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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4139/2015

ATA/1087/2016 du 20.12.2016 sur JTAPI/346/2016 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR ; CAS DE RIGUEUR ; DÉCISION DE RENVOI ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; LIMITATION DU NOMBRE DES ÉTRANGERS ; POUVOIR D'APPRÉCIATION ; POUVOIR D'EXAMEN ; REGROUPEMENT FAMILIAL ; RESPECT DE LA VIE FAMILIALE
Normes : CEDH.8.al1.2 ; Cst.29.al2 ; LETR.30.al1.letb ; LETR.64.al1.letc ; OASA.31.al1
Résumé : L'art. 8 CEDH protège le droit au respect de la vie privée et familiale qui peut être invoqué lorsqu'une mesure étatique d'éloignement aboutit à la séparation des membres d'une famille. Les relations qu'il vise sont avant tout celles qui existent entre époux, puis entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun. S'agissant des relations entre proches parents, sa protection suppose qu'un lien de dépendance particulier lie l'étranger majeur qui requiert la délivrance de l'autorisation de séjour et le parent ayant le droit de résider en Suisse. La disposition peut aussi être invoquée lorsque l'état de dépendance tient non pas dans la personne de l'étranger qui sollicite le droit à une autorisation de séjour, mais dans celle de celui qui bénéficie du droit de présence assuré en Suisse. En l'espèce, il n'existe pas de lien de dépendance affective et économique de la belle-mère envers la recourante.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4139/2015-PE ATA/1087/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 décembre 2016

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Martin Ahlström, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 avril 2016 (JTAPI/346/2016)


EN FAIT

1) Madame A______, née en 1973, au Kosovo, pays dont elle est ressortissante, est arrivée à Genève le 17 mai 2015. Elle a, le 2 juillet 2015, déposé un formulaire de demande d'autorisation de séjour pour études auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

2) a. Par courrier du 6 juillet 2015 à l'OCPM, elle a expliqué souhaiter suivre des cours de français, durant une année ou deux, en vue de faciliter son intégration dans la vie sociale et professionnelle en Suisse. Titulaire d'un bachelor en psychologie, elle souhaitait continuer d'avancer dans sa vie professionnelle en Suisse.

b. Elle a, à cette occasion, produit une attestation de prise en charge financière signée par Madame B______ et son époux, Monsieur C______, et des décomptes de salaires de ces derniers pour les mois de mars, avril et mai 2015.

3) Le 1er septembre 2015, l'OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser l'octroi de l'autorisation requise et lui a imparti un délai de trente jours pour faire valoir son droit d'être entendu.

Elle n'avait pas déposé sa demande d'autorisation de séjour depuis l'étranger et n'y était pas restée pour attendre la réponse de l'autorité compétente. En outre, son départ de Suisse, au terme des études projetées, n'était pas garanti.

4) Par courrier du 8 septembre 2015, Mme D______, née en 1945, ressortissante du Kosovo, titulaire d'une autorisation d'établissement à Genève, a demandé à l'OCPM de réserver une suite favorable à la demande d'autorisation de séjour de Mme A______, sa belle-fille.

Elle était malade et n'était pas en mesure de vivre sans l'assistance de sa belle-fille. Elle avait des affinités avec celle-ci et confiance en elle. Elle vivait et partageait tout avec elle. Elle n'avait pas les moyens d'engager une aide à domicile et ne voulait pas partager sa vie privée avec une personne inconnue.

5) Le 8 septembre 2015 également, Mme A______ a adressé à l'OCPM ses observations dans le cadre de sa demande de séjour pour études.

Elle avait certes sollicité une autorisation de séjour pour études. Toutefois, sa présence en Suisse visait à prendre soin de sa belle-mère gravement atteinte dans sa santé et ayant besoin d'une assistance permanente. Elle souhaitait apprendre le français afin non seulement d'être en mesure d'assister sa belle-mère lors de ses déplacements et de répondre à ses besoins, mais aussi pour mieux s'intégrer en Suisse. Sa belle-mère ne voulait pas engager une personne « extérieure » pour s'occuper d'elle, car elle était âgée et souhaitait se sentir en confiance avec la personne qui prenait soin d'elle. Elle n'en avait du reste pas les moyens.

6) Par décision du 11 novembre 2015, exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a refusé de délivrer à Mme A______ l'autorisation de séjour requise et lui a imparti un délai au 30 novembre 2015 pour quitter la Suisse, l'exécution de son renvoi étant possible, licite et raisonnablement exigible.

La nécessité d'entreprendre des cours de français n'était pas démontrée. Par ailleurs, les dispositions légales régissant le regroupement familial ne conféraient aucun droit de séjour aux « beaux-enfants » âgés, de surcroît, de plus de 18 ans. Les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur n'étaient pas non plus réalisées. L'intéressée ne se trouvait pas dans une situation de détresse personnelle. Sa belle-mère pouvait compter sur l'aide de ses trois fils, Messieurs C______, E______ et F______ D______, tous séjournant à Genève, au bénéfice d'un permis d'établissement, et de leurs épouses.

Pour le surplus, il a repris les arguments figurant dans son courrier du 1er septembre 2015.

7) Par acte déposé le 27 novembre 2015, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), en concluant, à titre de mesures provisionnelles, à ce qu'elle soit autorisée à demeurer à Genève jusqu'à droit jugé sur sa demande. Elle a aussi conclu principalement à l'annulation de la décision attaquée et à l'octroi d'une autorisation de séjour « temporaire ».

a. Elle était venue en Suisse, en juillet 2015 (recte : mai 2015), afin de s'occuper de sa belle-mère, gravement atteinte dans sa santé et se trouvant en fin de vie. Celle-ci ne pouvait pas vivre seule sans une assistance permanente. Les fils de sa belle-mère, tous mariés et parents, ne pouvaient pas s'occuper de leur mère en raison de leurs obligations familiales et professionnelles. Elle était proche de sa belle-mère. Elle était unie à celle-ci par un lien familial, parlait sa langue et était de même culture. Le but de son séjour en Suisse était d'améliorer les derniers jours de sa belle-mère mourante. Elle serait prise en charge financièrement par sa famille. Après le décès de sa belle-mère, « dans une année tout au plus », elle retournerait au Kosovo.

b. Elle a produit à l'appui de son recours, notamment les attestations de ses trois beaux-frères allèguant leurs difficultés à s'occuper de leur mère en raison de leurs obligations familiales, une copie du permis d'établissement de sa belle-mère, une copie de la demande d'allocation pour impotent AVS et un certificat médical du médecin traitant de celle-ci.

8) Par décision du 22 décembre 2015 (DITAI/934/2015), le TAPI a octroyé l'effet suspensif au recours, compte tenu de l'état de santé précaire de la belle-mère de l'intéressée.

9) Par jugement du 5 avril 2016, le TAPI a rejeté le recours.

L'intéressée était venue en Suisse, non pas pour suivre des études, mais pour prendre soin de sa belle-mère. Elle ne pouvait ainsi pas bénéficier d'un titre de séjour pour études. Séjournant à Genève depuis une dizaine de mois, elle ne pouvait pas non plus se prévaloir d'un cas d'extrême gravité, les conditions requises pour ce genre de titre de séjour n'étant pas remplies. Par ailleurs, la belle-mère de l'intéressée ne se trouvait pas seule à Genève où vivaient également trois de ses fils et leurs épouses. Ces derniers avaient été en mesure de s'occuper de leur mère, entre le décès de leur père, en août 2013, jusqu'à l'arrivée de l'intéressée en mai 2015. Leur impossibilité alléguée de prendre soin de leur mère en raison de leurs propres obligations familiales n'était pas pertinente. Il leur était en outre possible d'assister leur mère en faisant appel à une aide à domicile, même si celle-là privilégiait la présence d'une personne de sa famille à ses côtés.

Le lien de parenté unissant Mme A______ à sa belle-mère n'étant pas couvert par des dispositions conventionnelles protégeant la vie privée et familiale, la question de l'existence d'un état de dépendance de sa belle-mère à son égard justifiant une dérogation aux conditions d'admission pouvait rester ouverte.

10) Par acte déposé le 9 mai 2016, Mme A______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant, sur mesures provisionnelles, à ce qu'elle soit autorisée à résider dans le canton de Genève jusqu'à droit jugé sur sa procédure. Elle a aussi conclu, principalement, à l'annulation du jugement attaqué et à ce qu'il soit dit qu'elle avait droit à une autorisation de séjour temporaire et que le dossier soit renvoyé à l'OCPM afin qu'il lui délivre l'autorisation de séjour requise.

Le TAPI avait violé le droit applicable en n'examinant pas si sa belle-mère était dans un état de dépendance justifiant une dérogation aux conditions d'admission. Il avait en outre violé les dispositions conventionnelles donnant droit à un regroupement familial en niant la protection de son lien de parenté avec sa belle-mère. Elle avait toujours vécu avec sa belle-mère depuis son arrivée en Suisse. Depuis une année, elle l'aidait à effectuer les gestes de la vie quotidienne et la soutenait. L'état de santé de sa belle-mère ne cessait de se détériorer et sa présence auprès d'elle était importante. Elle lui apportait un soutien psychologique en cette phase critique de sa fin de vie. Dans sa culture, il revenait aux membres d'une même famille d'assister leurs malades.

Pour le surplus, elle a repris ses arguments antérieurs.

11) Le 17 mai 2016, le TAPI a envoyé son dossier sans émettre d'observations.

12) Le 15 juin 2016, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

La situation de Mme A______ ne satisfaisait pas aux exigences jurisprudentielles en matière de dérogation aux mesures de limitation. Son séjour en Suisse était court et son intégration socio-professionnelle inexistante. Le lien qui l'unissait avec sa belle-mère résultait de circonstances de son séjour en Suisse. Elle avait été appelée aux côtés de celle-ci pour des raisons de convenance personnelle. Elle avait reconnu l'existence d'autres solutions de prise en charge de sa belle-mère. Sa relation avec celle-ci ne permettait pas de bénéficier d'un regroupement familial.

13) Le 7 juillet 2016, Mme A______ a persisté dans ses conclusions.

Le lien de dépendance avec sa belle-mère était particulier. Leur relation s'était certes renforcée depuis sa venue en Suisse. Toutefois, un lien préexistant existait. Elle n'avait pas été appelée auprès de sa belle-mère pour des raisons de convenance personnelle. Elle s'était rendue à son chevet en raison de leurs relations proches et du besoin de celle-ci à une aide. Elle soutenait sa belle-mère, la connaissait bien, la comprenait et l'aidait en permanence.

14) Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le refus d'une autorisation de séjour pour cas individuel de rigueur et le renvoi de Suisse de la recourante.

3) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l'opportunité d'une décision prise en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

4) La recourante reproche au TAPI d'avoir violé les dispositions applicables à l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité.

5) a. Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

b. À teneur de l'art. 31 al. 1 de l'ordonnance fédérale relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA -RS 142.201), afin d'apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l'état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

Cette disposition comprend une liste exemplative de critères à prendre en considération pour la reconnaissance de cas individuels d'une extrême gravité.

c. La jurisprudence développée au sujet des cas de rigueur selon le droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007 (art. 13f de l'ancienne ordonnance sur les étrangers [aOLE]) est toujours d'actualité pour les cas d'extrême gravité qui leur ont succédé (ATF 136 I 254 consid. 5.3.1 p. 262). Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEtr et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 p. 207 ; ATA/882/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/770/2014 du 30 septembre 2014). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 137 II 345 consid. 3.2.1 p. 348).

d. Pour admettre l'existence d'un cas d'extrême gravité, il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c'est-à-dire que le refus de soustraire l'intéressé à la règlementation ordinaire d'admission comporte pour lui de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité ; il faut encore que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 124 II 110 consid. 3 p. 113 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6628/2007 du 23 juillet 2009 consid. 5.2 ; ATA/920/2016 du 1er novembre 2016 ; Alain WURZBURGER, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers, RDAF 1997 I 267 ss). Son intégration professionnelle doit en outre être exceptionnelle ; le requérant possède des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ; ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/882/2014 précité).

6) En l'espèce, il est constant que la situation de la recourante ne satisfait pas aux exigences jurisprudentielles en matière de dérogation aux mesures de limitation. La durée de son séjour d'une année et six mois en Suisse, de mai 2015 à ce jour, est inférieure à celle retenue par la jurisprudence. Par ailleurs, l'intéressée n'exerce pas dans ce pays une activité professionnelle atteignant un niveau de qualification exceptionnelle. Son intégration sociale n'est pas non plus exceptionnelle. Depuis son arrivée en Suisse, elle vit dans la famille de sa belle-mère dont elle s'occupe au quotidien. Le dossier ne fait pas état de relations avec son voisinage d'une intensité telle qu'il ne pourrait pas être exigé qu'elle retourne vivre dans son pays d'origine, où elle a passé plus de quarante-deux ans. Il ne contient en outre aucun élément qui démontre qu'elle participe à des activités sociétales particulières dans son milieu d'accueil.

Par ailleurs, la recourante n'allègue pas avoir acquis des connaissances spécifiques dont elle ne pourrait faire usage qu'en Suisse. Il ne ressort pas du dossier non plus qu'elle serait en mauvaise santé. Elle n'expose pas non plus qu'elle pourrait être confrontée à des difficultés d'ordre financier ou personnel insurmontable de retour au Kosovo. Au contraire, elle insiste sur sa détermination à retourner dans son pays après son séjour en Suisse.

Sous l'angle de l'application de l'art. 30 LEtr et de l'art. 31 OASA, le jugement du TAPI confirmant la décision de l'OCPM refusant d'admettre la demande de la recourante d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité est conforme au droit.

Le grief sera ainsi écarté.

7) La recourante invoque également une violation du droit au regroupement familial garanti par l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Elle reproche au TAPI d'avoir laissé ouverte la question de savoir s'il existe un lien de dépendance de sa belle-mère à son égard.

a. L'art. 8 CEDH protège le droit au respect de la vie privée et familiale. Il permet de prétendre à la délivrance d'une autorisation de séjour et de remettre ainsi en cause le renvoi dans son principe. En effet, un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie privée et familiale pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille. Encore faut-il, pour pouvoir invoquer cette disposition, que la relation entre l'étranger et la personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse soit étroite et effective (ATF 130 II 281 consid. 3.1 p. 285 ; 129 II 193 consid. 5.3.1 p. 211 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_338/2008 du 22 août 2008 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-3377/2011 du 23 février 2012 consid. 3.3 ; ATA/882/2014 précité). Ce qui est déterminant, sous l'angle de l'art. 8 § 1 CEDH, est la réalité et le caractère effectif des liens qu'un étranger a tissé avec le membre de sa famille qui bénéficie d'un droit de résider en Suisse (ATF 135 I 143 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_644/2012 du 17 août 2012 consid. 2.4) au moment où le droit est invoqué, quand bien même, par définition, des liens familiaux particulièrement forts impliquent un rapport humain d'une certaine intensité, qui ne peut s'épanouir que par l'écoulement du temps (ATF 140 I 145 consid. 4.2 p. 149).

b. Les relations visées par l'art. 8 CEDH sont avant tout celles qui existent entre époux ainsi que les relations entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 127 II 60 consid. 1d/aa p. 65 ; 120 Ib 257 consid. 1d p. 260 ss ; ATA/209/2011 du 3 mai 2011). S'agissant d'autres relations entre proches parents, comme celles entre frères et soeurs, la protection de l'art. 8 CEDH suppose qu'un lien de dépendance particulier lie l'étranger majeur qui requiert la délivrance de l'autorisation de séjour et le parent ayant le droit de résider en Suisse en raison, par exemple, d'un handicap - physique ou mental - ou d'une maladie grave. Tel est le cas en présence d'un besoin d'une attention et de soins que seuls les proches parents sont en mesure de prodiguer. Cette règle vaut sans conteste lorsque la personne dépendante est l'étranger qui invoque l'art. 8 CEDH (ATF 129 II 11 consid. 2 p. 13 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_537/2012 du 8 juin 2012 consid. 3.2 ; 2D_139/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.3 ; ATA/720/2014 du 9 septembre 2014).

La jurisprudence est en revanche incertaine sur la possibilité d'invoquer cette disposition conventionnelle lorsque l'état de dépendance tient non pas dans la personne de l'étranger qui sollicite le droit à une autorisation de séjour, mais dans celle de celui qui bénéficie du droit de présence assuré en Suisse. Alors qu'il avait parfois admis cette possibilité lors de l'examen de l'art. 8 § 1 CEDH en lien avec les conditions d'obtention d'un permis humanitaire (arrêts du Tribunal fédéral 2A.76/2007 du 12 juin 2007 consid. 5.1 ; 2A.627/2006 du 28 novembre 2006 consid. 4.2.1 ; 2A.92/2007 du 21 juin 2006 consid. 4.3), le Tribunal fédéral a tranché dans le sens contraire, sans se référer à ces précédents dans une autre affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2007 du 22 janvier 2008 consid. 2.2).

c. Le droit au respect de la vie familiale consacré à l'art. 8 CEDH ne peut être invoqué que si une mesure étatique d'éloignement aboutit à la séparation des membres d'une famille (ACEDH Moustaquin c/ Belgique du 18 février 1991, req. 12313/86, § 35). Il n'y a pas de violation du droit au respect de la vie familiale si l'on peut attendre des membres de la famille qu'ils réalisent leur vie de famille à l'étranger ; l'art. 8 CEDH n'est pas a priori violé si le membre de la famille jouissant d'un droit de présence en Suisse peut quitter ce pays sans difficultés avec l'étranger auquel a été refusée une autorisation de séjour. En revanche, si le départ du membre de la famille pouvant rester en Suisse ne peut d'emblée être exigé sans autre, il convient de procéder à la pesée des intérêts prévue par l'art. 8 § 2 CEDH (ATF 135 I 153 consid. 2.1 p. 155). Celle-ci suppose de prendre en compte l'ensemble des circonstances et de mettre en balance l'intérêt privé à l'obtention d'un titre de séjour et l'intérêt public à son refus (ATF 122 II 1 consid. 2 p. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_2/2009 du 23 avril 2009 consid. 3.1).

En ce qui concerne l'intérêt public, il faut retenir que la Suisse mène une politique restrictive en matière de séjour des étrangers, pour assurer un rapport équilibré entre l'effectif de la population suisse et celui de la population étrangère résidante, ainsi que pour améliorer la situation du marché du travail et assurer un équilibre optimal en matière d'emploi. Ces buts sont légitimes au regard de l'art. 8 § 2 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 2C_723/2008 du 24 novembre 2008 consid. 4.1). S'agissant de l'intérêt privé, il y a notamment lieu d'examiner si l'on peut exiger des membres de la famille titulaires d'un droit de présence assuré en Suisse qu'ils suivent l'étranger dont l'autorisation de séjour est refusée. Pour trancher cette question, l'autorité ne doit pas statuer en fonction des convenances personnelles des intéressés, mais prendre objectivement en considération leur situation personnelle et l'ensemble des circonstances (ATF 122 II 1 consid. 2 p. 6). Lorsque le départ à l'étranger s'avère possible « sans difficultés », le refus d'une autorisation de séjour ne porte en principe pas atteinte à la vie familiale protégée par l'art. 8 CEDH, puisque celle-ci peut être vécue sans problème à l'étranger ; une pesée complète des intérêts devient ainsi superflue (ATF 122 II 289 consid. 3b p. 297). Toutefois, la question de l'exigibilité du départ à l'étranger ne peut généralement pas être résolue de manière tranchée, par l'affirmative ou la négative. Lorsque, sans être inexigible, le départ ne va pas sans certaines difficultés, celles-ci doivent être intégrées dans la pesée des intérêts destinée à apprécier la proportionnalité du refus de l'autorisation de séjour requise (arrêt du Tribunal fédéral 2A.212/2004 du 10 décembre 2004 consid. 3.2).

d. Une personne possède le droit de résider durablement en Suisse si elle a la nationalité suisse, une autorisation d'établissement ou un droit certain à une autorisation de séjour (ATF 135 I 143 consid. 1.3.1 p. 145 ss ; 130 II 281 consid. 3.1 p. 285 ; 129 II 193 consid. 5.3.1 p. 211 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_19/2014 du 2 octobre 2014 consid. 4 et 2C_537/2012 précité consid. 3.2).

8) a. En l'espèce, le regroupement familial en cause ne concerne pas des parents en ligne directe, mais des parents proches, soit une belle-mère et sa bru. À ce titre, la protection de la vie privée et familiale n'est susceptible de s'appliquer qu'en présence d'un lien de dépendance particulier. La recourante allègue qu'un lien « préexistant » existait avec sa belle-mère avant sa venue en Suisse, en mai 2015. Il ressort du formulaire de demande d'autorisation de séjour du 2 juillet 2015 signé par la recourante que celle-ci s'est mariée au Kosovo avec Monsieur G______, en janvier 1991. Elle a donné naissance à son premier enfant, le _____ 1992. En outre, selon le permis d'établissement de sa belle-mère, celle-ci est entrée pour la première fois en Suisse le 4 décembre 1993. Ainsi, compte tenu de toutes ces circonstances, il est douteux que la relation préexistante entre la recourante et sa belle-mère pouvait présenter une intensité pouvant créer un lien de dépendance de celle-ci envers celle-là. Il peut être dès lors retenu que la relation entre les deux parents ne présentait, comme l'a relevé l'OCPM confirmé en cela par le TAPI, une certaine intensité qu'à partir du moment où la recourante s'est quotidiennement occupée de sa belle-mère, soit dès son arrivée en Suisse en mai 2015. Ce laps de temps d'une année et six mois ne permet pas de conclure à lui tout seul à un lien de dépendance au sens de l'art. 8 CEDH.

Par ailleurs, objectivement, il n'apparaît pas que du point de vue affectif, un lien particulièrement intense entre la recourante et sa belle-mère existe. Les deux, ressortissantes du Kosovo, partagent certes, à ce titre, la même langue, la même culture et ont sans soute développé des affinités depuis l'arrivée de la recourante en Suisse. Toutefois, ces affinités ne présentent pas, au vu du dossier, un caractère si particulier qu'elles créeraient un lien de dépendance entre la recourante et sa belle-mère. Les soins que la recourante prodigue à sa belle-mère pourraient être dispensés par ses fils ou leurs épouses, comme ils l'ont fait après le décès de leur père. Les obligations professionnelles concernant ses beaux-frères invoquées par la recourante ne sont prouvées que pour M. C______ et son épouse, alors que pour les deux autres frères et leurs épouses, même s'il apparaît qu'ils ont des familles, il ne ressort pas du dossier qu'ils exerceraient des activités professionnelles qui les empêcheraient, en s'organisant, de s'occuper de leur mère malade, ou qu'à défaut, ils ne pourraient pas confier cette tâche à une aide à domicile. Les réticences de leur mère à se voir aidée par une tierce personne hors de son cercle familial ne sauraient constituer un motif pour admettre la recourante à un regroupement familial avec sa belle-mère. Elles relèvent de convenances personnelles de l'intéressée. Elles ne sont pas la preuve que seuls les proches parents de sa belle-mère sont en mesure de lui prodiguer l'attention et les soins dont elle a besoin.

b. Au demeurant, du point de vue économique, la recourante dépend de la famille de sa belle-mère. Aucun lien de dépendance économique de cette dernière à son égard ne peut non plus être établi.

Au vu de ce qui précède, la recourante ne peut pas se prévaloir de l'art. 8 CEDH pour demander le regroupement familial avec sa belle-mère, personne dans laquelle tient l'état de dépendance allégué.

Le grief sera ainsi écarté.

9) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEtr, tout étranger dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyé. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEtr).

b. Le renvoi d'un étranger ne peut être ordonné que si l'exécution en est possible, licite ou raisonnablement exigible (art. 83 al. 1 LEtr). Dans le cas contraire, une admission provisoire peut être prononcée. Le renvoi n'est pas possible lorsque l'intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers (art. 83 al. 2 LEtr). Il n'est pas licite lorsqu'il serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEtr) et n'est pas raisonnablement exigible s'il met concrètement en danger l'étranger concerné (art. 83 al. 4 LEtr ; ATA/882/2014 précité ; ATA/647/2012 du 25 septembre 2012).

c. En l'espèce, la recourante n'a pas d'autorisation de séjour. Le principe même du renvoi doit ainsi être confirmé. Quant à l'exécution de ce renvoi, elle ne paraît pas impossible, la recourante disposant des documents nécessaires pour son retour au Kosovo, un passeport national valable jusqu'en 2018. Sa licéité ne prête pas non plus à discussion, une violation d'un engagement de la Suisse relevant du droit international n'étant pas en cause. Finalement, s'agissant du caractère raisonnablement exigible de ce renvoi, la recourante allègue vouloir retourner dans son pays après son séjour en Suisse. Elle ne prétend pas qu'un retour dans son pays l'exposerait à des risques spécifiques, cela ne ressortant pas plus du dossier.

Au regard de l'ensemble des circonstances, le renvoi de la recourante est possible, licite et raisonnablement exigible au sens de l'art. 83 LEtr.

10) Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 mai 2016 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 avril 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Martin Ahlström, avocat de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.