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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1850/2016

ATA/1626/2017 du 19.12.2017 sur JTAPI/673/2017 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.02.2018, rendu le 21.09.2018, REJETE, 2C_144/2018
Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS ; RESSORTISSANT ÉTRANGER ; CITOYENNETÉ DE L'UNION ; DROIT COMMUNAUTAIRE ; ACCORD SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES ; AUTORISATION D'ÉTABLISSEMENT ; PROCÉDURE PÉNALE ; CONDAMNATION ; RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL) ; ORDRE PUBLIC(EN GÉNÉRAL) ; RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS) ; PESÉE DES INTÉRÊTS ; EXÉCUTION DES PEINES ET DES MESURES ; TRAITEMENT AMBULATOIRE
Normes : LEtr.62.al1.letb; LEtr.63.al2; LEtr.63.al1.letb; LEtr.64.al1; LEtr.83; OASA.70; ALCP.5.al1; CEDH.8
Résumé : Confirmation de la révocation du permis d'établissement d'un ressortissant portugais âgé de 38 ans, arrivé en Suisse lorsqu'il avait 11 ans, en raison de sa condamnation à 10 ans de peine privative de liberté pour meurtre, de mise en danger de la vie d'autrui, d'infractions à l'art. 33 LArm et à l'art. 19 al. 1 LStup. Proportionnalité de la mesure confirmée, pas de violation de l'art. 8 CEDH en raison de l'absence de lien de dépendance du recourant, majeur, avec sa mère. La décision de prononcer le renvoi alors que le recourant est en détention et encore soumis à une mesure d'ordre pénal n'est pas prématurée en l'espèce. Renvoi possible, licite et exigible. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1850/2016-PE ATA/1626/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 décembre 2017

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pierre Bayenet, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ÉCONOMIE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 juin 2017 (JTAPI/673/2017)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1979, est ressortissant du Portugal.

Arrivé en Suisse le 30 septembre 1990 dans le cadre du regroupement familial avec sa mère, il a été mis au bénéfice d'une autorisation d'établissement en janvier 1991, régulièrement renouvelée et valable jusqu'au 30 septembre 2012.

2) M. A______ a été élevé en Suisse par sa mère, Madame B______, et son beau-père, Monsieur C______, tous deux ressortissants suisses. Il a une demi-soeur, Madame D______, née le ______1988 à Genève.

Il a fréquenté l'école primaire, le cycle d'orientation de ______, puis les ateliers de préapprentissage de la société genevoise pour l'intégration professionnelle d'adolescents et d'adultes (SGIPA) durant une année. Sans formation professionnelle, il a travaillé sporadiquement au bénéfice de contrats temporaires, en dernier lieu comme couvreur.

3) M. A______ est le père de deux enfants issus de relations distinctes : E______, né le ______1996, et F______, né le ______2001, tous deux ressortissants suisses.

4) Il a été au bénéfice de prestations financières de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) du 1er juin 2001 au 30 novembre 2011.

5) Le 28 octobre 2003, M. A______ a déposé une demande de prestations auprès de l'office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après : OCAI), en raison de troubles psychosociaux et d'addiction.

L'instruction de cette demande a donné lieu à de nombreux rapports et expertises médicaux, dont en particulier une expertise bidisciplinaire en psychiatrie et en neuropsychologie, ordonnée le 26 avril 2011 par la chambre des assurances sociales de la Cour de Justice (ci-après : la chambre des assurances sociales), au stade du recours contre la décision de refus de rente de l'OCAI.

6) Dans leur rapport du 19 août 2011, les deux experts ont diagnostiqué, sur le plan psychiatrique, une personnalité émotionnellement labile, type borderline (F60.31), existant depuis le début de l'adolescence sur la base d'un trouble du développement dès l'enfance, des troubles mentaux et troubles du comportement liés à l'utilisation de substances psychoactives multiples, actuellement abstinent pour tous les produits excepté une substitution à la méthadone et le cannabis (F19.22), et, sur le plan neuropsychologique, des troubles attentionnels avec ralentissement sévère, dysfonction exécutive avec difficultés d'inhibition et de programmation, et troubles de consolidation mnésique chez un assuré à l'efficience cognitive (WAIS-IV) se situant dans la moyenne inférieure.

M. A______ présentait le tableau classique d'un trouble de la personnalité borderline, identifié prioritairement comme cause de la perte des aptitudes professionnelles et dont l'un des symptômes, la consommation de produits, ne pouvait être séparé. Son trouble de la personnalité était particulièrement sévère et impliquait à lui seul une incapacité de travail depuis dix ans au moins et au long cours. À ce trouble s'ajoutait une limitation notable des fonctions cognitives, qui ne pourrait être qu'en partie améliorée par un sevrage de la méthadone, lequel serait toutefois contreproductif, car il déstabiliserait indubitablement l'équilibre psychique bancal actuel. Le trouble était un facteur causal dans la toxicomanie, et l'importance actuelle des troubles, en particulier le ralentissement et les difficultés de consolidation mnésiques, était clairement secondaire à la polytoxicomanie.

7) Par arrêt de la chambre des assurances sociales du 31 mai 2012 (ATAS/754/2012), M. A______ a été mis au bénéfice d'une rente invalidité à 100 % à compter du 1er octobre 2002.

Les conclusions du rapport d'expertise judiciaire du 19 août 2011 étaient claires, dûment motivées et convaincantes au regard de l'ensemble du dossier médical et n'étaient pas infirmées par des opinions divergentes exprimées par d'autres spécialistes, en particulier quant au fait que le trouble de la personnalité dont souffrait M. A______ était primaire à la toxicomanie.

8) Le 8 novembre 2011, M. A______, prévenu d'homicide, a été arrêté par la police et placé en détention provisoire.

9) Par jugement du 28 août 2013, le Tribunal criminel a reconnu M. A______ coupable de meurtre, ainsi que d'infractions à la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions, du 20 juin 1997 (LArm - RS 514.54) et à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), l'acquittant du chef de mise en danger de la vie d'autrui. Il l'a condamné à une peine privative de liberté de six ans et six mois, sous déduction de la détention subie avant jugement, et l'a astreint à un traitement ambulatoire.

Le 8 novembre 2011, M. A______ s'était rendu dans un centre commercial à Genève, muni d'un revolver chargé de cinq balles qu'il avait sorti pour tirer, au moins à cinq reprises et à une distance comprise entre deux et six mètres, dans la direction de M. G______, qu'il connaissait et qui l'avait invectivé puis poussé au sol. Celui-ci avait été atteint par quatre balles, dont une, mortelle, au cerveau. L'une des balles avait ricoché sur un panneau de publicité, manquant de toucher un enfant qui s'était réfugié derrière, avant de terminer sa trajectoire à l'intérieur d'un commerce, coupant ainsi le chemin des clients quittant la caisse. Une autre balle avait brisé une vitre et manqué de toucher les clients d'un établissement voisin. Alors que M. G______ gisait au sol, immobile, M. A______ avait pointé son arme en direction de sa tête, à une dizaine de centimètres de distance, et avait cherché à tirer une balle, mais le chargeur de son revolver était vide.

Selon l'expertise psychiatrique mise en oeuvre dans le cadre de l'instruction pénale et rendue le 15 mai 2012, M. A______ souffrait d'un trouble mixte de la personnalité, ainsi que de syndromes de dépendance aux opiacés, au cannabis et à l'alcool. Au moment des faits, il était sous influence du cannabis, de la méthadone et de l'alcool, l'alcoolémie relevée dans son sang étant proche de 2 g %. Son trouble de la personnalité n'altérait pas sa capacité de percevoir le caractère illicite de ses actes, mais pouvait altérer, dans certaines circonstances, sa faculté de se comporter de façon adéquate. Tel avait été le cas le jour des faits, vu son état d'intoxication, d'où une altération faible de sa capacité de se déterminer. Les actes commis étaient en rapport avec son état mental et il existait un risque qu'il commette à nouveau des infractions de différents types, notamment des violences à l'égard d'autrui. Aussi était-il préconisé qu'il suive un traitement ambulatoire de type psychothérapeutique, susceptible de diminuer le risque de récidive, malgré un risque d'échec, éventuellement suivi d'un traitement institutionnel visant la prise en charge de la toxicodépendance.

10) Par arrêt du 19 juin 2014, la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : la CPAR), admettant l'appel interjeté par le Ministère public contre ce jugement, a reconnu M. A______ coupable de meurtre, de mise en danger de la vie d'autrui, d'infractions à l'art. 33 LArm et à l'art. 19 al. 1 LStup. Elle l'a condamné à une peine privative de liberté de dix ans sous déduction de la détention subie avant jugement, et a ordonné qu'il soit soumis à un traitement ambulatoire.

11) Par arrêt du 7 octobre 2015 (6B_946/2014), le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par M. A______ contre cet arrêt.

12) Par courrier du 4 novembre 2015, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a informé M. A______ de son intention de proposer au département de la sécurité et de l'économie (ci-après : DSE) de révoquer son autorisation d'établissement. Un délai de trente jours lui a été imparti pour faire valoir par écrit son droit d'être entendu.

13) Dans sa détermination du 18 novembre 2015, M. A______ a exprimé ses regrets quant à ses agissements. Il faisait preuve d'un comportement exemplaire en détention, y travaillait et y suivait son traitement. Sa grand-mère, seule personne susceptible de l'accueillir en cas de renvoi au Portugal, était décédée. Son pays était la Suisse, sa langue maternelle le français et il entretenait des liens étroits avec sa mère, sa demi-soeur, son neveu et ses enfants, résidant tous sur le territoire helvétique.

14) Par courrier du 20 janvier 2016, sous la plume de son conseil nouvellement constitué, M. A______ a requis un délai pour compléter sa détermination.

15) Par courrier du 26 février 2016, il a exposé, en substance, son parcours de vie difficile, l'absence d'attaches dans son pays d'origine, sa mauvaise maîtrise du portugais, ses troubles psychiques et les circonstances atténuantes retenues par les juges pénaux, et a invoqué la protection de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) en raison de ses liens de dépendance à l'égard de sa mère.

16) Par décision du 29 avril 2016, le DSE a révoqué l'autorisation d'établissement de M. A______ et prononcé son renvoi de Suisse dès sa sortie de prison, en application de l'art. 64 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20).

Il avait été condamné à une peine privative de liberté de dix ans pour meurtre et avait ainsi porté atteinte au bien juridique de la plus haute importance, à savoir la vie. Il représentait donc une menace importante pour l'ordre et la sécurité publics. La décision n'était pas prématurée, et devait, au contraire, permettre à M. A______ d'envisager et de préparer son départ.

La durée de son séjour en Suisse, de plus de vingt-cinq ans, devait être relativisée vu sa lourde condamnation pénale. Il n'avait en outre jamais eu d'emploi stable avant l'octroi de sa rente invalidité, n'avait pas de formation et avait émargé au budget de l'aide sociale. Il ne pouvait dès lors se prévaloir d'une intégration socio-professionnelle réussie. De plus, il n'avait jamais vécu avec ses enfants et aucun élément du dossier n'indiquait qu'il entretenait avec eux des liens affectifs et économiques forts. Le fait qu'il soit passé à l'acte alors même qu'il alléguait entretenir une relation forte et étroite avec sa mère et sa soeur démontrait que la présence de sa famille proche à Genève ne constituait pas un élément dissuasif ou de stabilité plaidant en sa faveur.

Son suivi psychiatrique et son abstinence à l'alcool et à la drogue en milieu fermé n'étaient pas suffisants pour écarter le risque de récidive au vu de sa forte dépendance durant de nombreuses années, de ses troubles comportementaux, et de son extrême vulnérabilité affective. Ces éléments paraissaient au contraire propices à la récidive et représentaient une menace actuelle pour la sécurité et l'ordre publics. L'intérêt public à son éloignement l'emportait donc sur son intérêt à poursuivre son séjour en Suisse. Il pourrait en outre toucher sa rente invalidité et trouver un soutien psychiatrique au Portugal, où il avait vécu jusqu'à l'âge de 10 ans et où demeurait son père. Rien au dossier ne laissait penser que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, licite ou raisonnablement exigée.

17) Par acte du 2 juin 2016, sous la plume de son conseil, M. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), contre cette décision, concluant à son annulation. Préalablement, il a conclu à ce que le TAPI sursoie à statuer jusqu'à l'établissement d'un plan d'exécution de la sanction (ci-après : PES).

Le DSE avait retenu à tort qu'il représentait aujourd'hui encore une menace réelle et grave. L'acte qu'il avait commis était en rapport avec son état mental au moment des faits et découlait de sa pathologie et de l'absence de prise en charge de celle-ci, et il convenait de déterminer dans quelle mesure les traitements dont il avait bénéficié depuis la commission de son acte avaient influencé positivement sa dangerosité. À défaut d'expertise, le TAPI pourrait se fonder sur le PES, établi par un psycho-criminologue qui disposait des outils intellectuels nécessaires pour apprécier sa dangerosité. Ce plan serait prochainement disponible.

La décision entreprise violait le principe de la proportionnalité. En cas de renvoi au Portugal, l'obligation de soins qui lui avait été imposée ne pourrait plus être mise en oeuvre et le risque de commission de nouvelles infractions pourrait s'en trouver accru, avec une mise en danger de lui-même et de tiers. De plus, il ne pourrait plus bénéficier du soutien quotidien de sa mère et serait lourdement entravé dans l'exercice de ses relations avec ses enfants. Il existait donc un intérêt tant individuel que collectif à ce qu'il soit autorisé à rester en Suisse.

Il séjournait en Suisse depuis plus de quinze ans, n'avait plus eu de contact avec le Portugal après sa douzième année et parlait mal la langue. Y demeuraient encore l'une de ses grands-mères, âgée de 80 ans environ, et son père avec qui il n'avait plus de relations depuis 2008-2009. Sa mère, son beau-père, sa demi-soeur et ses deux fils étaient tous de nationalité suisse et habitaient à Genève. Il entretenait également d'excellentes relations avec ses deux enfants, ressortissants suisses, en particulier F______.

La décision entreprise violait l'art. 8 CEDH. Le DSE n'avait pas examiné l'existence d'une relation de dépendance avec sa mère alors qu'il était établi par expertise qu'il souffrait d'une maladie mentale. En liberté, sa mère s'était occupée de lui comme d'un enfant mineur. Un renvoi vers le Portugal aurait pour conséquence une rupture extrêmement douloureuse de ses relations privées et familiales en Suisse et une interruption à tout le moins provisoire du suivi médical intensif obligatoire.

À l'appui de son recours, il a notamment produit un certificat médical du 24 février 2016 établi par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Selon ce document, les diagnostics évoqués dans l'expertise du 15 mai 2012 étaient toujours concordants avec le tableau clinique. Il était par ailleurs abstinent aux consommations d'alcool et de cannabis mais bénéficiait d'un traitement de substitution contrôlé aux opiacés, dont il était toujours dépendant. Il était suivi par les médecins et psychiatres du service médical de H______ depuis le début de son incarcération. Un suivi hebdomadaire avait pu être remis en place. À ce jour, il était stable grâce à un traitement associant des neuroleptiques, anxiolytiques et hypnotiques et d'un suivi rapproché.

18) Dans ses observations du 2 août 2016, le DSE a rappelé que M. A______ avait été mis et était toujours au bénéfice d'une rente d'invalidité à 100 % en raison des graves troubles psychiques l'atteignant depuis son enfance qui favorisaient les passages à l'acte, et que son statut médical n'avait pas changé. La relation dont il se prévalait avec sa mère ne constituait pas une relation de dépendance.

19) Dans sa réplique du 30 août 2016, M. A______ a sollicité l'audition de deux témoins supplémentaires, Madame I______, assistante sociale, et son médecin traitant, le Docteur J______, qui pourraient attester du lien de dépendance qu'il avait avec sa mère. En cas de retour au Portugal, où il avait été victime d'abus sexuels, le traumatisme qu'il y avait vécu serait réactivé, son renvoi étant donc inadmissible sous l'angle médical.

20) Par duplique du 20 septembre 2016, le DSE a fait valoir que la situation de M. A______ ne nécessitait pas une prise en charge permanente rendant irremplaçable l'assistance de proches parents.

21) Par courrier du 20 octobre 2016, M. A______ a soutenu que la décision entreprise devait également être annulée car elle était prématurée et violait l'art. 70 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), sur la base duquel son autorisation demeurait valable jusqu'à l'issue de sa mesure thérapeutique, dont l'échéance était à ce jour indéterminée.

22) Le 10 novembre 2016, le DSE s'est prévalu de l'art. 70 al. 2 OASA. Une éventuelle libération conditionnelle serait possible pour M. A______ à partir du 9 juillet 2018, et la durée normale et prévisible d'une procédure de recours jusqu'au Tribunal fédéral était d'environ trente mois. Cette décision prendrait effet dès son entrée en force de chose jugée, tandis que l'exécution du renvoi n'aurait lieu qu'à la sortie de prison, que la libération soit conditionnelle ou définitive, la mesure thérapeutique n'étant pas propre à faire échec au renvoi.

23) Par courrier du 15 novembre 2016, M. A______ a objecté qu'il ne serait pas libéré au moment de sa sortie de prison puisqu'il continuerait à être soumis à un traitement ambulatoire. Compte tenu de l'échéance extrêmement lointaine d'une libération conditionnelle de sa mesure, la décision était très largement prématurée, d'autant plus que sa situation médicale allait évoluer durant les années où il serait soumis à cette mesure, avec peut-être pour conséquence une disparition totale de sa dangerosité.

24) Par jugement du 20 juin 2017, le TAPI a rejeté le recours de M. A______.

Le dossier contenait les éléments suffisants et nécessaires à l'examen des griefs et arguments de M. A______, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de donner suite à sa requête d'audition des parties et de témoins. M. A______ constituait une menace pour l'ordre et la sécurité publics, qui était très bien évaluée par les expertises réalisées dans le cadre de la procédure pénale et de celle qui avait donné lieu à l'arrêt de la chambre des assurances sociales du 31 mai 2012, même si elles remontaient à plusieurs années. Il était en effet très difficilement imaginable, vu leur nature, que les pathologies évoquées et les conclusions des experts ne soient aujourd'hui déjà plus d'actualité. Ses troubles de la personnalité, auxquels s'ajoutait une limitation notable des fonctions cognitives, étaient particulièrement sévères et impliquaient à eux seuls une incapacité de travail au long cours et un risque de passage à l'acte. Ses actes étaient en rapport avec son état mental et il existait un risque qu'il commette à nouveau des infractions de différents types, notamment des violences à l'égard d'autrui.

Si son évolution semblait positive au vu de son abstinence aux stupéfiants et à l'alcool et de la mise en oeuvre d'un traitement psychiatrique, elle devait être relativisée par le fait que M. A______ se trouvait en milieu carcéral fermé et devait toujours être considéré comme dépendant puisqu'il bénéficiait d'un traitement de substitution. Le risque qu'il rechute dans une dépendance chronique à l'alcool et aux drogues - propice à la récidive - et, plus généralement, le risque de récidive, paraissaient ainsi loin d'être négligeables, sa toxicomanie ayant en outre été diagnostiquée comme secondaire. Les suivis médicaux mis en place dans le cadre de l'exécution de sa peine n'apparaissaient donc aucunement suffisants pour écarter le risque de récidive. Tel était également le cas de la présence de sa famille en Suisse, celle-ci ne l'ayant pas empêché d'adopter un comportement criminel particulièrement grave.

La mesure était également proportionnée. Son séjour en Suisse depuis plus de vingt ans, le fait qu'il ait deux enfants de nationalité suisse, que plusieurs membres de sa famille, dont sa mère, vivaient en Suisse devaient être contrebalancés avec la peine privative de liberté de dix ans à laquelle il avait été condamné notamment pour meurtre, soit une infraction contre la vie, qui était un bien juridique particulièrement important. Il pourrait en outre continuer à percevoir sa rente d'invalidité au Portugal. Ses liens avec la Suisse n'étaient donc pas suffisants pour contrebalancer l'intérêt public à son éloignement, dont l'exécution n'était pas non plus impossible, illicite ou inexigible.

Il n'était pas démontré que M. A______, majeur, était dans une relation de dépendance vis-à-vis de sa mère. Il ne bénéficiait par ailleurs ni de l'autorité parentale ni de la garde de ses enfants et ne pouvait pas, en tout état, exercer un droit de visite usuel du fait de sa détention. Il n'était ni établi ni probable qu'il ait participé ou participe financièrement à leur entretien, il n'avait jamais vécu avec eux et ne démontrait pas avoir participé de quelque manière que ce soit à leur éducation, de sorte que des liens particulièrement forts avec eux n'étaient pas établis.

Enfin, au moment de rendre sa décision, le DSE possédait déjà tous les éléments nécessaires pour se prononcer sur la situation de M. A______ et n'avait donc pas à attendre la fin de la mesure thérapeutique effectuée durant l'exécution de la peine pour statuer, les chances de succès d'une telle thérapie étant incertaines et une rechute n'étant pas exclue. Il était préférable pour M. A______ qu'il sache le plus tôt possible où il vivrait après sa libération.

25) Par acte posté le 22 août 2017, M. A______ a formé recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant principalement tant à son annulation qu'à celle de la décision du DSE du 29 avril 2016, et à l'octroi d'une indemnité équitable au titre de frais d'avocat. Subsidiairement, il concluait à ce qu'il soit dit que la décision du DSE ne porterait effet qu'au moment de la libération de la mesure prononcée à son encontre.

La décision du DSE était prématurée et violait l'art. 70 OASA aux termes duquel son autorisation demeurait valable jusqu'à la levée de sa mesure et non de sa peine, interprétation qui se déduisait également du commentaire de l'ordonnance sur la mise en oeuvre de l'exécution pénale de l'office fédéral de la justice (ci-après : OFJ) du 20 décembre 2016. Au jour de la décision et encore à présent, il n'existait aucun élément permettant de déterminer qu'une levée de la mesure ou une libération conditionnelle allaient être prononcées dans un délai raisonnable. Il ressortait au contraire de l'expertise psychiatrique du 15 mai 2012 que son trouble pouvait être amélioré par une prise en charge psychothérapeutique à long terme, raison pour laquelle la mesure prévue à cet effet devrait être réalisée sur le très long terme.

La confirmation de la révocation de son autorisation d'établissement et de son renvoi violait l'art. 8 CEDH. Le TAPI s'était contenté d'analyser séparément les différents aspects de la protection conférée par cette disposition pour conclure que pris isolément, aucun n'était assez fort pour empêcher la révocation de l'autorisation d'établissement, alors que cette question devait être examinée dans sa globalité. Par ailleurs, le renvoi, vu l'incertitude qu'il induirait sur la poursuite de sa prise en charge psychothérapeutique, pourrait conduire à une aggravation du risque de récidive, au risque pour la population de subir des violences et au risque pour lui-même de faire l'objet d'autres sanctions pénales. Il convenait donc de faire primer l'intérêt public et son intérêt privé à rester en Suisse sur l'intérêt public à son éloignement.

Le PES, établi en date du 14 juin 2016 et annexé au recours, prévoyait, aux termes de cinq phases, une libération conditionnelle possible dès le 9 juillet 2018. Selon ce document, M. A______ ne consommait plus de substances et ne bénéficiait plus que d'un traitement de substitution aux opiacés, il se montrait motivé à entreprendre une formation et il était essentiel qu'il puisse définir clairement un projet pour entamer des démarches concrètes. Il souhaitait pouvoir retravailler par la suite, tout en étant conscient des limites liées à son état de santé. Il pourrait être freiné dans ses projets en cas de renvoi au Portugal car les conditions qu'il y trouverait lui seraient totalement défavorables en raison des problèmes de langue, du manque de réseau familial, affectif ou social, et de l'incertitude quant à la poursuite du suivi psychiatrique et du traitement médicamenteux, étant rappelé qu'il y retrouverait son père qui baignait dans la toxicomanie depuis de nombreuses années. M. A______ avait notamment déclaré ne pas avoir reçu de visite de ses enfants depuis le début de son incarcération, mais avoir écrit une fois à son fils aîné. Il s'était récemment converti à l'Islam mais n'avait pas été en mesure d'élaborer les raisons qui l'y avaient poussé, de sorte qu'il était à craindre qu'il se fasse manipuler et influencer par des personnes malveillantes. Il présentait toutefois un bon comportement en détention.

Par jugement du 17 novembre 2016, également joint au recours, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) avait ordonné la poursuite du traitement ambulatoire jusqu'au prochain contrôle annuel de la mesure. M. A______ avait également sollicité la poursuite du traitement ambulatoire, qui restait nécessaire pour prévenir une éventuelle récidive.

Également annexé à son écriture, un rapport de suivi
médico-psychologique du service de médecine pénitentiaire des HUG du 23 mars 2017 attestait qu'il bénéficiait d'une prise en charge pluridisciplinaire associant un suivi psychiatrique régulier, un suivi psychologique hebdomadaire, des soins d'accompagnement d'hygiène hebdomadaires et un suivi médical somatique mensuel. Il se présentait à tous ses rendez-vous. Il bénéficiait d'un traitement médicamenteux associant un traitement de substitution aux opiacés, un double traitement antipsychotique et thymorégulateur, et un traitement hypnotique composé d'un antidépresseur et d'un anti-histaminique. Il comprenait à présent le sentiment d'empathie, le ressentait au quotidien mais avait encore du mal à l'éprouver pour sa victime, et parvenait sans difficultés à exprimer et à éprouver regrets et tristesse concernant son acte. Il continuait à banaliser sa problématique liée aux toxiques, qu'il estimait réglée puisqu'il était abstinent depuis 2011. Son évolution globale restait positive tant du point de vue de la gestion de sa symptomatologie psychiatrique que de sa position face au délit commis. La poursuite du suivi psychothérapeutique était indiquée dans un but de maintien des acquis et de développement de stratégies d'adaptation.

Selon un rapport d'évaluation du 23 mars 2017 du service des mesures institutionnelles de Belle-Idée, lui aussi versé à la procédure, il consommait épisodiquement du cannabis avec ses co-détenus, et son diagnostic psychiatrique restait encore peu clair pour ses thérapeutes. Les troubles présentés actuellement pouvaient être compatibles plutôt avec un état dépressif d'intensité moyenne. La poursuite de la mesure était préavisée et une nouvelle expertise serait nécessaire avant un élargissement de la mesure, pour, entre autres, permettre de repréciser le diagnostic, notamment la présence ou non d'une psychose.

26) Le 25 août 2017, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

27) Le 25 septembre 2017, le DSE a répondu au recours, concluant à son rejet et à la confirmation de la décision entreprise.

Sa décision n'avait pas été prématurée. M. A______ aurait accompli les
deux tiers de sa peine le 9 juillet 2018, soit dans environ dix mois et demi, ce qui représentait un délai raisonnable au sens de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Il n'y avait pas lieu de traiter différemment l'étranger qui avait fait l'objet d'une mesure pénale de celui qui était en exécution de peine dite ordinaire ou libéré conditionnellement, de sorte qu'une évolution favorable dans le cadre de l'exécution de sa mesure n'excluait pas un risque de récidive et un renvoi du point de vue du droit des étrangers. En outre, rien n'empêchait M. A______ de se soumettre volontairement à un traitement tel qu'ordonné par l'autorité pénale au cas où il n'était pas arrivé à son terme au moment du renvoi.

28) Le 20 novembre 2017, M. A______ a fait usage de son droit à la réplique.

Le DSE ne se déterminait pas réellement sur les motifs du recours et refusait de prendre en considération les particularités du cas d'espèce alors que c'était ce que préconisait la jurisprudence citée par le DSE lui-même. Le DSE ne se déterminait pas non plus sur la date d'entrée en force de la décision de retrait de l'autorisation d'établissement. Les commentaires de l'OFJ au sujet de l'art. 70 OASA avaient été faits postérieurement à la jurisprudence citée par le DSE et en connaissance de celle-ci.

29) Le 22 novembre 2017, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). La chambre administrative n'a toutefois pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), à savoir notamment s'il s'agit d'une mesure de contrainte prévue par le droit des étrangers (art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), hypothèse non réalisée en l'espèce.

3) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du DSE, confirmée par le TAPI, prononçant la révocation de l'autorisation d'établissement du recourant, ressortissant portugais en Suisse depuis 1990, titulaire d'une autorisation d'établissement depuis 1991 et condamné à une peine privative de liberté de dix ans pour meurtre, mise en danger de la vie d'autrui, infractions à l'art. 33 LArm et à l'art. 19 al. 1 LStup.

4) Le recourant soutient que c'est de manière prématurée que le DSE s'est prononcé sur la révocation de son autorisation d'établissement et sur son renvoi de Suisse, ces prononcés ne devant intervenir, selon lui, qu'au moment où la libération conditionnelle de sa mesure, et non de sa peine, serait réellement d'actualité. 

a. Selon l'art. 70 OASA, si un étranger est en détention préventive ou placé dans un établissement pénitentiaire ou s'il doit exécuter des mesures de manière stationnaire ou ambulatoire au sens des art. 59 à 61, 63 ou 64 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) ou être interné dans une institution au sens du droit civil, l'autorisation qu'il a possédée jusqu'alors demeure valable jusqu'à sa libération (al. 1). Les conditions de séjour doivent être une nouvelle fois fixées au plus tard au moment de sa libération, conditionnelle ou non, de l'exécution pénale, de l'exécution des mesures ou du placement. Si un transfèrement de la personne dans son État d'origine pour y purger une peine pénale est envisagé, une décision doit immédiatement être prise au sujet de ses conditions de séjour (al. 2).

Cette disposition reprend la teneur de l'ancien art. 14 al. 8 du règlement d'exécution de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 1er mars 1949 (aRSEE), qui n'obligeait pas l'autorité administrative à attendre que l'étranger ait purgé sa peine pour décider de son expulsion mais lui permettait, le cas échéant, de statuer sur ses conditions de résidence futures avant sa sortie de prison afin que son sort soit scellé dans une décision exécutoire avant sa libération (ATF 131 II 329 consid. 2.3 et 2.4). Cela étant, le moment à partir duquel une décision réglant le séjour de l'étranger après l'accomplissement de sa peine pouvait, au plus tôt, être prise, dépendait des circonstances du cas, en particulier de la nature et de la gravité des infractions commises ainsi que, plus généralement, des autres informations dont les autorités disposaient pour apprécier de manière prospective la situation de l'intéressé au moment déterminant, soit lors de sa libération, conditionnelle ou définitive (ATF 131 II 329 précité consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.163/2006 du 15 juin 2006 consid. 5). Le fait qu'une décision ait été prononcée avant la libération de l'étranger n'est d'ailleurs pas incompatible avec l'art. 5 § 1 annexe I de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681), qui suppose que le ressortissant communautaire représente une menace non seulement réelle et d'une certaine gravité, mais également actuelle pour l'ordre public, dans la mesure où de tels faits pouvaient en tout état motiver le dépôt d'une demande de réexamen auprès de l'autorité compétente, conformément aux règles relatives à la reconsidération des décisions administratives (ATF 131 II 329 précité consid. 3.2).

Cette jurisprudence conserve sa valeur sous l'empire de l'art. 70 OASA (ATF 137 II 233 consid. 5.2.4). Les autorités veilleront néanmoins autant que possible à ne pas statuer en-deçà d'un certain délai raisonnable qui peut varier en fonction des cas ; en règle générale, il ne dépassera toutefois pas le temps correspondant à la durée normale et prévisible d'une éventuelle procédure de recours, le but étant que le sort de l'étranger puisse être scellé dans une décision exécutoire (administrative ou judiciaire) avant sa remise en liberté (ATF 131 II 329 précité consid. 2.4). L'expulsion peut être prononcée avant la fin de l'exécution de la peine ou de la mesure s'il n'y a aucune raison d'attendre, et il est conforme au droit interne et au droit conventionnel de prononcer une expulsion aussi tôt que possible, mais dans tous les cas avant que la peine ou la mesure ait fini d'être exécutée (ATF 137 II 233 précité consid. 5.2.4 et 5.4). Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que le prononcé du renvoi environ six ans avant la première possibilité de libération conditionnelle de l'étranger était admissible, dès lors qu'il pouvait être retenu une absence de modification déterminante des circonstances avant la libération (arrêt du Tribunal fédéral 2C_201/2007 du 3 septembre 2007 consid. 5). En outre, il a jugé qu'il n'y avait pas à attendre la fin d'une thérapie psychothérapeutique effectuée durant l'exécution de la peine pour statuer sur le renvoi de l'étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2A.153/1999 du 3 septembre 1999 consid. 4b). D'un côté, les chances de succès d'une telle thérapie sont incertaines et une rechute n'est pas exclue, tandis que d'un autre, il est préférable pour l'étranger qu'il sache le plus tôt possible où il vivra après sa libération (ATF 137 II 233 précité consid. 5.2.3).

Le fait qu'un ressortissant étranger soit encore soumis de la part des instances judiciaires suisses à une mesure d'ordre pénal ne saurait, en tant que l'application de cette mesure intervient à la suite de la libération conditionnelle de l'intéressé et consiste en un traitement thérapeutique de type ambulatoire susceptible d'être poursuivi dans son pays d'origine, former obstacle au prononcé, par l'autorité administrative, d'une mesure d'éloignement (ATAF C-1229/2009 du 30 juin 2011 consid. 5.3.3.2). L'art. 70 OASA ne paraît donc pas exclure que le renvoi d'un ressortissant étranger puisse, une fois la libération de ce dernier (conditionnelle ou non) prononcée, être exécuté en dépit des mesures pénales dont il ferait encore l'objet en Suisse, en particulier sur un plan thérapeutique; ces mesures ne confèrent en tout état de cause aucun droit de séjour
(ATAF C-1229/2009 précité consid. 5.3.3.2 in fine).

b. Le Tribunal fédéral a par ailleurs jugé que l'art. 70 OASA ne trouve application que si l'autorisation de séjour expire alors que l'étranger se trouve en détention (arrêt du Tribunal fédéral 2C_708/2013 du 7 février 2014 consid. 2.2).

5) a. En l'espèce, le recourant a été incarcéré le 8 novembre 2011, et il l'est toujours. Son autorisation d'établissement est arrivée à échéance le 30 septembre 2012, soit pendant son incarcération, de sorte que l'art. 70 OASA lui est applicable.

b. Selon le recourant, l'art. 70 OASA impliquerait que son autorisation d'établissement soit valable jusqu'au jour de la libération conditionnelle ou définitive de sa mesure, et non de celle de sa peine. Il fonde en particulier cet argument sur le commentaire de l'OFJ du 20 décembre 2016 sur l'ordonnance sur la mise en oeuvre de l'expulsion pénale, dont le passage pertinent et partiellement cité par le recourant a la teneur suivante :

« L'art. 70 al. 1 OASA ne fait nullement obstacle à l'application de l'art. 61 al. 1 let. f LEtr. L'art. 70 OASA précise uniquement que les conditions de séjour doivent être examinées au moment de la libération de la personne. En vertu de la LEtr, l'autorisation s'éteint : soit lors de l'entrée en force de l'expulsion obligatoire, soit lors de l'exécution de l'expulsion non obligatoire. Il n'existe donc pas de contradiction entre la loi et l'ordonnance. L'art. 63 CP ne constitue pas une mesure privative de liberté. Or, l'art. 66c CP, qui traite du moment de l'exécution de l'expulsion pénale, mentionne que seules les peines privatives de liberté et les mesures de privation de liberté doivent être exécutées avant l'exécution de l'expulsion. Par conséquent, il faut en conclure que la loi n'exige pas qu'une mesure ambulatoire (art. 63 CP) soit exécutée avant de pouvoir exécuter une expulsion pénale. L'exécution d'une mesure ambulatoire ne peut donc pas faire obstacle à l'exécution d'une expulsion pénale. En revanche, la règlementation de l'art. 66c CP ne concerne pas les étrangers qui n'ont pas été condamnés à une expulsion pénale. Dans leur cas, l'art. 70  al. 1 OASA s'applique et l'autorisation demeure valable même durant l'exécution d'une mesure ambulatoire. D'éventuelles clarifications, si le besoin s'en faisait ressentir à l'avenir, pourraient être faites par le biais des directives fédérales » (OFJ, Commentaire de l'ordonnance sur la mise en oeuvre de l'expulsion pénale, Berne, 20 décembre 2016, p.13, sur  https://www.bj.admin.ch/dam/data/bj/sicherheit/gesetzgebung/ausschaffung/landesverweisung/erl-vo-f.pdf, consultée le 7 décembre 2017).

Contrairement à ce que soutient le recourant, il découle clairement de ce texte que l'OFJ se concentre sur les nouvelles dispositions légales relatives aux mesures d'expulsion pénale entrées en vigueur le 1er octobre 2016 et aborde l'art. 70 OASA de manière à en expliquer l'articulation avec les nouvelles dispositions. L'OFJ indique ainsi que le régime de l'art. 70 OASA continue de s'appliquer malgré l'entrée en vigueur desdites dispositions pénales, mais uniquement aux étrangers n'ayant pas fait l'objet d'une expulsion pénale. 

Ce texte n'a ainsi ni pour vocation ni pour résultat d'offrir une nouvelle interprétation sur le moment où la révocation d'une autorisation d'établissement peut être prononcée en cas de suivi d'un traitement ambulatoire. L'art. 70 OASA mentionne d'ailleurs déjà expressément les mesures ambulatoires, et leur régime est ainsi déjà pris en compte par la jurisprudence précitée, que l'argument du recourant n'implique donc pas d'ignorer.

Par ailleurs, il ressort des faits retenus par le TAPI que les éléments médicaux au dossier font état d'une amélioration de l'état du recourant, que ce dernier se comporte bien en détention et se rend à tous les rendez-vous médicaux en lien avec son traitement ambulatoire, dont la poursuite a été ordonnée jusqu'au prochain contrôle annuel. La perspective d'une libération conditionnelle au 9 juillet 2018 paraît dès lors tout à fait envisageable.

En outre, le recourant a rapidement commencé à suivre, en détention, le traitement ambulatoire auquel il avait été condamné, de sorte qu'un renvoi dès la libération conditionnelle de sa peine privative de liberté n'aurait pas pour effet de le priver complètement de son traitement, dont il aura au contraire pu bénéficier pendant plusieurs années à un rythme soutenu et que lui-même affirme vouloir continuer. À cet égard, il appert que ce traitement, vu sa nature, pourra être poursuivi au Portugal, cas échéant sur une base volontaire, étant précisé qu'il peut être attendu de son psychiatre et de son psychologue qu'ils préparent leur patient à un retour au pays et transmettent son dossier médical à des collègues portugais.

Aussi, au moment de statuer, tant le DSE que le TAPI disposaient de l'ensemble des informations pertinentes pour apprécier de manière prospective sa situation au moment de sa libération. Le fait que la décision litigieuse ait été rendue pendant l'exécution de la peine et de la mesure permet au recourant d'être fixé sur son sort, du point de vue du droit des étrangers, suffisamment tôt afin de préparer sa sortie, étant rappelé qu'à teneur de la jurisprudence précitée, le suivi de mesures pénales ne confère en aucun cas un droit de séjour.

Partant, le prononcé par le DSE de la révocation de l'autorisation d'établissement et du renvoi du recourant, confirmé par le TAPI, n'apparaît pas prématuré.

Au demeurant, si les circonstances devaient changer dans une mesure notable, le DSE pourrait toujours reconsidérer sa décision, en particulier à la demande du recourant (art. 48 al. 1 let. b LPA ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.163/2006 du 15 juin 2006 consid. 5).

Le grief du recourant sera donc écarté.

6) La LEtr ne s'applique aux ressortissants des États membres de l'Union européenne que lorsque l'ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsqu'elle prévoit des dispositions plus favorables (art. 2 al. 2 LEtr). L'ALCP ne réglementant pas la révocation de l'autorisation d'établissement UE/AELE, c'est l'art. 63 LEtr qui est applicable (art. 23 al. 2 de l'ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne et ses États membres, ainsi qu'entre les États membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 [OLCP - RS 142.203]; arrêts du Tribunal fédéral 2C_607/2015 du 7 décembre 2015 consid. 4.1 et 2C_473/2011 du 17 octobre 2011 consid. 2.1).

7) a. Aux termes de l'art. 63 al. 2 LEtr, l'autorisation d'établissement d'un étranger qui séjourne légalement et sans interruption depuis plus de quinze ans en Suisse ne peut être révoquée que s'il attente de manière très grave à la sécurité et l'ordre publics en Suisse ou à l'étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse (art. 63 al. 1
let. b LEtr) ou s'il a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée ou a fait l'objet d'une mesure pénale prévue aux art. 59 à 61 ou 64 CP (art. 62 al. 1 let. b LEtr). La réalisation de l'un de ces deux motifs suffit au prononcé de la révocation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_204/2012 du 25 septembre 2012 consid. 2.2 ; 2C_750/2011 du 10 mai 2012 consid. 3.1).

b. Selon la jurisprudence, la condition de la peine de longue durée de l'art. 62 let. b LEtr est réalisée, dès que la peine - pourvu qu'il s'agisse d'une seule peine (ATF 137 II 297 consid. 2.3.4) - dépasse une année, indépendamment du fait qu'elle ait été prononcée avec un sursis complet, un sursis partiel ou sans sursis (ATF 139 I 16 consid. 2.1 ; 135 II 377 consid. 4.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_288/2013 du 27 juin 2013 consid. 2.1).

c. Il y a atteinte très grave à la sécurité et l'ordre publics au sens de l'art. 63 al. 1 let. b LEtr lorsque, par son comportement, l'étranger a lésé ou menacé des biens juridiques particulièrement importants, tels l'intégrité physique, psychique ou sexuelle (ATF 139 I 16 consid. 2.1 ; 137 II 297 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_200/2013 du 16 juillet 2013 consid. 3.1).

d. En l'espèce, le recourant a été condamné par la CPAR le 19 juin 2014 à une peine privative de liberté de dix ans.

Il n'est à juste titre pas contesté qu'au vu de la seule quotité de cette peine, le recourant réunit les conditions de la peine privative de liberté de longue durée de l'art. 62 al. 1 let. b LEtr, par renvoi de l'art. 63 al. 2 LEtr. La question de savoir s'il remplit en plus les conditions de l'art. 63 al. 1 let. b LEtr n'est ainsi pas pertinente.

8) Dès lors qu'il constitue une limite à la libre circulation des personnes, le retrait de l'autorisation UE/AELE - de séjour ou d'établissement - doit en revanche être conforme aux exigences de l'art. 5 § 1 annexe I ALCP, selon lequel les droits octroyés par les dispositions de l'ALCP ne peuvent être limités que par des mesures justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique (ATF 139 II 121 consid. 5.3; 136 II 5 consid. 3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_910/2015 du 11 avril 2016 consid. 4.1 ; 2C_247/2015 du 7 2015 consid. 5.1).  

Conformément à la jurisprudence rendue en rapport avec l'art. 5 annexe I ALCP, les limites posées au principe de la libre circulation des personnes doivent s'interpréter de manière restrictive. Ainsi, le recours par une autorité nationale à la notion d'« ordre public » pour restreindre cette liberté suppose, en dehors du trouble de l'ordre social que constitue toute infraction à la loi, l'existence d'une menace réelle et d'une certaine gravité affectant un intérêt fondamental de la société (ATF 139 II 121 consid. 5.3 et les références citées). Il faut procéder à une appréciation spécifique du cas, portée sous l'angle des intérêts inhérents à la sauvegarde de l'ordre public, qui ne coïncide pas obligatoirement avec les appréciations à l'origine des condamnations pénales. Autrement dit, ces dernières ne sont déterminantes que si les circonstances les entourant laissent apparaître l'existence d'une menace actuelle et réelle, d'une certaine gravité pour l'ordre public (ATF 139 II 121 consid. 5.3 et les références citées). Il n'est pas nécessaire d'établir avec certitude que l'étranger commettra d'autres infractions à l'avenir pour prendre une mesure d'éloignement à son encontre ; inversement, ce serait aller trop loin que d'exiger que le risque de récidive soit nul pour que l'on renonce à une telle mesure. Compte tenu de la portée que revêt le principe de la libre circulation des personnes, ce risque, qui est essentiel, ne doit, en réalité, pas être admis trop facilement et il faut l'apprécier en fonction de l'ensemble des circonstances du cas, en particulier au regard de la nature et de l'importance du bien juridique menacé, ainsi que de la gravité de l'atteinte qui pourrait y être portée. L'évaluation de ce risque sera d'autant plus rigoureuse que le bien juridique menacé est important (ATF 139 II 121 consid. 5.3 et les références citées). Les mesures d'éloignement sont soumises à des conditions d'autant plus strictes que l'intéressé a séjourné longtemps en Suisse. Le renvoi d'étrangers ayant séjourné très longtemps en Suisse, voire de ceux qui y sont nés et y ont passé toute leur existence n'est cependant exclu ni par l'ALCP, ni par la CEDH (ATF 130 II 176 consid. 4.4 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_401/2012 du 18 septembre 2012 consid. 3.3 ; 2C_238/2012 du 30 juillet 2012 consid. 2.3). Pour évaluer la menace que représente un étranger condamné pénalement, le Tribunal fédéral se montre particulièrement rigoureux en présence d'infractions à la législation fédérale sur les stupéfiants, d'actes de violence criminelle et d'infractions contre l'intégrité sexuelle (ATF 139 II 121 consid. 5.3 ; 137 II 297 consid. 3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_910/2015 précité consid. 4.2 et 2C_862/2012 du 12 mars 2013 consid. 3.1), étant précisé que la commission d'infractions qui sont en étroite relation avec la toxicomanie du délinquant peut, selon les circonstances, atténuer cette position de principe (ATF 139 II 121 consid. 5.3 et les références citées).  

9) En l'espèce, force est de constater que si, devant le TAPI, le recourant soutenait qu'il ne représentait pas une menace réelle et grave contre la sécurité et l'ordre publics suisses, il n'a pas fait valoir ce grief dans le cadre de la procédure de recours devant la chambre de céans, soutenant au contraire que son renvoi au Portugal constituerait un « risque pour la population de subir des violences » et le risque pour lui-même « de subir d'autres sanctions pénales ».

Par conséquent, il conviendra de confirmer le jugement du TAPI s'agissant du risque de récidive du recourant, en ce sens qu'il représente, au sens de l'ALCP, une menace actuelle pour la sécurité et l'ordre publics de nature à permettre la révocation de son autorisation d'établissement.

10) Le recourant soutient que la décision et le jugement attaqués violeraient l'art. 8 CEDH et le principe de proportionnalité, son intérêt privé à rester en Suisse ainsi que l'intérêt public de la population au Portugal l'emportant selon lui sur l'intérêt public de la Suisse à son éloignement.

a. L'existence d'un motif de révocation d'une autorisation ne justifie ainsi le retrait de celle-ci que si la pesée globale des intérêts à effectuer fait apparaître la mesure comme proportionnée (art. 5 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 96 LEtr; ATF 139 II 121
consid. 6.5.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1189/2014 du 26 juin 2015 consid. 3.4.1).

Dans la mise en oeuvre de ce mécanisme, il y a lieu de prendre en compte la culpabilité de l'auteur, la gravité de l'infraction et le temps écoulé depuis sa commission, son comportement pendant cette période, la durée de son séjour en Suisse et l'âge d'arrivée dans ce pays, les relations sociales, familiales et professionnelles, son niveau d'intégration et les conséquences d'un renvoi pour lui-même et sa famille (ATF 139 I 16 consid. 2.2.1 ; 139 I 31 consid. 2.3.1 ; 139 I 145 consid. 2.4 ; 135 II 377 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_260/2015 du 2 avril 2015 consid. 5.2 ; 2D_19/2014 du 2 octobre 2014 consid. 3.3 ; 2C_565/2013 précité consid. 4.1 ; 2C_260/2013 précité consid. 5.1 ; 2C_317/2012 du 10 octobre 2012 consid. 3.7.1 ; 2C_117/2012 du 11 juin 2012 consid. 4.5.1).

b. Lorsque le refus d'octroyer une autorisation de séjour se fonde sur la commission d'une infraction, la peine infligée par le juge pénal est le premier critère servant à évaluer la gravité de la faute et à procéder à la pesée des intérêts en présence (arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2014 du 4 décembre 2014 consid. 4.2.2 ; 2C_565/2013 du 6 décembre 2013 consid. 4.1 et les références citées). Par ailleurs, le Tribunal fédéral se montre particulièrement rigoureux dans l'examen du risque de récidive en présence d'infractions à la législation fédérale sur les stupéfiants, d'actes de violence criminelle et d'infractions contre l'intégrité sexuelle (ATF 139 II 121 consid. 5.3). La jurisprudence récente du Tribunal fédéral insiste particulièrement sur ce critère, faisant passer la faute de l'étranger lors de sa condamnation au premier plan, loin devant une assez longue durée (en l'occurrence six ans) passée depuis sans nouvelle infraction - étant précisé que durant l'exécution de sa peine, il est de toute façon attendu d'un délinquant qu'il se comporte de manière adéquate (arrêt du Tribunal fédéral 2C_142/2017 du 19 juillet 2017 consid. 6.1).

c. La durée de présence en Suisse d'un étranger constitue également un critère très important. Les mesures d'éloignement sont ainsi soumises à des conditions d'autant plus strictes que l'intéressé a séjourné en Suisse durant une longue période (ATF 135 II 377 consid. 4.4 et 4.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_789/2014 précité consid. 5.3 ; 2C_881/2012 du 16 janvier 2013 consid. 5.1). Le renvoi d'étrangers vivant depuis longtemps en Suisse, voire ceux qui y sont nés et y ont passé toute leur existence, n'est toutefois exclu ni par l'ALCP, ni par la CEDH (ATF 130 II 176 consid. 4.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_260/2013 précité consid. 4.1 ; 2C_238/2012 précité consid. 2.3). À cet égard, les années passées en Suisse dans l'illégalité, en prison ou au bénéfice d'une simple tolérance ne sont pas déterminantes dans la pesée des intérêts (ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_317/2012 précité consid. 3.7.1).

d. Il doit aussi être tenu compte de l'intensité des liens de l'étranger avec la Suisse et des difficultés de réintégration dans son pays d'origine (ATF 130 II 176 consid. 4.4.2 ; 125 II 521 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_565/2013 précité consid. 4.1 ; 2C_1237/2012 du 22 avril 2013 consid. 6.1).

11) a. Le droit au respect de la vie privée et familiale est garanti par les art. 8 CEDH et 21 al. 1 Cst. Aux termes de l'art. 8 CEDH, toute personne a notamment droit au respect de sa vie privée et familiale. Le fait de refuser un droit de séjour à un étranger dont la famille se trouve en Suisse peut porter atteinte à cette garantie (ATF 137 I 247 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_979/2013 du 25 février 2014 consid. 6.1). Pour autant, les liens familiaux ne sauraient conférer de manière absolue, en vertu de cette disposition, un droit d'entrée et de séjour (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 138 I 246 consid. 3.2.1). Selon la jurisprudence, un étranger peut néanmoins, en fonction des circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'art. 8 § 1 CEDH pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille, à condition qu'il entretienne une relation étroite et effective avec un membre de celle-ci ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 137 I 284 consid. 1.3 ; 136 II 177 consid. 1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_979/2013 précité consid. 6.1 ; 2C_456/2013 du 5 décembre 2013 consid. 4.1).

b. Les relations visées par l'art. 8 § 1 CEDH sont avant tout celles qui existent entre époux ainsi que les relations entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 127 II 60 consid. 1d/aa; ATA/519/2017 du 9 mai 2017). La relation entre les parents et les enfants majeurs qui vivent encore au domicile peut être couverte par l'art. 8 CEDH, notamment lorsqu'ils n'ont pas encore
vingt-cinq ans et n'ont pas eux-mêmes de conjoint ou d'enfants (ACEDH Bousarra c. France du 23 septembre 2010, req. 25672/07, § 38-39 ; A.A. c. Royaume-Uni du 20 septembre 2011, req. 8000/08, § 48-49 ; ATA/513/2017 du 9 mai 2017). S'agissant d'autres relations entre proches parents, la protection de l'art. 8 § 1 CEDH suppose qu'un lien de dépendance particulier lie l'étranger majeur qui requiert la délivrance de l'autorisation de séjour et le parent ayant le droit de résider en Suisse en raison, par exemple, d'un handicap - physique ou mental - ou d'une maladie grave. Tel est le cas en présence d'un besoin d'une attention et de soins que seuls les proches parents sont en mesure de prodiguer. Cette règle vaut sans conteste lorsque la personne dépendante est l'étranger qui invoque l'art. 8 CEDH (ATF 129 II 11 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_537/2012 du 8 juin 2012 consid. 3.2 ; 2D_139/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.3 ; ATA/1087/2016 du 20 décembre 2016).

Selon la jurisprudence, un étranger disposant d'un droit de visite sur son enfant mineur habilité à résider en Suisse peut en principe exercer ce droit même s'il vit à l'étranger, au besoin en aménageant ses modalités quant à la fréquence et à la durée (ATF 140 I 145 consid. 3.2 ; 139 I 315 consid. 2.2). En effet, le droit de visite d'un parent sur son enfant ne doit pas nécessairement s'exercer à un rythme bimensuel et peut également être organisé de manière à être compatible avec des séjours dans des pays différents (ATF 140 I 145 consid. 3.2 et la référence citée). Un droit plus étendu ne peut le cas échéant exister qu'en présence de liens familiaux particulièrement forts d'un point de vue affectif et économique et lorsque, en raison de la distance qui sépare le pays de résidence de l'enfant du pays d'origine de son parent, cette relation ne pourrait pratiquement pas être maintenue (ATF 140 I 145 consid. 3.2 ; 139 I 315 consid. 2.2). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'existence du lien affectif particulièrement fort doit être considérée comme remplie lorsque les contacts personnels sont effectivement exercés dans le cadre d'un droit de visite usuel selon les standards d'aujourd'hui, lorsque l'étranger détient déjà un droit de séjour en Suisse (ATF 140 I 145 consid. 3.2 ; 139 I 315 consid. 2.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_165/2014 du 18 juillet 2014 consid. 4.2). En outre, les autres conditions d'une prolongation de l'autorisation doivent être remplies également. Le parent étranger doit ainsi entretenir une relation économique particulièrement forte avec son enfant et avoir fait preuve en Suisse d'un comportement irréprochable
(ATF 139 I 315 consid. 2.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1153/2013 du 10 juillet 2014 consid. 2.2 ; 2C_117/2014 du 27 juin 2014 consid. 4.1.2 ; 2C_318/2013 du 5 septembre 2013 consid. 3.3.2).

12) En l'espèce, le recourant est arrivé en Suisse le 30 septembre 1990. Par arrêt de la CPAR du 19 juin 2014, il a été reconnu coupable d'infraction à l'art. 111 CP, qui protège un bien juridique de la plus haute importance, à savoir la vie, auquel il a irrémédiablement porté atteinte. La CPAR a considéré la faute du recourant comme très grave, dans la mesure où il avait supprimé une vie humaine, pour un mobile futile, dans des conditions qui, par certains aspects, faisaient que l'on se trouvait à la limite de l'infraction de l'art. 112 CP, à savoir l'assassinat. La gravité de sa faute était encore accrue par le concours avec les autres infractions commises, tout particulièrement celle à l'art. 129 CP, soit la mise en danger de la vie d'autrui, vu le bien juridique en cause, mais aussi la violation de la LArm, qui y était liée, et le délit contre la législation sur les stupéfiants.

Aussi, au vu de la gravité du comportement contraire à l'ordre public suisse reproché au recourant, seul un intérêt privé particulièrement important est de nature à faire obstacle à la révocation de son autorisation d'établissement dans le cadre de la pesée des intérêts.

Le recourant a quitté le Portugal pour la Suisse en 1990, à l'âge de 11 ans, et a donc passé le plus clair de sa vie en Suisse. Il affirme être ensuite retourné au Portugal pour rendre visite à son père, mais ne plus l'avoir vu depuis environ neuf ans. Il signale bien avoir reçu quelques courriers qu'il n'aurait cependant pas compris en raison de leur rédaction en langue portugaise. L'une de ses grands-mères vit encore au Portugal. Selon le PES du 14 juin 2016, les conditions qu'il retrouverait au Portugal en cas de renvoi lui seraient totalement défavorables, en raison des problèmes de langue, du manque de réseau familial, affectif ou social et d'une incertitude quant à la poursuite de son traitement, dans la mesure où il y retrouverait son père qui baigne dans le milieu de la toxicomanie depuis de nombreuses années.

Toutefois, il ressort de la procédure que le recourant a été scolarisé jusqu'en neuvième année du cycle d'orientation, n'a pas de formation et n'a jamais occupé un emploi stable. Il a émargé au budget de l'aide sociale dès 2001 et a été mis au bénéfice d'une rente invalidité à 100 % à compter du 1er octobre 2002, par arrêt de la chambre des assurances sociales du 31 mai 2012. Ses troubles entraînent une incapacité de travail depuis au moins dix ans et au long cours. Entendu dans le cadre de l'élaboration de son PES, il a déclaré avoir des poursuites pour un montant d'environ CHF 8'000.-.

Le recourant ne peut ainsi pas se prévaloir d'une intégration
professionnelle réussie en Suisse.

Il ressort du dossier qu'avant son incarcération, ses relations amicales se résumaient aux personnes avec qui il consommait drogues et/ou alcool et qu'il admet être très isolé socialement, de sorte que son intégration sociale ne peut pas non plus être qualifiée de poussée.

Pour ce qui a trait à sa situation familiale, le recourant ne bénéficie ni de l'autorité parentale ni de la garde de ses enfants, étant rappelé que l'aîné est majeur. Il ne ressort pas du dossier qu'il ait participé et participe en l'état financièrement à leur entretien, ce qu'il n'allègue d'ailleurs pas. Il n'a jamais vécu avec eux et ne démontre pas avoir participé de quelque manière que ce soit à leur éducation, étant précisé qu'il a indiqué qu'aucun d'eux n'était venu le voir en prison. Malgré une volonté actuelle de travailler sur son rôle de père, il ne peut être admis que le recourant a établi avec ses enfants des liens particulièrement forts, au sens de la jurisprudence, que ce soit d'un point de vue affectif ou financier.

S'agissant de sa mère, contrairement à ce que le recourant, majeur, fait valoir, il n'est pas démontré qu'il se trouverait dans une relation de dépendance vis-à-vis d'elle. Il ne vivait pas avec elle mais seul, et le fait qu'elle lui rendait visite chaque jour, faisait ses courses ou l'accompagnait dans des démarches sanitaires et administratives avant son incarcération n'est pas suffisant pour considérer qu'il nécessiterait une prise en charge permanente rendant cette assistance maternelle irremplaçable. En outre, il était aidé par une assistante sociale de l'hospice pour sa gestion administrative, et non uniquement par sa mère. Le trouble de la personnalité dont il souffre nécessite quant à lui une prise en charge médicale et ambulatoire, et non une prise en charge que seule sa mère pourrait lui apporter.

Partant, il faut retenir que le recourant ne peut se prévaloir ni de sa relation avec ses enfants ni de celle qu'il entretient avec sa mère pour bénéficier de la protection de l'art. 8 § 1 CEDH pour éviter son renvoi au Portugal, étant encore relevé que sa famille et lui-même pourront mutuellement se rendre visite lors de séjours touristiques, et que les contacts pourront être maintenus grâce aux divers moyens de communications actuels.

Par ailleurs, l'argument du recourant sur la nécessité de prendre en considération dans la pesée des intérêts la menace qu'il représenterait pour la population portugaise en cas de renvoi ne peut être suivi. Le recourant pourra poursuivre au Portugal le suivi médical et le traitement médicamenteux au sujet desquels les spécialistes se disent déjà positifs, et il sied de souligner que s'il ressort du PES qu'un renvoi au Portugal serait défavorable pour la progression dans ses projets, rien ne permet de craindre que le recourant sera plus dangereux au Portugal qu'en Suisse.

En conséquence, s'il ne faut pas négliger la longue durée du séjour du recourant en Suisse et les difficultés qu'il est susceptible de rencontrer en cas de renvoi au Portugal, celles-ci doivent être relativisées par la gravité de la faute commise, sa mauvaise intégration socio-économique en Suisse malgré les vingt ans qu'il y a passés avant son incarcération, et le fait qu'il ne peut se prévaloir d'un lien de dépendance avec sa mère, ni de relations suffisamment fortes avec ses enfants. Le recourant ne peut en outre pas être considéré comme totalement étranger aux us et coutumes du Portugal, d'ailleurs peu éloignés de ceux qui prévalent en Suisse, et il bénéficie d'une rente d'assurance-invalidité qu'il pourra continuer à percevoir au Portugal, ce qui lui permettra de subvenir à ses besoins. Ainsi que l'a considéré le TAPI, un retour au Portugal ne devrait donc pas constituer un déracinement insurmontable.

Au vu des éléments qui précèdent, l'intérêt public à l'éloignement du recourant prévaut sur son intérêt privé à pouvoir poursuivre sa vie en Suisse, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

13) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEtr, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée.

Le renvoi d'un étranger ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEtr). Il n'est pas possible lorsque l'intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEtr). Il n'est pas licite lorsqu'il serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEtr). Il n'est pas raisonnablement exigible s'il met concrètement en danger l'étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEtr).

b. En l'espèce, le recourant n'a jamais allégué que son retour au Portugal serait impossible, illicite ou inexigible au regard de l'art. 83 LEtr, le dossier ne laissant pas apparaître d'éléments qui tendraient à démontrer le contraire. C'est ainsi à bon droit que son renvoi a été prononcé.

14) Entièrement mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 août 2017 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 juin 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Bayenet, avocat du recourant, au département de la sécurité et de l'économie, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière :

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.