Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/409/2015

ATA/1300/2015 du 08.12.2015 ( EXPLOI ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 02.02.2016, rendu le 23.09.2016, RETIRE, 2C_117/2016
Descripteurs : CAPACITÉ D'ESTER EN JUSTICE ; COMMUNAUTÉ DES COPROPRIÉTAIRES D'ÉTAGES ; PROPRIÉTÉ PAR ÉTAGES ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; PROPRIÉTAIRE ; AUTORISATION D'EXPLOITER ; RESTAURANT
Normes : LPA.8 ; CC.712l ; LPA.60 ; LRDBH.5.al1.letg
Résumé : Recours contre une décision du Scom accordant aux appelées en cause une autorisation d'exploiter un café-restaurant dans un local situé dans un immeuble en copropriété par étages. Absence de capacité d'ester en justice de la communauté des copropriétaires par étages, l'autorisation ne portant pas sur une partie commune et les immissions alléguées atteignant uniquement les personnes des copropriétaires par étages. Le copropriétaire d'étages au bénéfice du droit exclusif sur le local du café-restaurant, qui a loué ses locaux à une actionnaire locataire qui elle-même est la bailleresse au sens de l'art. 5 al. 1 let. g LRDBH, n'est pas touchée directement par la décision litigieuse, la LRDBH n'ayant au surplus pas pour but de protéger ses intérêts. Recours irrecevable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/409/2015-EXPLOI ATA/1300/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 décembre 2015

 

dans la cause

 

A______
B______
représentées par Me François Bellanger, avocat

contre

SERVICE DU COMMERCE

 

et

 

Madame C______

et

D______, appelées en cause
représentées par Me Christian Ferrazino, avocat


EN FAIT

1) Selon le registre foncier, Monsieur E______, Monsieur F______, Madame G______, Madame H______, Madame I______, ainsi que la B______ (ci-après : SI) sont copropriétaires de la parcelle no 1______ du feuillet 2______ de la commune de Genève-Eaux-Vives, sur laquelle se trouve le bâtiment no 3______, sis au avenue J______.

2) Conformément au registre du commerce (ci-après : RC), la SI, ayant son siège rue K______ chez L______(ci-après : L______), a pour but l’exploitation des lots de propriété par étage qu’elle possède dans l'immeuble sis avenue J______ ainsi que leur location à ses propres actionnaires.

3) Par contrat de durée indéterminée du 2 mai 1973, la SI a loué à Madame M______, actionnaire locataire, les arcades au rez-de-chaussée et le local au sous-sol de l’immeuble du avenue J______, destinés à être des locaux commerciaux.

Ces locaux disposent de leur propre entrée, à l’angle de l’avenue J______ et de la rue N______ (cf. https://goo.gl/maps/______ consulté le 11 novembre 2015).

4) Par contrat du 25 novembre 1999 de durée déterminée jusqu’au 30 novembre 2004, mais renouvelable tacitement pour des périodes de douze mois, l’actionnaire locataire, représentée par la Régie O______(ci-après : la régie), a loué à Madame P______ l’arcade commerciale et le local en sous-sol de l’immeuble avenue J______, destinés à l’exploitation d’un commerce de vente de produits alimentaires, en particulier des donuts et des bagels.

5) Selon le RC, le 18 avril 2000 a été constituée la société Q______(ci-après : Q______), sise avenue J______, dont le capital social nominal s’élève à CHF 100'000.- et ayant pour le but l’exploitation d'un salon de thé, le commerce et la fabrication de produits alimentaires, en particulier la boulangerie.

6) Le 5 septembre 2000, Mme P______ a cédé le bail du 25 novembre 1999 à Q______, avec l’accord de l’actionnaire locataire, représentée par la régie.

7) Le même jour, par avenant no 1 au bail à loyer du 25 novembre 1999 (ci-après : l’avenant), l’actionnaire locataire et Q______ ont modifié la destination des locaux, désormais voués à l’exploitation d’un salon de thé et d’une pâtisserie.

8) Selon le RC, le 10 juin 2011 a été fondée la société D______ (ci-après : D______), sise chemin R______ et ayant pour but d’exploiter un service de traiteur et des restaurants. Monsieur S______ en est administrateur avec signature individuelle et Madame C______ est au bénéfice d’une procuration collective à deux.

9) Conformément au RC, le 20 août 2014, S______ est devenu gérant avec signature individuelle de Q______, tandis que D______ en est devenue associée pour deux parts de CHF 50'000.-.

10) Le 26 mai 2014, C______, en qualité d’exploitante responsable, et S______, en tant que directeur de la propriétaire du fonds de commerce, ont déposé une requête en vue de l’obtention de l’autorisation d’exploiter un établissement régi par la loi sur la restauration, le débit de boissons et l’hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21) auprès du service du commerce (ci-après : Scom), rattaché au département de la sécurité et de l’économie (ci-après : DSE).

La requête avait pour objet un changement de propriétaire du fonds de commerce ainsi qu’un changement d’exploitant du café-restaurant sis avenue J______. L’enseigne actuelle Le T______ devenait Chez U______. C______ était la nouvelle exploitante responsable titulaire du certificat de capacité de cafetier-restaurateur. La société propriétaire du fonds de commerce était D______ pour Q______, cette dernière correspondant au locataire figurant sur le bail à loyer et étant le précédent propriétaire du fonds de commerce.

11) Par décision du 4 août 2014, le Scom a autorisé C______ à exploiter le café-restaurant à l’enseigne Restaurant Chez U______ (ci-après : le restaurant), propriété de D______, sis avenue J______.

12) Par acte du 6 février 2015, la A______ (ci-après : la copropriété) et la SI ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant préalablement à la production des pièces remises par C______ dans le cadre de la demande d’autorisation d’exploiter et principalement à l’annulation de la décision attaquée, avec suite de frais et « dépens ».

Les copropriétaires, qui se trouvaient dans le même immeuble et subissaient des nuisances olfactives au quotidien, étaient directement et spécialement touchés par l’exploitation du restaurant dans l’arcade. L’activité prévue dans l’avenant ne correspondait pas à l’exploitation d’un restaurant ainsi que d’un service de traiteur et de vente à l’emporter, mais à l’exploitation d’un salon de thé et d’une pâtisserie. La décision litigieuse avait été prise sans droit. La copropriété ainsi que la SI avaient incontestablement la qualité pour recourir.

En l’absence de publication de la décision attaquée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO), les intéressées n’avaient eu connaissance de la décision que le 7 janvier 2015, de sorte que le délai avait commencé à courir le 8 janvier 2015.

En tant que parties à la procédure, les intéressées avaient le droit de consulter le dossier du Scom, qui leur en avait à tort refusé l’accès.

À l’appui de sa requête d’autorisation d’exploiter, C______ avait produit le contrat de bail du 25 novembre 1999 entre la bailleresse des locaux, Mme M______, représentée par la régie, et Q______ D______ n’était pas partie à ce bail et ne pouvait s’en prévaloir. L’achat des fonds de commerce de Q______ par D______, qui n’était intervenue qu’après le dépôt de la requête d’autorisation le 27 juin 2014 et le prononcé de la décision litigieuse le 4 août 2014, n’impliquait pas automatiquement le transfert du bail et aucun transfert de bail n’avait été opéré au moment de l’achat des fonds de commerce. D______ et Q______ n’avaient pas conclu de contrat de sous-location, lequel nécessiterait l’accord de Mme M______ et ne pourrait prévoir une destination autre que celle prévue par l’avenant. Le Scom avait délivré l’autorisation en violation de la condition de la production de l’accord du bailleur des locaux de l’établissement.

C______ avait requis seule, en sa qualité d’exploitante, l’autorisation d’exploiter le restaurant, sans être administratrice ni gérante de D______ et donc sans être propriétaire de l’établissement.

Les intéressées étaient particulièrement touchées par l’exploitation du restaurant, notamment par les odeurs très présentes dans l’immeuble. Un contrôle des lieux aurait conduit à la conclusion que l’arcade commerciale n’avait jamais été aménagée ou organisée pour faire de la restauration chaude.

13) Par réponse du 9 mars 2015, le Scom a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à l’octroi d’un délai pour se déterminer sur le fond.

La SI, en tant que propriétaire et bailleur de l’arcade, ne bénéficiait pas de la qualité pour recourir contre l’autorisation d’exploiter délivrée à C______. La copropriété ne constituait pas une entité juridique disposant de la capacité d’ester en justice.

Même à admettre la qualité de partie des intéressées, leur recours, interjeté plus de six mois après la délivrance de l’autorisation d’exploiter, était manifestement tardif.

14) Le 16 mars 2015, sur demande du juge délégué, le Scom a versé à la procédure une copie de la requête d’autorisation d’exploiter du 27 juin 2014 et a invité le juge délégué à en refuser la consultation par les intéressées, vu l’absence de qualité de partie de ces dernières et l’irrecevabilité de leur recours.

15) Le 19 mars 2015, le juge délégué a écrit aux intéressées et au Scom.

Les documents annexés au courrier du Scom du 16 mars 2015 étaient en l’état soustraits à la consultation, vu la demande de ce dernier. Une décision formelle accordant ou refusant le droit de consulter ces documents serait, si nécessaire, prononcée ultérieurement. Par ailleurs, à la lecture du dossier, il apparaissait nécessaire d’appeler en cause les bénéficiaires de l’autorisation en cause, soit C______, exploitante, et D______, propriétaire de l’établissement. Un délai au 12 avril 2015 leur était imparti pour se déterminer à ce sujet.

16) Le 26 mars 2015, C______ a sollicité des informations sur la procédure de recours pendante devant la chambre administrative, à laquelle elle n’avait pas été invitée à participer.

17) Le 27 mars 2015, la copropriété et la SI s’en sont rapportées à l’appréciation de la chambre administrative quant à l’appel en cause de C______ et de D______.

18) Le 9 avril 2015, le Scom a indiqué ne pas s’opposer à l’appel en cause de C______ et D______, persistant au surplus dans ses conclusions.

19) Par décision du 16 avril 2015, le juge délégué a ordonné l’appel en cause de C______ et D______.

20) a. Dans leurs observations du 15 mai 2015, C______ et D______ ont conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, avec suite de frais et « dépens ».

Ni la SI, ni la copropriété n’étaient parties à la procédure instituée par la LRDBH et n’avaient la qualité pour recourir contre la décision litigieuse. L’action populaire n’existait pas. Même à admettre son existence, les occupants de l’immeuble seraient plus fondés à agir que les copropriétaires, qui n’occupaient pas les locaux. La copropriété n’avait de surcroît pas la capacité d’ester en justice, la délivrance d’une autorisation administrative concernant un lot spécifique ne portant nullement atteinte aux droits de la copropriété, ceci d’autant moins que l’autorisation n’emportait aucun changement de destination de l’arcade, affectée depuis 2000 à l’exploitation d’un restaurant. Ni le consentement de la copropriété, ni celui de la SI n’étaient requis pour la délivrance de l’autorisation d’exploiter. Les intéressées n’avaient pas la qualité pour recourir.

Même à admettre la qualité pour recourir, le recours serait tardif. Dans le cadre d’une requête de mesures provisionnelles du 10 décembre 2014, la copropriété et la SI reconnaissaient que Q______ était la société de M. et C______ et s’interrogeaient sur la capacité de Q______ de respecter les nouvelles mesures mises en place par le Scom. En cas de doute à ce propos, il leur revenait d’interpeller Q______, respectivement le Scom. S’étant abstenues d’agir en temps utile, elles ne pouvaient remettre en cause l’autorisation d’exploiter six mois plus tard.

En l’absence de qualité de parties, les intéressées ne pouvaient obtenir le droit de consulter les pièces versées au dossier par le Scom, ceci d’autant moins que certaines données avaient un caractère personnel n’intéressant nullement les propriétaires de l’immeuble.

Il n’existait aucun lien juridique entre les intéressées, d’une part, ainsi que C______ et Q______, d’autre part, le bail ayant été conclu entre cette dernière et Mme M______. Q______, soit pour elle D______ - propriétaire des parts sociales de Q______ -, et l’actionnaire de D______, C______, avaient obtenu durant l’été 2014 déjà l’accord de Mme M______, bailleresse et actionnaire locataire, pour exploiter l’arcade à l’enseigne du restaurant. La société de C______ étant au bénéfice d’un contrat de bail, c’était à juste titre que l’autorisation d’exploiter lui avait été délivrée, en tant que personne physique.

La requête d’autorisation d’exploiter avait été signée par la société propriétaire de l’établissement, représentée par S______.

Les prétendues nuisances n’avaient fait l’objet d’aucune réclamation de la part des occupants de l’immeuble, dans lequel aucun des copropriétaires n’habitait, et ne pouvaient donner un quelconque fondement à la procédure de recours. Si un réel problème existait, il suffirait d’intervenir sur le système d’extraction de l’air, de sorte que l’interdiction de l’exploitation du restaurant serait une mesure disproportionnée et injustifiée, d’autant plus que les travaux d’amélioration de la gaine technique, installée en 2000, avaient été refusés par les intéressées.

b. À l’appui de leurs observations, elles ont versé plusieurs documents à la procédure. Conformément à deux courriers de Mme P______, des 20 novembre 2014 au restaurant et 19 décembre 2014 à la régie, elle avait exploité le restaurant Le T______ du 10 septembre 2000 au 30 novembre 2013 et avait alors une grande clientèle à midi, proposant un plat du jour, différents menus ainsi qu’une carte avec des viandes et des poissons. Les mets étaient préparés dans l’établissement par le cuisinier engagé à cet effet. Dans une décision du 27 avril 2000, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) approuvait les plans présentés en vue de l’aménagement d’un café-restaurant avenue J______.

21) Par réplique du 19 juin 2015, la copropriété et la SI ont persisté dans l’intégralité de leurs conclusions.

Le Tribunal fédéral avait reconnu à diverses reprises que la communauté des propriétaires d’étages bénéficiait de la capacité d’ester en justice pour des questions relevant de l’immeuble en propriété par étage. Elle avait été reconnue dans le domaine de la police des constructions et de l’aménagement du territoire. La copropriété avait la qualité pour agir en relation avec l’autorisation d’exploiter un local commercial compris dans un lot de la propriété par étages, visant la modification de la destination des locaux de l’immeuble en copropriété et source de nuisances pour les propriétaires d’étages, qui se trouvent dans l’immeuble même du restaurant. S’agissant de son bien immobilier, la SI avait la qualité pour recourir.

22) Le 4 août 2015, sur demande du juge délégué, C______ et D______ ont versé à la procédure la requête de mesures provisionnelles de la copropriété du 10 décembre 2014.

23) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté devant la juridiction compétente, le recours est de ce point de vue recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) L’autorité intimée ainsi que les appelées en cause soutiennent que la copropriété n’aurait pas la capacité d’ester en justice.

a. Aux termes de l’art. 8 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), toute partie qui, à teneur du droit public ou du droit privé, peut agir personnellement ou par un mandataire de son choix a capacité d’ester. La capacité d'ester en justice (Prozessfähigkeit) est la faculté de mener soi-même le procès ou de désigner soi-même un mandataire qualifié pour le faire. Elle appartient à toute personne qui a la capacité d'être partie (Parteifähigkeit), c'est-à-dire à toute personne qui a la faculté de figurer comme partie dans un procès. Aussi bien la capacité d'être partie que la capacité d'ester en justice sont des notions de procédure et relèvent donc, théoriquement, du droit cantonal. Elles découlent néanmoins du droit matériel puisque la capacité d'être partie appartient à quiconque a la jouissance des droits civils, de même que la capacité d'ester en justice est le corollaire de l'exercice des droits civils (ATA/994/2014 du 16 décembre 2014 consid. 4a ; ATA/12/2013 du 8 janvier 2013 consid. 4 et les références citées). Tant la capacité d’être partie que celle d’ester en justice sont des conditions sine qua non de l’exercice des droits de partie devant les autorités et juridictions administratives. En conséquence, vu leur caractère impératif, ces conditions ne peuvent faire défaut et il est naturellement exclu de pallier un éventuel défaut par un accord des parties (ATA/994/2014 précité consid. 4a).

b. Lorsque plusieurs personnes ont la propriété d’un bien-fonds, elles en sont copropriétaires (art. 646 al. 1 du code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210). À ce titre, chaque copropriétaire a des droits quant au bien-fonds, notamment celui de faire des actes d’administration courants (art. 647a CC), des actes d’administration plus importants (art. 647b CC) et des actes de disposition (art. 648 CC). Le concours de tous les copropriétaires est nécessaire pour les aliénations, constitutions de droits réels ou changements dans la destination de la chose, à moins qu’ils n’aient unanimement établi d’autres règles à cet égard (art. 648 al. 2 CC).

Le législateur fédéral a choisi de traiter la propriété par étages comme un cas particulier de copropriété (Paul-Henri STEINAUER, Les droits réels, tome I, 5ème éd., 2012, n. 1124a p. 393). Celle-ci se distingue de celle-là par le fait qu’elle est, de par la loi, dotée d’une organisation plus forte (art. 712g à 712t CC). En particulier, la communauté formée par les propriétaires d’étages bénéficie, selon l’art. 712l CC, d’une certaine autonomie juridique (Paul-Henri STEINAUER, op. cit., n. 1126 p. 394).

La capacité restreinte de la communauté des copropriétaires d’étages n’existe que pour les questions relevant de la gestion de l’immeuble (Amédéo WERMELINGER, La propriété par étages, Commentaire des articles 712a à 712t CC, 3ème éd., 2015, n. 146 et 160 ad art. 712l). Elle peut agir en justice pour des questions liées à un état de faits concernant les parties communes de l’immeuble et non pas celles qui ne concernent que les parties exclusives de ce dernier (Amédéo WERMELINGER, op. cit., n. 161 ad art. 712l ; Paul-Henri STEINAUER, op. cit., n. 1303 p. 460). La capacité judiciaire de la communauté englobe toutes les procédures, y compris celles de droit public, lorsqu’elles peuvent concerner la gestion de la propriété par étages (Amédéo  WERMELINGER, op. cit., n. 162 ad art. 712l). Cette capacité s’étend aux procédures dans le domaine de l’aménagement du territoire, pour peu que la propriété par étages soit lésée ou concernée ou pour celles relevant de la police des constructions, tel le permis de construire délivré à un voisin (Amédéo WERMELINGER, op. cit., n. 193 et 194 ad art. 712l). La communauté a la capacité d’agir en réparation du dommage causé aux parties communes ou en cessation de trouble en relation avec de telles parties. Il faut cependant qu’elle subisse elle-même le dommage, ce qui n’est pas le cas pour des immissions qui n’atteignent que les propriétaires d’étages dans leur personne, comme des bruits excessifs (Paul-Henri STEINAUER, op. cit., n. 1303a p. 461). La qualité pour agir a notamment été reconnue à une communauté de copropriétaires d'étages pour contester un changement d'affectation dans les locaux mêmes de la copropriété, la procédure touchant tant les parties communes que les parties exclusives de l’immeuble (ATA/369/2005 du 24 mai 2005 consid. 2d).

c. En l’espèce, le recours a notamment été interjeté au nom de la copropriété, soit pour la communauté des copropriétaires d’étages de l’immeuble avenue J______. Il ressort toutefois du dossier que l’autorisation d’exploiter n’inclut pas de partie commune, mais porte exclusivement sur les locaux de l’un des copropriétaires par étages, soit l’arcade et le local au sous-sol appartenant à la SI, le restaurant disposant au surplus de sa propre entrée, séparée. Par ailleurs, les immissions alléguées, soit les odeurs dues au restaurant, n’atteignent pas la communauté mais uniquement les personnes des copropriétaires par étages.

Au vu de ce qui précède, la copropriété n’a pas la capacité d’ester en justice pour contester la décision litigieuse et son recours sera déclaré irrecevable.

3) L’autorité intimée et les appelés en cause affirment que la SI n’aurait pas la qualité pour recourir.

a. À teneur de l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b).

Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/1067/2015 du 6 octobre 2015 consid. 2a et les références citées).

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué - qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 p. 164 ; 137 II 40 consid. 2.3 p. 43 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_837/2013 du 11 avril 2014 consid. 1.1 ; 1C.152/2012 du 21 mai 2012 consid. 1.2). Ces exigences ont été posées de manière à empêcher l’action populaire proscrite en droit suisse. Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 p. 164 ; 137 II 30 consid. 2 p. 32 ss ; 137 II 40 consid. 2.6.3 p. 46 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1; ATA/134/2015 du 3 février 2015 consid. 2b ; ATA/19/2014 du 14 janvier 2014 consid. 3a). Un intérêt purement théorique à la solution d'un problème est de même insuffisant (ATA/805/2013 du 10 décembre 2013 consid. 1c).

c. La LRDBH a pour but d’assurer qu’aucun établissement qui lui est soumis ne soit susceptible de troubler l’ordre public, en particulier la tranquillité, la santé et la moralité publiques, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu’en raison de sa construction, de son aménagement, de son implantation (art. 2 al. 1 LRDBH).

Néanmoins, l’une des conditions cumulative de délivrance de l'autorisation d'exploiter correspond à la production, par l’exploitant, de l’accord du bailleur des locaux de l’établissement, s’il n’en est lui-même propriétaire (art. 5 al. 1 let. g LRDBH). Selon les travaux préparatoires de la LRDBH, l’idée à l’origine de cette disposition était que l’autorité ne pouvait pas délivrer une autorisation d’exploiter pour un établissement que le requérant n’était pas en droit de gérer au sens du droit civil. Il revenait ainsi à l’autorité de s’assurer, si le requérant n’était pas lui-même propriétaire des locaux, qu’il disposait de l’accord du bailleur. Il n’appartenait en revanche pas au département de trancher les litiges quant à l’existence et au contenu d’un bail portant sur les locaux de l’établissement. Les intéressés devaient être, dans un tel cas, invités à se mettre d’accord et au besoin renvoyés à agir devant les tribunaux compétents (MGC 35/III 4199 p. 4240 s.).

d. En l’espèce, la SI n’est pas destinataire de la décision litigieuse. Elle est toutefois la copropriétaire d’étages de l’immeuble du avenue J______ au bénéfice d’un droit exclusif sur l’arcade et le local au sous-sol utilisés comme locaux pour l’exploitation du restaurant. Elle a cependant loué ces locaux à son actionnaire locataire, Mme M______, qui est la bailleresse au sens de l’art. 5 al. 1 let. g LRDBH. La SI, dont la LRDBH n’a au surplus pas pour but de protéger les intérêts, n’est dès lors pas touchée directement par la décision litigieuse et, en cas de litige relatif à l’utilisation des locaux, il lui revient d’agir devant les tribunaux civils compétents.

La SI n’a par conséquent pas la qualité pour recourir. Son recours sera ainsi également déclaré irrecevable.

4) Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée à chacune des appelées en cause, à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 6 février 2015 par la A______ et par la B______ contre la décision du service du commerce du 4 août 2014 ;

met à la charge de la A______ et de la B______, prises conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’000.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à Madame C______, à la charge de la A______ et de la B______, prises conjointement et solidairement ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à D______, à la charge de la A______ et de la B______, prises conjointement et solidairement ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat des recourantes, au service du commerce, ainsi qu'à Me Christian Ferrazino, avocat des appelées en cause.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :