. 71 al. 2 LEx-GE.

10. Se pose la question de la prise de possession anticipée et de l’éventuelle indemnisation y relative, dès lors que l'art. 2 de l'arrêté du Conseil d'État déclare d'urgence la construction des bâtiments de logements prévus sur les parcelles n° 2'856, 3'068, 3'069 et requiert en conséquence du TAPI, respectivement de la chambre administrative, d'ordonner l'envoi en possession anticipée des droits nécessaires à cette réalisation.

11. Selon l'art. 81C al. 3 LEx-GE, si un recours a été introduit conformément à l’art. 62 let. b LEx-GE [recte : 62 al. 2], c'est-à-dire contre un arrêté d'expropriation du Conseil d'État, au moment où la procédure de prise de possession anticipée est ouverte, la chambre administrative, ou le président de celle-ci, prend les décisions prévues à l'art. 81C al. 1 et 2 LEx-GE ; au besoin, la chambre administrative fait elle-même les constatations prévues à l’art. 81B let. a [recte : let. b selon ATA/294/2013 du 7 mai 2013 consid. 14] LEx-GE.

Conformément à la jurisprudence de la chambre administrative (ATA/294/2013 précité), dès lors que le présent recours a pour objet des arrêtés d'expropriation du Conseil d'État, il incombe concrètement à la chambre de céans de :

- vérifier que la loi déclarant d’utilité publique l’expropriation des terrains ou des droits nécessaires à l’exécution du projet est entrée en vigueur (art. 81B let. a LEx-GE) ;

- faire les constatations nécessaires à l’estimation de l’indemnité d’expropriation (art. 81B let. b LEx-GE ; ATA/294/2013 précité) ;

- si l'équité l'exige, ordonner le versement d'acomptes, ou, le cas échéant, de la totalité de l'indemnité d'expropriation arrêtée par elle (art. 81C al. 1 in fine LEx-GE) ;

- constater que l’expropriant a fourni des sûretés d’un montant convenable garantissant le paiement des indemnités d’expropriation (art. 81B
let. c LEx-GE) et au besoin fixer, à la requête de l’expropriant, le montant et la nature de ces sûretés (art. 81C al. 1 ab initio LEx-GE).

12. Au vu de ce qui précède, la chambre administrative constate que les conditions pour la prise de possession anticipée sont réunies, à savoir :

- la loi 11’561 déclarant d’utilité publique l’expropriation des terrains ou des droits nécessaires à l’exécution du projet est entrée en vigueur (art. 81B let. a LEx-GE) ;

- les constatations nécessaires à l’estimation de l’indemnité d’expropriation (art. 81B let. b LEx-GE ; ATA/294/2013 précité) ont été faites, pour les recourants, par la chambre de céans, lors du transport sur place du 20 janvier 2016 et le procès-verbal, agrémenté de photographies, approuvé par les parties, est versé au dossier ;

- l'équité n’exige en l’espèce pas que le versement d’acomptes soit ordonné. Non seulement, prima facie, selon la jurisprudence (ATA/294/2013 précité et les références citées), l’expropriation de droits à bâtir ne justifie pas d’indemnité, mais le débiteur potentiel étant la propriétaire des trois parcelles sur lesquelles les bâtiments vont être construits, rien ne permet de penser que sa solvabilité soit douteuse ; les recourants ne l’allèguent d’ailleurs pas (art. 81C al. 1 in fine LEx-GE ) ;

Il est par ailleurs admis qu'une route privée grevée de servitudes de passage pour véhicules n'a en principe aucune valeur propre, à moins qu'il existe des expectatives sérieuses d'en tirer un revenu (arrêts 1C_589/2012 du 30 septembre 2013 ; 1C_239/2012 du 7 septembre 2012 consid. 5.3.2 ; 1P.851/2005 du 3 mars 2006 consid. 3.3). En matière d’expropriation, il n’est pas alloué d’indemnité pour le transfert de routes privées dans le domaine public, pour peu que l’usage commun de ces voies devenues publiques reste ouvert à leur ancien propriétaire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_239/2012 précité) ;

- il n’est en conséquence pas nécessaire de constater que l’expropriant a fourni des sûretés d’un montant convenable garantissant le paiement des indemnités d’expropriation (art. 81B let. c).

Pour le surplus, l’urgence n’est pas contestée par les recourants et ne saurait l’être, compte tenu de la pénurie de logements sévissant actuellement dans le canton.

13. Il en résulte que l'autorisation de prise de possession anticipée des servitudes querellées et des droits détenus par Mme RITZENTHALER dans la parcelle de dépendance n° 2’881 peut lui être délivrée (art. 81C al. 2 LEx-GE).

La chambre administrative en fixera les effets à compter du 20 avril 2016, soit quelques jours après le prononcé du présent arrêt.

14. Dès cette date, l’indemnité d’expropriation éventuellement due portera intérêts à 5 % (art. 81E al. 1 LEx-GE ; ATA/554/2015 précité ; ACOM/76/2006 du 31 août 2006).

15. Reste la question de la fixation de l’éventuelle indemnité d’expropriation (art. 14 LEx-GE).

16. Dans l’ATA/554/2015 du 2 juin 2015, la chambre administrative avait modifié sa jurisprudence et jugé que la prise de possession anticipée pouvait être ordonnée indépendamment de la fixation de l’éventuelle indemnité d’expropriation. Dans ces conditions, il était conforme à la loi que l’indemnité soit déterminée par l’autorité de première instance, expressément prévue par l’art. 43 LEx-GE, et ne soit que revue, sur éventuel recours, par la chambre administrative (art. 62 LEx-GE).

17. Le dossier est en conséquence renvoyé au TAPI conformément à ce que prévoit la loi suite à la notification de l’arrêté du Conseil d’État (art 31 al. 2, 44 al. 1 ss LEx-GE), y compris pour déterminer si une indemnité d’expropriation est due et, le cas échéant, en fixer le montant.

18. Mme RITZENTHALER a conclu à ce que les recourants soient condamnés à une amende pour téméraire plaideur (art. 88 LPA).

Conformément à la jurisprudence de la chambre de céans, les conclusions des parties à cet égard sont irrecevables (ATA/214/2016 du 8 mars 2016 consid. 9 ; ATA/828/2015 du 11 août 2015 consid. 15 ; ATA/636/2015 du 16 juin 2015 consid. 11). De surcroît, il n’y a pas de motifs justifiant le prononcé d’une telle amende en l’espèce.

19. Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 2’000.- est mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Les recourants, pris conjointement et solidairement, seront condamnés à verser une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à Mme RITZENTHALER, qui obtient gain de cause et qui y a conclu (art. 87 al. 2 LPA).

La ville disposant d’un service juridique, il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (ATA/1056/2015 du 6 octobre 2015 consid. 16b et les références citées).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette en tant qu’il est recevable le recours interjeté le 7 décembre 2015 par Madame Katrina et Monsieur Marco BREITENMOSER, Madame Cécile et Monsieur Vincent PIGUET et Madame Line STUCKI DELETRAZ contre les arrêtés n°  10050 – 2015, 10'041 -2015 et 10'047 - 2015 du Conseil d'État du 28 octobre 2015 ;

confirme les arrêtés nos  10050 – 2015, 10'041 -2015 et 10'047 - 2015 du Conseil d'État du 28 octobre 2015 ;

autorise Madame Erika Agatha RITZENTHALER à prendre possession anticipée dès le 20 avril 2016 des servitudes de restriction au droit de bâtir inscrites au registre foncier sous ID 2004/027870 (RS 28897-B), la servitude de restriction d’affectation inscrite au registre foncier sous ID 2004/027873 (RS 28898-B), la servitude de restriction au genre de clôtures inscrite au registre foncier sous ID 2004/027876 (RS 28899-B) et la servitude de restriction aux plantations inscrites au registre foncier sous ID 2004/027867 (RS 28896-B) grevant au profit de la parcelle n° 2'866, plan 55, commune de Genève, section Petit-Saconnex, propriété de Madame Katrina et Monsieur Marco BREITENMOSER, les parcelles nos 2'856, 3'068, 3'069, même plan, même commune, même section, ainsi que des droits détenus par Madame Erika Agatha RITZENTHALER dans la parcelle de dépendance n° 2'881, à hauteur de 3/34èmes revenant aux parcelles nos 2'856, 3'068 et 3'069 en vue de leur incorporation au domaine public communal et en exécution du plan localisé de quartier n° 29’418-254 ;

autorise Madame Erika Agatha RITZENTHALER à prendre possession anticipée dès le 20 avril 2016 des servitudes de restriction au droit de bâtir inscrites au registre foncier sous ID 2004/027870 (RS 28897-B), la servitude de restriction d’affectation inscrite au registre foncier sous ID 2004/027873 (RS 28898-B), la servitude de restriction au genre de clôtures inscrite au registre foncier sous ID 2004/027876 (RS 28899-B) et la servitude de restriction aux plantations inscrites au registre foncier sous ID 2004/027867 (RS 28896-B) grevant au profit de la parcelle n° 2’874, plan 55, commune de Genève, section Petit-Saconnex, propriété de Madame Cécile et Monsieur Vincent PIGUET, les parcelles nos 2'856, 3'068, 3'069, même plan, même commune, même section, ainsi que des droits détenus par Madame Erika Agatha RITZENTHALER dans la parcelle de dépendance n° 2'881, à hauteur de 3/34èmes revenant aux parcelles nos 2'856, 3'068 et 3'069 en vue de leur incorporation au domaine public communal et en exécution du plan localisé de quartier n° 29’418-254 ;

autorise Madame Erika Agatha RITZENTHALER à prendre possession anticipée dès le 20 avril 2016 des servitudes de restriction au droit de bâtir inscrites au registre foncier sous ID 2004/027870 (RS 28897-B), la servitude de restriction d’affectation inscrite au registre foncier sous ID 2004/027873 (RS 28898-B), la servitude de restriction au genre de clôtures inscrite au registre foncier sous ID 2004/027876 (RS 28899-B) et la servitude de restriction aux plantations inscrites au registre foncier sous ID 2004/027867 (RS 28896-B) grevant au profit de la parcelle n° 2’867, plan 55, commune de Genève, section Petit-Saconnex, propriété de Madame Line STUCKI DELETRAZ, les parcelles nos 2'856, 3'068, 3'069, même plan, même commune, même section, ainsi que des droits détenus par Madame Erika Agatha RITZENTHALER dans la parcelle de dépendance n° 2'881, à hauteur de 3/34èmes revenant aux parcelles nos 2'856, 3'068 et 3'069 en vue de leur incorporation au domaine public communal et en exécution du plan localisé de quartier n° 29’418-254 ;

réserve les droits éventuels des expropriés et des tiers intéressés parmi lesquels Madame Katrina et Monsieur Marco BREITENMOSER, Madame Cécile et Monsieur Vincent PIGUET et Madame Line STUCKI DELETRAZ à une indemnité du fait de l’envoi en possession anticipé ;

dit que l’indemnité d’expropriation éventuellement due portera intérêts à 5 % dès le 20 avril 2016 ;

transmet le dossier au Tribunal administratif de première instance pour fixer le montant d’une éventuelle indemnité d’expropriation ;

condamne Madame Katrina et Monsieur Marco BREITENMOSER, Madame Cécile et Monsieur Vincent PIGUET et Madame Line STUCKI DELETRAZ, pris conjointement et solidairement, à un émolument de CHF 2'000.- ;

alloue à Madame Erika Agatha RITZENTHALER une indemnité de procédure de CHF 2’000.- à charge de Madame Katrina et Monsieur Marco BREITENMOSER, Madame Cécile et Monsieur Vincent PIGUET et Madame Line STUCKI DELETRAZ, pris conjointement et solidairement ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Banna, avocat des recourants, ainsi qu'au Conseil d'État, à Me Pascal Pétroz, avocat de Madame Erika Agatha RITZENTHALER, à la ville de Genève ainsi qu’au département de l’aménagement, du logement et de l’énergie pour information.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :